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Décisions

CA Paris, 13e ch. B, 25 novembre 1997, n° 97-02264

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Comité national contre le tabagisme

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Petit

Avocat général :

M. Blanc

Conseillers :

MM. Paris, Faucher

Avocats :

Mes Cabrières, Antonini

TGI Paris, 31e ch., du 7 janv. 1997

7 janvier 1997

Rappel de la procédure:

Le jugement:

Le tribunal, par jugement contradictoire, a déclaré M Philippe

Coupable de publicité illicite en faveur du tabac, faits commis courant 1996, à Paris et dans le département des Hauts de Seine, infraction prévue par l'article 1, 2, 8,12, 15 loi 76-616 du 09-07-1976

Et, en application de ces articles,

L'a condamné à 30 000 F d'amende

L'a condamné à payer au Comité national contre le tabagisme la somme de 30 000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 5 000 F au titre de l'article 475-1 du CPP

A déclaré la société X SARL civilement responsable de M. Philippe M

A dit que cette décision est assujettie au droit fixe de procédure de 600 F dont est redevable M. Philippe M.

Les appels:

Appel a été interjeté par:

- X SARL (Sté), le 14 janvier 1997 contre Comité national contre le tabagisme

- M. le Procureur de la République, le 14 janvier 1997 contre Monsieur M Philippe

- Monsieur M Philippe, le 14 janvier 1997 contre Comité national contre le tabagisme

- le Comité national contre le tabagisme, le 17 janvier 1997 contre X SARL (STE), Monsieur M Philippe

Décision:

Rendue contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant sur les appels relevés par le prévenu, le Ministère public, la société civilement responsable et la partie civile à l'encontre du jugement précité, auquel il convient de se référer pour l'exposé de la prévention;

Par voie de conclusions conjointes, Philippe M et la société X, en qualité de civilement responsable, sollicitent par infirmation, le prononcé de l'irrecevabilité de l'appel du CNCT au regard des témoignages produits, en tout état de cause l'infirmation de la décision entreprise, la relaxe de Philippe M et la mise hors de cause de la société X, prise en qualité de civilement responsable;

Ils font valoir essentiellement qu'à l'appui de ses demandes, le CNCT produit deux attestations qui émanent de "permanents" de ses services, et qui doivent dès lors être considérées comme établies par la partie civile elle-même;

Qu'il échet, en conséquence, de les écarter des débats; qu'en tout état de cause, l'opération ne s'est pas déroulée ainsi que le prétend le CNCT; qu'en réalité, elle a consisté dans la seule distribution par une hôtesse, dans un débit de tabac de Courbevoie, de cadeaux publicitaires de faible valeur, qui étaient remis aux acheteurs de paquets de cigarettes de marque Y;

Que ces cadeaux ne portaient pas le logo de la marque de cigarettes; que cette offre de cadeaux publicitaires doit être considérée comme "une simple condition de vente", ne constituant pas une infraction aux dispositions de l'article L. 355 25 du Code de la santé publique; que la loi laisse la faculté aux marques de tabac de faire de la publicité à l'intérieur des débits de tabac (arrêté du 31 décembre 1992); que, par ailleurs, le CNCT ne justifie pas de la réalité du préjudice qu'il aurait subi;

Monsieur l'avocat général requiert la confirmation du jugement dont appel. Il fait observer que les faits tels que décrits par le prévenu constituent en soi une publicité indirecte pour le tabac, destinée à majorer sa consommation ultérieure;

Par voie de conclusions, le CNCT, partie civile, sollicite la confirmation de la décision entreprise sur la déclaration de culpabilité. Il demande, en outre, la condamnation de Philippe M à lui verser la somme de 100 000 F à titre de dommages et intérêts et celle de 5 000 F sur le fondement de l'article 475-1 du CPP en cause d'appel; il demande enfin à ce que la société X soit déclarée civilement responsable;

Il fait valoir essentiellement que, courant juin 1996 et incontestablement, le 10 juin 1996, la SARL X dont le gérant est M Philippe au moment des faits, a organisé une importante opération publicitaire pour le lancement sur le marché français d'une nouvelle marque de cigarettes espagnoles "Y";

Que cette campagne s'est notamment déroulée à Courbevoie;

Que dans les bureaux de tabac de cette ville et notamment à l'intérieur du café tabac Z Tabac situé <adresse>, se trouvaient des hôtesses qui allaient au devant des consommateurs;

Que ces hôtesses étaient revêtues de robes aux couleurs de la marque Y;

- offrant des cadeaux en contrepartie de l'achat des nouveaux paquets Y:

Un porte clés pour 1 paquet un stylo pour 2 paquets

Un tee-shirt pour 1 cartouche

- proposant aux clients de goûter gratuitement une cigarette Y;

Que cette opération constitue incontestablement une violation de l'article L. 355-25 du Code de la santé publique qui interdit toute publicité directe ou indirecte en faveur du tabac;

Que cette opération avait incontestablement pour objet de lancer sur le marché français une nouvelle marque de cigarettes, de promouvoir cette marque et d'inciter à la consommation de ce nouveau produit;

Que comme l'a justement rappelé le tribunal, le fait que cette opération se soit déroulée à l'intérieur d'un débit de tabac, ne constitue pas l'exception de l'article L. 355-25 qui admet seulement les affichettes à l'intérieur des bureaux de tabac;

Que cette opération constitue de même une deuxième violation de l'article L. 355-25 qui interdit sans aucune exception, toute distribution gratuite de cigarettes;

Qu'il y a donc lieu de confirmer la décision des premiers juges sur les dispositions pénales et de majorer les dommages-intérêts alloués, le tribunal ayant fait "une appréciation insuffisante du préjudice subi par la partie civile, compte tenu des violations incessantes de la loi commises par les fabricants de tabac et les professionnels liés à sa commercialisation;

Sur l'action publique

Considérant que la cour constate que la citation originelle indique que les faits reprochés ont été commis à Courbevoie, Neuilly, Levallois et Paris 16e courant juin 1996; qu'elle relève toutefois que les pièces produites ne visent que des faits qui se sont déroulés le 10 juin 1996, dans l'après-midi, au café-tabac ZTabac, situé place <adresse>à Courbevoie;

Qu'elle estime, dans ces conditions, qu'il échet de renvoyer le prévenu des fins de la poursuite du chef de publicité illicite en faveur du tabac, faits commis courant juin 1996 à Neuilly, Levallois et Paris 16e; que le jugement dont appel sera donc modifié sur ce point;

Considérant que la cour constate que si le prévenu et la société civilement responsable contestent la réalité d'une distribution gratuite de cigarettes à l'intérieur du café-tabac Z Tabac de Courbevoie, ils reconnaissaient toutefois que l'hôtesse en cause a offert des cadeaux publicitaires aux acheteurs de paquets de cigarettes de la marque Y;

Que la cour considère que ces cadeaux, même s'ils ne portaient pas le logo de la marque constituaient une véritable publicité directe en faveur du tabac, puisqu'ils incitaient le consommateur à dépenser davantage pour la marque Y; que la cour relève par ailleurs que les témoignages produits par le CNCT dont la recevabilité est contestée sans motif légitime, corroborent sans équivoque possible, ce qui est déjà reconnu par Philippe M et sa société;

Que le fait que cette opération publicitaire se soit déroulée à l'intérieur d'un débit de tabac n'est pas exonératoire de responsabilité; qu'en effet, l'article L. 355-25 du Code de la santé publique énumère limitativement les opérations de ce type autorisées à l'intérieur des établissements précités, à savoir l'apposition d'affichettes, non visibles de l'extérieur, et conformes à des caractéristiques définies par arrêté ministériel;

Considérant dès lors qu'au regard des éléments de la cause, la cour, comme le tribunal, est convaincue de ce que Philippe M s'est rendu coupable de l'ensemble des faits tels que visés à la prévention; qu'en conséquence, la cour confirmera le jugement dont appel sur la déclaration de culpabilité ainsi qu'en répression, les premiers juges ayant fait à Philippe M une juste application de la loi pénale;

Sur l'action civile

Considérant qu'en l'espèce, la cour ne trouve pas motif à modifier la décision critiquée qui a fait une équitable appréciation du préjudice subi par le CNCT et découlant directement des faits visés à la prévention;

Qu'elle confirmera donc le jugement dont appel sur les dispositions civiles et condamnera Philippe M à verser au CNCT la somme supplémentaire de 5 000 F sur le fondement de l'article 475-1 du CPP en cause d'appel;

Considérant que la cour confirmera la décision entreprise qui a déclaré la société X civilement responsable de Philippe M;

Par ces motifs: LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement; Accueillant pour partie, rejetant pour partie les conclusions de Philippe M et de la société X; Sur l'action publique: Modifie partiellement le jugement dont appel, Renvoie Philippe M des fins de la poursuite du chef de publicité illicite en faveur du tabac et de distribution gratuite de cigarettes, faits commis courant juin 1996 à Neuilly, Levallois et Paris 16e; Confirme le jugement dont appel en ce qu' il a déclaré le prévenu coupable de publicité illicite en faveur du tabac et de distribution gratuite de cigarettes, faits commis courant juin 1996 à Courbevoie; Confirme la décision entreprise sur la peine infligée; Sur l'action civile: Confirme le jugement dont appel sur les dispositions civiles; Y ajoutant, Condamne Philippe M à verser au CNCT la somme supplémentaire de 5 000 F sur le fondement de l'article 475-1 du CPP en cause d'appel; Confirme le jugement déféré qui a déclaré la société X civilement responsable de Philippe M; Dit que cette décision est assujettie au droit fixe de procédure de 800 F dont est redevable le condamné.