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Décisions

CA Limoges, ch. corr., 6 juin 2001, n° 00-00419

LIMOGES

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Mercier

Conseillers :

Mme Renon, M. Nervé

Avocats :

Mes Parillaud, Lamagat.

TGI Brive, ch. corr., du 9 nov. 2000

9 novembre 2000

LA COUR,

Décision dont appel

Sur l'action publique :

Le tribunal a déclaré H Bernard Emile et M Christian, Paul, Ernest coupables des faits qui leur sont reprochés, en répression, a condamné H Bernard Emile à un mois d'emprisonnement avec sursis - 40 000 F d'amende et M Christian, Paul, Ernest à 20 000 F d'amende,

Sur l'action civile :

Le tribunal a :

- reçu Gilbert Faureau en sa constitution de partie civile

- déclaré Messieurs H et M responsables du préjudice subi par Monsieur Gilbert Faureau

- condamné solidairement entre eux Messieurs H et M à payer à Monsieur Gilbert Faureau :

- à titre de dommages-intérêts : 10 000 F

- au titre des réparations du véhicule : 7 247,56 F

- au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale : 5 000 F

- condamné solidairement entre eux Messieurs H et M aux dépens de l'action civil ainsi qu'au paiement d'un droit fixe de procédure d'un montant de 600 F chacun.

Appels

Appel de cette décison a été interjeté par :

- Monsieur H Bernard, le 10 novembre 2000

- Monsieur M Christian, le 10 novembre 2000

- Monsieur le Procureur de la République, le 10 novembre 2000

- Monsieur Faureau Gilbert, le 14 novembre 2000

Le 26 juillet 1991 le garage X de Cahors a repris à une cliente un véhicule BX TRD turbo, immatriculé pour la première fois le 5 décembre 1989, ayant parcouru 152 418 Kms au prix de 59 900 F.

Ce véhicule a été ensuite acquis en 1992 par le garage Y de Brive pour 63 700 F et a été immobilisé sur le parc occasion jusqu'au 17 juillet 1996 où il a été vendu à Monsieur Faureau, au prix de 59 000 F selon le bon de commande du 17 juillet 1996 et la facture n° 71 546 du 19 juillet 1996, ou au prix de 59 500 F, selon la facture n° 71 708 du 9 août 1996 émanant du même garage Y,

Le contrôle technique a été effectué le 19 juillet 1996, deux jours après la signature du bon de commande et signalait un essuie-glace en mauvais état, un mauvais réglage des feux de croisement et un jeu anormal avant du mécanisme de direction, défauts à corriger sans obligation d'une contre-visite.

Le véhicule a été livré le 20 juillet 1996 avec un kilométrage de 152 671 unités et une garantie de 6 mois.

Monsieur Faureau a été amené, par suite du mauvais fonctionnement de son véhicule à le ramener à plusieurs reprises au garage Y durant la période de garantie pour y faire effectuer diverses réparations dont le remplacement de la direction par une pièce d'occasion le 30 juillet 1996, le remplacement de l'alternateur le 30 août 1996, la dépose complète de la transmission avant et le remplacement d'un soufflet de cardan le 11 septembre 1996.

Sur réclamation de Monsieur Faureau, la direction départementale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes de Tulle a ouvert une enquête et a établi le 11 juillet 1997 un procès-verbal de délit pour tromperie à l'encontre de Monsieur Bernard H Président Directeur Général de la SA Z, concessionnaire Y à Brive et de Monsieur Christian M responsable des ventes dans ce dernier garage.

Il leur est reproché d'avoir trompé Monsieur Faureau sur les qualités substantielles du véhicule vendu en ne lui ayant pas remis le contrôle technique avant l'achat et en ne l'ayant pas informé que ledit véhicule avait été immobilisé pendant une longue période avant la signature du contrat de vente.

Les prévenus ont été condamnés selon les termes du jugement ci-dessus rapportés et sollicitent leur relaxe en faisant valoir que le délit qui leur est reproché n'est pas constitué et qu'au demeurant Monsieur H ne saurait être condamné pénalement puisqu'il avait délégué ses pouvoirs à Monsieur M.

Monsieur Faureau partie civile a également relevé appel sur l'action civile pour se voir attribuer l'intégralité de ses demandes formulées devant les premiers juges.

Attendu qu'il est constant que le contrôle technique du véhicule litigieux n'a été effectué que postérieurement à la vente et qu'à aucun moment Monsieur Faureau n'a été informé que le véhicule n'avait pas roulé entre 1991 et 1996 autrement que pour le trajet Cahors-Brive et les essais ;

Attendu que les prévenus soutiennent que cette immobilisation prolongée sur un parc de stationnement a été sans incidence sur l'état du véhicule et ils produisent à l'appui de leur argumentation le rapport théorique d'un expert, qui n'a pas examiné le véhicule en question, et qui considère que si le temps avait eu des conséquences néfastes, soit le véhicule n'aurait pas fonctionné, soit les contrôleurs techniques n'auraient pas manqué de les voir et de les noter au niveau des freins, des pneumatiques, ou des craquellements des joints;

Attendu que le même expert a considéré que la rubrique "mécanisme de direction - jeu anormal" du contrôle technique ne devait s'analyser qu'en "une usure en fonction des kilomètres parcourus";

Attendu qu'en définitive, avec beaucoup de mauvaise foi, les prévenus ont renvoyé l'acheteur à ses responsabilités en considérant qu'il devait se rendre compte lui-même de l'état du véhicule et ils se sont dégagés de toute faute en faisant valoir que toutes les réparations effectuées pendant la période de garantie ont été prises en charge sans discussion par le garage Y de Brive;

Mais attendu qu'en ne faisant aucune réparation au niveau de la direction du véhicule le responsable des ventes du garage Y de Brive a délibérément trompé Monsieur Faureau puisque, dix jours après la livraison, la crémaillère a dû être remplacée par une pièce d'occasion, alors même qu'il savait en tant que professionnel ce que cette mention du contrôle technique signifiait et que le client ignorait;

Attendu également qu'il est quasiment de notoriété publique et tombe sous le coup du bon sens qu'un véhicule qui reste immobilisé pendant cinq ans sans rouler sur un parking extérieur ne peut que se détériorer ainsi qu'en a attesté le chef des ventes des établissements A, concessionnaires exclusifs B à Tulle, rappelant les problèmes de fuites et celles de toute nature liées à l'oxydation qui se produisent en pareil cas;

Attendu qu'en dissimulant cette réalité à Monsieur F, Monsieur M s'est rendu coupable de tromperie;

Attendu qu'enfin Monsieur H doit être maintenu dans les liens de la prévention en ce qu'il a, lui-même, opté délibérément, en tant que dirigeant de neuf sociétés B et de celle de Y en particulier, de ne faire procéder au contrôle technique que postérieurement à la signature du bon de commande dans le seul but de faire des économies dans les cas où les véhicules ne sont pas vendus dans les six mois;

Attendu qu'il a ainsi contrevenu à l'article 5 bis du décret du 4 octobre 1958 qui lui faisait obligation de remettre à l'acheteur non professionnel, avant la conclusion du contrat de vente, le procès-verbal de la visite technique établie depuis moins de six mois ; qu'en l'espèce Monsieur Faureau n'aurait peut être pas acquis le véhicule s'il avait su qu'il y avait une anomalie dans la direction;

Attendu que Monsieur M a déjà été condamné pour des faits de tromperie commis en 1997 donc postérieurement à ceux de la présente affaire;

Attendu qu'il y a lieu de le condamner à une peine de 20 000 F d'amende;

Attendu que Monsieur H a été condamné à deux reprises pour tromperie, la première fois pour des faits commis en 1992;

Attendu qu'il y a lieu de le sanctionner d'une peine de 40 000 F d'amende;

Sur l'action civile :

Attendu que les premiers juges ont justement apprécié la situation de la victime partie civile et ont correctement fixé à 10 000 F l'indemnité réparant intégralement son préjudice découlant des immobilisations successives pour réparations de son véhicule durant la période de garantie;

Attendu en revanche que la somme de 7 247,56 F réclamée au titre de réparation du véhicule postérieurement à la période de garantie et jusqu'en 1998 n'est pas justifiée comme découlant directement de l'infraction et sera en conséquence rejetée;

Attendu qu'il y a lieu de confirmer la somme de 5 000 F allouée à Monsieur Faureau sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Reçoit le Ministère public, Bernard H, Christian M et Gilbert F en leurs appels; Sur l'action publique : Confirme le jugement entrepris sur la culpabilité des prévenus; En répression condamne Monsieur Bernard H à quarante mille francs (40 000 F) d'amende; Monsieur Christian M à vingt mille francs (20 000 F) d'amende; Condamne H Bernard Emile et M Christian, Paul, Ernest, au paiement d'un droit fixe de procédure d'un montant de huit cents francs (800 F), chacun; Le tout par application des articles L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3 du Code de la consommation, 473 et 800 du Code de procédure pénale ; Sur l'action civile : Confirme la responsabilité de Monsieur H et de Monsieur M pour les conséquences dommageables du délit de tromperie dont ils ont été déclarés coupables; Réformant partiellement le jugement entrepris et statuant à nouveau; Les Condamne solidairement à payer à Monsieur Gilbert Faureau la somme de dix mille francs (10 000 F) à titre de dommages-intérêts et celle de cinq mille francs (5 000 F) sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.