CA Versailles, 12e ch. sect. 2, 4 septembre 2003, n° 01-03773
VERSAILLES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Seditec (SARL)
Défendeur :
Calcado Combate (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Laporte
Conseillers :
MM. Coupin, Fedou
Avoués :
SCP Keime & Guttin, SCP Lissarague-Dupuis & Boccon-Gibod
Avocats :
Mes Meisner, Lapp
Faits, procédure et moyens des parties
Par contrat en date du 18 avril 1985 et avenant du 17 décembre suivant, la société de droit portugais Calcado Combate, qui fabrique des chaussures, a confié à Monsieur Edmond Guidez un mandat d'agent commercial pour la représentation exclusive de ses produits sur le territoire français.
Se prévalant de la reprise à son bénéfice du contrat d'agent commercial et faisant à la société Calcado Combate le grief de l'avoir mise dans l'impossibilité d'exercer son activité, la société européenne de diffusion de textile et cuirs dite Seditec l'a assignée devant le Tribunal de commerce de Pontoise pour obtenir la somme de 190 000 F (28 965,31 euro) au titre de l'indemnité de préavis de trois mois en application de l'article 11 de la loi du 25 juin 1991 (devenue L. 134-11 du Code de commerce), celle de 762 258 F (116 205,48 euro) représentant l'indemnité légale compensatrice en réparation du préjudice subi, outre 15 000 F (2 286,74 euro) par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par jugement rendu le 26 février 2001, cette juridiction l'a déclarée irrecevable en son action pour défaut de qualité à agir en retenant que les pièces produites aux débats ne démontraient pas l'existence d'une relation contractuelle entre les sociétés Calcado Combate et Seditec qu'elle a, en outre, condamnée à payer 6 000 F (914,69 euro) en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La société Seditec, qui a interjeté appel de cette décision, réfute l'argumentation de la société Calcado Combate qui prétend que son appel est irrecevable et soutient que l'irrégularité alléguée d'une mention dans la déclaration d'appel n'entraîne la nullité de celle-ci que si la preuve d'un grief est rapportée ce que ne constitue pas l'impossibilité d'exécuter la décision de première instance.
Elle explique qu'elle a été créée par monsieur Edmond Guidez en 1995 et fait valoir qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 25 juin 1991 (en réalité L. 134-1 du Code de commerce) l'agent commercial dispose d'une liberté totale d'organiser son activité sans être tenu d'en informer son mandant. Elle explique que, créée par Monsieur Edmond Guidez pour organiser son activité, le contrat d'agent commercial lui a été transmis. Elle précise que Monsieur Stéphane Guidez a succédé à son père dans les fonctions de gérant et, donc, dans les relations avec la société Calcado Combate.
Elle se prévaut des commandes passées et des correspondances envoyées sur son papier à en-tête et signées par son gérant Stéphane Guidez ainsi que des factures émises et comportant son cachet commercial. Elle ajoute que le dernier chèque de règlement a été versé à son ordre. Elle souligne enfin les nombreuses télécopies échangées avec la société Calcado Combate concernant les articles traités pour des clients français.
Elle en déduit qu'elle a qualité à agir et demande à la cour d'infirmer le jugement.
Elle invoque les dispositions de "l'article 11 de la loi du 25 juin 1991" (en réalité L. 1344-11 du Code de commerce), explique que la société Calcado Combate a décidé en 1998 de mettre fin à ses relations avec son agent en réorganisant la distribution de ses produits sur le territoire français sans l'en informer et sans respecter le préavis. Elle réclame à ce titre le paiement d'une somme forfaitairement évaluée à 28 965,31 euro.
Elle s'estime également créancière, par application des articles 12 et 13 "de la loi de 1991" (en réalité L. 134-12 et L. 134-13 du Code de commerce) de l'indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi à raison de la cessation des relations de l'agent commercial avec le mandant, qu'elle évalue à une année de commissions calculée sur la moyenne des trois dernières années et qu'elle chiffre ainsi à 116 205,48 euro.
Elle sollicite en conséquence la condamnation de la société Calcado Combate à lui payer les sommes de 28 965,31 euro et 116 205,48 euro outre une indemnité de 3 811,23 euro pour ses frais irrépétibles.
La société Calcado Combate expose que l'adresse figurant sur la déclaration d'appel n'est plus celle de la société Seditec, que l'huissier n'a pu signifier le jugement car la société débitrice n'a plus de domiciliation commerciale chez la société de domiciliation Domitel et n'a plus de nouvelle adresse, qu'elle a tout lieu de penser que la société Seditec a transféré son siège à une adresse inconnue. Invoquant les dispositions des articles 901 et 960b et 961 du nouveau Code de procédure civile, elle conclut à la nullité de la déclaration d'appel ainsi qu'à l'irrecevabilité des conclusions à défaut de justification par la société Seditec de l'adresse actuelle de son siège social.
Elle explique qu'elle a entendu, par le contrat, accorder une représentation exclusive en France de ses produits à la seule personne de Monsieur Edmond Guidez qui ne l'a jamais informée de son intention de céder son activité à la société Seditec qui constitue une personne juridique morale distincte, rappelant que le mandataire ne peut se substituer une autre personne sans l'accord du mandant.
Elle observe que la société Seditec ne justifie pas de son inscription sur le registre spécial des agents commerciaux au greffe du tribunal de commerce, pourtant obligatoire.
Elle explique qu'elle avait toujours admis que Monsieur Stéphane Guidez assistait son père dans l'exécution de son mandat et soutient que l'envoi par la société Seditec de nombreuses télécopies ne démontre pas qu'elle avait accepté cette dernière en qualité d'agent commercial. Elle réfute à cet égard le caractère probant des pièces invoquées par la société Seditec.
Aussi conclut-elle à la confirmation du jugement dans l'ensemble de ses dispositions.
A titre subsidiaire, elle rappelle que celui qui invoque la résiliation du contrat d'agent commercial doit la prouver et affirme qu'aucun des éléments produits ne permet d'établir qu'elle a pris l'initiative de la rupture.
Elle fait observer que, pour calculer le montant sollicité de l'indemnité de résiliation, la société Seditec ne prend pas en compte le chiffre des commissions de 1998 moins florissant que les précédents et qu'elle ne justifie pas le montant sollicité au titre du préavis. Elle conclut ainsi au débouté de la société Seditec de ses demandes.
Elle réclame en toute hypothèse une somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile
La procédure a été clôturée par une ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 24 mars 2003 et l'affaire a été évoquée à l'audience du 20 mai
2003.
Motifs de la décision
* Sur la nullité de la déclaration d'appel et l'irrecevabilité des conclusions
Considérant qu'invoquant les dispositions des articles 901, 960 et 961 du nouveau Code de procédure civile, la société Calcado Combate tire de la prétendue inexactitude de l'adresse du siège social de la société Seditec, la double conséquence de la nullité de la déclaration d'appel et de l'irrecevabilité des conclusions;
mais considérant que le domicile d'une société est le lieu où elle a son siège social; qu'en l'espèce ce siège est fixé 23 avenue du 8 mai 1945 à 95200 Sarcelles ainsi que cela est mentionné sur l'extrait d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés produit aux débats;
considérant que la circonstance que la société spécialisée chez qui elle est domiciliée ait répondu à l'huissier que Seditec n'avait plus de domiciliation commerciale à cet endroit n'est pas de nature à démontrer l'inexactitude alléguée de cette adresse à défaut, en l'espèce, de tout procès-verbal de recherches infructueuses;
qu'il suit de là que le moyen de la nullité de la déclaration d'appel doit être écartée et l'exception rejetée et que les conclusions de la société Seditec doivent être déclarées recevables;
* Sur la qualité de la société Seditec à agir
Considérant que le contrat d'agent commercial et son avenant respectivement signés les 19 avril et 17 décembre 1985 ont été conclus par la société Calcado Combate et Monsieur Edmond Guidez;
considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 134-1 du Code de commerce l'agent commercial est un mandataire qui exerce librement son activité, de manière indépendante;qu'il dispose à cet égard d'une liberté totale d'organisation sans être tenu d'informer son mandant de ses choix;
mais considérant toutefois que cette liberté, si elle autorise l'agent commercial à s'assurer de la collaboration d'autres personnes physiques ou morales, ne saurait avoir pour portée de lui permettre de se substituer, sans autorisation du mandant, une société commerciale, fut-elle constituée à son initiative, dès lors, qu'une société à responsabilité limitée, telle la société Seditec, est une personne morale distincte de ses associés et animateur;
considérant que, comme le souligne cette dernière, un contrat d'agent commercial est un mandat conclu intuitu personae,qu'en l'espèce le contrat n'envisage ni n'autorise aucune substitution de Monsieur Edmond Guidez;
considérant que l'emploi par Monsieur Stéphane Guidez, nouveau gérant de la société commerciale, d'un papier à en-tête et l'utilisation d'un tampon humide Seditec démontrent la réalité de la collaboration directe de cette société et de son gérant à l'exécution du mandat d'agent commercial mais n'ont aucunement pour effet de placer la société Seditec dans la situation de cocontractant de la société Calcado Combate ni d'établir que Monsieur Edmond Guidez se serait substitué la société dans le bénéfice du contrat dès lors que la preuve n'est pas rapportée que celle-ci aurait explicitement accepté la substitution;que toutes les correspondances émanant de la société Calcado Combate sont destinées soit à Monsieur Edmond Guidez soit à son fils, aucune lettre ou télécopie n'ayant été adressée à la société Seditec;
considérant que la circonstance, non discutée, du défaut d'inscription de la société Seditec au registre des agents commerciaux tenu au greffe du tribunal de commerce de son siège social confirme sa situation de simple collaborateur de Monsieur Edmond Guidez, seul titulaire du contrat d'agent commercial;
considérant que la société Calcado Combate affirme, sans être contredite que la totalité des commissions ont été réglées à Monsieur Edmond Guidez ou à son fils mais jamais à la société Seditec; que la circonstance, à cet égard, que l'arriéré litigieux de commissions pour 1998 ait été payé au moyen d'un chèque émis à l'ordre de la société Seditec ne saurait démontrer l'acceptation par la société Calcado Combate d'une substitution dans l'identité juridique de son cocontractant dès lors que c'est, dans le cadre d'un accord et à la demande explicite du conseil de Monsieur Edmond Guidez, que ce règlement a été fait de cette manière;
qu'il résulte de ce qui précède que la société Seditec n'apporte pas la démonstration qu'elle serait devenue titulaire, au demeurant pas un moyen juridique qu'elle ne précise pas, du mandat d'agent commercial contractuellement confié, en 1985 à Monsieur Edmond Guidez; qu'elle n'a en conséquence pas d'intérêt à poursuivre l'indemnisation des préjudices résultant de la cessation de ce contrat;
que doit en conséquence recevoir confirmation le jugement qui l'a déclarée irrecevable.
* Sur les autres demandes
Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la société Calcado Combate la charge des frais qu'elle a été contrainte d'engager en cause d'appel; que la société Seditec sera condamnée à lui payer une indemnité complémentaire de 1 500 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
considérant que l'appelante qui succombe dans l'exercice de son recours doit être condamnée aux dépens.
Par ces motifs, Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Rejette l'exception de nullité de la déclaration d'appel, Déclare recevables les conclusions signifiées par la société européenne de diffusion de textile et cuirs Seditec, Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris, Y ajoutant, Condamne la société Européenne de Diffusion de Textile et Cuirs Seditec à payer à la société Calcado Combate la somme complémentaire de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, La condamne aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés directement par la SCP Lissarrague-Dupuis-Boccon-Gibod, société titulaire d'un office d'avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.