CCE, 2 avril 2003, n° 2003-600
COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Décision
Viandes bovines françaises
LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,
Vu le traité instituant la Communauté européenne, vu le règlement n° 17 du Conseil du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (1), modifié en dernier lieu par le règlement (CE) n° 1-2003 (2), et notamment son article 15, paragraphe 2, vu le règlement n° 26 du Conseil du 4 avril 1962 portant application de certaines règles de concurrence à la production et au commerce des produits agricoles (3), modifié par le règlement n° 49 (4), et notamment son article 2, vu la décision de la Commission du 24 juin 2002 d'ouvrir la procédure dans cette affaire, après avoir donné aux entreprises concernées l'occasion de faire connaître leur point de vue au sujet des griefs retenus par la Commission, conformément à l'article 19, paragraphe 1, du règlement n° 17 et à l'article 2 du règlement (CE) n° 2842-98 de la Commission du 22 décembre 1998 relatif à l'audition dans certaines procédures fondées sur les articles 85 et 86 du traité CE (5), après consultation du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes, vu le rapport final du conseiller-auditeur dans la présente affaire (6), considérant ce qui suit:
1. LES FAITS
1.1. Objet de l'affaire et procédure
(1) La présente décision vise un accord écrit daté du 24 octobre 2001 conclu entre six fédérations françaises, en vue de fixer un prix minimal d'achat de certaines catégories de bovins et de suspendre les importations de viande bovine en France. Parmi les fédérations signataires de cet accord, quatre représentent les éleveurs de bovins: il s'agit de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles ("FNSEA"), de la Fédération nationale bovine ("FNB"), de la Fédération nationale des producteurs de lait ("FNPL") et des Jeunes agriculteurs ("JA", anciennement Centre national des jeunes agriculteurs ou "CNJA"). Les deux autres représentent les abatteurs de bovins: il s'agit de la Fédération nationale de l'industrie et des commerces en gros des viandes ("FNICGV") et de la Fédération nationale de la coopération bétail et viande ("FNCBV"). La présente décision vise également l'accord oral conclu fin novembre et début décembre 2001 entre les mêmes parties et poursuivant le même objet, qui est applicable depuis l'expiration de l'accord du 24 octobre 2001.
(2) Informée de la signature de l'accord du 24 octobre 2001, la Commission a, le 30 octobre 2001, adressé au représentant permanent de la France auprès de l'Union européenne, une lettre sollicitant de plus amples informations sur cet accord et sur l'implication de l'État français. Il a été répondu à ce courrier par lettre du 9 novembre 2001.
(3) Ce même 9 novembre, la Commission a adressé à cinq des fédérations signataires de l'accord une lettre de demande de renseignements, au titre de l'article 11 du règlement n° 17; la Commission n'ayant alors pas connaissance du fait que la FNCBV était également signataire de l'accord, cette fédération n'a pas été destinataire de cette demande de renseignements. Ainsi qu'elles y étaient invitées, les cinq fédérations en cause ont répondu à ces demandes de renseignements les 15 et 23 novembre 2001.
(4) Au Vu des informations ainsi obtenues, la Commission a, le 26 novembre 2001, adressé aux six fédérations une lettre d'avertissement, indiquant que les faits dont elle avait connaissance traduisaient l'existence, à première vue, d'une infraction aux règles communautaires de la concurrence. Les destinataires étaient invités à faire part de leurs observations au plus tard le 28 novembre. Chacun a répondu que l'accord cesserait le 30 novembre 2001 et qu'il ne serait pas prorogé.
(5) Disposant d'informations selon lesquelles l'accord subsistait en réalité, la Commission a, le 17 décembre 2001, effectué des procédures de vérifications dans les locaux de la FNSEA et de la FNB, à Paris, au titre de l'article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17, et dans les locaux de la FNICGV, à Paris également, sur la base de l'article 14, paragraphe 2, dudit règlement.
(6) Le 24 juin 2002, la Commission a adopté une communication des griefs adressée aux six fédérations. Les parties ont présenté leurs observations écrites entre le 23 septembre et le 4 octobre 2002. Elles ont également fait valoir leur point de vue lors de l'audition du 31 octobre 2002.
1.2. Les parties
(7) La FNICGV est l'organisation professionnelle des entreprises de l'industrie et des commerces en gros des viandes (boeuf, veau, porc, mouton, cheval et abats), quelle que soit leur taille et leur activité. Syndicat de droit français, la FNICGV comptait, au 1er janvier 2000, plus de 400 adhérents sur toute la France. Ceux-ci représentaient plus de 75 % du chiffre d'affaires du secteur. Dans ses observations en réponse à la communication des griefs, la FNICGV a indiqué que sa part "en matière d'abattage" est de 80 %, et de 60 % s'il n'est pas tenu compte des sociétés coopératives qui en sont adhérentes simples, et non statutaires.
(8) La FNCBV est la fédération du mouvement coopératif. Elle regroupe 300 groupements coopératifs de producteurs des secteurs de l'élevage bovin, porcin et ovin et une trentaine de groupes ou d'entreprises d'abattage et de transformation de viandes.
(9) La FNSEA, principal syndicat agricole français, comporte diverses branches. Sur le plan territorial, la division repose sur des syndicats locaux (SEA), regroupés à l'échelon départemental. Il s'agit alors de "fédérations" ou d'"unions" départementales des syndicats d'exploitants agricoles ("FDSEA" ou "UDSEA"), qui adhèrent à la FNSEA. Des fédérations régionales coordonnent, dans chaque région, l'action des FDSEA/UDSEA. La FNSEA regroupe par ailleurs 38 associations spécialisées, qui représentent les intérêts de chaque production. Parmi celles-ci figurent notamment la FNB et la FNPL, toutes deux signataires de l'accord du 24 octobre 2001. Enfin, la FNSEA comprend également quatre sections sociales, qui ne sont pas en cause en l'espèce. Les jeunes agriculteurs (moins de 35 ans) ont leur représentation propre, les JA. Pour adhérer au centre local des jeunes agriculteurs, il faut aussi être adhérent du syndicat local de la FDSEA/UDSEA. La FNSEA, les JA, la FNB et la FNPL sont des syndicats de droit français.
1.3. Le secteur bovin en France et la crise d'octobre 2000
(10) Le cheptel bovin dans la Communauté compte environ 81 millions de têtes. Le cheptel français représente plus de 25 % de ce montant total. Chaque année, les abattages de gros bovins représentent en France approximativement 1,3 millions de tonnes équivalent carcasses (1,361 million en 1999, 1,277 million en 2000 et 1,315 million en 2001). Les abattages de vaches laitières (c'est-à-dire de vaches destinées à la production de lait) ou allaitantes (c'est-à-dire de vaches destinées à l'élevage des veaux) représentent approximativement 50 % de ce total (620 000, 624 000 et 600 000 tonnes équivalent carcasse en 1999, 2000 et 2001, respectivement) (7). Dans un rapport préparé par l'organisme français OFIVAL (Office national interprofessionnel des viandes, de l'élevage et de l'aviculture) en octobre 2002 sur "la filière bovine en France" (8), un des tableaux concerne les "opérateurs". À la rubrique "production", il est indiqué "240 000 exploitations de plus de 5" gros bovins, avec un chiffre d'affaires évalué à 4,4 milliards d'euros. À la rubrique "abattage", il est mentionné: "443 entreprises d'abattage-découpe de plus de 20 salariés"; le chiffre d'affaires "viandes de boucherie" est évalué à 14 milliards d'euros, dont 6,2 milliards pour "l'activité bovine".
(11) Les importations totales en France (gros bovins vivants, viande fraîche et congelée) en provenance des autres États membres ont atteint 342 000 tonnes équivalent carcasse en 1999, 331 000 tonnes en 2000 et 262 000 tonnes en 2001. Ces importations représentent la quasi-totalité des importations en France de viandes bovines (5 % seulement des importations en France de ces produits proviennent de pays tiers). La France est un des principaux importateurs de viande dans la Communauté, comme elle est l'un des principaux exportateurs vers les autres États membres. Les importations en France ont ainsi représenté en 2001 une valeur globale de 1 354 millions d'euros et les exportations une valeur de 744 millions d'euros (9). L'essentiel des échanges porte non sur des animaux vivants, mais sur de la viande, fraîche ou congelée. Il y a lieu de rappeler d'ailleurs que la France a illégalement maintenu à l'époque un embargo à l'encontre de la viande de boeuf d'origine britannique. Le manquement de la France à ses obligations à ce titre a été constaté par la Cour de justice des Communautés européennes (10).
(12) En octobre 2000, un nouveau cas d'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB, ou maladie dite de la "vache folle") a été découvert. Il concernait un animal provenant d'un élevage dont, entre-temps, onze autres animaux avaient été abattus et leur viande mise en vente dans les rayons d'une chaîne de supermarché. D'autres cas d'ESB ont été découverts depuis lors dans d'autres États membres. Parallèlement, la fièvre aphteuse a frappé sévèrement les troupeaux ovins au Royaume-Uni mais a eu un impact sur la consommation de viande en général au-delà de cet État membre.
(13) Cette situation, largement médiatisée, a entraîné la filière bovine dans une nouvelle crise. Ainsi, à partir d'octobre 2000, ont été constatées une forte baisse de la consommation dans plusieurs État membres, et notamment en France, mais aussi une réduction importante des volumes importés en France ou exportés de France. À titre d'exemple, les deux derniers mois de l'année 2000 ont vu une chute des importations en France de 50 % par rapport aux mois correspondants de l'année 1999. Il apparaît toutefois que, depuis le milieu de l'année 2001, la consommation en France s'est nettement redressée, la baisse sur l'ensemble de l'année 2001 par rapport à l'année 2000 étant finalement nettement moins importante que prévue (- 4 % à - 5 %). De même, les volumes d'échanges, sans retrouver leur niveau d'origine, se sont nettement repris.
(14) L'évolution des prix à la production de viande bovine se présente comme suit. À partir de la crise d'octobre 2000, les prix ont baissé significativement. Même si les prix moyens des vaches, entrée abattoirs, sont remontés durant le premier semestre 2001, ils sont toujours restés inférieurs aux prix moyens du premier semestre 1999 ou 2000. Surtout, à partir du second semestre 2001, les prix sont repartis à la baisse. Entre septembre/octobre 2000 et septembre/octobre 2001, la baisse peut être estimée à environ 20 % sur les prix entrée abattoirs des vaches de réforme, c'est-à-dire les vaches destinées à l'abattage (11). Début octobre 2001, après quatre mois de baisse, les prix entrée abattoirs avaient retrouvé le bas niveau qui était le leur fin novembre 2000, au pire moment de la nouvelle crise de la filière bovine (12). Il faut toutefois relever que, du fait de la réforme de la politique agricole commune dans le cadre d'"Agenda 2000", les prix à l'intervention avaient été réduits de 13,4 %, en contrepartie d'une augmentation des aides directes aux éleveurs. À compter de la quarante-troisième semaine de l'année 2001 (semaine du 22 au 28 octobre 2001), les statistiques produites par les fédérations en réponse à la demande de renseignements font apparaître une reprise des prix. Ainsi, par exemple, la cotation de vaches de type U3 (13) entrée abattoirs est passé, pour 100 kilogrammes (kg) carcasse, de 1 941 francs français (FRF) à 1 956 FRF, puis à 2 025 FRF et enfin à 2 034 FRF respectivement pour les semaines 42 (semaine précédant la signature de l'accord), 43, 44 et 45 de 2001 (14).
(15) En revanche, tout au long de l'année 2001, les prix à la consommation finale sont restés stables, voire ont légèrement augmenté. Ceci s'explique en partie par les coûts supplémentaires liés à l'ESB qui sont, en France tout du moins, à la charge des intermédiaires et sont répercutés au consommateur final, ou par la perte de revenus sur certaines parties de l'animal qui ne sont plus commercialisées (15). Il est possible également que la réduction des volumes vendus ait été compensée par une augmentation des marges des différents opérateurs intervenant jusqu'à la vente au consommateur final.
1.4. L'organisation commune des marchés dans le secteur de la viande bovine et les mesures adoptées pour faire face à la crise
1.4.1. Règles générales de l'OCM
(16) L'organisation commune des marchés dans le secteur de la viande bovine (ci-après dénommée "OCM"), telle qu'en vigueur à l'époque des faits de la présente affaire, repose sur le règlement (CE) n° 1254-1999 du Conseil (JO L 160 du 26.6.1999, p. 1) (ci-après dénommé "règlement de base").
(17) Ainsi qu'il résulte du deuxième considérant de ce règlement, "la politique agricole commune a pour but d'atteindre les objectifs de l'article 33 du traité". Selon ce même considérant, "dans le secteur de la viande bovine, il est nécessaire, afin de stabiliser les marchés et d'assurer un niveau de vie équitable à la population agricole, de prévoir des mesures relatives au marché intérieur, comprenant, en particulier, des paiements directs aux producteurs de viande bovine, des aides au stockage privé et un régime de stockage public". L'OCM repose ainsi sur un régime global de paiements directs aux agriculteurs. Une série de primes est ainsi prévue par le règlement, telles que la prime à la vache allaitante (articles 6 et suivants du règlement de base) et la prime à l'abattage (article 11 de ce règlement).
(18) En revanche, les mécanismes d'intervention publique considérés comme "non indispensables pour équilibrer le marché" devaient progressivement être supprimés (voir le considérant 20 du règlement de base). Ainsi, jusqu'au 30 juin 2002, les organismes d'intervention nationaux pouvaient procéder, par voie d'adjudications, à des achats "afin d'éviter ou de limiter une baisse importante des prix" (article 47 du règlement de base). Les adjudications pouvaient être ouvertes lorsque les deux conditions suivantes étaient simultanément réunies pendant une période de deux semaines consécutives:
- le prix moyen du marché communautaire constaté sur la base de la grille communautaire de classement (16) des carcasses de gros bovins est inférieur à 84 % du prix d'intervention,
- le prix moyen du marché constaté sur la base de ladite grille dans le ou les États membres ou dans des régions d'un État membre est inférieur à 80 % du prix d'intervention (article 47, paragraphe 3, du règlement de base).
La même disposition fixe le prix d'intervention, à des niveaux progressivement en baisse du 1er janvier 2000 au 30 juin 2002.
Conformément à l'article 47, paragraphe 2, du règlement de base, les achats à l'intervention ne peuvent pas dépasser 350 000 tonnes par an pour toute la Communauté.
(19) À compter du 1er juillet 2002, les articles 26 et 27 du règlement de base ont introduit de nouveaux mécanismes (à savoir, respectivement, une aide au stockage privé et un système d'intervention dit de "filet de sécurité"). Compte tenu de l'époque des faits de la présente affaire, ces mécanismes ne sont toutefois pas pertinents.
(20) Les modalités d'application du règlement de base en ce qui concerne les régimes d'achat à l'intervention publique prévus aux articles 27 et 47 ont été définies par le règlement (CE) n° 562-2000 de la Commission (17).
(21) Enfin, le règlement de base prévoit que "lorsqu'une hausse ou une baisse sensible des prix est constatée sur le marché de la Communauté, que cette situation est susceptible de persister et que, de ce fait, ce marché est perturbé ou risque d'être perturbé, les mesures nécessaires peuvent être prises" (article 38 du règlement de base).
1.4.2. Mesures adoptées pour faire face à la crise
(22) Afin de faire face à la crise de la filière bovine depuis octobre 2000, les institutions communautaires ont adopté diverses mesures.
(23) Le Conseil, sur proposition de la Commission, a ainsi modifié le règlement de base (18). Constatant que le marché était "gravement perturbé par suite de la perte de confiance des consommateurs", il a estimé qu'il convenait d'adopter "une série de mesures visant à réguler le marché en agissant sur le volume de la production à venir" (considérant 1 du règlement). Il a notamment augmenté le plafond des achats à l'intervention pour 2001, le portant de 350 000 tonnes à 500 000 tonnes.
(24) De son côté, la Commission a mis en œuvre les instruments prévus par le règlement de base. Ainsi, il a été fait usage des mécanismes d'intervention, destinés à retirer du marché certaines quantités de bovins, afin de stabiliser l'offre par rapport à la demande. Les règles en la matière ont d'ailleurs été modifiées afin d'en élargir le champ d'application. Par exemple, à titre de dérogation, ont été acceptés à l'intervention des produits qui ne l'étaient pas jusqu'alors ou des carcasses d'un poids supérieur à celui jusque là autorisé (19). Ces mécanismes dérogatoires ont été prorogés tout au long de l'année 2001 et au début de l'année 2002 (20).
(25) Par ailleurs, sur le fondement de l'article 38 du règlement de base (voir considérant 21 de la présente décision), la Commission a adopté de nouveaux instruments à caractère exceptionnel.
(26) En premier lieu, la Commission a adopté le 18 décembre 2000 le règlement (CE) n° 2777-2000 arrêtant des mesures de soutien exceptionnelles en faveur du marché de la viande bovine (21), applicable au cours du seul premier semestre 2001. Le considérant 1 de ce règlement indique que "le marché communautaire de la viande bovine traverse actuellement une crise profonde due à une perte de confiance des consommateurs dans la viande bovine". Il fait état de la chute de la consommation et de la baisse importante des prix. Le règlement a instauré en conséquence une mesure exceptionnelle, au sens de l'article 38 du règlement de base. Il s'agissait de mettre en place, sous certaines conditions, un régime d'achat d'animaux vivants, qui seraient ensuite abattus et détruits, évitant ainsi l'apparition d'excédents sur le marché. Le règlement (CE) n° 2777-2000 précisait que ce mécanisme d'achat serait cofinancé par la Communauté à hauteur de 70 %.
(27) En second lieu, le 3 avril 2001, la Commission a adopté le règlement (CE) n° 690-2001 relatif à des mesures spéciales de soutien dans le secteur de la viande bovine (22). Ce règlement introduit un mécanisme d'achat, par voie d'adjudication, de carcasses ou demi-carcasses. En vertu de ce mécanisme, lorsque certaines conditions de prix sont réunies, des procédures d'adjudication sont ouvertes dans les États membres. La viande achetée par les autorités compétentes des États membres au terme de l'adjudication (et également cofinancée par la Communauté à hauteur de 70 %) est soit détruite soit stockée en vue de son utilisation, notamment dans le cadre de l'aide humanitaire. Ce règlement, qui devait expirer fin décembre 2001, a été prorogé jusqu'en mars 2002 (23), "pour éviter un nouvel effondrement du marché" (considérant 2).
(28) Au total, dans l'année qui a suivi le début de la seconde crise de la vache folle, plus de 750 000 tonnes de viande ont ainsi été dégagées du marché, soit environ plus de 10 % de la consommation annuelle en Europe (24).
(29) Enfin, en application des règles communautaires relatives aux aides d'État, la Commission a autorisé plusieurs États membres à octroyer des subventions à la filière bovine. Ainsi, le 25 juillet 2001, la Commission a déclaré compatible avec l'article 87, paragraphe 2, point b), du traité, une aide de l'État français aux éleveurs touchés par la crise de l'ESB, d'un montant de 267 millions d'euros (25). Une nouvelle mesure d'aides de l'État français aux agriculteurs touchés par la crise du secteur, d'un montant de 75,5 millions d'euros, a été déclarée compatible avec la même disposition du traité par la Commission par décision du 3 avril 2002(26). L'État français a été le principal État membre pourvoyeur d'aides directes aux agriculteurs afin de faire face à la crise d'octobre 2000.
1.5. La situation antérieure à l'accord du 24 octobre 2001
(30) En dépit de ces mesures de stabilisation du marché, jugées insuffisantes par les agriculteurs, et qui mettent en cause le degré d'application varié selon les États membres, les relations entre agriculteurs et abatteurs en France se sont tendues au cours des mois de septembre et octobre 2001. À cette époque, sur la majeure partie du territoire français, des groupes d'agriculteurs ont illégalement arrêté des camions afin de vérifier l'origine de la viande transportée. Dans les documents des syndicats agricoles, ces interceptions illégales sont généralement qualifiées de "contrôles". En outre, des abattoirs ont fait l'objet de blocages de la part des agriculteurs, qui empêchaient toute entrée ou sortie de l'abattoir et/ou vérifiaient l'origine géographique des viandes. À plusieurs reprises, la presse s'est fait l'écho de ces manifestations et de leurs conséquences (27). Le plus souvent, celles-ci prenaient la forme de viandes perdues, car périmées après plusieurs jours de blocage, ou encore de viande d'origine non française incendiée. Parfois, ces manifestations ont conduit à des destructions de matériels, en certaines occasions dans des proportions très importantes. Ainsi, le 15 octobre 2001, des agriculteurs ont saccagé les locaux de deux établissements du département d'Ille-et-Vilaine et détruit plusieurs tonnes de viande (28).
(31) Ces manifestations et blocages d'abattoirs ont été particulièrement nombreux à la mi-octobre 2001, frappant des établissements sur l'ensemble du territoire français. En contrepartie du déblocage, les manifestants exigeaient des engagements de la part des abatteurs, l'un tenant dans la suspension des importations, l'autre dans l'application d'une grille de prix dite syndicale. Il apparaît en effet que, à la mi-octobre 2001, pour lutter contre le bas niveau des prix, le bureau de la FNB a décidé de définir une grille de prix entrée abattoir, applicable aux vaches de réforme, "en raison de l'importance de cette catégorie " (29). L'application de cette grille impliquait la coordination de plusieurs actions, dont des actions contre les importations, en particulier dans le secteur "restauration hors domicile" (30), les restaurants d'entreprises et les cantines étant de larges consommateurs de viande importée, meilleur marché (31). Quelques jours après l'adoption de cette grille au niveau national, la FNB a appelé à la mobilisation syndicale pour son application. Ceci impliquait non seulement une diffusion par voie de presse (32), mais aussi des réunions avec les abatteurs "pour obtenir l'adoption de cette grille" (33). De fait, plusieurs abatteurs importants de la région Pays de Loire ont accepté l'application de la grille à compter du 22 octobre 2001, après plusieurs jours de blocage de leur entreprise (34). À l'occasion de la signature d'un de ces accords, le vice-président de la FNB en avait souligné le caractère "historique", en ce sens que "les prix de la viande bovine ont toujours été fixés en fonction de l'offre et de la demande" et que "pour la première fois, une grille de prix minimum va déterminer les cours du marché" (35). La presse a fait état de l'existence de tels accords locaux, soulignant qu'ils comportaient également une clause de suspension des importations jusqu'au 31 décembre 2001 (36).
(32) Le dossier fait apparaître que, sur proposition de la FNB, l'introduction d'une grille de prix a été discutée entre cette fédération, la FNSEA, la FNPL et le CNJA le 16 octobre 2001 (37). Les quatre fédérations ont marqué leur accord sur cette priorité (38). À cette date, la grille a été également discutée avec les "fédérations de la filière" mais sans parvenir à un accord (39). Une nouvelle réunion a eu lieu le 23 octobre 2001 en vue d'obtenir "l'application de la grille définie par le Bureau FNB", mais sans parvenir à l'adoption d'un accord (40). Dans un carnet de notes manuscrites du directeur de la FNB, il est écrit que le président de la FNCBV et le représentant de la FNICGV ont indiqué ne pas avoir de mandat de négociation d'une grille de prix; il est également mentionné, à la suite de leur nom: "le problème, c'est l'excédent offre/demande" et "on ne peut pas vivre sur un marché artificiel" (41).
(33) Une nouvelle réunion a eu lieu le 24 octobre 2001, à la demande du ministre de l'Agriculture. Celui-ci n'a pas caché le soutien qu'il apportait aux discussions qui se tenaient entre les six fédérations en cause, discussions qui ont eu lieu, en partie du moins, dans les locaux du ministère. Ainsi le ministre a-t-il déclaré à l'Assemblée nationale française, le 24 octobre 2001: "j'ai pris l'initiative de réunir ce matin à huit heures et demie l'interprofession afin de mettre tout le monde en face de ses propres responsabilités. Depuis, les gens négocient avec l'aide du ministère qui essaie de mettre de l'huile dans les engrenages. Je voudrais obtenir des entreprises qui se trouvent en aval qu'elles s'engagent à cesser leurs achats à l'étranger durant quelques semaines, voire quelques mois. Certes, je n'ai aucun moyen de les y obliger, l'État ne peut pas les y contraindre. Toutefois, (...) si ces entreprises cessaient d'importer durant deux, trois ou six mois, le temps d'écouler nos stocks, ce serait un acte de civisme". Le ministre poursuivait: "je voudrais obtenir des uns et des autres qu'ils se mettent d'accord sur une grille de prix d'achat équitable" (42).
(34) Dans les notes manuscrites du directeur de la FNB relatives à cette réunion, sous le titre "négo.Ministère", il est indiqué en préambule: "Ministre: - arrêt des imports; - il faut une grille; - je mets des sous s'il faut" (43).
(35) Certaines déclarations du président de la FNCBV indiquent que celui-ci a activement soutenu la conclusion de l'accord. Ainsi dans un article publié par le journal Ouest France du 31 octobre 2001, le président de la FNCBV explique: "nous avons pris une part essentielle pour faire accepter le principe d'une grille de prix" (44). De même, dans une note du 9 novembre 2001 adressée par le président de la FNCBV au président de la FNSEA, il est indiqué que "la FNCBV a pris une part active aux négociations du 24 octobre qui ont abouti à l'accord sur une grille de prix minimum pour les vaches"; le président souligne: "je pense, avec ma fédération, y avoir fortement contribué" (45).
1.6. Les dispositions de l'accord du 24 octobre 2001
(36) À l'issue de la réunion du 24 octobre 2001, un accord a été conclu entre la FNSEA, la FNB, la FNPL, le CNJA, la FNICGV et la FNCBV.
1.6.1. Contenu de l'accord
(37) L'accord conclu entre ces six fédérations le 24 octobre 2001 [mais signé formellement le lendemain (46)] comporte deux volets.
(38) Le premier concerne un "engagement provisoire de suspension des importations". Cet engagement ne comporte pas de limite quant au type de viande bovine auquel il s'applique. Il vise donc tout type d'importations de viande bovine, ce que confirment certains documents trouvés par la Commission lors des vérifications. Ainsi, dans les notes manuscrites du directeur de la FNB, il est écrit, à propos de la conférence de presse du président de la FNSEA du 25 octobre 2001: "suspension tte import" (47). Il est également écrit, à propos d'un projet de réponse à la demande de renseignements de la Commission: "types de viandes concernées par l'accord: - grilles de prix: carcasse des vaches de réforme; - engagement de suspension temporaire des importations: ensemble des produits "viande bovine" (48). De fait, les éléments du dossier, notamment issus d'articles de presse, faisant état des "contrôles" opérés par les agriculteurs sur l'origine géographique des viandes ne signalent aucune distinction faite selon le type de viande bovine.
(39) Le second aspect de l'accord porte sur les prix. Il consiste en effet en un "engagement d'application de la grille de prix d'achat entrée abattoir en vaches de réforme" selon les modalités définies dans l'accord. Suit alors une liste de prix au kilogramme pour certaines catégories de vaches (principalement les vaches de catégorie U et R); pour d'autres catégories, l'accord précise le mode de calcul du prix à appliquer, en fonction du prix résultant de l'achat spécial (49). Ce dernier étant fixé tous les quinze jours, les prix de la grille se sont trouvés adaptés de fait à partir de la mi-novembre 2001 (50).
(40) Schématiquement, les prix ainsi fixés étaient d'environ 10 à 15 % supérieurs aux cotations de la semaine précédente (51).
1.6.2. Durée de l'accord
(41) L'accord devait entrer en vigueur le 29 octobre 2001 et durer jusqu'au 30 novembre suivant. Si l'accord ne précise rien sur les modalités de sa prorogation, il est en réalité clair que le renouvellement de celui-ci au-delà du 1er décembre était envisagé par les parties. Le ministre français de l'Agriculture avait d'ailleurs clairement laissé entendre devant l'Assemblée nationale française, lors de la première séance du 24 octobre 2001, c'est-à-dire alors que l'accord était en cours de discussion, que la suspension des importations devrait pouvoir porter sur "deux, trois ou six mois", ou encore qu' "[il] voudrai[t] obtenir des entreprises qui se trouvent en aval qu'elles s'engagent à cesser leurs achats à l'étranger durant quelques semaines, voire quelques mois" (52). Plusieurs documents montrent que telle était bien l'intention des parties ou au moins de certaines d'entre elles. Parmi ces documents:
- des notes manuscrites du directeur de la FNB à l'occasion d'une conférence de presse du président de la FNSEA le 25 octobre 2001 portent la mention suivante: "effet lundi ... et jusqu'au 30 novembre. D'ores et déjà prévu réunion à cette époque, pour la suite" (53),
- dans ces mêmes notes manuscrites, sur une page non datée mais écrite vraisemblablement entre le 9 et le 12 novembre 2001, compte tenu du contexte, il est indiqué, sous le titre "imports": "ne pas reconduire dans le nouvel accord de décembre" (54),
- dans une note de la FNSEA du 7 novembre 2001, il est écrit: "une réunion avec les entreprises est programmée (le 20 novembre au soir?) pour faire le bilan de l'accord et préparer le renouvellement de celui-ci au-delà du 30 novembre" (55),
- dans une note commune aux quatre fédérations agricoles datée du 8 novembre 2001 et adressée aux organisations syndicales tant locales que sectorielles, il est explicitement indiqué: "dans le but de préparer la prolongation de cette grille de prix après le 30 novembre 2001, il nous paraît indispensable de disposer de toutes les informations concernant les actions menées, les difficultés rencontrées, et les résultats obtenus dans les départements pour permettre la bonne application de la grille" (56),
- dans une note trouvée dans le bureau du président de la FNSEA, non datée mais postérieure au 9 novembre 2001, puisqu'il y ait fait référence à la demande de renseignements de la Commission, il est mentionné, à propos de la grille, que "sa reconduction sera discutée le 27 novembre" (57),
- une note de la FNB du 30 octobre 2001 porte des annotations manuscrites non datées, qui détaillent une proposition de la FNPL dont il devrait être tenu compte "lors de la reconduction de la grille" (58),
- à l'occasion de la réunion du Conseil national de la FNPL du 26 novembre 2001, le secrétaire général de cette fédération a déclaré que "poursuivre l'accord sur la grille de prix minimum au-delà du 31 novembre 2001 est un enjeu important" (59).
1.6.3. Les réactions à la conclusion de l'accord et le "protocole de Rungis" du 31 octobre 2001
(42) Dans un communiqué de presse du ministère de l'Agriculture du 24 octobre 2001, il est indiqué que le ministre de l'Agriculture "se réjouit profondément de l'accord signé (...) qu'il avait souhaité, provoqué et encouragé" et tient à "féliciter les signataires pour leur grand sens des responsabilités" (60).
(43) Dans un message adressé à ses adhérents le 24 octobre 2001, le président de la FNICGV s'est exprimé en ces termes: "le ministre de l'Agriculture qui nous a réunis ce matin a souhaité que nous trouvions un accord avec les éleveurs après une longue et dure journée de négociation" (61). Le président de la FNCBV a pour sa part tenu les propos suivants, rapportés dans le journal Ouest France du 30 octobre 2001: "Le ministre s'est lui-même engagé dans cette direction en indiquant qu'il ferait en sorte que les pouvoirs publics ne viennent pas contester un accord qu'en d'autres temps la DGCCRF aurait pourfendu" (62).
(44) Les réactions de parties privées après la signature de l'accord ont été nombreuses. Ainsi, certains membres de la FNICGV, dont une partie de l'activité était directement liée à l'importation, se sont montrés très critiques à l'égard de l'aspect de l'accord relatif à la suspension des importations (63). Une note du président de la FNICGV à ses adhérents du 31 octobre 2001 fait état d'une rencontre à intervenir le jour même avec "une délégation de représentants des entreprises hollandaises et allemandes" (64). De même, des fédérations agricoles allemande, belge, britannique, espagnole et néerlandaise ont exprimé leur mécontentement face à cet aspect de l'accord, qu'ils ont dénoncé. Ainsi, lors d'une réunion entre le vice-président et le directeur de la FNB et une délégation d'entreprises et de fédérations agricoles allemande et hollandaise, qui s'est probablement déroulée le 31 octobre 2001 (65), cette délégation a demandé instamment de cesser la suspension des importations (66). Un importateur/exportateur belgo-néerlandais a indiqué à cette occasion que, à titre de mesures de rétorsion, le risque d'un boycott des produits français existait (67). Plusieurs fédérations agricoles ont également écrit aux représentants français pour se plaindre (68). À l'occasion d'une réunion du Comité des organisations professionnelles agricoles de l'Union européenne ("COPA") le 20 novembre 2001, certaines fédérations d'autres États membres ont de nouveau exprimé leur mécontentement, soulignant en particulier que la fermeture des frontières ne résoudrait pas la crise de la filière bovine (69). Enfin, les fédérations d'opérateurs en aval se sont montrées sévères à l'égard de cet accord, dans ses aspects relatifs tant aux prix qu'aux importations (70). L'Union européenne du commerce du bétail et de la viande ("UECBV") a d'ailleurs écrit à la Commission le 16 janvier 2002 pour dénoncer l'accord et le préjudice subi du fait de blocages des abattoirs de certains de ses membres.
(45) Une nouvelle réunion entre les signataires de l'accord a eu lieu le 31 octobre 2001 à Rungis, à l'initiative de la FNICGV (71), préoccupée par les difficultés pour ses membres de respecter l'engagement de suspension provisoire des importations. Les fédérations signataires de l'accord du 24 octobre 2001 ont alors trouvé un nouveau compromis (le "protocole de Rungis"), formulé ainsi: "Dans la situation de crise sans précédent que vivent les producteurs, les représentants des éleveurs demandent fermement aux importateurs exportateurs de prendre conscience de la gravité de la crise. En réponse les importateurs exportateurs s'engagent à faire preuve de solidarité" (72).
1.7. Le renouvellement de l'accord après fin novembre
1.7.1. La préparation de la reconduction de l'accord
(46) Ainsi qu'il a déjà été dit, l'accord du 24 octobre 2001 était initialement conclu pour une période expirant le 30 novembre 2001. Il était toutefois clair que le renouvellement de l'accord était prévu (voir considérant 41 de la présente décision).
(47) Les documents en la possession de la Commission montrent que, dès la mi-novembre, la question des suites à réserver à l'accord a été posée.
(48) Ainsi, dans les notes manuscrites du directeur de la FNB, trouvées par la Commission lors de la vérification dans les locaux de cette fédération, il est écrit, sous le titre "avenir de l'accord" (73): "les imports: impossible de résigner. Quelles consignes pour les actions (...) Quel "discours officiel"? Faut-il évoquer publiquement la saisie Com.? Oui. Nous espérons comportement "civique" et "soucieux info conso", "atouts filière de proximité". Après un sous-titre "les prix", il est notamment indiqué: "difficile de résigner des écrits. Se mettre d'accord (?). Comment organiser pression? (...) expérience JB-PDL: recommandations! Recommandation FNB: nous continuons de considérer après dénonciation de l'accord qu'il est légitime pour l'éleveur d'obtenir les prix de la grille" (74).
(49) À propos d'une discussion qui a eu lieu le 20 novembre 2001 (le document ne permet pas d'identifier les participants), le directeur de la FNB note en particulier: "faire du harcèlement permanent: présence continue. Sans médiatisation. Continuer sur l'import (...). Imports: ne plus le dire, ni encore plus l'écrire" (75).
(50) Les notes manuscrites du directeur de la FNB font également référence à des discussions non datées, mais qui, compte tenu du contexte, ont dû avoir lieu entre le 22 et le 27 novembre 2001. Sous le titre général "accord de filière: quelles perspectives après fin novembre?", il est écrit: "voie 1: poursuivre avec accord écrit: refus FNICGV, pb Commission. Voie 2: évoluer sur l'accord" (76).
(51) Certains documents montrent que, jusqu'à une date très avancée au mois de novembre, l'hypothèse d'un renouvellement était envisagée.
(52) Ainsi, un courrier électronique du 28 novembre 2001, adressé par un représentant de la FRSEA Bretagne à la FNB et aux présidents de fédérations locales de sa région indique: "poursuite de la grille dans les semaines à venir: tous les abatteurs rencontrés se sont déclarés prêts à maintenir la grille dans la mesure où tous les opérateurs s'engageaient en même temps" (77).
(53) Un autre courrier électronique adressé à la FNB le 26 novembre 2001 en provenance du département des Côtes-d'Armor comporte le message suivant: après avoir indiqué que la grille est "correctement appliquée" dans trois abattoirs visités, il est écrit: "ces abattoirs se sont engagés à poursuivre l'application de la grille si, au niveau national, l'interprofession reconduit son engagement dans l'application de cette grille. Nous espérons que les négociations de demain aboutiront et que nous pourrons retourner leur demander de s'engager dans son application" (78).
1.7.2. Le non-renouvellement annoncé de l'accord
(54) Le 19 novembre 2001, soit quelques jours après la réception de la demande de renseignements adressée par la Commission (voir considérant 3 de la présente décision), le président de la FNICGV, conscient des risques d'amendes qui pesaient sur les adhérents de cette fédération pour infraction aux règles de la concurrence, a informé le président de la FNSEA qu'il se voyait "obligé d'anticiper à ce jour la date finale d'application de l'accord initialement prévue le 30 novembre 2001" (79).
(55) En réponse à la lettre d'avertissement de la Commission du 26 novembre 2001 (voir considérant 4 de la présente décision), toutes les fédérations ont répondu que l'accord du 24 octobre 2001 ne serait pas prorogé au-delà du 30 novembre, chacune soulignant que l'accord avait déjà été dénoncé quelques jours auparavant par l'une des parties.
(56) Un document issu de la FNICGV et intitulé "info flash" du 30 novembre 2001 fait état d'une réunion le 29 novembre 2001. Il est indiqué: "La grille de prix d'achat minimum des vaches de réforme conclue le 24 octobre 2001 n'est pas et ne sera pas reconduite. Telle est la conclusion de la réunion qui s'est tenue hier à Paris en présence des signataires de cet accord" (80).
1.7.3. La réunion du 29 novembre 2001
(57) Les notes manuscrites du directeur de la FNB, trouvées lors de la vérification opérée au siège de cette fédération, comportent certains passages relatifs à cette réunion. Sur une page portant en haut à droite la mention encadrée "réunion jeudi 29 novembre 8h00" (compte tenu du contexte, il s'agit probablement de notes prises lors de la préparation de la réunion du 29 novembre), il est écrit: "négocier vos grilles régionalement. Réponse à la Commission. OK, on admet non-reconduction de l'accord. Grille de préconisations: on la remet noir sur blanc? Dans le journal syndical: oui (sous forme de préconisations) ... Parler de prix indicateurs" (81). À propos de la grille: "ne peut être reconduit en l'état, compte tenu caractère répréhensible. Que la pression continue pour appliquer les prix d'intervention (en fait c'est appliquer la grille). Sans communiquer comme des fous" (82).
(58) Les notes manuscrites comportent ensuite des développements sur une page portant en haut à droite le titre "discussion 29 nov. 2001" suivi de l'indication d'une série d'initiales [la Commission n'est pas en mesure d'identifier tous les participants, mais certaines initiales correspondent manifestement à deux des vice-présidents, au directeur et au secrétaire général de la FNB, au directeur de la FNPL qui avait été signataire du protocole de Rungis au nom de cette fédération, au président de la FNCBV et au président de la FNICGV. Deux autres initiales correspondent vraisemblablement aux représentants du CNJA (83)]. Il est ensuite indiqué à plusieurs reprises qu'il faut "continuer" (84). Puis, à côté des initiales du président de la FNICGV, il est mentionné: "accord signé: on ne pourra pas le continuer. OK pour respect d'un prix fixé pour le retrait". Suivent une série de chiffres avec en marge la mention soulignée: "OK accord" (85).
(59) La page manuscrite suivante comporte une série d'expressions: "prix indicatif, prix rémunérateur, prix d'objectif, prix d'objectif éleveur, prix objectif, objectif éleveur". Suivent la mention des initiales du président de la FNICGV et les termes: "je n'écrirai rien/tel.". Puis, sous un sous-titre "comm. Presse", il est indiqué: "grille = anti-CEE donc on arrête, mais on agit pour préconisation de prix, nous éleveurs, objectifs syndicaux" (86).
(60) Enfin, sous le titre "synthèse", il est écrit: "accord" (oral/tel.) pour respect des "prix objectif éleveur", mention suivie de certains prix pour certaines qualités de viande. "Comment: par l'action syndicale, recommandations/préconisations" (87). Une autre page manuscrite porte la mention "d'un commun accord, on ne communique plus par écrit" (88). Un autre document manuscrit non daté (mais postérieur au 27 novembre 2001) comporte la mention suivante, après un sigle "attention": "prudence sur les écrits entente" (89).
(61) Certaines pages manuscrites reflètent les difficultés de compréhension de la part des représentants locaux (90). La FNB a d'ailleurs organisé une conférence téléphonique le 4 décembre 2001 avec ses animateurs régionaux, en vue d'exposer "l'approche des "prix objectifs" en viande bovine" (91).
(62) D'autres notes manuscrites se lisent comme suit: "accord [autres termes impératifs] sur respect du prix d'objectif syndical". (...) Saluer dans la presse le civisme des abattoirs (citer les bons). "Accord pour moraliser le marché". Préconisations syndicales" (92).
(63) Dans un entretien accordé par le vice-président de la FNB le 4 décembre 2001, disponible sur le site Internet de la FNSEA, celui-ci déclare: "la semaine dernière, nous avons insisté sur l'intérêt de cette grille pour stopper la spirale des prix à la baisse. Les entreprises reconnaissent son impact, mais veulent en même temps se conformer aux recommandations de Bruxelles. Désormais, nous ne parlerons plus d'accord interprofessionnel sur une grille mais d'objectif en termes de prix planchers. Nous revendiquons toujours la notion de grille syndicale". À la question "toutes les entreprises ont-elles reçu un message leur demandant de maintenir les tarifs ainsi discutés", le vice-président de la FNB répond: "il n'y a pas d'écrit sur ce nouvel "accord". Seulement des paroles. Mais d'une portée excessivement importante. Les représentants des entreprises au niveau national ont également communiqué par oral le contenu de nos discussions ". Enfin, sur les modalités d'application, le vice-président indique: "Quant aux prix, ils doivent être conformes à ceux discutés la semaine dernière. Si tel ne devait pas être le cas, nous bloquerons les abattoirs incriminés. D'ailleurs, dès mardi, 4 délégations ont demandé à nouveau des comptes aux 4 abattoirs vendéens. Nous les interpellons pour savoir s'ils ont bien reçu les consignes de leurs structures nationales identiques aux nôtres. Nous allons voir le poids des mots après le choc des écrits" (93).
(64) De même peut-on lire dans un document du 5 décembre 2001, accessible sur le site Internet de la FDSEA de Vendée et reproduit sur celui de la FNSEA: "l'accord verbal entériné en fin de semaine dernière par la filière bovine tarde à trouver une application concrète sur le terrain. Comme il y a un mois. Les abatteurs récalcitrants restent toujours les mêmes. Certes, on ne parle plus d'accord interprofessionnel. "Soit", explique la FDSEA, "mais nous transformons cette grille signée il y a un mois, en véritable grille syndicale à travers une obligation d'application de ces prix planchers sur tout le territoire". Toute la filière devait communiquer sur cette "entente" en début de semaine". Après avoir souligné que lors d'une visite dans un abattoir, le responsable a indiqué "ne rien avoir reçu de ses instances nationales", le document poursuit: "quant à l'application immédiate et totale de cette grille sur l'ensemble du territoire, les abatteurs peuvent faire confiance aux FDSEA. "Lundi, si rien ne débloque, nous bloquons à nouveau". La FNSEA engage tous les départements à procéder de même". Après avoir évoqué les discussions entre les manifestants et un abatteur, le document précise: "les responsables de l'abattoir se sont entretenus avec [le président de la FNICGV]. Ce dernier a confirmé les discussions de la semaine dernière". Enfin, citant un dirigeant de la FDSEA de Vendée, la note poursuit: "Tous les animaux abattus dans le département qui ne correspondent pas à notre grille de prix planchers, doivent être signalés par fax à la FDSEA. Fonction de ces éléments, nous déciderons ou non du blocage des entreprises incriminées". Les responsables vendéens ont décliné avec force et conviction ce message à toutes les FDSEA réunis à Paris jusqu'à jeudi. La grille existe donc toujours. À défaut d'être interprofessionnelle, elle reste syndicale. Jusqu'au bout" (94).
1.7.4. La réunion du 5 décembre 2001
(65) Le 5 décembre 2001 s'est tenue une "journée nationale viande bovine", organisée par la FNSEA (95). L'après-midi était consacré à une table ronde (96), à laquelle ont participé des représentants des différents signataires de l'accord du 24 octobre 2001.
(66) Le texte d'un courrier électronique du 6 décembre 2001 adressé par un représentant de la FRSEA de Bretagne aux présidents des FDSEA de sa région, et trouvé par la Commission lors de sa vérification à la FNSEA, se lit comme suit: "suite à la réunion d'hier, trois priorités sont ressorties des débats: assurer des niveaux de prix mini sur les femelles, dégager les marchés, réfléchir sur la maîtrise. Sur le premier point, s'il n'y a plus d'accord de prix officiel pour les raisons invoquées dans mon dernier message, tout le monde s'est entendu sur la nécessité de maintenir par la pression syndicale sur [sic] les cours des femelles au niveau de la grille de prix préexistante en l'actualisant en fonction des prix déterminés à l'achat spécial (...) Sur cet aspect des prix mini, les présidents nationaux de la FNICGV et de la FNCBV se sont déclarés conscients de la nécessité de maintenir des prix de marché et de la faire partager à leurs adhérents. Néanmoins nous n'aurons aucun accord écrit sur ce point et le maintien des prix dépendra de notre capacité à entretenir suffisamment de pression dans la filière. Aussi, je vous propose dès cette fin de semaine de prendre contact (soit téléphonique soit en délégation) avec les abatteurs de votre département afin de s'assurer de leur engagement à maintenir des prix sur la base préexistante et actualisée et de les alerter de l'action syndicale que nous pourrons mettre en œuvre dès la semaine prochaine en cas de manquement à cet engagement" (97).
(67) Dans une note hebdomadaire d'information de la FNPL, la journée nationale viande bovine est résumée comme suit: "une journée syndicale qui a évité la guerre lait/viande, entériné la poursuite de la grille et permis à beaucoup de participants de s'exprimer. L'essentiel de la matinée a été consacré à la présentation de la mise en place et de l'application des différentes grilles (broutards, JB en pays de Loire et vaches). Globalement le maintien de la grille est nécessaire et passe par la pression syndicale même s'il y a des problèmes d'application. Cette grille est toutefois une étape intermédiaire, l'objectif est de faire correspondre la production au marché. (...) L'après midi a été consacré à la table ronde. Les représentants des abatteurs [les présidents de la FNCBV et de la FNICGV] actent la reconduction de la grille non écrite". Sous le titre "problème application de la grille VB", il est écrit: "un abattoir [du département de Saône-et-Loire] n'applique pas la grille, estime les revendications des producteurs inadmissibles et menace en cas d'actions syndicales d'alerter pouvoirs publics et Commission européenne. Le message [du président de la FNICGV] ne semble pas clair ou ferme!" (98).
(68) Dans les notes manuscrites du directeur de la FNB, copiées par la Commission lors de la vérification dans les locaux de cette association, six pages sont consacrées à la journée nationale du 5 décembre 2001 (99). S'agissant des importations, il est indiqué "ne disons plus "contre les imports", allons en RHD" (100). Après les initiales du président de la FNSEA, il est écrit: "une erreur: avoir écrit la suspension des imports, mais on s'est fait cogner par Bruxelles et autres du COPA. Sans l'écrire, continuons sur des "prix d'objectif" ou des prix en dessous desquels on ne veut pas que les prix [baissent]. On a la certitude que partenaires filière s'engagent dans politique de prix". Il est encore indiqué: "interdit d'écrire" (101).
(69) Sur la table ronde du 5 décembre 2001, il est notamment écrit sous le titre "l'accord du 25 octobre", après les initiales du secrétaire général de la FNB: "objectif syndical: continuer". Suivent les commentaires des présidents des FNCBV et FNICGV. Sur le premier il est écrit: "on peut plus écrire mais continuer". Sur le second: "nous maintiendrons engagement sur PAS [prix d'achat spécial]. Message passé à nos entreprises. Et donc + 30 à + 40 cts. D'une façon informelle, la grille se poursuivra". Puis de nouveau le président de la FNCBV: "oui OK. Mais il faut application par tous" (102). Enfin, en conclusion, sous les initiales du président de la FNSEA, il est indiqué: "la grille ne s'arrête pas. Mais pas par écrit, dans les faits. Ceux qui n'entendront pas, on ira les voir" (103).
(70) Dans le même ordre d'idées, dans une note du 14 décembre 2001, publiée sur le site Internet de la FDSEA de la Marne, le président de la FDB de ce département s'exprime en ces termes: "Puisque l'accord signé est devenu contraire à la réglementation européenne, nous l'appliquerons sans signature. (...) Le premier qui sort du chemin tracé devra être remis sur la voie" (104).
1.8. Mise en œuvre de l'accord
1.8.1. Généralités
(71) Ainsi qu'il résulte de ses termes mêmes, le document conclu le 24 octobre 2001 entre les six fédérations constituait un "accord" comportant de leur part des "engagements" pris au nom des fédérations. Le fait que celles-ci s'estimaient liées par cet engagement résulte d'ailleurs des communiqués qu'elles ont émis immédiatement après la conclusion de l'accord. Ainsi, le 25 octobre 2001, les quatre fédérations agricoles ont adressé une note aux représentants de toutes les fédérations locales et sectorielles, où il est question de "l'accord" obtenu et où il est précisé: "chacun de nous doit désormais être très attentif à une stricte application de cet accord sur l'ensemble du territoire, à compter de lundi prochain" (105). De même, la télécopie du président de la FNICGV à ses membres dès le 24 octobre 2001 ne laisse pas planer de doute sur l'existence d'un accord dont l'application apparaissait obligatoire (106). C'est d'ailleurs bien ainsi que les opérateurs ont compris cet accord. Un procès-verbal d'huissier dressé le 24 octobre 2001 à la demande d'un abatteur de Saône-et-Loire relate ainsi que le représentant de la FDSEA voulait conclure un accord local avec cet abatteur; celui-ci "a précisé que ceci était inutile puisque les accords nationaux étaient valables sur tout le territoire" (107). De même, un adhérent de la FNICGV a répondu à la télécopie précitée du président de cette fédération qu'il prenait bonne note de cet accord (qu'il contestait par ailleurs) et indiquait qu'il " pren[ait] toute disposition pour [s]'y conformer sans délai" (108).
(72) De leur côté, les fédérations agricoles ont immédiatement invité leurs adhérents à diffuser autant que possible la grille de prix adoptée, à s'assurer de son application (109) et à signaler sans délai tout cas de non-application de la grille de prix (110). Le président de la FDSEA de Vendée a déclaré dans un entretien publié le 2 novembre 2001 dans le journal La Vendée agricole: "le temps de la discussion est révolu. Des fédérations nationales ont signé l'accord avec la FNSEA et ses associations spécialisées le 25 octobre à 9h. Désormais cette grille s'applique sur tout le territoire et pour toutes les entreprises" (111).
(73) Par ailleurs, afin de "ratifier" l'accord national sur le terrain, de nombreux accords locaux ont été conclus (112). Il s'agissait d'accords conclus entre les fédérations locales d'agriculteurs (en général au niveau départemental) avec un ou plusieurs abatteurs individuels. La conclusion de ces accords, en contrepartie du déblocage des abattoirs, est intervenue immédiatement après la signature de l'accord national, mais aussi tout au long du mois de novembre. Parfois, seuls ont été pris des accords verbaux de respecter l'accord national (113).
(74) Dans l'ensemble, les pièces du dossier font apparaître que ces accords locaux étaient des copies conformes de l'accord national du 24 octobre 2001(114). Lorsque les accords locaux n'étaient pas conclus, les abatteurs s'exposaient à des blocages de leur outil industriel, jusqu'à l'obtention de la signature (115). Dans certains cas, les abatteurs n'ont pas cédé et ont obtenu des autorités judiciaires françaises des jugements d'expulsion (116).
(75) Toutefois, dans certains cas, ces accords allaient au-delà de ce qui y était prévu. En particulier, alors que le volet de l'accord du 24 octobre 2001 relatif à la suspension des importations avait été reformulé par le protocole de Rungis du 31 octobre 2001, le dossier fait apparaître que des accords locaux conclus au mois de novembre comportaient néanmoins toujours explicitement une interdiction provisoire d'importer (117). Dans un cas dont la Commission a connaissance, l'accord local a été conclu par d'autres acteurs de la filière, tel que le syndicat local de négociants en bestiaux (118). (76) Au lendemain de la signature de l'accord national, il semble que la question de l'implication des secteurs en aval ait été discutée. Notamment, l'implication des secteurs de la grande distribution et de la restauration collective était envisagée. Les pièces du dossier ne permettent toutefois pas de conclure que ces secteurs auraient été impliqués dans l'adoption ou l'application de la grille (119). Dans leurs réponses aux demandes de renseignements de la Commission du 9 novembre 2001, les fédérations ont confirmé ne pas disposer de documents échangés avec les distributeurs à propos de l'accord litigieux.
1.8.2. Les importations
(77) Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, l'accord conclu le 24 octobre 2001 comportait un engagement de "suspension provisoire des importations", applicable à tous les produits bovins. Le 31 octobre 2001, le protocole de Rungis a atténué les termes de cet engagement, en n'évoquant plus qu'une "solidarité".
(78) Les statistiques dont dispose la Commission montrent que dans la semaine qui a suivi la signature de l'accord, le pourcentage de viande bovine d'origine non française vendue sur le marché de Rungis a diminué, mais de manière non significative. Le niveau est ainsi resté supérieur à celui existant deux semaines auparavant (120). La FNICGV a également produit, en annexe à sa réponse à la lettre d'avertissement (voir considérant 4 de la présente décision) des tableaux reprenant les volumes d'importations commercialisées à Rungis pour la période du 1er au 26 octobre 2001 et pour la période du 1er au 27 novembre 2001; ces données montrent que les volumes importés passés par Rungis, non seulement n'ont pas fléchi en novembre par rapport à octobre, mais ont même augmenté (121). Il y a toutefois lieu de relever que, dans les annexes 5 et 6 de sa réponse à la communication des griefs, la FNICGV a produit deux nouveaux tableaux, intitulés l'un "tableau d'importations des viandes bovines sur le marché français", l'autre "tableau d'importations des viandes fraîches sur le marché français". Ces tableaux font apparaître un fléchissement sensible des importations en novembre 2001 par rapport à octobre 2001, et en décembre 2001 par rapport à novembre 2001. En revanche, en janvier 2002, les niveaux d'importations se sont redressés nettement. Ainsi, entre octobre et décembre 2001, les importations en provenance d'Allemagne et des Pays-Bas, principaux pays exportateurs vers la France, ont baissé respectivement de plus de 25 % et de plus de 14 %, avant de remonter de 24 et 29 % en janvier 2002. Lors de l'audition, le représentant de la FNICGV a expliqué qu'il pouvait s'agir de phénomènes cycliques normaux à cette époque de l'année (122) et que ces mouvements pouvaient s'expliquer par d'autres éléments que l'accord.
(79) Il convient de relever par ailleurs que les accords locaux signés après l'accord du 24 octobre comportaient une disposition de suspension des importations. Or rien n'indique que le protocole de Rungis ait affecté les accords locaux antérieurs. En outre, en dépit de ce protocole, les accords locaux conclus après le 31 octobre 2001 contenaient toujours une disposition relative à la suspension des importations; il y était en effet toujours fait référence à "l'engagement de suspension provisoire des importations (y compris européennes) jusqu'à nouvelle négociation nationale" (123).
(80) Le jour de la signature de l'accord du 24 octobre 2001, les dirigeants de la FNB et de la FNSEA ont appelé au boycott des viandes d'origine non française et menacé de représailles ceux qui ne se plieraient pas à ce boycott (124). Dès le 30 octobre, des manifestations d'éleveurs détruisant de la viande originaire d'autres États membres ont eu lieu (125). Divers documents (courrier électronique, note, dépêche sur le site Internet de la FDSEA) témoignent d'opérations de "contrôle" de l'origine des viandes menées par des fédérations agricoles locales dans divers départements durant les mois de novembre et décembre. Ainsi, dans une télécopie de la FRSEA de Basse-Normandie au directeur de la FNB le 9 novembre 2001, il est notamment indiqué: "l'Orne et le Calvados font des contrôles des camions de viande d'import: rien à signaler" (126). Un courrier électronique du 13 novembre 2001, adressé à la FNB et intitulé "contrôle importations viande bovine Loir-et-Cher" se lit comme suit: "nous avons mené une action ce matin pour contrôler l'origine de la viande bovine. Nous avons trouvé de la viande en provenance de Hollande, d'Allemagne, de Pologne" (127). Dans une télécopie adressée par un représentant de la FDSEA du Maine-et-Loire au directeur de la FNB le 11 décembre 2001 et intitulée "contrôle dans les abattoirs du Maine-et-Loire", il est notamment indiqué: "pas d'anomalie relevée - grille appliquée - pas d'importation" (128).
1.8.3. Les prix
(81) Les tableaux de prix moyens par semaine pour différentes catégories de viande, produits par les fédérations dans leur réponse à la demande de renseignements (voir considérant 3 de la présente décision) font apparaître que, pour chacune de ces catégories, le prix a commencé à progresser à partir de la semaine 43 (semaine de signature de l'accord du 24 octobre 2001) après une vingtaine de semaines de baisse (129) (voir considérant 14 de la présente décision).
(82) La mise en œuvre et les effets de la grille de prix du 24 octobre 2001 sont étayés par une série de preuves.
(83) En premier lieu, de nombreux documents traduisent la diffusion de la grille par voie de presse ou par courrier aux adhérents (130).
(84) En second lieu, dans un document intitulé "application et surveillance de la grille syndicale", accessible sur le site Internet de la FNSEA et daté du 14 novembre 2001, le vice-président de la FNB s'exprime en ces termes: "malgré les soubresauts de départ, les 15 premiers jours permettent de conclure à l'application de la grille dans les 4 abattoirs du département [de Vendée]", constat établi à l'issue de vérifications opérées dans ces abattoirs. Le même document indique que "les surveillances se poursuivront à un rythme soutenu" (131).
(85) En troisième lieu, dans une note de la FNSEA du 7 novembre 2001 intitulée "viande bovine: état de la situation", il est indiqué: "il apparaît aujourd'hui que la grille est relativement bien appliquée sur les catégories O et P. Elle serait un peu moins bien appliquée sur les races à viandes, en particulier sur la vache R pour laquelle l'écart de prix serait trop important" (132). Dans une note de la même fédération du 15 novembre 2001, il est indiqué, à propos de la grille de prix, sous le titre "dossiers sectoriels - 1. Viande bovine": "cette grille est, dans l'ensemble, respectée par les opérateurs; même si parfois l'action syndicale se révèle nécessaire" (133). Une troisième note, non datée mais écrite entre le 9 et le 15 novembre (134), indique que "des effets sensibles ont été enregistrés sur les vaches U et R et plus timides sur les vaches O et P. Problème de déclassement dans l'application de la grille".
(86) En quatrième lieu, dans une lettre du 20 novembre 2001, le président de la FDB de l'Aude constate qu'"il nous a été confirmé que l'application de cet accord n'est pas toujours respectée ou ne l'est que dans certaines conditions fixées par l'acheteur" (135). Dans une télécopie du 19 novembre 2001 de la FDSEA du Finistère à la FNB, il est porté la mention manuscrite suivante: "nous n'avons pas reçu de plainte d'éleveurs pour non respect de la grille" (136). Dans une télécopie de la FDSEA du Pas-de-Calais à la FNB du 29 novembre 2001, sous le titre "respect de la grille", il est indiqué: "d'une façon générale, la grille a été respectée dès la première semaine. Les prix ont été légèrement supérieurs en S2 et S3 avant d'être limités les S4 et S5. La présence d'un animateur FDSEA relevant l'ensemble des prix sur le marché a semble-t-il inquiété les abatteurs qui se sont montrés respectueux de la grille" (137).
(87) En cinquième lieu, un courrier électronique adressé à la FNB le 26 novembre 2001 en provenance du département des Côtes d'Armor se lit comme suit: "ce matin 150 éleveurs se sont rendus dans trois abattoirs (...). Ils ont constaté que la grille de prix minimum est correctement appliquée" (138). Un autre courrier électronique adressé par le président de la FRSEA de Bretagne à, notamment, la FNB, le 28 novembre 2001, rapporte également le respect de la grille par les abattoirs visités, respect jugé "total" ou "global" selon les cas (139).
(88) En sixième lieu, dans les notes manuscrites du directeur de la FNB, des annotations semblables apparaissent. Ainsi, à propos d'une réunion du Conseil FNB (140), il est écrit, à propos du département de l'Aveyron: "pb sur réforme applic. inégale grille", et à propos du département du Cantal: "grille: pb sur les R" (141). Quelques pages plus loin, sous le titre "accord de filière": quelles perspectives après fin novembre?", il est écrit: "bilan. Volet "grille de prix": une hausse des cours de l'ordre de 0,75 F/kg a été observée en vaches R et U en semaine ..., et de quelques cts/kg en vaches P et O. À part Angers, les cotations entrée abattoirs régionales n'ont pas été alignées sur la grille" (142). Enfin, des notes manuscrites prises lors d'une réunion régionale à Clermont-Ferrand le 3 décembre 2001 font référence à la grille de prix et indiquent "ça marche: on est en train de gagner pari. La situation s'inverse" (143).
(89) La mise en œuvre de la grille de prix établie par les syndicats agricoles et à propos de laquelle les fédérations d'abatteurs ont marqué leur accord fin novembre - début décembre 2001 est également attestée par plusieurs documents.
(90) Tout d'abord, cette grille de prix, sous le titre "recommandations syndicales", a été diffusée dans la presse (144).
(91) Par ailleurs, au lendemain de la réunion du 5 décembre 2001, le président de la FNSEA s'est adressé à tous les présidents de fédérations locales et de fédérations spécialisées, les invitant "à mobiliser [leur] réseau pour contrôler, dès lundi 10 décembre chez les opérateurs de filière, les prix pratiqués pour l'achat de bovins" (145).
(92) Une télécopie de la FDSEA du Maine-et-Loire à la FNB, du 11 décembre 2001, comporte les résultats d'une "vérification" opérée par les agriculteurs auprès d'abattoirs de ce département. Il est indiqué: "grille appliquée", même si l'auteur de cette note s'étonne de cette application sans faille et se demande si les agriculteurs n'ont pas été "trompés" (146).
(93) Plusieurs dépêches d'actualité publiées sur les sites Internet de la FDSEA font état de nouveaux blocages d'abattoirs à la mi-décembre 2001. Ainsi, du 17 au 19 décembre, les abattoirs d'un groupe d'abattage, "le seul en France opposé à l'application de la grille de prix" selon l'une de ces dépêches, ont été bloqués. Le groupe a fini par accepter d'appliquer la grille de prix jusqu'au 11 janvier 2002(147).
(94) Lors de la vérification dans les locaux de la FNB, il a été pris copie d'un document d'une page qui porte en haut la mention "fax reçu de FDSEA 79, 13-12-01, 17:31". Ce document est intitulé "accord du 25 octobre 2001 (reconduit) signé et entendu applicable par la FNSEA, la FNB, la FNICGV et la FNCBV/SICA" et comporte un tableau "grille syndicale "prix minimum". En bas de page, il est indiqué: "toutes les familles cosignataires de cet accord ont demandé aux organisations syndicales agricoles et professionnelles de prendre les moyens pour faire respecter cette grille, par toute action, qui à leurs "yeux", peut justifier une intervention auprès de chaque opérateur de la filière" (148). Il est à noter qu'un document identique a été adressé par la FDSEA des Deux-Sèvres à un abatteur le 13 décembre 2001(149).
(95) On relèvera enfin que certains documents soulignent le lien entre le contrôle des importations et celui des prix. Ainsi, le 24 octobre 2001, jour où la grille de prix était discutée entre les six fédérations, la Fédération française des commerçants en bestiaux a adressé une lettre au ministre de l'Agriculture français, dans laquelle il est indiqué: "en économie de marché, il ne peut pas y avoir fixation autoritaire des prix de marché sans, du même coup, mettre en place tout un arsenal de mesures de protection aux frontières contre la concurrence étrangère" (150). D'ailleurs, dès le 11 octobre 2001, lorsqu'elle discutait de la mise en place d'une grille de prix minimaux, la FNB était consciente que plusieurs actions seraient nécessaires pour parvenir à ce résultat. La première de ces actions énumérées par la FNB dans une note d' "information aux sections bovines" concernait précisément les importations, en particulier dans le secteur de la restauration hors domicile (151). Par ailleurs, les documents publics dont dispose la Commission, qu'il s'agisse d'articles de presse ou de dépêches d'actualité diffusées sur le site Internet de la FNSEA et de FDSEA, montrent que les "contrôles" opérés par les fédérations d'agriculteurs d'octobre à décembre dans les abattoirs portaient presque systématiquement sur le prix pratiqué et sur la présence ou non de viande importée.
2. PRINCIPALES OBSERVATIONS DES PARTIES
(96) Dans leurs réponses écrites à la communication des griefs et lors de l'audition, les différentes fédérations ont présenté les arguments suivants.
(97) La FNSEA a fait valoir, pour l'essentiel, que:
- l'accord ne peut être détaché du contexte dans lequel il a été signé, marqué par une crise sans précédent du secteur bovin depuis octobre 2000. Cette crise s'est traduite par une considérable chute des cours, sans espoir de retour à la normale à moyen terme. Les mesures communautaires pour juguler la crise, mal respectées par certains États membres, se sont révélées insuffisantes. Au-delà de la crise du secteur, c'est une crise humaine d'agriculteurs en détresse qui a vu le jour, donnant lieu à des manifestations parfois violentes. Cette situation a fini par porter une atteinte sérieuse à l'ordre public. L'accord du 24 octobre 2001, essentiellement médiatique, "était le seul moyen de retrouver espoir et paix sociale" (152),
- la FNSEA n'est ni une entreprise ni une association d'entreprises. Elle est un syndicat professionnel, qui n'a pas les moyens de contraindre ses membres.
Elle soutient que l'accord n'avait pas une nature anticoncurrentielle mais s'inscrivait "dans le cadre syndical de la défense des intérêts de la profession" d'éleveurs, qui constitue une "mission d'intérêt général" (153). La FNSEA a également souligné que la FNCBV est une association de coopératives. Or il ne peut y avoir d'accord entre une coopérative et ses adhérents,
- l'accord du 24 octobre 2001 n'a pas été renouvelé.
Mais les décisions ne se diffusent pas immédiatement à l'échelon local et en toute hypothèse la non prorogation n'interdit pas la poursuite de l'action syndicale,
- la partie de l'accord relative aux importations "était par nature contestable" (154); toutefois, elle répondait à une situation exceptionnelle, a été de courte durée puisqu'elle "a cessé fin novembre 2001" (155) et n'a eu aucun effet,
- l'accord de prix ne constitue pas une entente illicite.
Il doit en tout cas bénéficier de la seconde exception de l'article 2 du règlement n° 26. En effet, l'accord s'avère "nécessaire" à la réalisation des objectifs de la politique agricole commune énumérés à l'article 33, paragraphe 1, points b) et c), du traité et n'est pas "contraire à la réalisation des autres objectifs de l'article 33" (156),
- le ministre de l'Agriculture a incité publiquement à la signature de l'accord,
- s'agissant des importations, l'infraction a cessé très rapidement. Les éléments dont dispose la Commission après le 1er décembre sont trop isolés pour prolonger la durée au-delà de cette date,
- en toute hypothèse, compte tenu du contexte général dans lequel l'accord du 24 octobre 2001 a été conclu, de la faible durée de l'aspect "importations" et de l'absence d'effets, aucune amende ne devrait être infligée.
(98) La FNB et la FNPL ont renvoyé aux observations de la FNSEA. La FNPL a également souligné son caractère d'association syndicale, adhérente à la FNSEA.
(99) Les JA ont pour l'essentiel fait valoir les éléments suivants:
- la crise frappant le secteur bovin depuis octobre 2000 était sans précédent. Elle a entraîné des pertes de revenus considérables pour les éleveurs, sans perspectives d'amélioration. Elle a donné naissance à un profond malaise social. Lors de l'audition, les JA ont plus particulièrement souligné que l'objet de l'accord était d'adresser un message d'espoir à des agriculteurs frappés par une grave crise psychologique,
- les JA sont un syndicat de personnes, et non une association d'entreprises,
- l'accord relatif à la suspension des importations était symbolique et a été de très courte durée.
(100) La FNCBV a essentiellement soutenu que l'accord du 24 octobre 2001 n'a pas été renouvelé. Ce non-renouvellement n'a toutefois pas empêché la poursuite de son application dans les semaines qui ont suivi. En réalité, les effets de l'accord national ont progressivement disparu jusqu'à la veille des fêtes de la fin de l'année 2001.
(101) La FNICGV a pour sa part présenté l'argumentation suivante:
- à l'automne 2001, la crise affectant le secteur bovin a atteint son paroxysme, conduisant à de nombreuses atteintes à l'ordre public. Le but "objectif" de l'accord était uniquement de préserver cet ordre public,
- la FNICGV a dénoncé l'accord initial dès le 19 novembre 2001. Elle n'a pas participé à une prorogation secrète de l'accord. Les documents utilisés comme preuve proviennent uniquement des syndicats agricoles. Ils ne traduisent rien d'autre que l'existence d'une grille de prix unilatérale adoptée par ces syndicats,
- l'accord a été conclu sous la contrainte de la violence des éleveurs, ce qui, en droit français, constitue une cause de nullité des contrats (articles 1111 et 1112 du Code civil français); les abatteurs n'avaient d'ailleurs aucun intérêt à conclure un tel accord,
- l'accord ne porte que sur une quantité très limitée d'animaux,
- la FNICGV n'a aucun moyen d'imposer quoi que ce soit à ses membres. Certains ont d'ailleurs refusé de donner suite à l'accord conclu au niveau national.
L'accord ne prévoyait de toute façon aucune mesure de rétorsion,
- s'agissant plus particulièrement de l'aspect relatif aux importations, l'accord n'a produit aucun effet,
- le ministre de l'Agriculture "a fortement incité les éleveurs et les abatteurs à s'entendre sur un accord".
Il a par conséquent "imposé un comportement anticoncurrentiel aux entreprises" (157),
- en ce qui concerne les amendes, les faits de l'espèce justifient une appréciation modérée.
3. APPRÉCIATION JURIDIQUE
3.1. Infraction à l'article 81, paragraphe 1, du traité CE
(102) L'article 81, paragraphe 1, du traité CE dispose: "Sont incompatibles avec le marché commun et interdits tous accords entre entreprises ... qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun ...".
3.1.1. Entreprises et associations d'entreprises
(103) Il convient d'examiner successivement si les membres des fédérations en cause sont des "entreprises" au sens de l'article 81 et si les fédérations elles-mêmes sont des "associations d'entreprises" au sens de cette disposition.
3.1.1.1. Notion d'entreprise
(104) Selon une jurisprudence constante, la notion d'entreprise comprend toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement (158). À cet égard, même une personne physique peut constituer une entreprise au sens de l'article 81 dès lorsqu'elle exerce une activité économique (159). Constitue une activité économique toute activité consistant à offrir des biens ou des services sur un marché donné (160).
(105) En l'espèce, quatre des fédérations représentent les agriculteurs. Il ne fait aucun doute que les agriculteurs exercent une activité de production de biens qu'ils offrent à la vente. Les agriculteurs sont donc, même en tant que personnes physiques, des entreprises au sens de l'article 81 du traité. Au demeurant, si les agriculteurs n'exerçaient pas une activité économique, le règlement n° 26 n'aurait pas de sens, dès lors que les règles de la concurrence ne s'appliqueraient purement et simplement pas à ce secteur.
(106) De même, les abatteurs prestent contre rémunération le service d'abattage et offrent à la vente les produits après cette opération. Ils constituent donc également des entreprises.
(107) Il est vrai que certains abatteurs sont constitués sous forme de sociétés coopératives; la FNCBV est d'ailleurs une fédération de coopératives. Toutefois, ainsi qu'il a été jugé à propos d'une société coopérative au Danemark, la circonstance qu'une entité est une société coopérative organisée conformément à la réglementation d'un État membre n'affecte en rien la nature économique de l'activité exercée par cette coopérative (161). S'agissant plus particulièrement de l'argument soulevé par la FNSEA (voir considérant 97, deuxième tiret, in fine, de la présente décision), il suffit de relever que l'accord mis en cause dans la présente décision ne concerne pas la relation entre une coopérative et ses adhérents, mais bien un accord entre six entités distinctes que sont les fédérations destinataires de la présente décision.
(108) Il y a donc lieu de conclure que les membres des différentes fédérations impliquées sont des entreprises au sens de l'article 81 du traité.
3.1.1.2. Association d'entreprises
(109) Les fédérations en cause en l'espèce, qui regroupent ainsi des entreprises au sens de l'article 81 du traité, constituent par voie de conséquence des associations d'entreprises ou des associations d'associations d'entreprises.
(110) Certes, la FNSEA et les JA ont soutenu qu'ils étaient organisés sous la forme de syndicats professionnels, régis par le titre I du livre IV du Code du travail français, et qu'ils ne constituaient donc pas des associations d'entreprises. Toutefois, ainsi que la Cour de justice l'a jugé, le cadre juridique dans lequel s'effectue la conclusion d'accords et la qualification juridique donnée à ce cadre par les différents ordres juridiques nationaux sont sans incidence sur l'applicabilité de l'article 81 du traité (162).
(111) De surcroît, cette disposition s'applique également aux groupements à but non lucratif, dans la mesure où leur activité propre ou celle des entreprises qui y adhèrent tend à produire les effets que cette disposition vise à réprimer (163). En l'espèce, la FNSEA a précisément fait valoir que le comportement qui lui est reproché relève du seul exercice de la liberté syndicale. En réalité, condamner ce comportement conduirait à porter atteinte à ce droit fondamental.
(112) La Commission reconnaît l'importance de la liberté syndicale qui, ainsi que l'a souligné la FNSEA, est notamment visée à l'article 12, paragraphe 1, de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (164). En particulier, la Commission ne sous-estime nullement la mission d'information, de conseil et de défense des intérêts professionnels qui incombe aux organisations professionnelles. Toutefois, de telles organisations sortent des limites de cette mission lorsqu'elles prêtent leur concours à la conclusion et à la mise en œuvre d'accords méconnaissant des règles d'ordre public, telles que les règles de concurrence. En l'occurrence, la conclusion d'un accord entre organisations agricoles et organisations d'opérateurs en aval qui tend à suspendre les importations et à convenir d'un prix minimal d'achat sort des limites de l'action syndicale légitime.
(113) La pratique décisionnelle du Conseil de la concurrence français offre d'ailleurs de multiples exemples de décisions constatant, dans des secteurs très divers de l'économie, y compris dans le domaine agricole, des infractions aux règles de concurrence de la part d'organisations professionnelles qui avaient dépassé le cadre de leur mission légitime, et leur imposant des sanctions (165).
(114) En réalité, si la liberté syndicale est un principe essentiel pour représenter les intérêts des membres, cela ne saurait autoriser les organisations professionnelles à adopter des comportements illégaux. Bien au contraire, leur rôle devrait notamment consister à éviter que de tels comportements soient adoptés.
(115) En l'espèce, il ressort du dossier que les parties à l'accord n'ignoraient pas ou ne pouvaient pas ignorer, dès la signature de l'accord, l'incompatibilité de celui-ci avec les règles communautaires. Ainsi, dans les notes manuscrites d'un des directeurs de la FNB, à la date du 25 octobre et à propos de la conférence de presse sur l'accord, il est indiqué "hors-la-loi" (166) et, plus explicitement encore, après le rappel du nom du président de la FNCBV: "un peu hors-la-loi, mais tant pis" (167). Ces mêmes notes mentionnent, à propos d'une réunion du 29 octobre 2001: "DGCCRF + Conseil de la concurrence!!!" (168). En réalité, ces notes font apparaître que des discussions sur une possible grille de prix ont eu lieu dès le début du mois d'octobre 2001. Lors d'une réunion du 2 octobre 2001, après les initiales du président de la FNSEA, il est indiqué "c'est anticoncurrentiel, mais engagement" (doc. 38.279-950). Après le nom du président de la FNCBV, il est indiqué: "peut-on se serrer les coudes? sans se faire prendre en faute par la DGCCRF?" (doc. 38.279-951). En outre, immédiatement auprès du président de la FNSEA en dénonçant l'illégalité de l'accord (voir considérant 44). Les déclarations du président de la FNCBV à la presse concernant la DGCCRF illustrent d'ailleurs la parfaite conscience que les parties avaient de l'illégalité de leur accord (voir considérant 43) (169).
(116) Au demeurant, il convient de rappeler que la pratique décisionnelle de la Commission et la jurisprudence de la Cour de justice et du Tribunal de première instance des Communautés européennes offrent de multiples exemples d'associations, parfaitement légitimes en elles-mêmes, mais qui ont néanmoins illégalement servi de cadre à des infractions aux règles de concurrence (170).
(117) Les six fédérations signataires de l'accord constituent donc des associations d'entreprises (ou des associations d'associations d'entreprises) au sens de l'article 81 du traité.
3.1.2. Accord
(118) Il est constant que, pour qu'il y ait un "accord" au sens de l'article 81 du traité, il n'est pas nécessaire que les parties le considèrent comme juridiquement contraignant. Un "accord" peut exister dès lors que les parties s'entendent sur un plan qui limite, ou est de nature à limiter, leur liberté commerciale en déterminant les lignes de leur action ou de leur abstention réciproque sur le marché. Aucune procédure d'exécution telle que pourrait en prévoir un contrat civil n'est requise. Il n'est pas nécessaire non plus qu'un tel accord soit établi par écrit.
(119) Dans ces conditions, un accord tel que celui conclu le 24 octobre 2001 constitue un "accord" entre associations d'entreprises au sens de l'article 81 du traité (171).
(120) En outre, les discussions qui ont eu lieu lors des réunions des 29 novembre 2001 et 5 décembre 2001 attestent de l'existence d'un accord semblable entre les mêmes parties, dans le prolongement du précédent. La forme a certes changé par rapport à l'accord du 24 octobre 2001, en ce qu'aucun document écrit formel ne subsiste. Toutefois, ainsi qu'il résulte de l'énoncé des faits, il n'en reste pas moins que ces discussions traduisent un concours de volonté entre les différentes fédérations signataires de l'accord initial. Ceci ressort en particulier de manière explicite des notes prises par le directeur de la FNB durant les réunions du 29 novembre 2001 et du 5 décembre 2001. Il y est en effet fait référence à plusieurs reprises à l'"accord" des différentes parties (voir notamment considérants 58, 60 et 69). Les éléments factuels examinés ci-dessus révèlent même que les parties se sont entendues pour conserver secret leur nouvel accord (voir notamment considérant 60); le dossier comporte ainsi de multiples références à la nécessité "de ne plus rien écrire" (voir notamment considérants 59, 60, 68, 69 et 70) et de se limiter à un "accord verbal" (voir notamment considérants 59, 60, 63 et 64). Sans reprendre de manière exhaustive les documents en question, il peut être rappelé que les notes manuscrites du directeur de la FNB indiquent que "d'un commun accord, on ne communique plus par écrit". Le vice-président de la FNB a quant à lui déclaré: "il n'y a pas d'écrit sur ce nouvel "accord". Seulement des paroles... Nous allons voir le poids des mots après le choc des écrits".
(121) La FNICGV a souligné que l'accord avait été conclu sous la contrainte de la violence des éleveurs, ce qui constitue une cause de nullité en droit civil français. Toutefois, pour qu'un engagement soit qualifié d'accord au sens de l'article 81, il n'est pas nécessaire qu'il constitue un contrat obligatoire et valide selon le droit national (172). Il résulte d'ailleurs d'une jurisprudence constante qu'une entreprise ou association d'entreprises partie à un accord au sens de l'article 81 du traité ne peut se prévaloir du fait qu'elle y participerait sous la contrainte des autres participants. En effet, plutôt que de participer à cet accord, elle pourrait dénoncer les pressions dont elle fait l'objet aux autorités compétentes et introduire auprès de la Commission une plainte en application de l'article 3 du règlement n° 17 (173).
(122) Au demeurant, si un accord entaché d'une "cause" de nullité échappait à l'article 81, comme le soutient la FNICGV en invoquant la violence, il en résulterait qu'aucune convention ne pourrait jamais être qualifiée d'accord au sens de l'article 81, paragraphe 1, du traité, puisque le fait qu'un accord emporte une restriction de concurrence est en soi une cause de nullité, conformément à l'article 81, paragraphe 2, du traité. En revanche, le fait que l'accord ait été conclu sous la contrainte peut être pris en compte dans l'appréciation de la participation de la victime à l'infraction aux fins de la détermination des amendes.
(123) Enfin, contrairement aux prétentions des parties, la circonstance que l'accord lui-même ne comportait aucune mesure de sanction à l'encontre des signataires s'ils n'en respectaient pas les termes ne fait pas non plus obstacle à la qualification d'accord au sens de l'article 81 (174).
3.1.3. Restriction de la concurrence
(124) L'article 81, paragraphe 1, point a), du traité donne pour exemple de restriction de concurrence les comportements qui consistent à fixer de façon directe ou indirecte les prix d'achat ou de vente. Par ailleurs, l'article 81, paragraphe 1, points b) et c), vise les comportements consistant à "limiter ou contrôler la production et les débouchés" et à "répartir les marchés ou les sources d'approvisionnement".
(125) Dans ces conditions, un accord tel que celui en cause en l'espèce, conclu entre des représentants d'éleveurs et des représentants d'abatteurs, qui vise à fixer les prix minima d'achat de vaches de réforme en France, constitue une restriction de concurrence au sens de l'article 81, paragraphe 1, du traité.
(126) En outre, un accord par lequel les parties s'engagent à ne pas importer de produits en provenance, notamment, des autres États membres, conduit à un cloisonnement des marchés incompatible avec l'article 81, paragraphe 1, du traité.Il est vrai que le volet de l'accord du 24 octobre 2001 relatif à la "suspension" des importations de viande bovine en général a été atténué par le protocole de Rungis du 31 octobre 2001. Toutefois, la "solidarité" dont les importateurs et exportateurs s'engageaient à faire preuve doit se comprendre, dans le contexte, comme invitant, à tout le moins, à limiter autant que possible les importations, dès lors que la suspension totale de celles-ci s'avérait en pratique impossible. En outre, il est constant que des accords locaux ont été conclus aussi bien durant la dernière semaine d'octobre qu'au cours du mois de novembre, c'est-à-dire après la signature du protocole de Rungis (voir considérants 73 à 75 et 79). Or, ces accords, qui constituaient le prolongement et la mise en œuvre de l'accord national, comportaient une clause de suspension des importations, valable "jusqu'à nouvelle négociation nationale" (voir considérants 75 et 79). En outre, l'examen des faits révèle que, durant les mois de novembre et décembre 2001, donc, à nouveau, après la signature du protocole de Rungis, les agriculteurs ont procédé à des "contrôles" de l'origine des viandes, détruisant parfois celles d'origine non française (voir considérant 80). Ainsi, à plusieurs reprises durant ces deux mois, les organisations syndicales locales ont rapporté à la FNB les résultats de leurs vérifications qui portaient spécifiquement sur l'origine des viandes. À titre d'exemple, il y a lieu de rappeler ainsi qu'un représentant syndical local a écrit à la FNB le 11 décembre 2001, à propos d'un contrôle dans les abattoirs de sa région: "pas d'anomalie relevée - grille appliquée - pas d'importation" (même considérant de la présente décision). Par ailleurs, les notes manuscrites du directeur de la FNB portaient la mention "continuer sur l'import", tout en soulignant qu'il ne fallait "plus le dire, ni encore plus l'écrire" (voir considérant 49, à propos d'une discussion du 20 novembre 2001). Ces mêmes notes indiquent, à propos de la réunion du 5 décembre 2001, "ne disons plus "contre les imports", allons en RHD" (voir considérant 68).
(127) Il est de jurisprudence constante que, aux fins de l'application de l'article 81, paragraphe 1, du traité, la prise en considération des effets concrets d'un accord est superflue, dès lors qu'il apparaît que celui-ci a pour objet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun (175). En l'espèce, l'accord a pour objet de restreindre la concurrence, si bien qu'il n'y a pas lieu d'examiner ses effets. Toutefois, pour ce qui est du volet de l'accord relatif aux prix, il y a lieu de relever que les prix ont effectivement progressé dès la conclusion de l'accord du 24 octobre 2001 (voir considérants 14 et 81) et que plusieurs documents montrent que la grille de prix a été perçue par les représentants des agriculteurs comme produisant, au moins partiellement, les effets recherchés (voir considérants 85, 86 et 88). De même, pour ce qui est du volet de l'accord relatif aux importations, les faits révèlent que des "contrôles" sur l'origine des marchandises ont été effectués et des produits importés détruits (voir en particulier considérant 80). Les chiffres produits par la FNICGV en réponse à la communication des griefs montrent que le volume des importations en provenance des principaux partenaires commerciaux de la France dans le secteur de la viande bovine a sensiblement baissé en novembre et décembre 2001 par rapport à octobre 2001, avant de remonter en janvier 2002 (voir considérant 78). La Commission n'est toutefois pas en mesure d'affirmer que cela est le résultat de l'infraction en cause en l'espèce.
(128) La FNICGV a toutefois souligné que l'accord portait sur une quantité limitée d'animaux. À cet égard, il convient de relever tout d'abord que tel n'est pas le cas en ce qui concerne l'aspect relatif aux importations. En effet, cette partie de l'accord concernait l'ensemble des viandes bovines (voir considérant 38). Elle n'était donc limitée ni aux vaches (par opposition aux autres types de bovins), ni aux animaux vivants destinés à être abattus (par opposition à la viande importée fraîche ou congelée). S'il est vrai que, en revanche, l'accord de prix ne portait que sur certaines catégories de vaches destinées à l'abattage, sa portée ne doit toutefois pas être réduite.
(129) En effet, tout d'abord, en France, la consommation est largement tournée vers la viande de femelles, ce qui constitue une particularité de ce marché (176). Ensuite, il ressort de la grille de prix établie par la FNB dès la mi-octobre 2001 (voir considérant 31), que celle-ci était limitée aux vaches de réforme "en raison de l'importance de cette catégorie" (177). Au demeurant, il apparaît contradictoire de prétendre d'un côté que l'accord était conclu essentiellement pour adresser un fort message d'espoir aux agriculteurs, pour mettre un terme à la forte pression des éleveurs et des pouvoirs publics et pour éviter des désordres publics, et de soutenir d'un autre côté que cet accord ne portait que sur des volumes très faibles.
(130) Enfin, il est incontestable que le secteur de la viande bovine traversait une grave crise à l'époque de la conclusion de l'accord (voir point 1.3), crise qui, d'ailleurs, affectait l'ensemble des marchés de la Communauté. Cette situation a été reconnue par la Commission, qui a, précisément pour cette raison, adoptée des mesures spéciales (voir point 1.4.2). Toutefois, ainsi que la Cour de justice l'a encore rappelé récemment, "l'existence d'une crise sur le marché ne saurait en elle-même exclure le caractère anticoncurrentiel d'une entente" (178).L'existence d'une crise aurait pu, le cas échéant, être invoquée pour obtenir une exemption au titre de l'article 81, paragraphe 3, du traité (179). Aucune des parties signataires de l'accord n'a toutefois présenté une telle demande. En outre, même si cette entente avait été notifiée, elle n'aurait, selon toute probabilité, pas pu bénéficier d'une exemption. Il ressort d'une jurisprudence constante qu'une telle exemption ne peut être accordée que lorsque les quatre conditions énoncées à l'article 81, paragraphe 3, du traité, sont cumulativement réunies (180). En l'espèce, il suffit de souligner que les deux premières conditions ne sont manifestement pas remplies. D'une part, l'accord litigieux ne contribue nullement à améliorer la production ou la distribution des produits en cause ou à promouvoir le progrès technique ou économique. D'autre part, l'accord ne réserve pas aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulterait.
3.1.4. Affectation sensible du commerce entre États membres
(131) Il est de jurisprudence constante qu'un accord entre entreprises, pour être susceptible d'affecter le commerce entre États membres, doit, sur la base d'un ensemble d'éléments objectifs de droit ou de fait, permettre d'envisager avec un degré de probabilité suffisant qu'il puisse exercer une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur les courants d'échanges entre États membres, dans un sens qui pourrait nuire à la réalisation des objectifs d'un marché unique entre États (181).
(132) En l'espèce, le premier volet de l'accord concernait purement et simplement la suspension des importations. Même si les termes de l'accord du 24 octobre 2001 ont été atténués par le protocole de Rungis, le libellé de celui-ci et les éléments factuels du dossier font apparaître que le contrôle des importations de viande bovine, en ce compris celles en provenance des autres États membres, restait un élément essentiel de l'accord (voir considérant 80). Les protestations écrites des organisations agricoles d'autres États membres (voir considérant 44) le confirment.
(133) En ce qui concerne les prix minima d'achat de vaches de réforme, il y a lieu de relever, tout d'abord, qu'une entente s'étendant à l'ensemble du territoire d'un État membre a, par sa nature même, pour effet de consolider des cloisonnements de caractère national, entravant ainsi l'interpénétration économique voulue par le traité (182). Ensuite, un accord de prix minimal, dans un marché perméable aux importations, ne peut fonctionner que s'il est accompagné de mesures de contrôle des importations (183). À défaut, dans un secteur tel que celui de la viande bovine en France, où le prix à la production est déjà largement supérieur à celui prévalant dans les États voisins, et notamment en Allemagne, la fixation d'un prix minimal encore plus élevé n'aurait pu conduire qu'à un accroissement des importations meilleur marché. Les faits relevés dans la présente décision (voir considérant 95) illustrent d'ailleurs l'existence de ce lien entre prix minimal et contrôle des importations. En particulier, il y a lieu de rappeler que, dans la grille de prix qu'avait adoptée la FNB avant même l'accord du 24 octobre 2001, celle-ci énumérait les mesures syndicales qu'il faudrait prendre pour en assurer la mise en œuvre; la première de ces actions concernait précisément le contrôle des importations (même considérant de la présente décision). De fait, les "contrôles" opérés par les agriculteurs d'octobre à décembre 2001 portaient aussi bien sur les prix que sur l'origine des viandes.
(134) Les volumes d'échanges de viande bovine de France vers les autres États membres et vice-versa sont importants (voir considérant 11). En réalité, la majeure partie des échanges en la matière se fait à l'intérieur de la Communauté. En conséquence, les effets qu'est susceptible d'avoir un accord tel que celui en cause, directement (suspension ou limitation des importations) ou indirectement (ententes de prix), doivent être qualifiés de sensibles.
3.2. Règlement n° 26 du Conseil
(135) Le règlement n° 26 prévoit que l'article 81 s'applique à tous les accords, décisions d'associations d'entreprises et pratiques concertées relatifs au commerce de produits énumérés à l'annexe II du traité (devenue annexe I), dont fait partie la viande bovine.
(136) Il prévoit, à titre d'exception, que l'article 81 est inapplicable dans trois situations:
a) ententes "qui font partie intégrante d'une organisation nationale des marchés";
b) ententes qui sont "nécessaires à la réalisation des objectifs énoncés à l'article 33 du traité";
c) ententes entre exploitants agricoles, associations d'exploitants agricoles ou associations de ces associations "ressortissant à un seul État membre, dans la mesure où, sans comporter l'obligation de pratiquer un prix déterminé, ils concernent la production ou la vente de produits agricoles (...), à moins que la Commission ne constate qu'ainsi la concurrence est exclue ou que les objectifs de l'article 33 du traité sont mis en péril".
(137) En l'espèce, comme les parties l'ont d'ailleurs admis, les exceptions énumérées sous a) et c) ne peuvent s'appliquer. En effet, dès lors que la viande bovine est couverte par une organisation commune des marchés, l'exception visée sous a) est exclue. Pour ce qui concerne l'exception sous c), elle est doublement exclue en l'espèce. D'une part, l'accord implique des parties autres que des exploitants agricoles, à savoir des fédérations d'abatteurs. D'autre part, il comporte précisément une obligation de pratiquer un prix déterminé.
(138) L'exception sous b) ne peut pas non plus trouver à s'appliquer. Il convient tout d'abord de rappeler que, conformément à la pratique décisionnelle de la Commission et à la jurisprudence de la Cour de justice, s'agissant d'un régime dérogatoire, l'article 2 du règlement n° 26 doit être interprété de manière restrictive (184). À ce titre, le troisième considérant de ce règlement indique que l'article 81 du traité s'applique aux produits agricoles dans la mesure où leur application "ne met pas en péril les objectifs de la politique agricole commune".
(139) Aux termes de la jurisprudence, la dérogation sous b) ne trouve à s'appliquer que si l'accord en cause favorise la réalisation de tous les objectifs de l'article 33, paragraphe 1, du traité (185) ou tout au moins, si ces objectifs devaient apparaître divergents, que si la Commission est en mesure de concilier ces objectifs de façon à permettre l'application de cette dérogation (186).
(140) En l'espèce, l'accord ne permet en aucune façon "d'accroître la productivité de l'agriculture". Cet objectif, visé à l'article 33, paragraphe 1, point a), du traité, est étranger à l'accord.
(141) En revanche, dès lors que l'accord devait avoir pour but de fixer un prix minimal, d'un niveau supérieur à celui du marché, il peut être considéré qu'il permettrait d'assurer "un niveau de vie équitable à la population agricole, notamment par le relèvement du revenu individuel de ceux qui travaillent de l'agriculture". Il y a toutefois lieu d'observer que cet objectif, énoncé au point b) de l'article 33, paragraphe 1, est lié à la réalisation du premier objectif de cet article, à savoir l'amélioration de la productivité, comme le montre l'adverbe "ainsi". Or, en l'espèce, l'objectif énoncé au point a) n'est manifestement pas rempli.
(142) En outre, contrairement à ce que soutient la FNSEA, l'accord ne peut être regardé comme nécessaire pour "stabiliser les marchés" [article 33, paragraphe 1, point c), du traité]. En effet, la crise qu'a traversé le secteur de la viande bovine est avant tout fondée sur un déséquilibre massif entre l'offre et la demande. La fixation d'un prix minimal d'achat ne remédie en rien à cette situation. En effet, elle n'affecte pas le volume de l'offre, largement excédentaire; une augmentation des prix minima pourrait même conduire à une diminution de la demande, ce qui ne ferait qu'accroître l'écart entre l'offre et la demande. L'idée que la fixation d'un prix minimal ne résoudrait rien avait d'ailleurs été exprimée par les président et représentant de la FNCBV et de la FNICGV lors de la réunion du 23 octobre 2001 (voir considérant 32). De multiples documents du dossier montrent que tout le monde était conscient du fait que seul un rééquilibre de l'offre et de la demande pouvait utilement être mis en place pour mettre fin à la crise (187).
(143) L'accord n'est par ailleurs pas nécessaire pour "garantir la sécurité des approvisionnements" [article 33, paragraphe 1, point d), du traité]. En effet, le marché de la viande bovine ne souffre d'aucun problème d'approvisionnement.
(144) Enfin, contrairement à ce que soutient la FNSEA, l'accord n'est pas apte à "assurer des prix raisonnables dans les livraisons aux consommateurs" [article 33, paragraphe 1, point e), du traité]. En particulier, s'agissant de la consommation de la restauration hors domicile, large utilisateur de viandes importées meilleur marché, la suspension des importations ne pouvait avoir pour effet que de relever les prix.
(145) Dans ces conditions, l'accord n'apparaît pas nécessaire pour atteindre, au moins, quatre des cinq objectifs de la politique agricole commune. Même si l'objectif visé à l'article 33, paragraphe 1, point b), du traité, devait être regardé comme rempli, il reste que la mise en balance de cet objectif et des quatre autres objectifs de l'article 33, qui ne sont pas remplis, ne permet pas de conclure que la dérogation du règlement n° 26 soit applicable en l'espèce.
(146) Par ailleurs, ainsi qu'il a été dit, le secteur de la viande bovine fait l'objet d'une organisation commune de marché. Une telle organisation a, par nature, été instituée "en vue d'atteindre les objectifs de l'article 33 du traité", ainsi que le prévoit explicitement l'article 34 du traité. C'est d'ailleurs ce que rappelle le deuxième considérant du règlement (CE) n° 1254-1999 (voir considérant 17).
(147) Or, il apparaît que l'accord litigieux ne figure en aucune manière au nombre des moyens prévus par ce règlement ou par les textes d'application de celui-ci (188).
(148) Enfin, à supposer même que les mesures adoptées par les parties contribuent à la réalisation des objectifs énoncés à l'article 33, paragraphe 1, du traité, ce qui n'est pas le cas, le lien de nécessité qu'exige l'article 2 du règlement n° 26 implique que ces mesures soient proportionnées, en ce sens que d'autres mesures moins restrictives ne permettraient pas d'atteindre les objectifs recherchés. Or, en l'espèce, l'accord en cause a pour objet de fixer les prix et de suspendre les importations, qui constituent deux des restrictions de concurrence explicitement visées par l'article 81, paragraphe 1, du traité, et qui constituent des infractions patentes fréquemment sanctionnées.
(149) Il découle de l'ensemble de ces éléments que l'accord ne peut pas être regardé comme nécessaire au sens de l'article 2, paragraphe 1, première phrase, du règlement n° 26. Par conséquent, il n'échappe pas au champ d'application de l'article 81, paragraphe 1, du traité.
3.3. Intervention de l'État français
(150) Il convient d'examiner si, comme le prétendent certaines des parties, le rôle qu'ont pu jouer les autorités françaises dans la conclusion de l'accord du 24 octobre 2001 est de nature à écarter l'application de l'article 81 au comportement des six fédérations.
(151) Il résulte de l'énoncé des faits que l'État français, par l'intermédiaire de son ministre de l'Agriculture, a été impliqué dans la conclusion de l'accord du 24 octobre 2001. Il a ainsi fortement encouragé la conclusion d'un accord dont le contenu serait en violation des règles de la concurrence. Ceci ressort de manière explicite tant des propos tenus par ce ministre devant l'Assemblée nationale française alors que l'accord était en cours de discussion (voir considérant 33), que du communiqué de presse du ministère de l'Agriculture après la conclusion de l'accord (voir considérant 42). Toutefois, le ministre lui-même a reconnu qu'il ne pouvait ni "obliger" ni "contraindre" les parties à conclure un accord (voir considérant 33). L'accord demeure d'ailleurs un accord entre parties privées.
(152) Il ressort de la jurisprudence que si un comportement anticoncurrentiel est imposé aux entreprises par une législation nationale ou si celle-ci crée un cadre juridique qui, lui-même, élimine toute possibilité de comportement concurrentiel de leur part, l'article 81 n'est pas d'application. Dans une telle situation, la restriction de concurrence ne trouve pas sa cause dans des comportements autonomes des entreprises (189).
(153) Tel ne saurait être le cas en l'espèce. Quelle que soit l'implication de l'État français dans les discussions qui ont précédé la conclusion de l'accord du 24 octobre 2001, il ne saurait être question d'un quelconque cadre juridique ne laissant pas aux entreprises une marge pour des comportements autonomes.
(154) Les parties n'ont d'ailleurs pas contesté cette conclusion dans leurs réponses à la communication des griefs. Si la FNSEA et la FNICGV ont ainsi insisté sur l'implication du ministre français, elles ont confirmé que cette implication, aussi forte soit elle, était restée du domaine de l'incitation (190).
(155) Au demeurant, il ne peut être ignoré que l'intervention du ministre elle-même a été provoquée par des semaines de manifestations, parfois violentes, de la part des éleveurs au cours des mois de septembre et d'octobre 2001. Dans ses observations en réponse à la communication des griefs, la FNSEA a ainsi rappelé que "l'ordre public était menacé" et que ces manifestations "conduisaient à une paralysie de l'activité économique de tout le secteur agroalimentaire" (191); elle a ajouté que le ministre s'était trouvé tenu d'intervenir "pour tenter de mettre un terme à cette situation de crise et de trouble à l'ordre public" (192).
(156) Dans ces conditions, les comportements des six fédérations françaises n'échappent pas au champ d'application de l'article 81 du traité.
3.4. Durée de l'infraction
(157) L'infraction qui fait l'objet de la présente affaire trouve son origine dans l'accord du 24 octobre 2001. Cet accord s'est poursuivi, bien que sous une nouvelle forme, au-delà du 30 novembre 2001, date d'expiration de l'accord du 24 octobre 2001. La Commission dispose d'éléments indiquant que l'accord conclu sur le plan national a poursuivi ses effets au moins jusqu'au 11 janvier 2002, date d'expiration du dernier accord local pris en application de l'engagement national dont la Commission a connaissance (voir considérant 93). L'infraction reprochée en l'espèce a donc débuté le 24 octobre 2001 et a duré, au moins, jusqu'au 11 janvier 2002.
3.5. Destinataires de la présente décision
(158) La présente décision doit être adressée aux fédérations directement impliquées dans l'infraction, c'est-à-dire les parties à l'accord du 24 octobre 2001 et qui en ont poursuivi l'application, bien que sous une autre forme, au-delà du 30 novembre 2001.
3.6. Application de l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 17
(159) En vertu de l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 17, la Commission peut, quand elle a constaté une infraction aux dispositions de l'article 81 du traité, obliger par voie de décision les entreprises participantes à mettre fin à l'infraction constatée. Selon les informations dont dispose la Commission, l'accord du 24 octobre 2001 a été, sous une autre forme, reconduit au-delà du 30 novembre 2001.
(160) En l'espèce, s'il est probable, au Vu des affirmations des parties, que l'infraction ait cessé de produire des effets, il est impossible de l'affirmer avec une absolue certitude.
(161) Il incombe donc à la Commission d'exiger des fédérations auxquelles est adressée la présente décision qu'elles mettent fin à l'infraction (si elles ne l'ont pas déjà fait) et qu'elles s'abstiennent désormais de tout accord, de toute pratique concertée ou de toute décision qui pourrait avoir un objet ou un effet similaire.
3.7. Application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17
(162) En vertu de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, la Commission peut infliger aux entreprises ou associations d'entreprises des amendes de 1 000 à 1 million d'euros au plus, ce montant pouvant être porté à 10 % du chiffre d'affaires lorsque, de propos délibéré ou par négligence, elles ont commis une infraction aux dispositions de l'article 81, paragraphe 1, du traité.
3.7.1. Détermination du montant de l'amende
(163) Pour déterminer l'amende, la Commission doit prendre en considération tous les éléments pertinents et, notamment, la gravité et la durée de l'infraction.
(164) Comme le prévoient les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l'article 65, paragraphe 5, du traité CECA (193), l'évaluation de la gravité de l'infraction doit tenir compte de la nature propre de l'infraction, de son impact concret sur le marché lorsqu'il est mesurable et de l'étendue du marché géographique concerné.
(165) En l'espèce, la nature même de l'infraction à l'article 81, paragraphe 1, du traité en cause, tenant d'une part à un accord de prix minimal et d'autre part à un engagement de suspension ou, tout du moins, de limitation des importations, est particulièrement sérieuse. Ceci est d'autant plus vrai en l'espèce que des mesures avaient été adoptées par les institutions communautaires pour juguler la crise et pour autoriser l'octroi d'aides aux agriculteurs affectés par celle-ci.
(166) En ce qui concerne l'étendue du marché géographique concerné, il y a lieu de relever que le marché français est un des principaux marchés agricoles de la Communauté, le cheptel bovin français représentant à lui seul plus de 25 % du cheptel européen. En outre, compte tenu du volet de l'accord relatif aux importations, l'infraction dépasse le seul cadre territorial de la France.
(167) Ainsi qu'il est indiqué au considérant 127, la Commission n'est pas en mesure de quantifier les effets réels sur les prix et sur les niveaux d'échanges intracommunautaires qui pourraient être imputés à l'accord. En ce qui concerne les prix, une augmentation des prix entrée abattoir a certes pu être constatée dans les trois semaines ayant suivi la conclusion de l'accord (voir considérant 14); les statistiques dont dispose la Commission révèlent que cette augmentation n'a pas été de longue durée et que, de surcroît, les prix atteints sont demeurés inférieurs à ceux des mois d'octobre et de novembre 1999, avant la seconde crise de la "vache folle" (194). En ce qui concerne les volumes d'échanges entre États membres, la diminution des importations constatée sur la base des chiffres fournis par la FNICGV lors de l'audition (voir considérant 78) ne peut être attribuée avec certitude à l'accord.
(168) Compte tenu de la nature de l'infraction et de l'étendue géographique du marché concerné, l'infraction apparaît très grave.
(169) Chacune des fédérations doit être sanctionnée en ce qu'elle a pris, ainsi qu'il ressort de l'examen des faits et de leur appréciation juridique, une part individuelle à l'infraction reprochée. Il importe d'opérer une distinction reflétant le rapport de force des différentes parties, afin de traduire leur degré de responsabilité propre dans l'infraction. À cet égard, un critère reposant sur les parts de marché n'apparaît pas approprié. Tout d'abord, s'agissant de fédérations, il n'existe pas de parts de marché à proprement parler. En outre, même si l'on devait tenir compte des parts de marché des membres des fédérations agricoles, cela ne permettrait pas d'établir une comparaison entre celles-ci. En particulier, l'une des fédérations regroupe les agriculteurs en général (FNSEA), une autre concerne une catégorie sociale d'agriculteurs (jeunes agriculteurs), alors que les deux dernières regroupent des secteurs d'activité (viande bovine et production laitière).
(170) Dans ces conditions, le rapport entre le montant des cotisations annuelles perçues par chacune des fédérations agricoles et celui de la principale fédération agricole apparaît un critère objectif de l'importance relative des différentes fédérations agricoles et donc de leur degré de responsabilité propre dans la commission de l'infraction. Ce degré de responsabilité reflète la capacité effective des membres de chaque fédération de créer un dommage important. Par ailleurs, il y a lieu d'appliquer le même critère aux deux fédérations d'abatteurs. Le fait que ceux-ci n'opèrent pas sur le même marché que les agriculteurs est indifférent, étant donné que les montants de base ne peuvent précisément pas être déterminés en fonction des parts de marché. Au Vu de l'ensemble de ces éléments, le montant de base de l'amende de la principale fédération en cause en l'espèce, à savoir la FNSEA, en fonction de la gravité doit être fixé à 20 millions d'euros. Celui de la FNPL, de la FNICGV et des JA doit ainsi être fixé respectivement à un cinquième, trois vingtième et un vingtième de ce montant, et celui de la FNB et de la FNCBV à un dixième de ce montant.
(171) S'agissant de la durée de l'infraction, il ressort des constatations ci-dessus que celle-ci a pris cours le 24 octobre 2001. Aux fins de la détermination du montant de l'amende, il y a lieu de retenir qu'elle a duré jusqu'au 11 janvier 2002, la Commission n'ayant pas la preuve de sa continuation au-delà de cette date. L'infraction a donc été de courte durée, ce qui s'explique sans doute notamment par l'intervention rapide de la Commission. Il en résulte d'ailleurs que, si l'infraction a produit des effets, cela n'a pu être que de manière limitée dans le temps. Conformément aux lignes directrices, la brève durée de l'infraction conduit à ne pas majorer le montant de base.
(172) Dans ces conditions, le montant de base de l'amende résultant de la gravité et de la durée de l'infraction est fixé à:
- FNSEA: 20 millions d'euros,
- FNB: 2 millions d'euros,
- JA: 1 million d'euros,
- FNPL: 4 millions d'euros,
- FNICGV: 3 millions d'euros,
- FNCBV: 2 millions d'euros.
3.7.2. Circonstances aggravantes et atténuantes
3.7.2.1. Circonstances aggravantes
(173) Au titre des circonstances aggravantes, il y a lieu de tenir compte du fait que les agriculteurs, membres des fédérations agricoles en cause, ont fait usage de la violence pour contraindre les fédérations d'abatteurs d'adopter l'accord du 24 octobre 2001. C'est également par des moyens de contrainte physique qu'ils ont mis en place des instruments de vérification de l'application de l'accord, tels que des opérations illégales de "contrôle" de l'origine des viandes. À cet égard, les éléments d'information dont dispose la Commission, en ce compris les articles de presse, font de multiples références aux sections locales de la FNSEA, des JA et de la FNB. Il y a lieu, à raison de cette circonstance aggravante, d'augmenter le montant des amendes infligées à chacune des trois fédérations agricoles en cause de 30 %.
(174) Par ailleurs, il convient de prendre en considération le fait que les parties ont poursuivi leur accord en secret, sous une autre forme, fin novembre et début décembre 2001, alors même qu'elles avaient reçu de la Commission une lettre d'avertissement et qu'elles avaient assuré que l'accord écrit du 24 octobre 2001 ne serait pas prorogé (voir considérant 4). Le montant de base de l'amende infligée à chacune des six parties doit en conséquence être augmenté de 20 %.
(175) Enfin, il doit être tenu compte du rôle prépondérant joué par la FNB, fédération d'éleveurs bovins, dans la préparation et la mise en œuvre de l'infraction. Il ressort ainsi du dossier que l'initiative d'une grille de prix et de mesures corrélatives en matière d'importations repose sur la FNB. En outre, celle-ci est restée particulièrement virulente en faveur d'un accord oral, comme le montrent les déclarations de son vice-président à la presse. Par conséquent, il convient d'augmenter le montant de base de l'amende infligée à la FNB de 30 %.
3.7.2.2. Circonstances atténuantes
(176) Au titre des circonstances atténuantes, il convient de tenir compte de l'intervention appuyée du ministre français de l'Agriculture en faveur de la conclusion d'un tel accord. Cette intervention s'est notamment manifestée à travers les propos de celui-ci à l'Assemblée nationale et par le communiqué de presse du ministère le jour de la conclusion de l'accord. Elle a constitué une pression forte sur les abatteurs en vue de la conclusion de l'accord. En particulier, ainsi qu'il résulte de l'exposé des faits, lors d'une réunion entre les parties, mais sans l'intervention du ministre, le 23 octobre 2001, les abatteurs avaient refusé de conclure l'accord qui leur était soumis par les agriculteurs (voir considérant 32). Il convient d'en tenir compte à titre de circonstance atténuante, au profit de chacune des deux fédérations d'abatteurs, par une diminution de 30 %. En revanche, dans la mesure où l'intervention du ministre est elle-même le résultat de plusieurs semaines de manifestations d'agriculteurs membres de fédérations agricoles en cause en l'espèce, destinées à obtenir des abatteurs la signature d'un accord, les quatre fédérations agricoles ne doivent pas bénéficier de cette circonstance atténuante.
(177) Par ailleurs, il convient de souligner la particularité de la situation à laquelle étaient confrontées les deux fédérations d'abatteurs, la FNICGV et la FNCBV. En effet, dans les semaines qui ont précédé la conclusion de l'accord, leurs membres ont été soumis à des opérations illégales de blocage de leur appareil industriel, leur interdisant toute activité économique, et de détérioration de viandes. Ils ont été victimes de dommages matériels, parfois lourds, portés à leurs établissements. Malgré cela, l'énoncé des faits montre que jusqu'au 23 octobre 2001, les deux fédérations représentant les abatteurs se sont opposées à la signature d'un quelconque accord (voir considérant 32). Cette contrainte physique doit être prise en compte à titre de circonstances atténuantes au profit de la FNICGV et, dans une moindre mesure, de la FNCBV, compte tenu du rôle que le président de cette fédération a, a posteriori, attribué à sa fédération (voir considérant 35). Par conséquent, il convient de réduire le montant de base de l'amende de 30 % pour la FNICGV et de 30 % pour la FNCBV.
(178) Par ailleurs, il y a lieu de tenir compte du fait que, s'agissant de la fédération représentant les producteurs de lait (la FNPL), la Commission ne dispose pas d'éléments révélant qu'elle aurait joué un rôle particulier dans la conclusion ou dans l'application de l'accord litigieux. La FNPL apparaît ainsi avoir eu un rôle passif ou suiviste. Par conséquent, le montant de base de l'amende à cette fédération doit être réduit de 30 %.
(179) Au regard des circonstances aggravantes et atténuantes mentionnées ci-dessus, le montant des amendes est fixé à:
- FNSEA: 30 millions d'euros,
- FNB: 3,6 millions d'euros,
- JA: 1,5 million d'euros,
- FNPL: 3,6 millions d'euros,
- FNICGV: 1,8 million d'euros,
- FNCBV: 1,2 million d'euros.
3.7.3. Autres circonstances
(180) Au point 5 b) de ses lignes directrices pour le calcul des amendes (voir considérant 164), la Commission a indiqué: "il convient, selon les circonstances, (...) de prendre en considération certaines données objectives telles qu'un contexte économique spécifique, l'avantage économique ou financier éventuellement acquis par les auteurs de l'infraction (...), les caractéristiques propres des entreprises en cause ainsi que leur capacité contributive réelle dans un contexte social particulier pour adapter, in fine, les montants d'amende envisagés".
(181) Ce point des lignes directrices permet notamment à la Commission de tenir compte des circonstances spécifiques d'une affaire donnée. Compte tenu d'ailleurs du fait que cette décision sanctionne pour la première fois une entente conclue exclusivement entre des fédérations, portant sur un produit agricole de base et impliquant deux maillons de la chaîne de production. La Commission estime qu'il y a lieu de prendre en considération le contexte économique spécifique de la présente affaire, qui consiste en les éléments suivants.
(182) Tout d'abord, la consommation de viande de vache a connu une baisse depuis une décennie, baisse qui s'est accentuée après la première crise de la "vache folle" en 1996 et de nouveau après celle de 2000. Sur l'ensemble de l'année 2001, la consommation a accusé encore une baisse de 7 % par rapport à celle de l'année 2000 (voir considérant 13). Ainsi, la situation en France durant le second semestre 2001 a touché un secteur déjà fragilisé par plusieurs années difficiles.
(183) Ensuite, il convient de rappeler que la Communauté a mis en place des mesures visant à réguler le marché de la viande bovine et à rétablir l'équilibre de celui-ci. De telles mesures ont été en vigueur tout au long de l'année 2001 et au début de 2002. Ainsi qu'il a été dit aux considérants 23 à 27 de la présente décision, les mécanismes d'intervention prévus par l'OCM (organisation commune des marchés) ont été adaptés tout au long de l'année 2001 pour en élargir le champ d'application afin de faire face à un marché encore "perturbé" et "instable" (195); en outre, un mécanisme spécial a été instauré pour la période de juillet 2001 à mars 2002, sur la base de l'article 38, paragraphe 1, de l'OCM (voir considérant 21). Les autorités publiques françaises ont largement fait usage de ces mécanismes. Elles ont ainsi été les premières utilisatrices du mécanisme spécial en vigueur de juillet 2001 à mars 2002; pour deux tiers, ces achats sont d'ailleurs intervenus pendant la période couverte par la durée de l'accord visé en l'espèce. C'est également en 2001 et 2002 que la France a été autorisée à octroyer des aides aux agriculteurs les plus durement touchés. Pour donner son autorisation la Commission a fondé son analyse sur l'existence d' "évènements extraordinaires", au sens de l'article 87, paragraphe 2, point b), du traité (196). Les décisions d'autorisation ont en particulier souligné que le contexte dans lequel se trouvait le secteur de la viande bovine n'était pas seulement celui d'une baisse conjoncturelle de prix ou de l'existence d'une maladie bien connue dans l'actualité. En réalité, des éléments tels que la perte de confiance des consommateurs liée aux craintes relatives à la maladie de Creutzfeld-Jacob, affectant l'homme, ont créé un contexte spécifique dont il convient de tenir compte dans la présente affaire.
(184) Ainsi, à l'époque où l'accord a été conclu, les agriculteurs se trouvaient dans une situation où, en dépit de mesures communautaires d'ajustement appliquées massivement par la France, les prix entrée abattoirs des vaches étaient de nouveau en baisse. En effet, ainsi qu'il a été dit au considérant 14), à compter de la fin du premier semestre 2001, les prix des vaches principalement concernées par l'accord ont diminué de nouveau de l'ordre de 15 à 20 %, pour atteindre des niveaux mêmes inférieurs à ceux atteints en novembre 2000, au pire moment de la seconde crise de la vache folle. Dans le même temps, les prix à la consommation restaient, pour leur part, stables (voir considérant 15).
(185) Dans ce contexte spécifique, qui va au-delà du simple effondrement des cours ou de l'existence d'une maladie bien connue dans l'actualité, les amendes sont réduites de 60 %.
(186) Dans ces conditions, le montant final de l'amende infligée à chacune des parties à l'accord est fixé à:
- FNSEA: 12 millions d'euros,
- FNB: 1,44 million d'euros,
- JA: 600 000 euros,
- FNPL: 1,44 million d'euros,
- FNICGV: 720 000 euros,
- FNCBV: 480 000 euros.
A. ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:
Article premier :
La Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), la Fédération nationale bovine (FNB), la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL), les Jeunes agriculteurs (JA) (anciennement Centre national des jeunes agriculteurs), la Fédération nationale de l'industrie et des commerces en gros des viandes (FNICGV) et la Fédération nationale de la coopération bétail et viande (FNCBV) ont enfreint l'article 81, paragraphe 1, du traité en concluant le 24 octobre 2001 un accord qui avait pour objet de suspendre les importations en France de viande bovine et de fixer un prix minimal pour certaines catégories de bêtes et en convenant oralement d'un accord ayant un objet semblable fin novembre et début décembre 2001. L'infraction a commencé le 24 octobre 2001 et a produit ses effets au moins jusqu'au 11 janvier 2002.
Article 2 :
Les fédérations visées à l'article 1er mettent fin immédiatement à l'infraction visée audit article, si elles ne l'ont déjà fait, et s'abstiennent à l'avenir de toute entente susceptible d'avoir un objet ou un effet identique ou similaire.
Article 3 :
Les amendes suivantes sont infligées:
- FNSEA: 12 millions d'euros,
- FNB: 1,44 million d'euros,
- JA: 600 000 euros,
- FNPL: 1,44 million d'euros,
- FNICGV: 720 000 euros,
- FNCBV: 480 000 euros.
Article 4 :
Les amendes infligées sont payables dans un délai de trois mois à compter de la date de notification de la présente décision, au compte bancaire suivant:
Compte n° 642-0029000-95
Commission européenne - Europese Commissie
Banco Bilbao Vizcaya Argentaria (BBVA)
Code IBAN: BE76 6420 0290 0095
Code SWIFT: BBVABEBB
Avenue des Arts- Kunstlaan 43
B-1040 Bruxelles - Brussel
À l'issue de ce délai, des intérêts seront automatiquement dus au taux appliqué par la Banque centrale européenne à ses principales opérations de refinancement au premier jour du mois au cours duquel la présente décision a été arrêtée, majorée de 3,5 points de pourcentage.
Article 5 :
Sont destinataires de la présente décision:
1°) Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles, 11, rue de la Baume, F-75008 Paris;
2°) Fédération nationale bovine, 149, rue de Bercy, F-75012 Paris;
3°) Fédération nationale des producteurs de lait, 42, rue de Châteaudun, F-75014 Paris;
4°) Jeunes agriculteurs, 14, rue La Boétie, F-75008 Paris;
5°) Fédération nationale de l'industrie et des commerces en gros des viandes, 17, place des Vins-de- France, F-75012 Paris;
6°) Fédération nationale de la coopération bétail et viande, 49, avenue de la Grande-armée, F-75116 Paris.
(1) JO 13 du 21.2.1962, p. 204-62.
(2) JO L 1 du 4.1.2003 , p. 1.
(3) JO 30 du 20.4.1962, p. 993-62.
(4) JO 53 du 1.7.1962, p. 1571-62.
(5) JO L 354 du 30.12.1998, p. 18.
(6) JO C 195 de 19.8.2003.
(7) Doc. 38.279-107. Voir aussi les statistiques disponibles sur le site Internet de l'Office national interprofessionnel des viandes, de l'élevage et de l'aviculture ("Ofival"), www.ofival.fr.
(8) Rapport disponible sur le site Internet de l'Ofival, www.ofival.fr/doctech/sial/bov02-t.pdf
(9) Information disponible sur le site Internet de l'Ofival, citant comme source "douanes françaises (2001)".
(10) Arrêt de la Cour du 13 décembre 2001, Commission contre France, C-1-00, Rec. p. I-9989.
(11) Voir doc. 38.279-162 et 163.
(12) Toutes les données sur les prix par semaine de janvier 1999 à la mi-novembre 2001 sont reprises dans le doc. 38.279-109 à 111.
(13) La réglementation communautaire a établi une grille de classement des carcasses de gros bovins, qui repose sur l'utilisation combinée de deux critères. Le premier (la conformation) est divisée en six catégories, symbolisées par les lettres SEUROP (la lettre S correspond à "supérieur", la lettre E à "excellente", et ainsi de suite jusqu'à la lettre "P", qui correspond à "médiocre"). Le second critère correspond à l'état d'engraissement; il est subdivisé en cinq catégories, de 1 ("très faible") à 5 ("très fort"). Une subdivision à un troisième degré (identifiée par les signes "+", "-", "=") est encore possible [voir règlement (CEE) n° 1208-81 du Conseil du 28 avril 1981 établissant la grille communautaire de classement des carcasses de gros bovins (JO L 123 du 7.5.1981, p. 3), modifié en dernier lieu par le règlement (CEE) n° 1026-91 (JO L 106 du 26.4.1991, p. 2)].
(14) Doc. 38.279-109.
(15) Une note de la FNSEA du 30 août 2001 indique ainsi que "le surcoût lié à la nouvelle crise ESB sur la fabrication et la vente d'un kilo de steak haché" peut être évalué à "14 % du prix de vente industriel à la grande distribution" (doc. 38.279-534).
(16) Voir note 13 de bas de page.
(17) JO L 68 du 16.3.2000, p. 22.
(18) Règlement (CE) n° 1512-2001 du Conseil modifiant le règlement de base (JO L 201 du 26.7.2001, p. 1).
(19) Règlement (CE) n° 1209-2001 de la Commission du 20 juin 2001, dérogeant au règlement (CE) n° 562-2000 portant modalités d'application du règlement n° 1254-1999 du Conseil en ce qui concerne les régimes d'achat à l'intervention publique dans le secteur de la viande bovine (JO L 165 du 21.6.2001, p. 15). Le poids maximal accepté à l'intervention a encore été augmenté par le règlement (CE) n° 1496- 2001 de la Commission (JO L 197 du 21.7.2001, p. 3).
(20) Voir en dernier lieu le règlement (CE) n° 2579-2001 de la Commission (JO L 344 du 28.12.2001, p. 68).
(21) JO L 321 du 19.12.2000, p. 47.
(22) JO L 95 du 5.4.2001, p. 8.
(23) Règlement (CE) n° 2595-2001 de la Commission (JO L 345 du 29.12.2001, p. 33).
(24) Doc. 38.279-631.
(25) JO C 247 du 5.9.2001, p. 10. Le texte de la décision visée est disponible sur le site Internet de la Commission, à l'adresse suivante: http://www.europa.eu.int/comm/secretariat-general/sgb/state- aids/agriculture-2001.htm
(26) JO C 110 du 7.5.2002, p. 7.
(27) Voir par exemple la revue de presse annexée à la réponse de la FNICGV du 23 novembre 2001 à la demande de renseignements de la Commission (doc. 38.279-187 à 304).
(28) Idem. Voir aussi doc. 38.279-719 et 720.
(29) Doc. 38.279-613 et 614. Voir aussi doc. 38.279-615, confirmant l'existence de cette grille. Le dossier fait aussi apparaître que des discussions à propos d'une telle grille avaient déjà eu lieu dans les semaines précédentes, par exemple lors d'une réunion du 2 octobre 2001 (doc. 38.279-950 et 951).
(30) Doc. 38.279-614. Le secteur "restauration hors domicile" couvre les hôtels et restaurants, mais surtout les restaurants d'entreprises et d'administrations, les hôpitaux, les organismes militaires et les cantines.
(31) Voir notamment doc. 38.279-612.
(32) Un article de presse du 25 octobre 2001, après avoir mentionné des discussions à propos d'un projet de grille de prix pour les broutards, indique: "la semaine dernière, la FNB a diffusé une grille de prix minimum des vaches de réforme entrée abattoir, auprès des marchés aux bestiaux et des entreprises de transformation" (doc. 38.279-201).
(33) Doc. 38.279-615. Voir aussi doc. 38.279-614.
(34) Doc. 38.279-615.
(35) Doc. 38.279-200.
(36) Ainsi, à propos de l'accord signé par un abattoir vendéen après blocage de son site par les agriculteurs, le secrétaire général de la FDSEA locale a déclaré: "les opérateurs se sont engagés solennellement à stopper les importations de viande d'origine étrangère jusqu'au 1er janvier et à appliquer la grille des prix syndicale" (cité dans Le Maine Libre du 19 octobre 2001, doc. 38.279-221). Voir aussi extraits du quotidien Ouest France du 19 octobre 2001 (doc. 38.279-223 et 224).
(37) Voir le compte rendu de la réunion de coordination (doc. 38.279-620).
(38) Doc. 38.279-1159. Voir aussi doc. 38.279-981.
(39) Doc. 38.279-1159.
(40) Doc. 38.279-1156.
(41) Doc. 38.279-1011.
(42) Doc. 38.279-309 et 310.
(43) Doc. 38.279-889.
(44) Doc. 38.279-195.
(45) Doc. 38.279-410.
(46) Doc. 38.279-1121.
(47) Doc. 38.279-893.
(48) Doc. 38.279-1025. Voir aussi doc. 38.279-1038 "portée imports: que sur les vaches? Définition floue, car accord dans la crise!".
(49) Un document de la FNB du 26 octobre 2001 donne quelques explications complémentaires sur les modalités de détermination du prix (doc. 38.279-618). Le doc. 38.279-631 (note de la FNSEA en vue de la rencontre avec le premier ministre français le 8 novembre 2001) précise: "pour les vaches O et P les prix ont été établis de façon à pouvoir maintenir l'achat spécial sur ces catégories".
(50) Voir doc. 38.279-802 et 38.279-803.
(51) Doc. 38.279-109 et doc. 38.279-198.
(52) Doc. 38.279-310, Compte rendu intégral des débats parlementaires, première séance du mercredi 24 octobre 2001, Journal officiel de la République française.
(53) Doc. 38.279-893.
(54) Doc. 38.279-1023.
(55) Doc. 38.279-423.
(56) Doc. 38.279-1146. Référence peut également être faite à un article paru dans le numéro 566, novembre 2001, de la revue Jeunes Agriculteurs, dans lequel il est écrit: "mise en application le 29 octobre, cette grille sera révisée le 1er décembre".
(57) Doc. 38.279-424. Voir aussi doc. 38.279-428.
(58) Doc. 38.279-873.
(59) Doc. 38.279-519. Il faut bien entendu lire "30 novembre".
(60) Doc. 38.279-203.
(61) Doc. 38.279-88.
(62) Doc. 38.279-195. Les initiales DGCCRF se réfèrent à la direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes.
(63) Doc. 38.279-1200 (entreprise individuelle, document du 26 octobre 2001) et doc. 38.279-1201 (syndicat des grossistes commissionnaires négociants en viandes du MIN de Rungis, qui est un adhérent de la FNICGV, document du 26 octobre).
(64) Doc. 38.279-94.
(65) Il s'agit vraisemblablement de la même délégation que celle rencontrée par le président de la FNICGV, citée ci-dessus en note de bas de page 63.
(66) Doc. 38.279-914 à 917.
(67) Doc. 38.279-917.
(68) Voir, pour les agriculteurs allemands, lettre du président du Deutscher Bauernverband au président de la FNSEA, du 30 octobre 2001 (doc. 38.279-387); pour les agriculteurs britanniques, lettre du président du National Farmers' Union au président de la FNSEA, du 13 novembre 2001 (doc. 38.279- 391); pour les agriculteurs belges, lettre du président du Boerenbond au président de la FNSEA, du 19 novembre 2001 (doc. 38.279-394); pour les agriculteurs néerlandais, note de la LTO du 15 novembre 2001 (doc. 38.279-683); pour les agriculteurs espagnols, lettre du président de l'Asociación española de criadores de vacuno de carne au président de la FNB, du 7 novembre 2001 (doc. 38.279-1125). Dans une note établie par la FNSEA en vue d'une réunion avec le premier ministre français prévue pour le 8 novembre 2001, il est rappelé que "les entreprises se sont engagées à suspendre provisoirement les importations, ce qui ne va pas sans poser de problèmes avec nos partenaires allemands et néerlandais" (doc. 38.279-632).
(69) Doc. 38.279-1059 et 1060.
(70) Voir, par exemple, la lettre du secrétaire général de l'Union européenne du commerce du bétail et de la viande au commissaire Fischler, dès le 29 octobre 2001 (doc. 38.279-1253 et 1254). Voir aussi la réaction des présidents de la Fédération des marchés de bétail vif (FMBV) et de la Fédération française des commerçants en bestiaux (FFCB) rapportée dans la presse (doc. 38.279-197 et doc. 38.279-201).
(71) Doc. 38.279-103.
(72) Doc. 38.279-105.
(73) Ces notes ne sont pas datées, mais compte tenu de leur contexte, elles ont dû être écrites entre le 18 et le 20 novembre 2001.
(74) Doc. 38.279-1054 et 1055. Les initiales "JB-PDL" sont celles de deux personnes appartenant à la FNSEA.
(75) Doc. 38.279-1065.
(76) Doc. 38.279-1075. Les lettres "pb" signifient sans aucun doute "problème".
(77) Doc. 38.279-1106.
(78) Doc. 38.279-1098.
(79) Doc. 38.279-164.
(80) Doc. 38.279-360.
(81) Doc. 38.279-736.
(82) Doc. 38.279-737.
(83) Il pourrait s'agir du représentant des JA lors d'une réunion de coordination sur la crise bovine (voir doc. 38.279-620) et d'un des représentants des JA à la table ronde sur la viande bovine qui s'est tenue le 5 décembre 2001 (doc. 38.279-580).
(84) "La grille a eu grande vertu: retour espoir et paix sociale - continuer sur ce qui a été engagé, avec affichage adéquat" (doc. 38.279-738); "le marché naturellement rejoint la grille, continuons" (idem).
(85) Doc. 38.279-738.
(86) Doc. 38.279-739 (soulignements supprimés).
(87) Doc. 38.279-740.
(88) Doc. 38.279-750.
(89) Doc. 38.279-1150.
(90) Par exemple, doc. 38.279-748: "comment ça marche? à quel prix?".
(91) Doc. 38.279-1118.
(92) Doc. 38.279-750.
(93) Doc. 38.279-368.
(94) Doc. 38.279-366.
(95) Doc. 38.279-474.
(96) Doc. 38.279-401 bis.
(97) Doc. 38.279-487.
(98) Doc. 38.279-489.
(99) Doc. 38.279-751 à 756.
(100) RHD signifie restauration hors domicile. Ce secteur est le principal consommateur de viande bovine importée. Doc. 38.279-751.
(101) Doc. 38.279-751 (soulignements supprimés).
(102) Doc. 38.279-754.
(103) Doc. 38.279-756.
(104) Doc. 38.279-1221.
(105) Doc. 38.279-1121.
(106) Doc. 38.279-88 et 89.
(107) Doc. 38.279-181.
(108) Doc. 38.279-1204.
(109) Voir par exemple doc. 38.279-584, 617 et 1152.
(110) Nombreux documents en ce sens: par exemple doc. 38.279-
187 et 237.
(111) Doc. 38.279-237.
(112) Doc. 38.279-204 (accord à Charolles), doc. 38.279-279 (accord en Moselle), doc. 38.279-280 (accords en Vendée) ou doc. 38.279-822 (accords dans le Loir-et-Cher). Voir encore l'accord entre la FRSEA de Basse-Normandie et les abatteurs de cette région au début de novembre 2001 (doc. 38.279- 823).
(113) Par exemple doc. 38.279-1123.
(114) À titre non exhaustif, voir doc. 38.279-826 et 827 (département de la Loire); doc. 38.279-834 (département de l'Oise); doc. 38.279-837 et 839 (deux accords dans le département de Corrèze); doc. 38.279-841 et 845 (département de l'Allier). Certains documents font aussi état d'engagements oraux de respecter la grille (doc. 38.279-852, du 19 novembre 2001). Voir aussi les notes manuscrites du directeur de la FNB (doc. 38.279-911). Voir encore la télécopie de la FRSEA de Bretagne faisant le point des accords obtenus des abatteurs, par département de cette région, au 29 octobre 2001.
(115) Voir par exemple doc. 38.279-882 et 883, doc. 38.279-420 ("cette grille est dans l'ensemble respectée, même si parfois l'action syndicale se révèle nécessaire").
(116) Voir le cas de l'abattoir de la Tour du Pin, qui a d'abord refusé de conclure l'accord local (doc. 38.279-1272), a été bloqué du 20 au 23 novembre 2001 (doc. 38.279-868 à 871 et les doc. 38.279-1268 et suivants), avant d'obtenir le prononcé d'une ordonnance de la présidente du tribunal de grande instance de Bourgoin-Jallieu (doc. 38.279-1255 à 1267).
(117) Ainsi, l'accord type préparé par la FDSEA et le CDJA d'Isère le 13 novembre 2001 comportait-il toujours un engagement de suspension provisoire des importations (doc. 38.279-885); or ce type d'accord a été signé à cette date par certains abatteurs (doc. 38.279-882). Voir aussi doc. 38.279-1287.
(118) Doc. 38.279-825 à 827, dans le département de la Loire.
(119) Voir, bien au contraire, la lettre du président de la FNCBV au président de la FNSEA du 9 novembre 2001 (doc. 38.279-410). Le doc. 38.279-617 fait état de contacts pris par la FNB avec la fédération des grandes et moyennes surfaces, mais ne mentionne aucun résultat obtenu.
(120) Doc. 38.279-08.
(121) Doc. 38.279-356 à 359. Les chiffres portant sur les derniers jours d'octobre n'ont pas été fournis.
(122) Les chiffres, également produits dans le même tableau, pour la période d'octobre 2000 à décembre 2000 ne sont à ce titre pas représentatifs, compte tenu de la crise déclenchée en octobre 2000. Les chiffres pour la période d'octobre 1999 à décembre 1999, qui apparaissent stables, ne confirment pas l'explication cyclique.
(123) Voir par exemple doc. 38.279-882, 885 et 1285.
(124) Doc. 38.279-318.
(125) Doc. 38.279-322.
(126) Doc. 38.279-823.
(127) Doc. 38.279-822.
(128) Doc. 38.279-849. Voir aussi doc. 38.279-1228.
(129) Doc. 38.279-117.
(130) Voir la revue de presse jointe en annexe à la réponse de la FNICGV à la demande de renseignements de la Commission. Voir aussi, par exemple, doc. 38.279-584.
(131) Doc. 38.279-277.
(132) Doc. 38.279-422. Les lettres correspondent à des catégories de viandes selon la réglementation CE (voir note 13 de bas de page).
(133) Doc. 38.279-420.
(134) Doc. 38.279-424: la note mentionne la demande de renseignements de la Commission du 9 novembre 2001 et le projet de réponse à celle-ci (la réponse définitive a été établie le 15 novembre 2001).
(135) Doc. 38.279-851.
(136) Doc. 38.279-852.
(137) Doc. 38.279-856.
(138) Doc. 38.279-1098.
(139) Doc. 38.279-1106.
(140) La date de cette réunion n'apparaît pas sur les notes manuscrites. Compte tenu du contexte, il doit s'agir de la réunion du 21 novembre 2001, dont la convocation est contenue dans le doc. 38.279-716.
(141) Doc. 38.279-1069.
(142) Doc. 38.279-1075.
(143) Doc. 38.279-746.
(144) Voir l'article paru dans l'Union Paysanne du 14 décembre 2001 (doc. 38.279-1178). L'article indique par ailleurs que, "après quelques ajustements de prix, la grille est aujourd'hui à prendre comme une recommandation syndicale, un prix de vente conseillé aux éleveurs".
(145) Doc. 38.279-492. Voir aussi la note émanant de la FNB, doc. 38.279-509 et 510, et la note commune aux quatre fédérations agricoles, doc. 38.279-522, appelant à la mobilisation.
(146) Doc. 38.279-849.
(147) Doc. 38.279-1222 à 1229.
(148) Doc. 38.279-812.
(149) Doc. 38.279-1198.
(150) Doc. 38.279-829.
(151) Doc. 38.279-1168. Voir aussi le compte rendu d'une réunion de coordination entre la FNSEA, les JA, la FNPL et la FNB du 16 octobre 2001, qui cite encore le "contrôle de l'origine des viandes, notamment en RHD" comme premier point de la stratégie "pour parvenir à imposer [la] grille" (doc. 38.279-620).
(152) Observations en réponse à la communication des griefs, p. 24.
(153) Observations en réponse à la communication des griefs, p. 24.
(154) Observations en réponse à la communication des griefs, p. 26.
(155) Idem.
(156) Observations en réponse à la communication des griefs, p. 29.
(157) Observations en réponse à la communication des griefs, p. 7.
(158) Voir par exemple arrêt du Tribunal de première instance du 30 mars 2000 dans l'affaire T-513- 93, Consiglio Nazionale degli Spedizionieri Doganali contre Commission, Rec. p. II-1807, point 36 et la jurisprudence citée.
(159) Décision 76-29-CEE de la Commission du 2 décembre 1975 relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CEE (IV-26.949 - AOIP/Beyrard), (JO L 6 du 13.1.1976, p. 8, point II, sous 2).
(160) Voir par exemple l'arrêt cité à la note 158 de bas de page.
(161) Arrêt du Tribunal de première instance du 2 juillet 1992 dans l'affaire T-61-89, Dansk Pelsdyravlerforening contre Commission, Rec. p. II-1931, point 50.
(162) Arrêt de la Cour du 18 juin 1998, C-35-96, Commission contre Italie, Rec. 1998, p. I-3851, point 40, et arrêt de la Cour du 30 janvier 1985, 123-83, Clair, Rec. 1985, p. 391, point 17.
(163) Arrêts de la Cour du 15 mai 1975, 71-74, Frubo contre Commission, Rec. 1975, p. 563, point 30; du 29 octobre 1980, 209 à 215-78 et 218-78, van Landewyck e.a. contre Commission, Rec. 1980, p. 3125, point 88; et du 8 novembre 1983, 96 à 102-82, 104-82, 105-82, 108-82 et 110-82, IAZ e.a. contre Commission, Rec. 1983, p. 3369, point 20.
(164) JO C 364 du 18.12.2000, p. 1. Selon l'article 12, paragraphe 1, de la charte, "toute personne a droit (...) à la liberté d'association à tous les niveaux, notamment dans les domaines politique, syndical et civique (...)".
(165) Chaque rapport annuel du conseil de la concurrence depuis la création de celui-ci comporte plusieurs exemples d'application des règles de la concurrence à des syndicats ou fédérations (voir plus spécialement les rapports pour 1987 et 1997). Pour des exemples de décisions formelles concernant des organisations professionnelles agricoles, voir les décisions suivantes du conseil de la concurrence:
- n° 00-D-01 du 22 février 2000, relative à des pratiques dans le secteur des fruits et légumes (cette décision a été annulée le 17 octobre 2000 par la Cour d'appel de Paris pour d'autres motifs, tenant à une erreur dans l'identification du destinataire de la décision);
- n° 96-D-60, du 15 octobre 1996, relative à la situation de la concurrence dans le secteur des plants de pommes de terre;
- n° 96-D-59 du 8 octobre 1996, relative à des pratiques relevées dans le secteur des vins de Champagne;
- n° 95-D-77 du 5 décembre 1995, relative à la situation de la concurrence sur le marché du miel;
- n° 94-D-61 du 29 novembre 1994, relative à des pratiques relevées dans le secteur de la production et de la commercialisation du veau;
- n° 94-D-23 du 5 avril 1994, relative à des pratiques constatées dans le secteur de l'huile d'olive.
(166) Doc. 38.279-892.
(167) Doc. 38.279-893.
(168) Doc. 38.279-901.
(169) Il peut être également fait référence à un article paru dans la revue "Les marchés" le 26 octobre 2001, dès le lendemain de la signature formelle de l'accord, dans lequel il est écrit: "selon la FNSEA, le ministère de l'Agriculture n'aurait pas émis de réserve sur cet accord, que certains soupçonnent cependant déjà de ne pas être conforme à la réglementation sur la concurrence" (doc. 38.279-198).
(170) Voir par exemple, parmi la jurisprudence déjà citée, l'arrêt du Tribunal du 30 mars 2000, Consiglio Nazionale degli Spedizionieri Doganali contre Commission (voir note 158), ou encore l'arrêt de la Cour du 30 janvier 1985, Clair (voir note 162).
(171) Voir par exemple les arrêts de la Cour Frubo contre Commission (voir note 163), et Clair (voir note 162), point 20.
(172) Arrêt du Tribunal du 26 octobre 2000, T-41-96, Bayer contre Commission, Rec. 2000, p. II-3383, point 68; et arrêt de la Cour du 11 janvier 1990, C-277-87, Sandoz contre Commission, Rec. 1990, p. I- 45, point 13.
(173) Arrêts du Tribunal du 6 avril 1995, T-149-89, Sotralentz contre Commission, Rec. 1995, p. II- 1127, point 53; et du 14 mai 1998, T-308-94, Cascades contre Commission, Rec. 1998, p. II-925, point 122.
(174) Notamment arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, T-317-94, Moritz J. Weig contre Commission, Rec. 1998, p. II-1235, point 134.
(175) Voir par exemple l'arrêt du Tribunal du 20 avril 1999, T-305- 94 e.a., LVM e.a. contre Commission, Rec. 1999, p. II-931, point 741.
(176) Voir note du ministère français de l'agriculture et de la pêche du 17 octobre 2001 (doc. 38.279- 621).
(177) Doc. 38.279-614 et 615 notamment.
(178) Arrêt de la Cour du 16 octobre 2002, C-238-99 P, C-244-99 P, C-245-99 P, C-247-99 P, C-250- 99 P à C-252-99 P et C-254-99 P, LVM e.a. contre Commission, non encore publié au Recueil, point 487.
(179) Ibidem, point 488.
(180) Voir par exemple l'arrêt du Tribunal du 28 février 2002, T-86-95, Compagnie générale maritime e.a. contre Commission, Rec. 2002, p. II-1011, point 349.
(181) Voir par exemple l'arrêt de la Cour du 11 juillet 1985, 42-84, Remia e.a. contre Commission, Rec. 1985, p. 2545, point 22.
(182) Arrêt de la Cour du 19 février 2002, C-309-99, Wouters, Nein encore publié au Recueil, point 95. Dans l'arrêt du même jour, C-35-99, Arduino, non encore publié au Recueil, la Cour a jugé qu'un tarif fixant des prix minimaux et maximaux pour les honoraires d'une profession "s'étendant à l'ensemble du territoire d'un État membre" est " susceptible d'affecter le commerce entre les États membres" (point 33).
(183) Arrêt de la Cour du 11 juillet 1989, 246-86, Belasco contre Commission, Rec. 1989, p. 2117, point 34: "dès lors qu'il s'agit d'un marché perméable aux importations, les membres d'une entente de prix nationale ne peuvent conserver leur part de marché que s'ils se protègent contre la concurrence étrangère".
(184) Arrêts de la Cour du 12 décembre 1995, C-399-93, Oude Luttikhuis e.a., Rec. 1995, p. I-4515, point 23, et du Tribunal du 14 mai 1997, T-70-92 et T-71-92, Florimex et VGB contre Commission, Rec. 1997, p. II-693, point 152. Voir aussi, par exemple, la décision 1999-6-CE de la Commission du 14 décembre 1998 relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité (IV-35.280-Sicasov) (JO L 4 du 8.1.1999, p. 27), point 68.
(185) Arrêts Frubo contre Commission, points 22 à 27 (voir note 162), Oude Luttikhuis e.a., point 25 (voir note 184), et arrêt de la Cour du 30 mars 2000, C-265-97 P, VBA e.a. contre Commission, Rec. 2000, p. I-2061, point 94.
(186) Arrêt VBA e.a. contre Commission, point 94 (voir note 185).
(187) Par exemple, une note de la FNSEA du 6 novembre 2001 sur l'adoption du budget agricole à l'assemblée nationale française indique: "le ministre a rappelé que faire des chèques aux éleveurs ne suffirait pas, il faudra aussi équilibrer l'offre et la demande" (doc. 38.279-400). Voir également un entretien du président de la FNSEA avec le journal Le Figaro Économie du 17 octobre 2001 (doc. 38.279-312) ou encore une note de la FDSEA de la Loire du 31 octobre 2001 qui précise: "tout le monde a convenu que la seule planche de salut durable était une remontée de la consommation, et que ceci conditionnait l'avenir durable de la filière" (doc. 38.279-825).
(188) Arrêt du Tribunal du 14 mai 1997, T-70-92 et T-71-92, Florimex et VGB contre Commission, Rec. 1997, p. II-693, points 148 et 149, et conclusions de l'avocat général Tesauro sous l'arrêt Oude Luttikhuis précité (voir note 184), Rec. 1997, p. I-4471, point 14. Voir aussi, pour des exemples récents de la pratique décisionnelle de la Commission, point 68 de la décision Sicasov, précitée (voir note 184), et la décision 1999-210-CE de la Commission du 14 octobre 1998 relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CE (British Sugar plc, Tate & Lyle plc, Napier Brown & Company Ltd et James Budgett Sugars Ltd) (JO L 76 du 22.3.1999, p. 1), point 187.
(189) Voir par exemple l'arrêt de la Cour du 11 novembre 1997, C-359-95 P et C-379-95 P, Commission et France contre Ladbroke Racing, Rec. 1997, p. I-6265, point 33, et l'arrêt du Tribunal, Consiglio Nazionale degli Spedizioneri Doganali contre Commission, précité (voir note 158), points 58 et 59.
(190) Observations de la FNICGV, p. 7, dernier paragraphe ("le ministre de l'Agriculture a fortement incité les éleveurs et les abatteurs à s'entendre..."), et celles de la FNSEA, p. 23, antépénultième paragraphe ("le ministre de l'Agriculture lui-même a incité publiquement à la signature d'un accord jugé comme indispensable...").
(191) Observations en réponse à la communication des griefs, p. 15, dernières lignes.
(192) Observations en réponse à la communication des griefs, p. 23, antépénultième paragraphe.
(193) JO C 9 du 14.1.1998, p. 3.
(194) Données statistiques régulièrement mises à jour sur le site Internet de l'Ofival, www.ofival.fr