CJCE, 6e ch., 12 décembre 2002, n° C-209/00
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Commission des Communautés européennes
Défendeur :
République fédérale d'Allemagne
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Schintgen
Rapporteurs :
MM. Gulmann, Skouris, Mme Macken
Avocat général :
M. Tizzano
Juge :
M. Cunha Rodrigues
LA COUR (sixième chambre),
1. Par requête déposée au greffe de la Cour le 25 mai 2000, la Commission des Communautés européennes a introduit, en vertu de l'article 88, paragraphe 2, deuxième alinéa, CE, un recours visant à faire constater que, en n'adoptant pas, dans le délai imparti, les mesures requises pour supprimer et récupérer l'aide d'État qu'elle avait accordée à la Westdeutsche Landesbank Girozentrale entre 1992 et 1998 et qui a été déclarée incompatible avec le marché commun par la décision 2000-392-CE de la Commission, du 8 juillet 1999, concernant la mesure mise à exécution par l'Allemagne en faveur de la Westdeutsche Landesbank - Girozentrale (WestLB) (JO 2000, L 150, p. 1), la République fédérale d'Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des dispositions combinées de l'article 249 CE et de l'article 3 de ladite décision.
Faits du litige
La décision 2000-392
2. Aux termes de l'article 1er du Gesetz zur Regelung der Wohnungsbauförderung (loi portant adoption d'une réglementation de l'aide à la construction de logements), du 18 décembre 1991 (ci-après le "GRW"), adopté par le Parlement du Land Nordrhein-Westfalen, la Wohnungsbauförderungsanstalt des Landes Nordrhein-Westfalen (ci-après la "WfA") a été transférée, à compter du 1er janvier 1992, à la Westdeutsche Landesbank Girozentrale (ci-après la "WestLB"), qui en est le successeur exclusif.
3. La WestLB est un organisme de droit public régi par la législation de Rhénanie-du-Nord-Westphalie. Elle est détenue à 100 % par le secteur public. Son principal actionnaire est le Land Nordrhein-Westfalen (ci-après le "Land"), qui détient 43,2 % de son capital.
4. Jusqu'au 31 décembre 1991, la WfA a fonctionné comme un organisme de droit public. À ce titre, elle était une personne morale à part entière, dont le Land était le seul actionnaire. Elle avait pour unique mission d'encourager la construction de logements. Après le 1er janvier 1992, la WfA est demeurée un organisme de droit public indépendant sur le plan économique et de l'organisation au sein de la WestLB, mais sans personnalité juridique propre.
5. Le capital initial et les réserves de la WfA ont dû être comptabilisés au bilan de la WestLB comme réserves spéciales. En effet, conformément à l'article 2, paragraphe 16, deuxième alinéa, du GRW, les éléments du patrimoine de la WfA, c'est-à-dire son capital, ses réserves, les fonds d'aides au logement, ses autres créances, ainsi que les bénéfices futurs sur les prêts à la construction, d'un total de 5,9 milliards de DEM, ont continué à être affectés, après le transfert à la WestLB, à des activités d'aide à la construction des logements. Ces actifs de la WfA transférés à la WestLB doivent donc être gérés indépendamment des autres activités de la WestLB. Toutefois, le GRW prévoyait également que le patrimoine transféré servirait simultanément de capitaux propres, à savoir des capitaux qui sont utilisés pour calculer le ratio de solvabilité d'une banque.
6. Le transfert de la WfA n'a entraîné aucune modification des participations dans la WestLB. Le Land n'a reçu aucune contrepartie pour les capitaux ainsi apportés à la WestLB, ni sous forme d'augmentation des dividendes distribués ni sous forme d'augmentation des titres participatifs dans la WestLB. En revanche, un taux annuel de 0,6 % a été fixé afin de rémunérer le Land pour les capitaux apportés. La WestLB versait cette rémunération sur ses bénéfices après impôts. Cette rémunération, calculée à partir du capital de la WfA reconnu par le Bundesaufsichtsamt für das Kreditwesen (Office fédéral de contrôle du crédit) comme fonds propres de la WestLB, n'était versée que pour la partie de ces fonds dont la WestLB pouvait disposer pour garantir ses opérations commerciales.
7. La Commission a décidé, le 1er octobre 1997, d'ouvrir la procédure prévue à l'article 93, paragraphe 2, du traité CE (devenu article 88, paragraphe 2, CE). À l'issue de son enquête, la Commission a adopté la décision 2000-392.
8. La Commission a constaté, dans cette décision, que, par le transfert de la WfA à la WestLB par le Land, la République fédérale d'Allemagne avait accordé une aide d'État en violation de l'article 88, paragraphe 3, CE. Aux termes de la décision 2000-392, l'élément d'aide se trouve dans la différence entre les sommes effectivement versées au titre de la rémunération pour le capital apporté et les paiements qui seraient conformes au marché. La Commission a constaté en outre que cette aide ne pouvait être considérée comme compatible avec le marché commun ni en vertu de l'article 87, paragraphe 2 ou 3, CE ni en vertu d'autres dispositions du traité.
9. Pour ces raisons, la Commission a arrêté les dispositions suivantes, telles qu'elles résultent du dispositif de la décision 2000-392:
"Article premier
L'aide d'État mise à exécution par l'Allemagne en faveur de la Westdeutsche Landesbank Girozentrale, pour un montant de 1 579 700 000 DEM (807 700 000 EUR) de 1992 à 1998, est incompatible avec le marché commun.
Article 2
1. L'Allemagne prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer auprès de son bénéficiaire l'aide visée à l'article 1er et déjà illégalement mise à sa disposition.
2. La récupération a lieu conformément aux procédures du droit national. Les aides à récupérer incluent des intérêts à partir de la date à laquelle elles ont été mises à la disposition des bénéficiaires, jusqu'à la date de leur récupération. Les intérêts sont calculés sur la base du taux de référence utilisé pour le calcul de l'équivalent-subvention dans le cadre des aides à finalité régionale.
Article 3
L'Allemagne informe la Commission, dans un délai de deux mois à compter de la date de la notification de la présente décision, des mesures qu'elle a prises pour s'y conformer.
Article 4
La République fédérale d'Allemagne est destinataire de la présente décision."
10. La République fédérale d'Allemagne a introduit, le 7 octobre 1999, un recours en annulation de la décision 2000-392 qui a été inscrit au greffe de la Cour sous le numéro C-376-99.
11. Le 12 octobre 1999, la WestLB ainsi que le Land ont saisi le Tribunal de première instance de recours en annulation à l'encontre de cette même décision, lesquels ont été respectivement inscrits sous les numéros T-228-99 et T-233-99.
12. Par ordonnance de la Cour du 8 février 2000, la procédure dans l'affaire C-376-99 a été suspendue jusqu'aux décisions définitives du Tribunal dans les affaires T-228-99 et T-233-99.
13. Par lettre du 4 octobre 1999, le Gouvernement allemand a communiqué à la Commission une mesure pour mettre en œuvre la décision 2000-392. À la suite du rejet de cette mesure par la Commission le 1er décembre 1999, ce gouvernement a, par lettre du 15 mars 2000, présenté une proposition pour l'exécution de ladite décision.
La mesure communiquée à la Commission le 4 octobre 1999
14. Aux termes de la lettre du Gouvernement allemand du 4 octobre 1999, l'exécution de la décision 2000-392 résultait d'un accord conclu le 22 septembre 1999 entre les actionnaires de la WestLB en vue d'exécuter la décision 2000-392. La plus-value enregistrée dans les réserves visibles et occultes de la WestLB entre 1992 et 1998 grâce à l'augmentation de ses fonds propres consécutive au transfert de la WfA serait redistribuée entre les actionnaires actuels pour se conformer à l'ordre de récupération. La part du Land dans la valorisation des actifs de la WestLB augmenterait de 22,1 %. Pour une plus-value que le Land évalue à 10 milliards de DEM pour la période 1992-1998, la part supplémentaire de 22,1 % représenterait au moins 2,21 milliards de DEM. Ce montant supplémentaire auquel aurait droit le Land supprimerait l'aide d'État visée dans la décision 2000-392.
15. Cette redistribution ne se produirait toutefois qu'en cas de liquidation de la WestLB ou de changement de la structure de son actionnariat.
16. Après 1998, la réserve spéciale résultant du transfert de la WfA à la WestLB devrait être transformée en participation passive ("Stille Einlage") du Land, sans modification des parts du capital social. Une participation passive, au sens du droit allemand, consiste en une participation au capital d'une entreprise qui ne confère à celui qui l'a consentie ni le droit de vote ni celui de déterminer les actions de ladite entreprise. Les conditions précises d'une participation passive sont fixées dans le contrat en vertu duquel elle est consentie.
17. Le Land aurait le droit, dans le cadre de futures augmentations du capital de la WestLB, de fournir sa part grâce à la transformation de certaines parties de sa participation passive, à un taux qui serait toujours convenu à l'unanimité entre les garants.
18. L'accord conclu entre les actionnaires de la WestLB serait annulé avec effet rétroactif si le Tribunal de première instance concluait à la nullité de la décision 2000-392 ou si, au contraire, il l'entérinait ou, enfin, s'il estimait que l'accord en question ne mettait pas en œuvre ladite décision.
19. Par lettre du 1er décembre 1999, la Commission a répondu au Gouvernement allemand que cette mesure n'était pas de nature à assurer l'exécution correcte de la décision 2000-392.
La proposition communiquée à la Commission le 15 mars 2000
20. En raison de ce refus, le Gouvernement allemand a présenté à la Commission, le 15 mars 2000, une proposition de mise en œuvre de la décision 2000-392. Par lettre du 5 avril 2000, ce gouvernement a précisé les conditions relatives à cette proposition.
21. Selon ce gouvernement, au lieu d'une restitution en espèces, la WestLB devrait accorder au Land une restitution en nature sous la forme d'une prise de participation passive de 2,2 milliards de DEM, avec effet rétroactif au 1er janvier 2000. Cette participation passive devrait non seulement couvrir les aides que la Commission a, dans la décision 2000-392, considéré comme ayant été octroyées entre le 1er janvier 1992 et le 31 décembre 1998, majorées des intérêts, mais également les aides de l'année 1999 non chiffrées par cette décision.
22. Cette participation passive serait également consentie à des "conditions conformes au marché", en respectant notamment les prescriptions du Comité de Bâle sur le contrôle bancaire, du 27 octobre 1998, concernant les "fonds propres hybrides", dont relève, en droit commercial allemand, le capital d'une participation passive. Les intérêts engendrés par la participation passive ne seraient pas versés au Land, mais resteraient au sein de la WestLB. Ces intérêts s'ajouteraient tous les ans à la participation passive jusqu'aux dates des arrêts définitifs du Tribunal et de la Cour concernant la décision 2000-392.
23. Les mesures proposées ne seraient toutefois mises en œuvre qu'après confirmation, par la Commission, qu'il n'existe aucune objection à la participation passive en droit de la concurrence.
24. Par ailleurs, dans l'hypothèse où la Cour ou le Tribunal conclurait à la nullité de la décision 2000-392, le Land rendrait la participation passive avec les intérêts à la WestLB, sans prévoir de dédommagement en contrepartie.
25. Par lettre du 29 mars 2000, la Commission a répondu au Gouvernement allemand que la proposition du 15 mars 2000 ne permettait pas de conclure que les mesures y prévues représentaient une mise en œuvre correcte de la décision 2000-392.
Procédure précontentieuse
26. La lettre de la Commission du 29 mars 2000 a été suivie de plusieurs entretiens entre les représentants de la Commission, du Gouvernement allemand, du Land et de la WestLB, concernant la possibilité d'adapter la proposition du 15 mars 2000.
27. Lors de l'entretien du 3 mai 2000, les représentants de la Commission ont demandé le remboursement effectif des aides octroyées, comme le prévoit la décision 2000-392, ainsi que des intérêts y afférents, dans les deux semaines suivantes.
28. À l'échéance dudit délai, la Commission a introduit le présent recours.
Sur le fond
29. À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon l'article 3, paragraphe 1, sous g), CE, l'action de la Communauté comporte l'établissement d'un régime assurant que la concurrence n'est pas faussée dans le marché intérieur et que, dans ce cadre, l'article 87, paragraphe 1, CE déclare incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre les États membres, les aides accordées par les États, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions.
30. Pour assurer l'efficacité de cette interdiction, la Commission est compétente, lorsqu'elle constate l'incompatibilité d'une aide avec le marché commun, pour décider que l'État intéressé doit la supprimer ou la modifier. Cette suppression ou modification, pour avoir un effet utile, peut comporter l'obligation d'exiger le remboursement d'aides octroyées en violation du traité (voir arrêt du 12 juillet 1973, Commission/Allemagne, 70-72, Rec. p. 813, point 13).
31. L'État membre destinataire d'une décision l'obligeant à récupérer des aides illégales est tenu, en vertu de l'article 249 CE, de prendre toutes les mesures propres à assurer l'exécution de ladite décision.
32. Étant donné l'absence de dispositions communautaires portant sur la procédure de recouvrement des montants indûment versés, la récupération des aides illégales doit être effectuée, en principe, selon les modalités prévues par le droit national (voir, en ce sens, arrêt du 20 mars 1997, Alcan Deutschland, C-24-95, Rec. p. I-1591, point 24).
33. Au demeurant, cette jurisprudence a été entérinée par le règlement (CE) n° 659-1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d'application de l'article 93 du traité CE (JO L 83, p. 1), notamment son article 14, paragraphe 3, qui prévoit que la récupération s'effectue sans délai et conformément aux procédures prévues par le droit national de l'État membre concerné.
34. Ainsi, un État membre qui, en vertu d'une décision de la Commission, se trouve obligé de récupérer des aides illégales est libre de choisir les moyens par lesquels il exécutera cette obligation, pourvu que les mesures choisies ne portent pas atteinte à la portée et à l'efficacité du droit communautaire.
35. Or, il découle de ce qui précède qu'un État membre ne saurait remplir une telle obligation de récupération que si les mesures qu'il adopte sont aptes à rétablir les conditions normales de concurrence qui ont été faussées par l'octroi de l'aide illégale et respectent les dispositions pertinentes du droit communautaire.
36. Ne constituent donc pas une mise en œuvre correcte d'une décision imposant la récupération d'aides illégales des mesures qui elles-mêmes ne respectent pas le droit communautaire.
37. Enfin, il importe de rappeler que, lorsqu'un État membre omet de se conformer à l'obligation de récupérer des aides illégales, la Commission a le droit de saisir la Cour pour faire constater cette violation du traité, soit sur le fondement de l'article 226 CE, soit sur celui de l'article 88, paragraphe 2, CE, cette seconde voie de recours n'étant qu'une variante du recours en manquement, adaptée aux problèmes spécifiques que présente le maintien d'aides d'État déclarées illégales pour la concurrence dans le marché commun.
38. Il est de jurisprudence constante que, dans le cadre d'un recours en manquement, il incombe à la Commission d'établir l'existence du manquement allégué. C'est elle qui doit apporter à la Cour les éléments nécessaires à la vérification par celle-ci de l'existence de ce manquement, sans pouvoir se fonder sur une présomption quelconque (voir arrêt du 25 mai 1982, Commission/Pays-Bas, 96-81, Rec. p. 1791, point 6).
39. Toutefois, les États membres sont tenus, en vertu de l'article 10 CE, de faciliter à la Commission l'accomplissement de sa mission, qui consiste notamment à veiller à l'application des dispositions prises par les institutions en vertu du traité (voir arrêt Commission/Pays-Bas, précité, point 7).
40. En ce qui concerne l'exécution d'une décision exigeant la récupération d'aides illégales, lorsqu'un État membre prévoit la récupération desdites aides par un moyen autre que le paiement en numéraire, il lui appartient de fournir à la Commission toutes informations permettant de vérifier que le moyen choisi constitue une mise en œuvre adaptée de cette décision.
41. À la différence d'une récupération par un paiement en numéraire, dont la nature se prête au contrôle par la Commission de l'exécution d'une telle décision, d'autres méthodes proposées par un État membre pour remplir son obligation d'assurer la récupération d'aides illégales pourraient nécessiter une appréciation d'éléments complexes.
42. Or, pour que la Commission puisse procéder à une telle vérification, il lui faut des informations que, en l'absence de coopération étroite de la part de l'État membre concerné, elle ne peut pas obtenir.
43. Il s'ensuit que, si l'État membre peut récupérer des aides illégales autrement que par le biais d'un paiement en numéraire, il doit veiller à ce que les mesures choisies par lui soient suffisamment transparentes afin que la Commission puisse s'assurer qu'elles sont aptes à éliminer la distorsion de concurrence causée par lesdites aides dans le plein respect du droit communautaire.
44. Il convient donc de conclure que, lorsqu'un État membre décide de ne pas récupérer une aide par la voie d'un paiement en numéraire, choisissant ainsi d'avoir recours à des mesures alternatives, il est tenu de fournir à la Commission les éléments lui permettant de vérifier que ces mesures sont aptes à atteindre le résultat imposé par la décision dans le plein respect du droit communautaire.
45. C'est à la lumière de ces considérations liminaires qu'il y a lieu d'examiner les communications des 4 octobre 1999 et 15 mars 2000.
Sur la mesure communiquée à la Commission le 4 octobre 1999
46. Il convient au préalable de rappeler que, lors de l'audience, les parties ont débattu de la nature de l'accord intervenu entre les actionnaires de la WestLB, annexé à la communication du Gouvernement allemand du 4 octobre 1999, pour établir s'il s'agissait d'une mesure effectivement adoptée pour mettre en œuvre la décision 2000-392, comme le soutient le Gouvernement allemand, ou s'il s'agissait d'une simple proposition de mesure d'exécution, comme l'estime la Commission.
47. À cet égard, il suffit de constater que, tant dans sa lettre du 4 octobre 1999 que devant la Cour, le Gouvernement allemand a présenté cette mesure en tant que mesure effectivement adoptée qu'il considère comme apte à assurer l'exécution de la décision 2000-392. Il convient, dès lors, de l'examiner comme telle.
Arguments des parties
48. La Commission fait valoir que la mesure communiquée le 4 octobre 1999 ne correspond pas aux exigences d'une exécution appropriée de la décision 2000-392.
49. D'une part, cette mesure impliquerait seulement la renonciation par les autres actionnaires à des parts du patrimoine de la WestLB en faveur du Land, mais ne modifierait nullement la situation de la WestLB du point de vue des coûts. Or, en principe, lorsqu'il y a injection de nouveaux capitaux dans une banque, cela génère des frais pour celle-ci. Dès lors, la mesure proposée ne compenserait pas la distorsion de concurrence qui s'est produite dans le passé en faveur de la WestLB.
50. D'autre part, un investisseur privé qui se comporte conformément au marché n'accepterait jamais que la réalisation d'une participation accrue soit remise à plus tard. Pourtant, la mesure communiquée le 4 octobre 1999 prévoirait que la redistribution proposée ne se produira qu'en cas de liquidation de la WestLB ou de changement de la structure de son actionnariat.
51. La Commission relève, en outre, que même les actionnaires de la WestLB ne pensaient pas que la mesure communiquée le 4 octobre 1999 suffirait à exécuter la décision 2000-392 puisqu'ils avaient prévu de réviser la règle proposée, même en cas de confirmation de cette décision par le Tribunal de première instance.
52. En revanche, le Gouvernement allemand indique, tout d'abord, que toute modification de la structure de la rémunération consentie à l'occasion du transfert de la WfA - que ce soit par une augmentation de la distribution périodique de dividendes ou par une participation supplémentaire du Land à la valorisation des actifs de la WestLB - ne peut avoir de répercussion que dans les rapports entre les actionnaires. L'imposition d'une charge portée au compte de profits et pertes de la banque ne saurait donc être déterminante.
53. Ensuite, selon ce gouvernement, aucune aide d'État n'existerait dans le cas où, conformément au principe de l'investisseur opérant en économie de marché, l'investisseur aurait escompté pour son capital un rendement normal sous forme de participation à la valorisation des actifs de l'entreprise bénéficiaire. Il en découle que la participation rétroactive de l'investisseur - en l'occurrence le Land - à la valorisation des actifs devrait, par symétrie, permettre de compenser des distorsions de concurrence.
54. Le Gouvernement allemand critique également le fait que la Commission rejette la mesure d'exécution au motif que la plus-value accordée à titre rétroactif ne pourrait être réalisée qu'en cas de cession de parts et de liquidation de la WestLB. Il relève que, en général, s'agissant d'apports de capitaux, la participation à la plus-value constitue le facteur de rendement déterminant par rapport à la distribution des bénéfices en numéraire. En tout état de cause, il conteste l'affirmation de la Commission selon laquelle la participation au capital de la WestLB est inaliénable ou à ce point durable que la valorisation ne pourrait jamais procurer d'avantages au Land.
55. Enfin, quant à l'effet prétendument suspensif de la mesure communiquée le 4 octobre 1999, le Gouvernement allemand considère que, au vu de sa certitude que la décision 2000-392 sera annulée, il aurait été imprudent de prévoir un paiement en numéraire qui aurait entraîné des dommages irréparables dans le chef de la WestLB. En effet, il importerait de s'assurer de la possibilité d'annuler la mesure.
Appréciation de la Cour
56. Il convient de rappeler que, ainsi qu'il a été indiqué au point 32 du présent arrêt, la récupération des aides illégales doit être effectuée, en principe, selon les modalités prévues par le droit national.
57. Or, s'il est vrai qu'un État membre qui, en vertu d'une décision de la Commission, se trouve obligé de récupérer des aides illégales est libre de choisir les moyens par lesquels il exécutera cette obligation, il n'en demeure pas moins que les mesures choisies ne sauraient porter atteinte à la portée et à l'efficacité du droit communautaire, et notamment des dispositions du traité relatives aux aides d'État. Dès lors, de telles mesures doivent être d'un effet identique à celle qui consiste en un remboursement au moyen d'un transfert de fonds.
58. Ainsi, toute mesure adoptée afin de remplir l'obligation de récupération d'une aide versée illégalement doit être apte à rétablir les conditions de concurrence qui ont été faussées par l'octroi de l'aide illégale, de nature à pouvoir être identifiée comme telle par la Commission et les autres intéressés, inconditionnelle et applicable sans délai.
59. En l'occurrence, force est de constater que la mesure adoptée en vue du recouvrement de l'aide accordée à WestLB ne remplit pas ces conditions.
60. À cet égard, il suffit de relever, d'une part, que le droit d'obtenir une part supplémentaire des plus-values d'une société au moment de la liquidation de celle-ci ou en cas de modification des parts des actionnaires dans le capital se réfère à un avenir incertain.
61. D'autre part, il n'apparaît pas que la mesure en question soit apte à assurer l'exécution de la décision 2000-392 en raison également de son caractère précaire. En effet, les garants de la WestLB avaient décidé que l'accord conclu entre eux serait annulé avec effet rétroactif non seulement en cas d'annulation de ladite décision par les juges communautaires, ou de décision constatant le caractère impropre de cet accord à en assurer l'exécution, mais également en cas de confirmation définitive de la décision 2000-392 par les juges.
62. Par conséquent, la mesure d'exécution communiquée par le Gouvernement allemand à la Commission le 4 octobre 1999 ne saurait être considérée comme une mesure apte à obtenir la récupération auprès du bénéficiaire de l'aide visée par la décision 2000-392.
Sur la proposition communiquée à la Commission le 15 mars 2000
Arguments des parties
63. La Commission fait valoir que la proposition qui lui a été communiquée le 15 mars 2000 comportant une mesure de réinvestissement immédiat de l'aide remboursée, sous forme de création d'une participation passive, elle pourrait constituer une nouvelle aide, en sorte qu'elle devait lui être notifiée. Or, la nécessité d'une telle notification aurait impliqué que la mise en œuvre de la décision 2000-392 reste en pratique suspendue jusqu'à l'examen par la Commission de la proposition notifiée. Cet effet suspensif serait incompatible avec l'obligation de récupération immédiate découlant de ladite décision. Afin d'éviter ce problème, la récupération des aides octroyées et la création d'une participation passive d'un même montant auraient dû avoir lieu en deux étapes distinctes.
64. Le Gouvernement allemand rejette la prémisse de la Commission selon laquelle la proposition communiquée le 15 mars 2000 pourrait inclure une nouvelle aide d'État. Un investissement dans une entreprise, sous forme de création d'une participation passive, effectué à des conditions conformes au marché ne relèverait pas de l'obligation de notification du régime des aides d'État, une telle mesure ne comportant manifestement aucun élément d'aide.
65. À titre subsidiaire, ce gouvernement fait valoir que la Commission méconnaît le cadre dans lequel s'inscrit une éventuelle notification de la proposition communiquée le 15 mars 2000. D'une part, le règlement n° 659-1999 comprendrait des règles claires quant à la durée d'une procédure d'examen. D'autre part, la Commission aurait pu accorder une prorogation du délai de mise en œuvre de la décision 2000-392 au moins équivalente à la durée de la procédure d'examen préliminaire.
66. Le Gouvernement allemand fait également valoir que la Commission n'est juridiquement pas autorisée à exiger un type précis de récupération et, en tout état de cause, s'est limitée, dans la décision 2000-392, à imposer de façon générale la prise des mesures nécessaires afin de supprimer l'aide alléguée et de la récupérer auprès de son bénéficiaire. L'exigence d'une mesure précise de récupération serait donc illicite et serait notamment une violation du principe de proportionnalité visé à l'article 5, troisième alinéa, CE.
Appréciation de la Cour
67. À cet égard, il suffit de constater que le Gouvernement allemand a reconnu, tant dans ses observations écrites que lors de l'audience, que la mesure qu'il a communiquée à la Commission le 15 mars 2000 ne constituait qu'une proposition de mise à exécution de la décision 2000-392.
68. Dans ces conditions, il est constant qu'elle ne constitue pas une mesure contraignante, en sorte que la Cour ne saurait l'examiner dans le cadre du présent recours.
Sur l'obligation de coopération loyale
69. Le Gouvernement allemand considère néanmoins que, dans le cadre de l'exécution de la décision 2000-392, la Commission a manqué à l'obligation de coopération loyale qui lui incombe dans les cas soulevant des difficultés. Bien qu'il ait communiqué aux services de la Commission une mesure d'exécution et ait, de surcroît, également présenté une proposition d'exécution pouvant s'y substituer, la Commission a rejeté cette mesure et cette proposition sans s'en expliquer.
70. À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le seul moyen de défense susceptible d'être invoqué par un État membre contre un recours en manquement introduit par la Commission sur le fondement de l'article 88, paragraphe 2, CE est celui tiré d'une impossibilité absolue d'exécuter correctement la décision (voir, notamment, arrêt du 22 mars 2001, Commission/France, C-261-99, Rec. p. I-2537, point 23).
71. Or, ainsi qu'il résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent, le Gouvernement allemand n'a pas pris les mesures nécessaires pour récupérer auprès de son bénéficiaire l'aide visée par la décision 2000-392.
72. Il s'ensuit que le grief du Gouvernement allemand quant au manque allégué de coopération de la part de la Commission ne saurait affecter le manquement par ce gouvernement de ses obligations.
73. À la lumière des considérations qui précèdent, il convient de constater que, en ne se conformant pas à la décision 2000-392, la République fédérale d'Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 249 CE et de l'article 3 de cette décision.
Sur les dépens
74. Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République fédérale d'Allemagne et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.
Par ces motifs,
LA COUR (sixième chambre),
Déclare et arrête:
1) En ne se conformant pas à la décision 2000-392-CE de la Commission, du 8 juillet 1999, concernant la mesure mise à exécution par l'Allemagne en faveur de la Westdeutsche Landesbank - Girozentrale (WestLB), la République fédérale d'Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 249 CE et de l'article 3 de cette décision.
2) La République fédérale d'Allemagne est condamnée aux dépens.