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Décisions

CA Limoges, ch. corr., 19 novembre 1997, n° 97-00349

LIMOGES

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Renon

Substitut général :

M. Vergne

Conseillers :

MM. Vernudachi, Trassoudaine

Avocats :

Mes Grimaud, Pleinevert

TGI Limoges, du 23 oct. 1996

23 octobre 1996

Sur l'action publique:

Le tribunal a déclaré B Mario Emile coupable des faits qui lui sont reprochés, en répression l'a condamné à la peine de 3 mois d'emprisonnement avec sursis, à 6 000 F d'amende, a ordonné aux frais du condamné la publication par extraits de la présente décision dans la revue 50 millions de consommateurs, le coût ne devant pas dépasser 5 000 F et l'a condamné également au paiement d'un droit fixe de procédure d'un montant de 600 F.

Sur l'action civile

Le tribunal a reçu Monsieur et Madame Leblanc Lionel en leur constitution de partie civile, a déclaré B Mario responsable de leur préjudice, a condamné B Manu à payer aux époux Leblanc la somme de 3 000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 1 500 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, a rejeté la demande de remboursement de la somme de 4 800 F; a condamné B Mario aux dépens de l'action civile;

Appels

Appel de cette décision a été interjeté par:

- Monsieur B Mario Emile, le 30 octobre 1996

- M. le Procureur de la République, le 30 octobre 1996

LA COUR,

Le prévenu et le Ministère public ont interjeté appel du jugement dont le dispositif est ci-dessus rapporté, rendu le 23 octobre 1996 par le Tribunal correctionnel de Limoges;

Ces appels sont réguliers et recevables en la forme

Le prévenu a comparu en personne, assisté de son Conseil Maître Grimaud, et sollicite la réformation en tous points du jugement entrepris;

Le Ministère public requiert aggravation de la sanction prononcée;

Monsieur le représentant de la Direction Départementale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes a été entendu;

Attendu que Monsieur B, titulaire d'une carte permettant l'exercice d'activités non sédentaires délivrée par la Préfecture de Limoges, gère la SARL X de Saint Eloi, sise à Limoges dont l'objet est la "Décoration et vente de porcelaine sur les foires-expositions vente par représentants, marchand ambulant de porcelaine, articles, art de la table";

Attendu qu'à la suite des plaintes de Messieurs Leblanc, Anfonsi et Favelier se disant victimes de vente "dite à la potiche", effectuées dans des salles d'hôtels situés à Hyères et Cavalaire, dans le Var, le procès verbal établi le 28 MAI 1993 par le Service de la Direction Départementale de la Concurrence et de la Consommation et de la Répression des Fraudes de Toulon a révélé que les trois plaignants s'étaient retrouvés acquéreurs de sept services en porcelaine de Limoges pour la somme de 12 800 F après versement d'un acompte de 4 800 F le jour de la vente; que les plaignants Leblanc et Favelier ont cependant pu limiter après accord avec la société la vente à un montant de 4 800 F; que l'enquête a révélé que depuis 1992 la société en cause pratiquait des ventes dans des hôtels-restaurants;

Qu'après un premier contact téléphonique avec les clients sélectionnés parmi les 40 - 60 ans, un carton d'invitation à la présentation vente mentionnant leur "code confidentiel" leur était adressé; qu'une lettre sous le même pli précisait qu'il leur serait remis grâce au code confidentiel indiqué sur le carton "un magnifique cadeau spécial couple - ainsi qu'un cadeau spécial pour Madame, une assiette de décoration en porcelaine et pour Monsieur, un cadeau surprise;

Attendu que le jour de la vente, au cours d'une prestation-mise en scène d'environ trois heures effectuée par un animateur et deux adjoints, des cadeaux (nappes, napperons, assiettes décoratives) étaient distribués; Qu'un cadeau exceptionnel était promis à un des couples qui signerait parmi les huit premiers un chèque de 4 800 F pour des pièces d'une valeur réelle de 12 800 F; Que l'animateur distribuait alors une plaquette contenant les bons de commandes sur lesquels les services en porcelaine étaient déjà préimprimés, le prix de 12 800 F déjà inscrit; qu'une victime, Monsieur Anfonsi, a précisé dans sa plainte que sur demande de l'animateur ils avaient remis leurs chèques avant d'avoir vu le bon de commande; qu'ensuite tous les "clients" ont du garnir très rapidement le bon de commande pendant que l'animateur fixait leur attention sur la mention de leurs initiales en haut du bon de commande afin de personnaliser les services; que par ailleurs, l'attention des acheteurs était attirée sur la qualité du vendeur qu'il devait noter à gauche du bon de commande; que tous les plaignants, dont certains se qualifient de méfiants, prétendent avoir été endormis et "hypnotisés" pendant trois heures; qu'en outre, les victimes précisent que le cadeaux exceptionnel promis au couple n° 1 n'a jamais été remis;

Sur le délit de vente sans autorisation du maire de la commune

Attendu qu'au soutien de son appel, Monsieur B considère que le jugement doit être réformé en ce qu'il l'a déclaré coupable du délit de vente sans avoir obtenu l'autorisation spéciale du maire de la ville où la vente doit avoir lieu (article 1 de la loi du 30 décembre 1906) alors que le décret du 26 novembre 1962 dispose en son article 4 alinéa 2 que "ne tombent pas sous le coup des dispositions de la loi du 30 décembre 1906 les ventes effectuées par des commerçants ambulants et forains, lorsque ces ventes ne présentent pas de caractère exceptionnel, correspondent au commerce dont il est fait mention sur la patente des intéressés et qu'elles sont réalisées sur les emplacements où les commerçants exercent habituellement et régulièrement leur activité ";

Attendu que le jugement sera confirmé; qu'en effet l'article 1 de la loi du 30 décembre 1906 qui soumet la vente au déballage de marchandises neuves à l'autorisation du Maire de la commune s'analyse à la lecture de l'article 4 alinéa 1 du décret du 26 novembre 1962 qui définit les ventes au déballage comme des ventes précédées de publicité, effectuées dans des locaux non habituellement destinés au commerce considéré et présentant un caractère réellement ou apparemment occasionnel ou exceptionnel;qu'en l'espèce la vente de services en porcelaine neufs, après publicité, effectuée dans une salle d'hôtel qui n'est pas destinée à ce commerce, a un caractère exceptionnel puisqu'il résulte d'un document communiqué par Monsieur B que 5 ventes seulement ont eu lieu à Hyeres en deux années et une seule à l'hôte! Mercure;que ce caractère doit s'apprécier par rapport au client;

Attendu que l'alinéa 2 de l'article 4 du même décret ne peut trouver application en l'espèce, une salle d'hôtel n'étant pas le lieu d'exercice habituel de l'activité des commerçants; qu'en l'absence de demande d'autorisation faite par Monsieur B le délit est constitué;

Sur le délit d'abus de faiblesse

Attendu que si l'abus de faiblesse n'est pas présumé, il peut s'induire de plusieurs circonstances telles le prix élevé des produits achetés, la précipitation dans la signature du contrat;

Attendu que la seule remise par les couples et notamment le couple sélectionné n° 1 d'un chèque de 4 800 F avant qu'ils n'aient la possibilité de consulter le bon de commande préétabli pour un montant de 12 800 F caractérise l'état de faiblesse ou d'ignorance que présentait les couples qui s'attendaient (notamment le couple n° 1) à la remise d'un cadeau exceptionnel qu'ils n'ont jamais reçu; qu'en outre il convient d'observer que l'objet du contrat était un bien d'une valeur importante dont l'achat demeure peu fréquent;

Attendu que le jugement entrepris a correctement sanctionné ces infractions et doit être confirmé;

Sur l'action civile

Attendu que les dispositions civiles du jugement doivent être confirmées que sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, l'équité commande de condamner Monsieur B à verser aux époux Leblanc la somme de 1 500 F;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Reçoit Monsieur B et le Ministère public en leurs appels; Sur l'action publique: Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris; Compte tenu de l'absence du condamné, Madame le Président n'a pu donner lecture de l'avertissement prévu à l'article 132-29 du nouveau Code de procédure pénale; Condamne B Mario au paiement d'un droit fixe de procédure d'un montant de huit cents francs (800 F); Le tout par application des articles 1 de la loi du 30 décembre 1906, complétant la loi du 25 juin 1841, 7 de la loi 72-1137 du 22 décembre 1972, 473 et 800 du Code de procédure pénale. Sur l'action civile: Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris; Y ajoutant, Condamne Monsieur B à verser à Monsieur et Madame Leblanc la somme de mille cinq cents (1 500) F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.