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Décisions

CCE, 20 juillet 1999, n° 2000-262

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

Aide d'État accordée par l'Italie au chantier naval INMA

CCE n° 2000-262

20 juillet 1999

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

>Vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 88, paragraphe 2, premier alinéa, vu l'accord sur l'Espace économique européen, et notamment son article 62, paragraphe 1, point a), après avoir invité les intéressés à présenter leurs observations conformément audit article(1) et vu ces observations,

Considérant ce qui suit:

I. Procédure

(1) Dans le cadre du monitoring de la décision de la Commission du 17 juillet 1996(2) concernant le holding public GEPI (devenu Itainvest depuis le 12 septembre 1997 et cité ci-après sous cette nouvelle dénomination), les responsables du holding ont reconnu avoir, en 1997, accordé à une des entreprises contrôlées à 100 %, en l'occurrence le chantier naval INMA, une dotation en capital d'environ 100 milliards de lires italiennes (51,6 millions d'euro) afin de couvrir les pertes enregistrées par le chantier en 1996 et 1997. À la suite de cette information, une demande de renseignements a été adressée aux autorités italiennes le 1er octobre 1998. Par lettre du 9 novembre 1998 de sa représentation permanente, l'Italie a fourni les informations demandées sous la forme des comptes annuels de l'entreprise de 1992 à 1997.

(2) Par lettre du 19 janvier 1999, la Commission a informé le Gouvernement italien de sa décision d'ouvrir la procédure prévue à l'article 88, paragraphe 2, du traité à l'encontre de cette aide. Les autorités italiennes ont fait parvenir leurs observations à la Commission par lettre de leur représentation permanente n° 3896 du 2 mars 1999. La décision de la Commission d'ouvrir la procédure a été publiée au Journal officiel des Communautés européennes (3). La Commission a invité les intéressés à présenter leurs observations sur l'aide en cause. La Commission a reçu des observations à ce sujet de la part des intéressés. Elle les a transmises à l'Italie en lui donnant la possibilité de les commenter, et a reçu ces commentaires par lettre du 30 juin 1999.

II. Description

(3) L'examen des bilans du chantier naval INMA a tout d'abord montré que l'exercice 1996 s'était clôturé avec une perte de 21,4 milliards de lires italiennes (11 millions d'euro). Le Conseil d'administration a invité l'actionnaire principal de la société, Itainvest, à couvrir cette perte par abandon de créances. Lors de l'assemblée des actionnaires du 13 novembre 1997, il a été décidé de couvrir cette perte avec les réserves légales et exceptionnelles pour un montant de 4,68 milliards de lires italiennes (2,4 millions d'euro) et le solde, soit 16,7 milliards (8,6 millions d'euro), par un apport d'Itainvest. Ensuite, lors d'une assemblée tenue le 24 mars 1998, les comptes de l'entreprise arrêtés au 30 novembre 1997 présentant déjà une perte de 81,89 milliards (42,3 millions d'euro), il a été décidé de couvrir ce montant et ensuite de reconstituer le capital de l'entreprise à hauteur de 35 milliards (18 millions d'euro), l'actionnaire principal souscrivant pour 99 % mais ne libérant immédiatement que trois dixièmes du capital souscrit, et le 1 % souscrit par le chantier naval Nuova Cantiere Apuania (NCA), société appartenant également à Itainvest, étant entièrement libéré. Enfin, une assemblée ordinaire et extraordinaire tenue le 23 juin 1998 a approuvé les comptes de l'exercice de 1997 comptabilisant une perte globale de 103,7 milliards (53,5 millions d'euro) et décidé de couvrir le solde non compris dans le montant déjà couvert pour cet exercice, soit 21,8 milliards (11,2 millions d'euro). Au total, l'intervention d'Itainvest s'est donc élevée à 155,4 milliards (80,2 millions d'euro).

(4) Les mêmes bilans ont également fait apparaître plusieurs aides accordées par les autorités italiennes compétentes (tout d'abord par le ministère de la marine marchande, et ensuite par le ministère des transports et de la navigation) au titre des lois 599 du 14 août 1982, 111 du 22 mars 1985, 234 du 14 juin 1989 et 132 du 24 février 1994. Bien que les aides à la construction navale instituées par ces lois aient été autorisées par la Commission, celle-ci n'a cependant pas été en mesure de déterminer avec exactitude la justification de chacun des montants d'aide mentionnés.

(5) Enfin, la Commission s'est interrogée également sur l'éligibilité du chantier au regard des registres spéciaux des chantiers navals que le Gouvernement italien avait créés dans le but de contrôler efficacement les capacités du secteur (loi 234-1989). En effet, le chantier INMA ne faisait partie ni des grands chantiers navals dont la restructuration, dans le contexte de la loi 111-1985(4) et de son refinancement (5), avait été approuvée par la Commission, ni des petits et moyens chantiers ayant fait l'objet d'un refinancement séparé (6).

(6) Tous ces faits ont conduit la Commission à ouvrir la procédure de l'article 88, paragraphe 2, du traité parce qu'elle estimait que, en ce qui concerne tout d'abord les interventions d'Itainvest dans la couverture des pertes et la recapitalisation, s'agissant d'une entreprise publique bénéficiant d'une dotation de fonds publics, il s'agissait d'aides d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité qui faussaient ou menaçaient de fausser la concurrence en favorisant une entreprise. Au surplus, s'agissant d'une entreprise de construction navale, l'aide devait être examinée à la lumière de la directive 90-684-CEE du Conseil du 21 décembre 1990 concernant les aides à la construction navale (7), modifiée en dernier lieu par la directive 94-73-CE (8), et plus particulièrement de son article 5, paragraphe 1, qui précise que "Les aides destinées à faciliter le maintien en activité des entreprises de construction et de transformation navales, y compris la couverture des pertes, et tout autre type d'aides au fonctionnement qui n'accompagnent pas directement des mesures de restructuration précises couvertes par le chapitre III peuvent être considérées comme compatibles avec le Marché commun, à condition que leur montant ajouté à celui des aides à la production octroyées directement à des contrats individuels de construction et de transformation navales, en application de l'article 4, paragraphe 4, ne dépasse pas le plafond exprimé en pourcentage du chiffre d'affaires annuel réalisé par le bénéficiaire de l'aide dans le secteur de la construction et de la réparation navales."

(7) Au regard des différents montants d'aides au fonctionnement et aux investissements ainsi qu'à l'éligibilité du chantier naval INMA au bénéfice de ces aides, la Commission a demandé que lui soit fournie toute information permettant de juger de leur compatibilité avec les règles de la directive 90-684-CEE et avec ses différentes décisions à cet égard.

(8) Enfin, la Commission s'est interrogée également sur le fait que la majorité des crédits bancaires de l'entreprise ont été couverts par des garanties accordées par Itainvest et qu'une grande partie des activités du chantier au cours des dernières années ont été réalisées pour des sociétés d'armateurs dont l'entreprise INMA avait pris le contrôle total ou partiel (Pugliola Stargas, Tellaro di navigazione, Corsica Ferries notamment).

III. Observations des intéressés

(9) Dans le cadre de la procédure, par lettre du 21 mai 1999, les autorités danoises ont communiqué leurs observations à la Commission. Elles insistent particulièrement sur les problèmes de capacités que connaît la construction navale dans le monde et rappellent les fermetures de chantiers intervenues au Danemark au cours des dernières années, principalement à cause des surcapacités. Dans le cas particulier d'INMA, elles estiment que si le chantier n'était pas éligible aux aides, celles-ci devraient être remboursées et elles soutiennent également la Commission pour dénoncer toute aide qui enfreindrait la législation existante.

IV. commentaires de l'Italie

(10) Par lettre n° 3896 du 2 mars 1999, les autorités italiennes ont tout d'abord fourni une ventilation détaillée, année par année à partir de 1987, de tous les montants d'aide octroyés, avec le montant de chacun des contrats ou des investissements, le taux de l'aide accordée et la base juridique à laquelle les aides se référaient. En ce qui concerne l'inscription du chantier INMA au registre spécial des chantiers navals, les autorités italiennes ont indiqué que l'établissement de ce registre était bien prévu dans la loi 234-89, mais que son décret ministériel d'application n'a été pris qu'en février 1992 et qu'il n'a été effectivement appliqué qu'entre mai et septembre 1993. Aux termes de la loi, seuls les chantiers navals figurant dans ce registre pouvaient bénéficier d'aides, ce qui fait que ces aides n'ont été liquidées qu'à partir de 1993. Pour ce qui est d'INMA, cette entreprise a toujours été considérée comme un chantier de construction moyen. Il ne figurait pas sur la liste à laquelle la Commission fait référence dans sa lettre, étant donné qu'il n'était pas concerné par le refinancement de la loi 111-1985 puisque, à cette époque, il n'avait que des commandes de transformation et semblait vouloir se spécialiser dans ce domaine. Or, seuls les chantiers figurant sur cette liste pouvaient bénéficier du refinancement, mais ils étaient exclus du bénéfice d'aides au titre de la loi 234-1989 pour les années 1987 et 1988.

(11) Ensuite, les autorités italiennes ont indiqué que l'intervention d'Itainvest pour couvrir les pertes s'est limitée à un total de 120,4 milliards de lires italiennes (62,2 millions d'euro), dont 16,7 milliards (8,6 millions d'euro) pour 1996 et 103,7 milliards (53,5 millions d'euro) pour 1997, l'apport de capital de 35 milliards (18 millions d'euro) n'ayant en définitive pas été effectué.

(12) En ce qui concerne la couverture des pertes opérée en 1997 et 1998, les autorités italiennes estiment qu'Itainvest a pris toutes les mesures que lui imposait la situation en sa qualité d'actionnaire unique du chantier. Elles rappellent à cet égard l'évolution historique du chantier.

Depuis 1980, l'entreprise a constamment opéré les adaptations et les restructurations qu'exigeait le marché, qui se sont traduites par une réduction de l'emploi direct de 622 à 221 personnes. Après les résultats positifs enregistrés en particulier de 1992 à 1995, l'exercice 1995 s'est clôturé avec un bénéfice de 85 millions de lires italiennes (0,085 millions d'euro).

En mars 1997, la clôture des comptes 1996 ayant révélé une perte de 21 milliards de lires italiennes (11,2 millions d'euro), Itainvest a commandé immédiatement un audit qui a fait apparaître des erreurs de gestion, en particulier dans l'acquisition et la gestion des commandes enregistrées en décembre 1995.

En février 1998, l'évaluation de la situation patrimoniale de l'entreprise sur la base des comptes arrêtés au 30 novembre 1997 a fait apparaître une perte de 81,9 milliards de lires italiennes (42,3 millions d'euro) et a entraîné le limogeage de l'administrateur-délégué et l'engagement d'une action en responsabilité civile à son encontre. Il a donc été décidé de couvrir les pertes et de faire effectuer un nouvel audit en vue d'intégrer le chantier INMA dans l'autre chantier dont Itainvest est actionnaire, à savoir Nuovo Cantiere Appuania (NCA).

En juin 1998, l'assemblée générale ordinaire et extraordinaire des actionnaires a pris acte de l'avis négatif du consultant sur l'intégration dans NCA et a confirmé la décision de février sur la couverture des pertes de l'exercice 1997 qui, entre-temps, avaient atteint 103 milliards de lires italiennes (55,3 millions d'euro).

À la suite de l'avis négatif du consultant sur l'intégration dans NCA, un appel à manifestation d'intérêt pour la reprise du chantier a été publié. Parmi les offres reçues en juin 1998, il est apparu qu'une seule pouvait être prise en considération. Toutefois, une fois connue la situation réelle de l'entreprise, tout espoir de reprise s'est envolé et finalement, le 6 novembre 1998, l'assemblée générale des actionnaires a décidé la liquidation du chantier et nommé un liquidateur chargé d'achever les commandes en cours, en raison de leur état d'avancement et afin d'éviter qu'une fermeture brutale du chantier, à laquelle s'ajouterait la perte des subventions prévues pour ces contrats, n'entraîne des pertes supplémentaires. Compte tenu, avant tout, des engagements d'Itainvest pour les deux commandes en cours (Tirrenia et Finanziaria Marittima Stolt Nielsen) sous forme de garanties de bonne exécution, de garanties pour des commandes antérieures (Corsica Ferries et Pugliola), des garanties pour la gestion courante ventilées comme suit:

>EMPLACEMENT TABLE>

Ainsi que des autres frais et dommages auxquels il était exposé, le montant total qu'aurait dû payer Itainvest était estimé à 325-350 milliards de lires italiennes (168-181 millions d'euro).

(13) En ce qui concerne l'affirmation de la Commission selon laquelle les commandes des dernières années pour les constructions neuves provenaient d'armateurs dont INMA contrôlait totalement ou partiellement le capital, les autorités italiennes ont fait observer ce qui suit. La société Tellaro di Navigazione (en liquidation depuis le 28 juin 1999) n'est plus opérationnelle et les cinq navires qui avaient été commandés n'ont pas été construits. La société Pugliola s'est substituée à un armateur défaillant qui avait commandé deux navires au chantier. Le premier de ces navires a été revendu aux conditions normales du marché à un opérateur privé, et le second a été seulement affrété coque nue par le même opérateur qui en deviendra propriétaire en l'an 2000. Corsica Ferries est une société française complètement autonome et indépendante de INMA. Cette dernière n'a participé que de façon minoritaire au capital de deux filiales de Corsica Ferries, qui à leur tour ont chacune commandé un navire de passagers. La première participation a été cédée en 1998 et la seconde le sera en 2000.

(14) En conclusion, les autorités italiennes estiment qu'Itainvest a donc agi de la façon la plus idoine, en évaluant de manière approfondie la crise dans laquelle se trouvait l'entreprise et en réduisant au minimum les coûts potentiels résultant des garanties engagées, de manière à réaliser le mieux possible les actifs de la société. En se comportant de la sorte, Itainvest n'aurait donc agi que comme n'importe quel actionnaire privé, en essayant tout d'abord de minimiser ses pertes, et ensuite, en décidant immédiatement de mettre l'entreprise en liquidation lorsqu'il a dû constater que, malgré ses efforts, il ne serait pas possible de la vendre.

(15) Ces interventions financières ne revêtent donc pas le caractère d'aide d'État, étant donné que l'article 1er, point d), de la directive 90-684-CEE exclut de la définition des aides les mesures de financement prises par les États membres à l'égard des entreprises de construction et de réparation navales sur lesquelles ils exercent un contrôle direct ou indirect et qui sont considérées comme du capital à risque fourni à une société selon les pratiques normales en économie de marché.

(16) En outre, comme il ressort de la communication aux États membres sur l'"application des articles 92 et 93 du traité et de l'article 5 de la directive 80-723-CEE de la Commission aux entreprises publiques du secteur manufacturier" (9), il est acquis que la rationalité économique d'une décision d'un actionnaire public, pour être comparable à celle d'un actionnaire privé, doit s'apprécier par rapport au moment où la décision de financement est prise.

(17) Il est également acquis qu'une société peut aussi, "pendant une période limitée, supporter les pertes d'une de ses filiales afin de permettre la cessation d'activité de cette dernière dans les meilleures conditions. De telles décisions peuvent être motivées non seulement par la probabilité d'en tirer un profit matériel indirect, mais également par d'autres préoccupations, comme le souci de maintenir l'image de marque du groupe, ou de réorienter ses activités" (10).

(18) La Commission reconnaît également qu'elle ne doit pas appliquer, en matière d'aides d'État, "les normes d'une façon dogmatique ou rigide" et que toute décision d'investissement comprend une marge considérable pour autant "que les risques sont estimés correctement et objectivement, et actualisés au moment où est prise la décision d'investir comme le ferait une entreprise privée" (11).

V. Appréciation de l'aide

(19) S'agissant d'une entreprise de construction et de réparation navales, les aides incriminées doivent être examinées à la lumière de la directive 90-684-CEE et du règlement (CE) n° 1540-98 du Conseil du 29 juin 1998 concernant les aides à la construction navale (12).

(20) En ce qui concerne les aides à la production rentrant dans le champ d'application de l'article 4, paragraphe 1, de la directive 90-684-CEE ainsi que les aides aux investissements auxquelles l'article 6 est applicable, octroyées par le Gouvernement italien, la Commission a pu constater, après avoir analysé la ventilation précise des aides octroyées depuis 1987, que ces aides étaient conformes aux dispositions des lois italiennes 599-1982 (pour la période 1981-1983), 111-1985 (pour la période 1984-1986), 234-1989 (pour la période 1977-1990) et 132-1994 (pour la période 1991-1998). Ces régimes avaient été autorisés par la Commission. En effet, ces lois prévoyaient des aides aux investissements dont l'intensité maximale variait entre 20 et 40 % de l'investissement, à condition que celui-ci soit lié à un plan de restructuration. Le chantier INMA a procédé entre 1982 et 1998 à une telle restructuration qui a entraîné une réduction des effectifs de 65 %, dont 50 % entre 1982 et 1992. Sur la période 1987-1998, des aides d'un montant de 9,1 milliards de lires italiennes (4,7 millions d'euro) ont été accordées pour des investissements s'élevant à 49,3 milliards (25,5 millions d'euro), ce qui représente en moyenne une intensité d'aide de 18,5 %. L'application des régimes d'aides ne devait pas faire l'objet d'une notification individuelle préalable, mais la Commission note cependant que si une confusion a pu survenir à la lecture des montants figurant dans les comptes annuels de l'entreprise, même si celle-ci est due en grande partie aux retards de paiement imputables aux délais existant entre l'entrée en vigueur des règles communautaires et l'entrée en vigueur effective des mesures nationales y afférentes, et au fait que la plus grande partie des aides ont été payées après la réalisation des investissements, il n'en demeure pas moins que les aides aux investissements sur lesquelles elle s'interrogeait auraient dû faire l'objet d'une notification a posteriori dans le cadre de la procédure de surveillance prévue à l'article 12 de la directive 90-684-CEE, et plus particulièrement par le biais du schéma n° 3 de l'annexe. En ce qui concerne les aides aux contrats, la Commission constate que l'ensemble des contrats qui ont bénéficié d'aides sont conformes à ceux qui ont fait l'objet des différents rapports dans le cadre du monitoring. Elle remarque cependant que pour les contrats de construction navale C.4138 et C.4139 pour l'armateur Pugliola-Stargas, C.4248 et C.4249 pour Corsica Ferries et C.4260, C.4261 et C.4262 pour Stolt Nielsen, le taux d'aide maximal en vigueur à la date de signature des contrats prévu à l'article 4, paragraphe 1, de la directive 90-684-CEE a été ou sera octroyé.

(21) Les interventions du groupe public Itainvest en tant que société mère vis-à-vis de sa filiale INMA doivent être appréciées au regard du règlement (CE) n° 1540-98 du Conseil. L'article 1er précise que "Jusqu'au 31 décembre 2000, les aides à la production en faveur de contrats de construction et de transformation navales, mais pas de réparation navale, peuvent être jugées compatibles avec le Marché commun, à condition que le montant total de toutes les formes d'aide accordée pour un contrat donné (y compris l'équivalent-subvention de toute aide accordée à l'armateur ou à des tiers) ne dépasse pas, en équivalent-subvention, un plafond maximal commun exprimé en pourcentage de la valeur contractuelle avant aide. Pour les contrats de construction de navires dont la valeur avant aide excède 10 millions d'écus, ce plafond est fixé à 9 %; dans tous les autres cas, il est de 4,5 %." L'article 5, paragraphe 1, précise que "Les aides au sauvetage et à la restructuration d'entreprises en difficulté, y compris les injections de capital, les abandons de créances, les prêts bonifiés, la couverture de pertes et l'octroi de garanties, peuvent exceptionnellement être jugées compatibles avec le Marché commun, à condition de respecter les lignes directrices communautaires pour les aides d'État au sauvetage et à la restructuration des entreprises en difficulté." En l'absence de tout plan de restructuration lié aux couvertures de pertes, les interventions d'Itainvest ne peuvent être considérées comme des aides à la restructuration au sens de l'article 5 du règlement (CE) n° 1540-98.

(22) Les lignes directrices communautaires pour les aides d'État au sauvetage et à la restructuration des entreprises en difficulté (13), au point 2.1, définissent les aides de sauvetage comme permettant "de soutenir temporairement une entreprise placée devant une détérioration importante de sa situation financière reflétée par une crise aiguë de liquidités ou une insolvabilité technique, ce laps de temps étant mis à profit pour analyser les circonstances ayant donné lieu à ces difficultés et mettre au point un plan adéquat pour y remédier", et en d'autres termes permettant "un bref répit, ne dépassant généralement pas six mois, à une entreprise placée devant des problèmes financiers tandis qu'une solution à long terme peut être élaborée". Quant à la forme de ces aides, les lignes directrices communautaires, au point 3.1, précisent qu'elles doivent: "- consister en des aides de trésorerie prenant la forme de garanties de crédits ou de crédits remboursables portant un taux équivalant à celui du marché,

- se borner dans leur montant à ce qui est nécessaire pour l'exploitation de l'entreprise (par exemple, couverture des charges salariales, des approvisionnements courants),

- n'être versées que pour la période nécessaire (en général ne dépassant pas six mois) à la définition des mesures de redressement nécessaires et possibles,

- être justifiées par des raisons sociales aiguës et ne pas avoir pour effet de déséquilibrer la situation industrielle dans d'autres États membres".

(23) La Commission constate tout d'abord au regard de sa décision du 17 juillet 1996 à l'égard du groupe Gepi (14) que le chantier INMA faisait partie des 23 sociétés dont le holding devait impérativement se séparer pour satisfaire aux conditions de refinancement du groupe sous sa nouvelle dénomination Itainvest. Une enveloppe budgétaire limitée à 360 milliards de lires italiennes (185,9 millions d'euro) avait par ailleurs été fixée pour cette liquidation qui devait être terminée normalement au 31 décembre 1996, et au plus tard le 31 décembre 1997. Toutes les interventions sous forme d'apports de fonds directs dont INMA a fait l'objet, et qui sont visées par cette décision, se sont effectuées à partir de juin 1997 sur la base des premières pertes constatées dans les comptes de 1996 et ne font en tout état de cause pas partie de l'enveloppe de 360 milliards (185,9 millions d'euro). Ces interventions sont donc non notifiées puisque la Commission n'en a été informée que lors d'une réunion entre ses services et les autorités italiennes en septembre 1998.

(24) Les autorités italiennes imputent les difficultés du chantier rencontrées à partir de 1996 à des erreurs de gestion des commandes "Stolt Nielsen" et "Tirrenia" prises en décembre 1995. Cependant, la Commission constate également que la bonne exécution de ces commandes avait été garantie par Itainvest pour un total de 42 milliards de lires (21,7 millions d'euro) dès mars 1996. Il s'avère donc, à la lecture des différentes opérations de financement nécessaires à l'exécution des commandes en cours, qu'aucune avance de fonds par des institutions financières n'aurait pu être consentie sans une garantie d'Itainvest, donc sans recourir à des fonds publics.

(25) Ces garanties constituaient déjà des aides au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité car, comme l'a indiqué la Commission dans sa communication aux États membres de 1993 : "Ce n'est que si les garanties sont évaluées au moment de l'octroi que toutes les distorsions réelles ou potentielles de la concurrence peuvent être détectées. Le fait de bénéficier d'une garantie, sans y avoir recours, peut permettre à une entreprise de poursuivre ses activités, voire d'éliminer ses concurrents qui ne bénéficient pas de semblables avantages" (15).

(26) Dès lors, lorsque les autorités italiennes veulent justifier l'intervention d'Itainvest sous forme de couverture de pertes en indiquant qu'elle était moins onéreuse, comparée aux obligations découlant des engagements sous forme de garantie, il y a lieu de souligner que ces obligations sont dès le départ le résultat d'une aide non notifiée au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité et rentrant dans la définition des aides figurant à l'article 2, paragraphes 1 et 2, du règlement (CE) n° 1540-98. Donc, s'agissant de garanties directement liées au coût des navires, elles devaient être prises en compte dans le calcul du taux maximal des aides au contrat, tel que défini à l'article 4, paragraphe 1, de la directive 90-684-CEE, octroyées au titre de la loi italienne 132-1994 et autorisées par la Commission (16). Selon les informations fournies par le Gouvernement italien le 16 avril 1996 dans le cadre de la procédure de surveillance prévue à l'article 12 de la directive 90-684-CEE, les commandes "Stolt Nielsen" (six navires) et "Tirrenia" (2 navires) devraient bénéficier du taux d'aide de 9 % sous forme de subvention du ministère compétent, et le taux d'aide maximal serait donc dépassé.

(27) En ce qui concerne la commande "Tirrenia", il y a lieu de noter que ces deux navires ne sont pas des commandes directes, mais des travaux de construction pour compte de tiers, en l'occurrence, le chantier naval Ferrari qui, de son côté, bénéficie de subventions du Gouvernement italien. Étant donné que la construction de ces deux navires a déjà bénéficié de garanties au niveau du chantier INMA, le cumul des deux mesures (aides aux contrats et garanties) excède le plafond de 9 % du prix contractuel avant aide. D'autre part, la construction de ces deux navires n'était pas ou pratiquement pas commencée à la fin 1996, puisque fin 1997, leur état d'avancement n'était que respectivement de 45,5 % et 28 %.

(28) Les autorités italiennes font valoir que la première indication sur les pertes (21 milliards de lires italiennes) enregistrées par INMA sont apparues en mai 1997, lors de l'assemblée générale des actionnaires, et que c'est à cette occasion qu'il a été décidé de demander un audit sur la situation exacte du chantier. C'est donc dans les comptes arrêtés au 31 décembre 1996 qu'apparaissait cette perte, et il est difficile d'entériner simplement l'assertion des autorités italiennes selon laquelle le déficit soudain serait imputable uniquement à la gestion des commandes prises en décembre 1995. D'autant plus que dans la présentation des comptes annuels de l'exercice 1996, il était clairement écrit que les commandes "Stolt Nielsen" et "Tirrenia" n'avaient pas contribué de "façon substantielle" aux résultats de l'exercice comptable en cause.

(29) Il y a donc lieu de constater que la mauvaise situation de l'entreprise était antérieure et qu'elle avait été causée par d'autres commandes. À cet égard, la Commission constate que les deux commandes Corsica Ferries I et Corsica Ferries II, qui ont également fait l'objet de garanties constructeurs par Itainvest, pour deux sociétés d'armement dont INMA détenait respectivement 49 et 51 % du capital, ont précisément été livrées en 1996. Les informations fournies par les autorités italiennes indiquent que parmi les diverses obligations d'Itainvest à l'égard de INMA figure, pour ces deux navires, une garantie de mobilisation de crédit liée à la commande pour une période de dix ans et pour un montant de 32,440 milliards de lires italiennes (16,7 millions d'euro). Étant donné que les deux navires ont déjà été livrés et que le prix, en principe, doit donc avoir été payé, la Commission est obligée de constater que les crédits garantis en cause ont été utilisés dans la gestion globale du chantier. Puisqu'il s'agit de garanties sur fonds publics, ce sont des aides d'État assimilées à des aides au fonctionnement relevant de l'article 3, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 1540-98, et elles devaient donc être incluses dans le plafond maximal des aides aux contrats et réduire le niveau des aides octroyées par le Gouvernement italien. Cela n'a pas été le cas, puisque selon les informations fournies par les autorités italiennes, le ministère compétent a accordé 9 % du prix contractuel avant aide pour tous les navires déjà livrés, soit le maximum des aides possibles en vertu de l'article 4, paragraphe 1, de la directive 90-684-CEE.

(30) L'ensemble des constatations faites par la Commission sur le nombre et les dates des engagements pour lesquels Itainvest s'est porté garant montre que celui-ci, en tant que société mère, était étroitement lié à la gestion quotidienne et hasardeuse du chantier INMA. Par conséquent, la Commission ne saurait considérer qu'Itainvest s'est comporté comme un investisseur privé. Compte tenu du montant déjà élevé des pertes [21 milliards de lires italiennes (11 millions d'euro)] qui apparaissait au bilan clôturé au 31 décembre 1996 et dont l'actionnaire devait avoir connaissance bien avant l'assemblée générale de mai 1997, il y a lieu de considérer que le chantier INMA se trouvait en état de cessation de paiements dès cette date et aurait par conséquent dû déposer son bilan.

(31) Les couvertures de pertes ne peuvent donc être considérées comme une aide au sauvetage au sens des lignes directrices communautaires car elles ne correspondent ni quant au fond ni quant à la forme aux conditions que ces aides doivent remplir pour être jugées compatibles avec le Marché commun au sens de l'article 87 du traité.

(32) Par ailleurs, la Commission considère également que les apports de 21,4 milliards de lires italiennes en 1997 et 103,7 milliards en 1998 sont des aides parce qu'"ils ont été effectués à des conditions qui ne seraient pas acceptables pour un investisseur opérant dans des conditions normales de marché", ce qui signifie "normalement que la structure et les perspectives de la société sont telles qu'aucune rémunération normale du capital (sous forme de dividendes ou de plus-values) par référence à une entreprise privée comparable ne peut être escomptée dans des délais raisonnables" (17); les autorités italiennes n'ont pas démontré que l'apport en capital pouvait être considéré comme raisonnable, donc comme étant acceptable pour un investisseur opérant dans des conditions normales de marché, c'est-à-dire que "la valeur actuelle des marges brutes d'autofinancement" qu'il pouvait espérer retirer du projet était "supérieure à son nouvel apport" (18).

(33) La Commission estime donc que les couvertures de pertes de 1997 et 1998 n'ont été opérées que pour essayer de valoriser artificiellement le chantier en injectant des fonds à perte, puisqu'il n'est même pas démontré que le prix qu'aurait pu obtenir Itainvest en revendant l'entreprise aurait couvert le montant de 120 milliards de lires italiennes "investi", compte tenu en particulier de la situation qui prévaut dans le secteur de la construction navale. Il est dès lors difficile de pouvoir considérer que l'intervention peut être assimilée à un comportement d'entreprise privée, puisque, en tout état cause, le rendement de l'investissement était négatif dès le départ.

(34) La Commission met également en doute le fait que, en préférant couvrir les pertes, Itainvest ait choisi le moindre coût, puisqu'un dépôt de bilan pur et simple aurait en principe eu pour effet de rendre les engagements contractuels caducs, notamment ceux concernant la commande "Tirrenia", et par conséquent de diminuer le coût des engagements vis-à-vis des armateurs, étant donné que la mise en faillite a notamment pour effet de mettre d'abord tous les créanciers sur un pied d'égalité et ensuite de privilégier ceux qui ont réellement avancé des fonds et non pas ceux qui auraient droit à des indemnités pour non-respect d'une clause contractuelle. Et si ce n'était pas le cas, cela renforcerait encore plus la conviction de la Commission qu'Itainvest s'était engagé bien au-delà de ce qu'un investisseur privé aurait pu faire dans des conditions normales de marché. La Commission note de plus que dans le décompte des engagements d'Itainvest figurent une caution de 22,7 milliards de lires italiennes (11,7 millions d'euro) pour la commande "Tirrenia", émise en mars 1998, et une caution de 9 milliards (4,6 millions d'euro) pour la commande "Stolt Nielsen", émise en mars-mai 1998, soit après la décision du mois de février de couvrir les pertes INMA au vu de l'état des comptes arrêté au 30 novembre 1997.

(35) Les couvertures de pertes sont donc des aides au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité et de l'article 1er, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 1540-98. En l'absence de plan de restructuration avec réduction de capacité et le montant dépassant le plafond des aides au fonctionnement autorisées par la Commission, ces aides sont incompatibles avec le Marché commun, au regard tant de la directive 90-684-CEE du Conseil que du règlement (CE) n° 1540-98.

VI. Conclusions

(36) La Commission constate que l'Italie a illégalement octroyé des garanties pour la construction des navires des commandes "Corsica Ferries", "Pugliola", "Tirrenia" et "Stolt Nielsen", et couvert les pertes du chantier naval INMA en 1997 et 1998, en violation de l'article 88, paragraphe 3, du traité. Les garanties octroyées pour la construction des navires auraient dû, conformément à l'article 4, paragraphe 4, de la directive 90-684-CEE et à l'article 3, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 1540-98, être calculées dans les limites du plafond maximal des aides liées au contrat prévu à l'article 4, paragraphe 1, de la directive. Les couvertures de pertes sont des aides au fonctionnement qui, en vertu de l'article 5 de la directive 90-684-CEE, devaient également être incluses dans le plafond. En l'absence de plan de restructuration, les aides au fonctionnement sous forme de couverture de pertes sont également incompatibles avec l'article 5 du règlement (CE) n° 1540-98. Elles ne peuvent non plus être considérées comme des aides au sauvetage au sens des lignes directrices communautaires. Ces aides doivent donc faire l'objet d'une récupération.

A arrêté la présente décision:

Article premier

L'aide d'État accordée par l'Italie par l'intermédiaire du holding public Itainvest en faveur du chantier naval INMA S.p.A, sous forme de garanties pour les commandes "Corsica Ferries", "Pugliola", "Stolt Nielsen" et "Tirrenia" et de couvertures de pertes pour un montant de 120,4 milliards de lires italiennes (62,2 millions d'euro), sont incompatibles avec le Marché commun.

Article 2

1. L'Italie prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer auprès de son bénéficiaire l'aide visée à l'article 1er et déjà illégalement mise à sa disposition.

2. La récupération a lieu conformément aux procédures du droit national, pour autant qu'elles permettent l'exécution immédiate et effective de la présente décision.

3. Les aides à récupérer comprennent des intérêts, calculés sur la base du taux de référence utilisé pour le calcul de l'équivalent-subvention dans le cadre des aides à finalité régionale, à compter de la date à laquelle elles ont été mises à la disposition du bénéficiaire, jusqu'à celle de leur récupération effective.

Article 3

L'Italie informe la Commission, dans un délai de deux mois à compter de la date de la notification de la présente décision, des mesures qu'elle a prises pour s'y conformer.

Article 4

La République italienne est destinataire de la présente décision.

(1) JO C 63 du 5.3.1999, p. 2.

(2) JO C 5 du 9.1.1997, p. 3.

(3) Voir note 1 de bas de page.

(4) Aide 193-84, lettre SG (85) D-9151 du 17 juillet 1985.

(5) Voir note 4 de bas de page.

(6) Aide 192-87, lettre SG (89) D-2375 du 21 février 1989.

(7) JO L 380 du 31.12.1990, p. 27. L'application de cette directive a été prorogée par le règlement (CE) n° 3094-95 du Conseil (JO L 332 du 31.12.1995, p. 1), modifié en dernier lieu par le règlement (CE) n° 2600-97 (JO L 351 du 23.12.1997, p. 18).

(8) JO L 351 du 31.12.1994, p. 10.

(9) JO C 307 du 13.11.1993, p. 3, point 28. Cette communication, annulée par l'arrêt de la Cour du 16 juin 1993, affaire C-325-91: République française contre Commission (Recueil 1993, p. I-3283), a été adoptée à nouveau par la Commission, avec les modifications nécessaires, à la suite de l'adoption de la directive 93-84-CE (JO L 254 du 12.10.1993, p. 16).

(10) Arrêt de la Cour du 21 mars 1991, affaire C-303-88: République italienne contre Commission, Recueil 1991, p. I-1433, point 21 des motifs.

(11) Voir note 9 de bas de page, points 28 et 29 des motifs.

(12) JO L 202 du 18.7.1998, p. 1.

(13) JO C 368 du 23.12.1994, p. 12.

(14) JO C 5 du 9.1.1997, p. 3.

(15) Voir note 9 de bas de page, point 38 de la communication.

(16) JO C 302 du 9.11.1993, p. 6. JO C 390 du 31.12.1994, p. 18. JO C 290 du 3.10.1996, p. 14 et JO C 50 du 12.2.1998, p. 5.

(17) Voir note 9 de bas de page, point 35 de la communication.

(18) Ibidem.