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Décisions

CA Toulouse, 3e ch. sect. 1, 19 octobre 1999, n° 98-04903

TOULOUSE

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Dauphin Ota (Sté)

Défendeur :

Amiel

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Broquiere

Conseillers :

MM. Helip, Ignacio

Avoués :

SCP Nidecker-Prieu, SCP Sorel-Dessart-Sorel

Avocats :

Mes Cabanes, Caston-Cabouche-Gabrielli

TI Toulouse, du 17 sept. 1998

17 septembre 1998

Faits et procédure

Par contrat en date du 24 septembre 1992, Mme Amiel a loué pour une durée de 6 ans à la société Dauphin Ota, un terrain permettant l'installation d'un panneau publicitaire.

Le 3 février 1997 Mme Amiel a signé un second contrat avec la société Dauphin Ota.

Les 21 février et 3 mars 1997, Mme Amiel a informé la société Dauphin Ota de sa volonté de dénonciation du premier contrat et de rétractation du second.

Par acte d'huissier en date du 7 janvier 1998, Mme Amiel a assigné la société Dauphin Ota devant le Tribunal d'instance de Toulouse aux fins d'entendre dire notamment que le délai légal de rétractation commençait à courir à compter de la réception du contrat signé par le preneur, que la rétractation était valable car exercée dans le délai légal et que le contrat de location était nul.

Par jugement en date du 17 septembre 1998, le Tribunal d'instance de Toulouse a fait droit aux demandes de Mme Amiel et a prononcé la nullité du contrat signé le 3 février 1997 tant au regard des dispositions de l'article L. 121-23 et L. 121-24 du Code de la consommation relatives au démarchage à domicile qu'au regard de l'article 39 de la loi du 29 décembre 1979.

Le tribunal condamnait par ailleurs la société Dauphin Ota à remettre l'emplacement loué dans son état antérieur au 1er octobre 1998 sous astreinte de 500 F par jour de retard à défaut d'exécution dans le mois qui suit la signification.

La société Dauphin Ota est appelante de cette décision.

Prétentions des parties

La société Dauphin Ota soutient que la rétractation de Mme Amiel est irrecevable car intervenue postérieurement au délai légal.

Elle prétend que l'absence de formulaire ne saurait se présumer et qu'il appartient en conséquence à Mme Amiel d'en rapporter la preuve.

En tout état de cause, elle fait valoir que même si l'absence de formulaire peut apparaître comme un motif permettant de valider une rétractation mal formulée elle ne peut en aucun cas couvrir une tardiveté dans la résiliation.

Elle considère donc que l'absence de formulaire ne saurait entacher le contrat de nullité dès lors que la contestation n'a pas été formulée dans le délai légal de 7 jours et ce, d'autant que Mme Amiel, habituée à ce type de relations contractuelles était totalement informée des droits et obligations réciproques des parties.

Elle conteste la prétendue irrégularité de la durée du bail et prétend au contraire que celle-ci est conforme au délai de 6 ans tel que prévu dans l'article 39 de la loi du 29 décembre 1979. Elle justifie la conclusion du contrat avec prise d'effet repoussée dans le temps par les délais de réalisation et d'installation des panneaux publicitaires ainsi que par l'expiration du premier contrat venant à échéance le 1er juillet 1998.

Elle sollicite la prise en charge des frais d'instance par Mme Amiel.

Elle conclut donc :

- à l'infirmation du jugement,

- au rejet de l'ensemble des prétentions de l'intimée,

- à la condamnation de cette dernière au paiement de la somme de 7 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Mme Amiel soutient d'une part que le contrat de location ne comportait aucun formulaire détachable alors que l'existence de ce dernier, annexé au contrat, est impérative et d'ordre public. Elle considère donc qu'en son absence, le contrat est sanctionné par la nullité.

En réplique à l'argumentation de l'appelante, elle soutient qu'il appartient à la société Dauphin Ota d'établir la régularité du contrat dont elle demande l'exécution et donc, de rapporter la preuve de la remise du formulaire détachable.

Elle fait valoir en outre, qu'en sa qualité de professionnel, il appartenait au locataire de se prévenir de ce type de contestation en insérant dans le contrat, une clause par laquelle le bailleur reconnaissait avoir reçu ce formulaire.

Elle réfute l'argumentation de l'appelante selon laquelle le défaut d'imprimé ne saurait entacher l'intégralité du contrat de nullité et fait valoir que le seul défaut de mentions obligatoires entraîne cette nullité.

Enfin elle fait valoir qu'elle a expressément manifesté sa volonté de résilier le contrat par lettre recommandée avec accusé de réception 5 jours après réception du contrat.

Elle soutient d'autre part qu'en prévoyant une date de prise d'effet postérieure à la conclusion du contrat, la société Dauphin Ota a entendu prolonger la durée maximale et impérative de 6 ans telle que prévue par l'article 39 de la loi du 29 décembre 1979 et qu'en conséquence le contrat est entaché de nullité.

Enfin, elle considère que sa rétractation est valable dans la mesure où celle-ci est intervenue dans les 5 jours de la conclusion du contrat, soit le 27 février 1997, date de la réception du contrat dûment signé par le preneur la société Dauphin Ota et non le 3 février, date où seul le bailleur avait signé le contrat.

Elle sollicite la prise en charge de ses frais par l'appelante.

Elle conclut donc :

- à la confirmation de la décision,

- à la constatation de l'absence de formulaire détachable,

- à la constatation du contrat conclu pour une durée supérieure à la durée légale,

- au prononcé de la nullité,

En tout état de cause :

- à la validité du délai de rétractation,

- à la condamnation de l'appelante au paiement de la somme de 20 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'au paiement des entiers dépens et ce sous bénéfice de l'exécution provisoire.

Motifs de l'arrêt

En droit, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et elles doivent être exécutées de bonne foi.

En l'espèce, il n'est pas contesté que le premier contrat signé le 24/09/1992 pour une durée de 6 ans à compter du 01/07/1992 doit s'appliquer jusqu'au 30/06/1998.

Le litige ne porte en réalité que sur le second contrat signé le 03/02/1997, à effet à compter du 1er juillet 1998.

Il n'est pas contesté que ce contrat a été signé après qu'un représentant de la société Dauphin Ota se soit rendu au domicilie de Mme Amiel.

Aux termes des dispositions de l'article L. 121-23 du Code de la consommation, les contrats résultant d'un démarchage à domicile doivent comporter à peine de nullité, entre autres mentions, la faculté de renonciation prévue à l'article L. 121-25 ainsi que les conditions d'exercice de cette faculté et de façon apparente, le texte intégral des articles L. 121-23 à L. 121-26.

La cour ne peut que constater que le contrat litigieux mentionne effectivement les textes ci-dessus évoqués.

De plus le contrat fait allusion à l'existence d'un formulaire détachable de rétractation, dans une note figurant au bas de la première page, note 7, ainsi rédigée "Si vous annulez votre commande, vous pouvez utiliser le formulaire détachable ci-contre (exemplaire 5)".

Mme Amiel qui conteste l'existence de ce formulaire au motif que le contrat porte la mention "fait en quatre exemplaires dont un remis ce jour au bailleur" n'apparaît pas de bonne foi.

En effet, la société Dauphin Ota a versé aux débats un formulaire vierge de contrat qui se révèle être composé outre les quatre feuillets constituant les quatre exemplaires du contrat proprement dit, d'un cinquième feuillet constituant le formulaire de rétractation, qui se trouve de ce fait non intégré dans le texte du contrat, de sorte que lorsqu'il est détaché de la liasse, il ne subsiste aucune preuve de son existence autre que la mention figurant à la note 7 précitée.

En tout état de cause, il convient d'observer que seule est exigée à peine de nullité l'indication de la faculté de rétractation (article L. 121-23), l'absence de formulaire détachable n'étant assortie d'aucune sanction particulière (article L. 121-24).

Enfin il ressort du courrier du 21/02/1997 adressé par Mme Amiel à la société Dauphin Ota que l'intimée reconnaît l'existence du formulaire de rétractation puisqu'elle écrit : "ce commercial m'a laissé un double du contrat signé le 3 février 1997 en emportant le formulaire de renonciation...).

Il apparaît ainsi que le contrat n'est pas nul au regard des dispositions relatives au démarchage à domicile.

Mme Amiel a déclaré exercer sa faculté de rétractation par le courrier précité du 21/02/1997, adressé en recommandé avec accusé de réception.

Aux termes de l'article L. 121-25 du Code de la consommation, la faculté de renonciation doit être exercée dans les 7 jours de la commande ou de l'engagement d'achat, avec prorogation jusqu'au premier jour ouvrable suivant, si le délai expire un samedi.

Or le contrat a été signé par la bailleresse le 03/02/1997. A la date du 21/02/1997, le délai de rétractation était donc largement dépassé. Mme Amiel ne peut valablement soutenir que le point de départ du délai serait la date à laquelle le preneur a accepté la proposition de location alors que l'article L. 121-25 vise expressément la date de l'engagement de la personne démarchée qui ne peut donc être en l'espèce que la date à laquelle Mme Amiel a signé soit le 03/02/1997. Il s'ensuit que Mme Amiel est hors délai pour prétendre user de sa faculté de rétractation.

Enfin Mme Amiel soutient que le contrat serait irrégulier pour avoir été conclu pour une durée supérieure à 6 ans, puisque le contrat a été signé le 03/02/1997 avec effet du 01/07/1998.

Aux termes de l'article 39 de la loi du 29/12/1979, le contrat de louage d'emplacement privé aux fins d'apposer de la publicité est conclu pour une période qui ne peut excéder six ans à compter de sa signature, disposition déclarée d'ordre public.

La finalité de cette disposition légale est d'éviter que le bailleur ne puisse être lié par un bail d'une durée supérieure à 6 années.

En l'espèce, Mme Amiel ne peut prétendre que le second bail l'engage pour une durée supérieure à 6 ans alors que l'emplacement publicitaire litigieux est loué à la société Dauphin Ota par un premier contrat dont la validité n'est pas contestée et qui vient à expiration le 30/06/1998 et que le bail conclu en vertu du second contrat, qui mentionne expressément qu'il aura une durée de 6 ans à compter du 01/07/1998 ne dépasse pas la durée limite fixée par l'article 39 de la loi du 29/12/1979, peu important en l'espèce que la signature du second bail ne coïncide pas avec la date de prise d'effet de celui-ci puisque pour la période du 03/02/1997 au 30/06/1998, l'emplacement était régulièrement loué à la société Dauphin Ota en vertu du bail du 24/12/1992.

Il s'ensuit que le bail du 03/02/1997 n'est pas nul au regard de la loi du 29/12/1979.

Il y a lieu en définitive d'infirmer le jugement entrepris et de débouter Mme Amiel de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la société Dauphin Ota.

Eu égard aux circonstances de la cause et à la situation économique respective des parties, il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la Sté Dauphin Ota la charge de ses frais de procès non compris dans les dépens.

Par ces motifs, LA COUR, Infirme le jugement entrepris. Déboute Mme Maryline Amiel de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la société Dauphin Ota. Condamne Mme Amiel aux dépens de première instance et d'appel. Dit que les dépens d'appel pourront être recouvrés par la SCP Nidecker-Prieu Philippot, Avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile. Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure Civile.