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Décisions

CA Paris, 13e ch. A, 1 mars 1993, n° 92-3977

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Union fédérale des consommateurs, Association Act Up, Association française de lutte contre le sida

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cerdini

Avocat général :

M. Bouazzouni

Conseillers :

MM. Valantin, Mc Kee

Avocats :

Croux, Gourdain, Vogeli, Domenach.

TGI Paris, 31e ch., du 3 mars 1992

3 mars 1992

Rappel de la procédure

Le jugement

Le tribunal a:

constaté la comparution volontaire en qualité de prévenu de Pierre B;

déclaré Geneviève P non coupable du délit de publicité fausse ou de nature à induire en erreur, l'a relaxée de ce chef;

déclaré Pierre B responsable de la commercialisation des lingettes "Y", en réalité inefficaces pour inactiver le pouvoir infectieux du virus HIV du sida, coupable du délit de publicité fausse ou de nature à induire en erreur prévu par l'article 44 de la loi du 27 décembre 1973;

faits commis sur le territoire national, depuis le mois de novembre 1990;

et, par application de l'article précité;

l'a condamné à 200 000 F d'amende;

ordonné la publication du jugement, par extraits, aux frais du condamné, dans les journaux Le Monde, Le Figaro, Le Parisien libéré;

le tribunal a condamné le prévenu aux dépens, liquidés à savoir:

- frais avancés par l'Etat: 449,43 F, en ce compris le droit fixe de procédure;

- frais avancés par les parties civiles poursuivantes 2 005 F (citation de Mme P);

- frais prélevés sur la consignation: néant;

statuant sur l'action civile,

reçu l'Union fédérale des consommateurs, l'association ACT UP et l'Agence française de lutte contre le sida en leur constitution de parties civiles;

condamné Pierre B à leur verser à chacune la somme de 50 000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 3 000 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale;

déclaré la société X civilement responsable de son préposé;

dit n'y avoir lieu à publication du jugement au titre de dommages-intérêts complémentaires, ni à exécution provisoire.

Appels

Appel a été interjeté par:

Pierre B, le 9 mars 1992;

le Procureur de la république près le Tribunal de grande instance de Paris, le 09.03.1992.

Décision

rendue contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant sur les appels interjetés par le prévenu et le Ministère public à l'encontre du jugement déféré;

S'y référant pour l'exposé de la prévention et des faits;

Il est rappelé que le prévenu en sa qualité de gérant de fait de la SARL X a commercialisé à partir de novembre 1990 et courant 1991 sous le nom de "Y" des lingettes désinfectantes, désodorisantes et nettoyantes que les emballages présentent comme étant "anti-bactéries anti-virus HIV/sida - efficacité reconnue par les Instituts Pasteur de Paris et de Lille" et susceptibles d'être utilisées pour nettoyer les lunettes de WC, les téléphones et les mains, pouvant ainsi laisser croire que le sida peut se transmettre par simples contacts externes;

Le prévenu sollicite sa relaxe au motif que le rapport d'expertise versé au dossier établit que la solution lingette inactive totalement le virus du sida et qu'en conséquence les allégations de la publicité sont exactes. Il demande que chacune des parties civiles soit condamnée à lui verser 5 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale;

Le mandataire liquidateur de la SARL X demande à la cour de constater la suspension des poursuites à l'encontre de la SARL et de renvoyer les parties civiles à déclarer le montant de leur créance entre ses mains;

Les parties civiles demandent la confirmation du jugement déféré;

Discussion

Sur l'action publique

Considérant qu'il ressort de l'expertise effectuée par l'Institut Pasteur le 6.02.1990 du liquide imbibant les lingettes, sur laquelle s'appuie le prévenu pour solliciter sa relaxe, P.2 "qu'un contact de 1, 2 et 5 minutes avec la solution lingette non diluée suffit à inactiver totalement le pouvoir infectieux du virus de l'immunodéficience humaine (VIH) sous forme séchée" et p. 5 "qu'un traitement par la solution lingette utilisée telle quelle pendant un temps minimum de 1 minute s'avère efficace pour inhiber le pouvoir infectieux du VIH..."

Qu'ainsi pour être efficace cette solution doit être employée, telle quelle (et non après imbibition d'un support), non diluée, et rester au contact du virus pendant au moins une minute, ce qu'a confirmé le Professeur Montagnier devant les premiers juges précisant que les lingettes n'inactivaient pas le virus lorsqu'on les passait trois fois sur une lame de verre supportant du sang contaminé séché;

Considérant dès lors que la publicité incriminée est pour le moins de nature à induire en erreur sur les propriétés des lingettes et les résultats qui peuvent être attendus de leur utilisation en ce qu'elle indique que les lingettes inactivent le virus sans condition de temps alors que l'inactivation du virus n'est obtenue qu'après son exposition durant une minute au moins à la solution employée telle quelle et non pas au moyen d'un support;

Que le prévenu, qui disposait de l'expertise qu'il invoque, ne pouvait en ignorer le contenu;

Qu'ainsi l'élément intentionnel de l'infraction est caractérisé;

Considérant par ailleurs que les dessins de l'emballage précisant le mode d'emploi des lingettes peuvent laisser penser à un consommateur moyennement averti que le sida peut se communiquer par simple contact externe avec un objet contaminé alors qu'il est admis qu'il ne peut se transmettre que par voie sexuelle ou sanguine;

Que là encore l'élément intentionnel est caractérisé, le prévenu ne s'étant pas, pour le moins, assuré de la clarté de la publicité avant sa diffusion;

Considérant en répression que la décision des premiers juges mérite confirmation;

Sur les intérêts civils

Considérant que les premiers juges ont procédé à une évaluation équitable des intérêts civils à l'égard des trois parties civiles;

Que leur décision sera donc confirmée;

Sur le civilement responsable

Considérant que la SARL X ne conteste pas sa responsabilité civile;

Qu'il convient de faire droit aux conclusions du mandataire liquidateur de cette société;

Par ces motifs, et ceux non contraires des premiers juges, LA COUR: Statuant publiquement; Reçoit les appels interjetés; Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions tant pénales que civiles; Ordonne la publication du présent arrêt par extraits aux frais du condamné dans les journaux Le Monde, Le Figaro et Le Parisien libéré; Dit qu'en raison de la liquidation judiciaire de la SARL X, les parties civiles devront déclarer le montant de leur créance entre les mains de Me Marillier; Rejette toutes conclusions plus amples ou contraires; La présente décision est assujettie au droit fixe de procédure de 800 F dont est redevable le condamné. Le condamne en outre aux dépens de première instance.