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Décisions

CA Versailles, 12e ch. sect. 2, 31 mai 2001, n° 99-07825

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Bull (SA), Atos Intégration (SA)

Défendeur :

Groupe financier Dole (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Laporte (Conseiller faisant fonction)

Conseillers :

MM. Fedou, Coupin

Avoués :

SCP Daniel-Benoît Gas, SCP Fievet-Rochette-Lafon, SCP Bommart & Minault, SCP Lebas, Lemistre & Associés

Avocats :

Mes Froger, Lebas, Varclier.

T. com. Pontoise, du 26 sept. 1996

26 septembre 1996

Faits et procédure:

LA COUR,

La SARL CT Conseil avait pour objet le conseil et la représentation de sociétés. Son activité principale consistait à faciliter la négociation de contrats à l'étranger au profit de grandes entreprises françaises.

La société Sligos a mis au point un système d'informatisation des douanes. Un groupement d'intérêt économique, dit Douanexport, a été constitué entre les sociétés Sligos, Bull, Dassault et les Douanes françaises, afin de commercialiser les prestations d'automatisation des procédures douanières désignées sous le nom de Sofix auprès des administrations de certains pays africains, notamment le Sénégal et le Gabon.

Suivant convention d'agent commercial du 1er février 1995, la société Sligos a donné à la société CT Conseil le mandat de prospecter en proposant et/ou en promouvant au nom et pour le compte du mandant les prestations d'automatisation des procédures douanières. Aux termes de l'article 1-2, la société mandante a déclaré agir, dans le cadre de la présente convention: "pour la mise en œuvre de la solution Sofix, au nom et pour le compte du GIE Douanexport constitué par Sligos, Bull, Dassault et les Douanes Françaises, qu'il représente en tant que chef de file et partie contractante vis-à-vis du client comme de Pagent dans le cadre de la présente affaire ";

Le mandat était conclu pour une première période d'un an; il était prévu qu'au-delà, ce contrat aurait une durée d'un an, renouvelable par tacite reconduction expresse pour une durée de trois ans. Il était également stipulé que les commissions dues à l'agent en contrepartie des services rendus seraient calculées sur les montants hors taxes des contrats, et qu'elles seraient dues à l'agent à la signature du contrat entre le mandant et le client.

Par courrier du 3 février 1995, la Direction du Développement Commercial de Sligos a fait connaître à Monsieur Thonier, gérant de la société CT Conseil, les taux de commission auxquelles celle-ci pouvait prétendre (15 % pour le Gabon).

Un contrat rectificatif devait être conclu le 12 février 1995 entre les sociétés Sligos et CT Conseil, reprenant les mêmes dispositions que celles figurant à l'acte du 1er février 1995, sous réserve de la durée du mandat, lequel, prenant effet le 1er février 1995, était conclu pour une période de deux ans. De plus, à l'article 1-2 dudit contrat, il était spécifié: "dans le cadre de la présente convention, le mandant déclare agir pour la mise en œuvre de la solution Sofix, en tant que chef de file et partie contractante vis-à-vis du client comme de Pagent dans le cadre de la présente affaire ".

Au cours d'une réunion du GIE en date du 25 avril 1996, ta société Bull a pris en charge la maîtrise d'œuvre du projet concernant le Gabon.

Par jugement du 26 septembre 1996, le Tribunal de commerce de Pontoise a prononcé la liquidation judiciaire de la société CT Conseil, et a désigné Maître Ayache en qualité de liquidateur de cette société.

Aux termes d'un acte sous seing privé du 7 juillet 1997, Maître Ayache, dûment autorisé suivant ordonnance du juge commissaire en date du 21 novembre 1996, a cédé à la société Groupe financier Dole "GFD" divers éléments d'actifs du fonds de commerce, et notamment le contrat d'agent commercial conclu avec la société Sligos. Cette cession de contrat a été signifiée par acte d'huissier des 27 et 29 mai 1998 à la société Atos Ingéniérie Intégration et à la société Bull.

Dans l'intervalle, suivant contrat de prestation de services du 9 janvier 1997, la société Bull, "agissant pour le compte du GIE Douanes Export", a signé avec le ministère des Finances du Gabon un contrat de prestations informatiques ayant pour objet de réaliser un système informatique dénommé: "SINDARA (+) " au profit de la Douane gabonaise.

C'est dans ces circonstances qu'invoquant sa qualité de subrogée de la société CT Conseil dans la convention d'agent commercial conclue en février 1995, indiquant avoir été dûment agréée en tant que cessionnaire de cette convention par lettre de l'avocat de Sligos en date du 16 janvier 1997, et se prévalant de la signature effective du contrat d'informatisation des douanes au Gabon (contrat Sofix), la société GFD s'est, par écrit en date du 19 décembre 1997, adressée à la société Sligos en vue de la mettre en demeure de lui payer le montant des commissions dont elle indiquait être créancière à la suite de la signature de ce contrat, à concurrence de la somme de 4 969 609,95 F HT, soit 5 993 349,60 F TTC.

A la suite d'échanges de correspondances entre les parties, et après envoi par Maître Ayache d'un courrier en date du 4 février 1998 rappelant à la société Sligos le droit pour la société GFD de revendiquer te paiement de la commission de 15 % du montant du contrat Sofix conclu au titre de l'informatisation des Douanes au Gabon, la société Groupe financier Dole "GFD" a, par acte d'huissier des 10, 20 et 22 juillet 1998, fait assigner la société Sligos, la société Atos Ingéniérie Intégration et la société Bull devant le Tribunal de commerce de Nanterre, pourvoir condamner solidairement les défenderesses à payer à la requérante la somme principale de 5 993 349,60 F, outre intérêts au taux légal, avec capitalisation des intérêts, et augmentée, à la charge de chacune des défenderesses, d'une somme de 500 000 F à titre de dommages-intérêts et d'une indemnité de 50 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Suivant jugement en date du 19 octobre 1999, le tribunal a:

- pris acte de ce que la SA Atos Intégration, ci-après Atos, vient aux droits de la société Sligos;

- dit que la SA Groupe financier Dole, ci-après GFD, a qualité pour agir à l'encontre de la société Atos;

- dit que GFD a qualité pour agir à l'encontre de la société Bull;

- condamné solidairement les sociétés Atos et Bull à payer à la société GFD la somme de 5 884 660 F TTC, majorée des intérêts légaux à compter du 26 mars 1998;

- ordonné la capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du Code civil;

- débouté la société Bull de sa demande de dommages-intérêts;

- débouté la société GFD de sa demande de dommages-intérêts;

- ordonné l'exécution provisoire sous réserve qu'en cas d'appel, GFD fournisse une caution bancaire égale au montant des condamnations prononcées;

- condamné solidairement les sociétés Atos Intégration et Bull aux dépens ainsi que solidairement au paiement à GFD de la somme de 25 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

- débouté les parties de leurs autres et plus amples demandes.

La société Atos Intégration et la société Bull ont interjeté appel de ce jugement.

Aux termes des conclusions déposées par elle le 19 décembre 2000, la société Atos Intégration conclut à titre principal à l'irrecevabilité de l'action de la société GFD à son encontre, dès lors que l'action en paiement contre un membre du GIE pour une dette de celui-ci n'est possible que si le groupement est lui-même dans l'incapacité de s'acquitter de sa dette, ce qui ne peut résulter que d'une mise en demeure adressée par acte extra-judiciaire. Elle soutient également que la cession intervenue le 7 juillet 1997 entre Maître Ayache pris en sa qualité de liquidateur de la société CT Conseil et la société GFD est entachée d'irrégularité.

A cet égard, elle souligne qu'en application de l'article 156 de la loi du 25 janvier 1985 (article L. 622-18 du Code de commerce), les cessions opérées en cours de liquidation judiciaire, fût-ce dans le cadre d'une cession du fonds de commerce, n'entraînent pas transmission forcée des contrats, et elle indique qu'en l'occurrence, elle n'a jamais été consultée sur une cession de contrat au profit d'un tiers déterminé, de telle sorte que la cession litigieuse, intervenue en fraude de ses droits, doit lui être déclarée inopposable.

Subsidiairement au fond, la société appelante fait valoir qu'en l'espèce, GFD ne verse aux débats aucune pièce, aucun justificatif démontrant les prestations qu'elle-même - ou CT Conseil - aurait réalisées au bénéfice exclusif de la société Sligos, de nature à assurer la commercialisation et la mise en œuvre du programme informatique Sofix.

Elle précise que l'exclusivité consentie à la société CT Conseil par la convention d'agent commercial est celle d'un intermédiaire, et n'exclut nullement le rôle majeur et déterminant des industriels intervenants.

Elle relève également que le contrat a été signé par la société Bull pour un projet " SINDARA " dont elle-même n'a tiré aucun profit.

Elle ajoute que n'ayant ni directement ni indirectement participé à l'élaboration et à l'exécution du contrat conclu entre le Gouvernement du Gabon et la société Bull agissant pour le compte du GIE Douanes Export, et n'ayant perçu aucune rémunération à ce titre, elle ne saurait donc être tenue à une quelconque commission au profit de la société GFD.

Par voie de conséquence, la société Atos Intégration demande à la cour de réformer la décision entreprise, de dire irrecevables et mal fondées les prétentions de la société GFD, de l'en débouter, et de la condamner au paiement de la somme de 50 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

La société Bull conclut à titre principal à l'inopposabilité à son égard des conventions d'agent commercial en date des 1er et 12 février 1995.

Elle expose que, s'il est indéniable que la première convention du 1er février 1995 avait été signée par la société Sligos "pour le compte du GIE Douanexport" dont fait partie la société Bull, il est constant que la seconde convention du 12 février 1995 n'a pas été signée par la société Sligos à ce titre, et que la société Bull n'a donc pas été engagée par celle-ci.

Elle soutient que le fait qu'aux termes de la seconde convention, la société Sligos ait déclaré " agir pour la mise en œuvre de la solution Sofix, en tant que chef de file... " n'autorise pas à considérer que, ce faisant, les membres non désignés de cette file auraient été engagés par cette convention signée par la société Sligos avec la société CT Conseil.

Elle en déduit que c'est en méconnaissance du principe de l'effet relatif des conventions et par dénaturation de la convention du 12 février 1995 que, se fondant sur une prétendue volonté des parties, le tribunal a retenu que la société GFD avait qualité à agir contre elle.

Aussi la société appelante demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, et, statuant à nouveau, de constater l'absence de liens contractuels entre la société Bull et la société GFD, et, par voie de conséquence, de la mettre hors de cause.

Subsidiairement au fond, tout en admettant qu'en sa qualité de membre du GIE Douanexport, elle a effectivement pris en charge la maîtrise d'œuvre du projet Gabon pour aboutir à la signature du contrat de prestations informatiques conclu le 9 janvier 1997 avec la République du Caban, la société Bull fait en revanche observer que la société CT Conseil n'est à aucun moment intervenue dans l'élaboration de ce contrat, lequel a été signé avant la cession conclue le 07 juillet 1997 entre Maître Ayache, liquidateur de cette société et la société GFD, de telle sorte que celle-ci est mal fondée à se prévaloir des diligences qu'elle aurait accomplies pour parvenir à la signature d'un contrat déjà conclu.

Elle relève également que la convention d'agent commercial du 12 février 1995, productive d'une commission de prés de 6 millions de francs selon le jugement entrepris, a été cédée par Maître Ayache en sa qualité de liquidateur de CT Conseil à la société GFD pour le prix dérisoire de 50 000 F, et elle ajoute que l'affirmation contenue dans le courrier de Maître Ayache en date du 4 février 1998, suivant laquelle GFD s'était obligée dans le cadre des engagements souscrits à rétrocéder à la liquidation judiciaire des commissions éventuellement perçues, ne repose sur aucun document probant.

En conséquence, dans cette hypothèse subsidiaire, la société Bull conclut au débouté de la société GFD de toutes les prétentions formulées par celle-ci à son encontre.

De plus, elle sollicite la condamnation de la société GFD à lui payer les sommes de 100 000 F à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et de 50 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, et à prendre en charge les entiers dépens de première instance et d'appel.

La société Groupe financier Dole, GFD, réplique que la cession entre les sociétés CT Conseil et GFD est intervenue régulièrement, puisque, par lettre officielle du 16 janvier 1997, l'avocat de la société Sligos (devenue depuis lors société Atos) a expressément indiqué à l'avocat de la société GFD que sa cliente acceptait la cession du contrat la liant à CT Conseil au profit du repreneur qui lui serait présenté par l'administrateur judiciaire. Elle fait observer que, contrairement aux allégations des sociétés appelantes, elle remplissait les qualités nécessaires pour mener à bien les prestations qui lui avaient été cédées, dès lors que le contrat ayant trait à l'informatisation des Douanes gabonaises a été signé, et dès lors que le but de la convention d'agent commercial était d'aboutir à la signature d'un tel contrat.

Elle conclut que, ainsi que l'a jugé le tribunal, la cession entre la société CT Conseil et la société GFD est parfaitement régulière et opposable à la société Sligos, devenue Atos Intégration.

Elle soutient qu'il résulte des conventions litigieuses qu'à partir du moment où un des membres du GIE a signé le contrat d'informatisation des Douanes gabonaises avec l'Etat gabonais, l'agent commercial doit recevoir la rémunération contractuellement prévue, quel que soit le titulaire définitif du contrat.

Elle relève que, si la maîtrise d'œuvre du projet Sofix Gabon avait été transférée de Sligos à la société Bull, la société Sligos restait cependant toujours tenue de ses engagements à l'égard de la société CT Conseil, et donc à l'égard de GFD en sa qualité de subrogée dans les droits de celle-ci.

Elle précise que, contrairement à ce qu'indiquent les sociétés appelantes, elle justifie pleinement des diligences accomplies tant par elle-même que par la société CT Conseil pour parvenir à la signature du contrat conclu avec les représentants de l'Etat gabonais, et, à cet égard, elle souligne que ce contrat n'a pu être signé que grâce à l'intervention de l'agent commercial, dans la mesure où l'article 6-4 de la convention d'agent commercial confiait à celui-ci une exclusivité de représentation du mandant.

Elle ajoute que la société Sligos a signé ladite convention en qualité de chef de file et donc de représentante du GIE Douanexport, de telle sorte que, par sa signature, Sligos a engagé notamment la société Bull, laquelle, ayant signé le contrat d'informatisation avec l'Etat gabonais en sa qualité de membre du GIE Douanexport, est donc solidairement redevable avec la société Sligos des commissions dues à l'intimée.

Par voie de conséquence, la société GFD sollicite la confirmation du jugement déféré, et donc la condamnation solidaire des sociétés Atos Integration et Bull à lui payer la somme de 5 884 660 F TTC, avec intérêts au taux légal à compter du 26 mars 1998, lesdits intérêts étant eux-mêmes capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil, outre une indemnité de 25 000 F, sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, au titre des frais non compris dans les dépens exposés par elle en première instance.

De plus, la société intimée demande à la cour, en ajoutant à la décision entreprise, de prononcer une condamnation solidaire des sociétés Atos Intégration et Bull au paiement de la somme de 200 000 F à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, et au paiement d'une somme complémentaire de 30 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 8 mars 2001.

Suivant conclusions en date du 23 mars 2001, la société GFD a demandé à la cour d'écarter des débats les conclusions et pièces déposées par la société Atos Intégration le 8 mars 2001, jour de la clôture.

Lors des débats à l'audience du 26 mars 2001, la cour a ordonné la jonction de cet incident au fond.

Motifs de la décision:

* Sur la demande de rejet des débats des écritures et pièces déposées le 8 mars 2001:

Considérant que, sans présenter des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures du 19 décembre 2000, les conclusions déposées par la société Atos Intégration le 8 mars 2001, jour de la clôture, explicitent, spécialement en ce qui concerne la partie consacrée à l'irrecevabilité de la demande de la société GFD (page 5 de ces dernières conclusions), une argumentation qui n'a pu être portée en temps utile à la connaissance de la partie intimée, alors même que celle-ci avait conclu en dernier lieu le 5 octobre 2000;

Considérant qu'il y a donc lieu d'écarter des débats, pour cause de non-respect du contradictoire, les conclusions et pièces déposées par la société Atos Intégration à une date qui ne permettait pas aux autres parties à la présente procédure d'en prendre connaissance dans un délai suffisant avant le prononcé de l'ordonnance de clôture.

* Sur la recevabilité des demandes de la société GFD à l'encontre de la société Atos Intégration:

Considérant qu'aux termes du premier contrat d'agent commercial conclu le 1er février 1995 entre la société Sligos (aux droits de laquelle se trouve la société Atos Intégration) et la société CT Conseil, le mandant (la société Sligos) a (article 1-2) déclaré agir pour la mise en œuvre de la solution Sofix, "au nom et pour le compte du GIE Douanexport, constitué par Sligos, Bull, Dassault et les Douanes françaises, qu'il représente en tant que chef de file et partie contractante vis-à-vis du client comme de l'agent dans le cadre de la présente affaire. Les termes de la présente convention s'appliquent donc à toute fourniture de biens et services effectués au client dans le cadre de la mise en œuvre de la Solution Sofix par les opérateurs membres du GIE Douanexport, réputés être représentés ici par le mandant...; "

Considérant que la convention d'agent commercial conclue le 12 février 1995 entre les mêmes parties (à savoir Sligos et CT Conseil) ne reprend pas dans les mêmes termes la stipulation précédente, puisque l'article 1-2 énonce: " Dans le cadre de la présente convention, le mandant déclare agir pour la mise en œuvre de la solution Sofix, en tant que chef de file et partie contractante vis-à-vis du client comme de l'agent dans le cadre de la présente affaire. Les termes de la présente convention s'appliquent donc à toute fourniture de biens et services effectués au client dans le cadre de la présente affaire ";

Considérant qu'il résulte de la comparaison entre les deux conventions successives que, alors que la première mentionne à deux reprises que la société Sligos agit en tant que représentante du GIE Douanexport, la plus récente (qui, aux termes de son article 14, annule et remplace tous documents ou accords antérieurs) ne porte aucune mention que ladite société agit en cette qualité;

Considérant qu'il ne s'infère pas davantage des correspondances qu'elle a échangées courant 1995 et 1996 avec la société CT Conseil que la société Sligos avait alors clairement exprimé qu'elle intervenait au nom et pour le compte du GIE Douanexport;

Considérant qu'il est donc établi que la société CT Conseil n'avait initialement de lien contractuel qu'avec la société Sligos;

Considérant qu'il est également démontré que, dans le cadre de l'exécution de la convention d'agent commercial du 12 février 1995, la société CT Conseil a été régulièrement en rapport avec la société Sligos;

Considérant que, s'il est vrai qu'en application de l'article L. 622-18 du Code de commerce (ancien article 156 de la loi du 25 janvier 1985) et de l'article 13 de la convention précitée, la cession du contrat d'agent commercial de la société CT Conseil, intervenue dans le cadre des opérations de liquidation judiciaire de cette société nécessitait l'agrément du cocontractant, il apparaît qu'en l'occurrence cet agrément a été donné par la société Sligos, puisque, suivant lettre officielle du 16 janvier 1997 (dont copie a été adressée au responsable juridique de Sligos), l'avocat de cette société a fait savoir à l'avocat de la société GFD que sa cliente: "accepte la cession du contrat la liant à CT Conseil au profit du repreneur qui lui aura été présenté par l'administrateur judiciaire désigné pour s'occuper des opérations liées au dépôt de bilan de CT Conseil";

Considérant qu'au demeurant, la précision contenue dans ce courrier et exprimée dans les termes suivants: " Bien entendu, la société repreneuse doit présenter les qualités nécessaires pour mener à bien les prestations qui lui auront été cédées ", ne remet nullement en question le consentement expressément donné par la société Sligos à la cession du contrat d'agent commercial la liant à CT Conseil;

Considérant que, par ailleurs, il est établi que la cession dont s'agit, dûment autorisée par une ordonnance rendue le 21 novembre 1996 par le juge commissaire, a fait l'objet d'un acte sous seing privé du 7 juillet 1997 conclu entre Maître Ayache, en sa qualité de liquidateur de la société CT Conseil et la société GFD, et régulièrement signifié par acte d'huissier des 27 et 29 mai 1998 aux sociétés Sligos et Atos Intégration, lesquelles ont ainsi été officiellement informées que la société GFD était subrogée dans l'ensemble des droits et obligations souscrites par CT Conseil au titre du contrat d'agent commercial susvisé;

Considérant qu'en fonction de l'ensemble de ces éléments, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a énoncé que la société GFD a qualité pour agir à l'encontre de la société Atos Intégration, venant aux droits de la société Sligos.

* Sur l'irrecevabilité de l'action de la société GFD à l'encontre de la société Bull:

Considérant qu'il a déjà été mentionné que le seconde convention d'agent commercial conclue le 12 février 1995 par les sociétés Sligos et CT Conseil s'était substituée à la première en date du 1er février 1995, de telle sorte que le seul contrat susceptible de recevoir application est celui en date du 12 février 1995;

Considérant qu'il résulte des énonciations de ce contrat que la société Sligos, en sa qualité de mandant, n'intervient plus désormais comme représentant du GIE Douanexport dont la société Bull faisait notamment partie;

Considérant qu'au demeurant, la mention isolée suivant laquelle la société Sligos agit en tant que " chef de file" ne saurait engager la société Bull, dans la mesure où le contrat d'agent commercial dont s'agit ne précise ni quelles entités juridiques la société Sligos était censée représenter en cette qualité, ni si elle avait reçu mandat de signer en leurs lieu et place; considérant que, s'il est constant qu'au cours du premier semestre 1996, la maîtrise d'œuvre du projet Sofix Gabon a été transférée de la société Sligos à la société Bull, il ressort toutefois des échanges de correspondances entre les parties au présent litige, et tout particulièrement d'un écrit adressé à la société Bull le 6 juin 1996, que, même après ce transfert, la société Sligos a conservé " l'interface " avec la société CT Conseil, envers laquelle la société Bull n'a jamais souscrit le moindre engagement;

Considérant que, d'ailleurs, tout en admettant que la société CT Conseil n a pas donné son accord à un tel transfert, et a continué ultérieurement à être en contact avec la société Sligos, la société GFD, cessionnaire du contrat d'agent commercial litigieux, ne démontre nullement avoir à un moment ou à un autre traité directement avec la société Bull pour parvenir à la signature du contrat de prestation de services, relatif à l'informatisation des Douanes gabonaises, finalement conclu au cours du premier semestre 1997 entre ladite société et les autorités gabonaises;

Considérant qu'au surplus, il doit être observé que, bien qu'ils n'aient pas été tenus dans l'ignorance que la société Bull avait depuis le courant de l'année 1996 la maîtrise d'œuvre du projet Sofix pour le Caban, ni la société CT Conseil, ni Maître Ayache, en sa qualité de liquidateur de cette société, ni la société GFD en sa qualité de subrogée dans les droits de CT Conseil, n'ont cherché à obtenir l'agrément de la société Bull à la cession du contrat d'agent commercial dûment autorisée suivant ordonnance du juge commissaire en date du 21 novembre 1996;

Considérant qu'en l'absence de preuve d'un lien contractuel entre la société GFD, subrogée dans les droits de CT Conseil, et la société Bull, il convient d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a énoncé que GFD avait qualité pour agir à l'encontre de ladite société, et de déclarer irrecevables les prétentions de la société intimée en tant qu'elles sont dirigées contre la société Bull.

* Sur l'examen au fond de la demande de la société GFD à l'encontre de la société Atos Intégration:

Considérant qu'il convient de rappeler qu'en vertu du contrat d'agent commercial en date du 12 février 1995, la société CT Conseil, dans les droits de laquelle la société GFD se trouve subrogée, a été mandatée par la société Sligos pour la mise en œuvre de la solution Sofix dans divers pays intéressés par des prestations d'automatisation des procédures douanières;

Considérant qu'il est constant que, le 09 janvier 1997, la société Bull, "agissant pour le compte du GIE Douanexport ", a signé avec le ministère des Finances du Gabon un contrat de prestations informatiques ayant pour objet de doter l'Etat gabonais d'un système informatique douanier plus performant, appelé " SINDARA + ", et correspondant à l'utilisation de la solution Sofix que la société CT Conseil avait été chargée de promouvoir aux termes de la convention d'agent commercial précitée;

Considérant qu'il est donc démontré que la mission initialement confiée à la société CT Conseil a atteint son résultat par la signature du contrat intervenue début janvier 1997 entre la société Bull et les autorités gabonaises;

Considérant que vainement est-il soutenu par la société Atos Intégration qu'aucun droit à commission n'était né en faveur de la société GFD, faute par celle-ci de rapporter la preuve des diligences accomplies par elle ainsi que par la société CT Conseil pour parvenir à la signature du contrat susvisé; considérant qu'en effet, d'une part, il résulte de correspondances régulièrement versées aux débats que, tant qu'elle a conservé la maîtrise d'œuvre du système Sofix, la société Sligos n'avait pas manqué de manifester sa satisfaction pour l'aide apportée par CT Conseil en vue de l'implantation de ce système dans plusieurs pays africains, et notamment au Caban;

Considérant que, d'autre part, il s'infère d'un courrier adressé le 6 juin 1996 par la société Sligos à la société Bull qu'à l'occasion du transfert à celle-ci de la maîtrise d'œuvre du projet Sofix, ces deux sociétés s'étaient entendues entre elles pour que Sligos " conserve l'interface avec la société CT Conseil qui agit comme apporteur d'affaire sur ce projet depuis son on gifle ", à charge pour la société Bull de respecter vis-à-vis de Sligos, les engagements pris à l'égard de CT Conseil " portant principalement sur le versement d'une commission de 15 % du montant total du marché, que cette dette devra être acquise à la société CT Conseil à la signature dudit marché..."

Considérant qu'au surplus, il convient de relever qu'aux termes de l'article 6-4 de la convention d'agent commercial du 12 février 1995, la société CT Conseil s'était vu confier l'exclusivité de la représentation de son mandant auprès des clients avec lesquels elle serait amenée à traiter dans le domaine relevant de l'application de cette convention;

Considérant que, par ailleurs, il doit être observé que, suivant lettre du 12 octobre 1995, la société Sligos avait confirmé à la société CT Conseil que le taux de commission applicable au projet Sofix pour le Caban était fixé à 15 % du montant hors taxes du contrat, tout en lui précisant que, par dérogation à l'article 7-2 de la convention, la commission totale lui serait acquise à la signature du contrat;

Considérant que, dès lors qu'il résulte suffisamment des engagements pris par la société Sligos envers la société CT Conseil que la commission serait due à celle-ci dès la signature du contrat intervenu avec les autorités du pays concerné, et dès lors en outre qu'il apparaît qu'en l'occurrence ledit contrat a été signé le 9 janvier 1997, soit au cours du mandat d'agent commercial consenti pour une durée de deux années à compter du 1er février 1995, les premiers juges ont exactement retenu qu'en tant que subrogée dans les droits de la société CT Conseil en vertu de l'acte de cession conclu le 7 juillet 1997 avec Maître Ayache, pris en sa qualité de liquidateur de cette dernière, la société GFD est bien fondée à se voir allouer le bénéfice du versement de la commission d'un montant de 15 % du montant total du marché, suivant les modalités définies par les courriers de la société Sligos en date des 3 février 1995 et 12 octobre 1995;

Considérant que, de surcroît, pour dénier à la société GFD son droit au paiement de ladite commission, la société Atos Intégration ne saurait valablement exciper du caractère prétendument modique du prix de cession du fonds de commerce de la société CT Conseil tel qu'il résulte de l'acte sous seing privé intervenu le 7 juillet 1997 entre Maître Ayache, liquidateur de celle-ci, et la société intimée;

Considérant qu'en effet, les conditions dans lesquelles ce prix de cession, conforme aux termes de l'autorisation donnée le 21 novembre 1996 par le juge commissaire, a été arrêté entre la société GFD et Maître Ayache, liquidateur de CT Conseil, ne sauraient avoir d'incidence sur le droit de la société intimée, cessionnaire du contrat d'agent commercial conclu le 12 février 1995 entre les sociétés Sligos et CT Conseil, d'exiger, de la part de la société Atos laquelle vient aux droits de la société Sligos, l'exécution des engagements contractuellement pris par celle-ci envers la société CT Conseil;

Considérant qu'en fonction de l'ensemble de ces éléments, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société Atos à payer à la société GFD la somme de 5 884 660 F TTC, correspondant à la commission de 15 % sur le prix du marché conclu avec les autorités gabonaises pour un montant de 39 231 065 F TTC, ladite somme étant majorée des intérêts légaux à compter du 26 mars 1998, date de la mise en demeure adressée à la société appelante;

Considérant qu'au surplus, les intérêts légaux dus sur ladite somme principale doivent être eux-mêmes capitalisés, conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil, ce à compter du 20 juillet 1998, date de l'assignation introductive d'instance.

* Sur les demandes annexes:

Considérant que, dans la mesure où la voie de recours diligentée par les sociétés appelantes ne revêt pas le caractère d'un abus de droit, il convient de débouter la société GFD de sa demande de dommages-intérêts de ce chef;

Considérant que, dès lors que les circonstances de la cause ne mettent pas en évidence que la présente procédure a été pour elle à l'origine d'un préjudice justifiant une indemnisation spécifique, la société Bull doit être déboutée de sa réclamation tendant à l'octroi de dommages-intérêts sur ce fondement;

Considérant que l'équité commande d'allouer à la société GFD, sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, une indemnité globale de 40 000 F, à la charge de la société Atos Intégration, en remboursement des frais non compris dans les dépens exposés par la société intimée tant en première instance qu'en appel;

Considérant qu'en ce qui la concerne, la société GFD doit être condamnée à payer à la société Bull une indemnité de 10 000 F, au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Considérant qu'il n'est en revanche pas inéquitable que la société Atos Intégration conserve la charge de l'intégralité des frais non compris dans les dépens exposés par elle dans le cadre de la présente procédure;

Considérant que la société Atos Integration doit être condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, - Déclare recevable l'appel interjeté par la Société Atos Intégration, ledit mal fondé; - Déclare recevable l'appel interjeté par la société Bull, ledit bien fondé; - Infirme partiellement le jugement déféré, et statuant à nouveau: - Déclare irrecevables les demandes de la société Groupe Financier Dole, GFD, entant qu'elles sont dirigées à l'encontre de la société Bull; - Déclare recevables et partiellement fondées les demandes de la société Groupe financier Dole, GFD, en tant qu'elles sont dirigées à l'encontre de la société Atos Integration, venant aux droits de la société Sligos; - Condamne la société Atos Intégration à payer à la société Groupe financier Dole, GFD, la somme de 5 884 660 F TTC, ladite somme étant majorée des intérêts légaux à compter du 26 mars 1998; - Ordonne la capitalisation des intérêts légaux sur ladite somme, en application des dispositions de l'article 1154 du Code civil, avec comme point de départ le 20 juillet 1998; - Condamne en outre la société Atos Intégration à payer à la société Groupe financier Dole, GFD, sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, une indemnité globale de 40 000 F, en remboursement des frais non compris dans les dépens exposés par la société intimée tant en première instance et d'appel; - Condamne la société Groupe financier Dole, GFD. à payer à la société Bull, sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, une indemnité de 10 000 F, en remboursement des frais non compris dans les dépens exposés par cette société dans le cadre de la présente procédure; - Déboute les parties de leurs autres et plus amples demandes; - Condamne la société Atos Intégration aux entiers dépens de première instance et d'appel, et autorise d'une part la SCP Bommart-Minault, d'autre part la SCP CAS, sociétés d'Avoués, à recouvrer directement la part les concernant, conformément à ce qui est prescrit par l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.