CA Toulouse, 3e ch. sect. 1, 1 juillet 2003, n° 2002-03322
TOULOUSE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Biotonic (Sté)
Défendeur :
Couhault
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Dreuilhe
Conseillers :
MM. Helip, Girot
Avoués :
SCP Malet, SCP Cantaloube- Ferrieu-Cerri
Avocats :
Mes Chas, Carcy.
Rappel des faits et de la procédure
Madame Dubouille a reçu de nombreux courriers de la société Biotonic lui promettant des gains dans le cadre de la participation à une opération publicitaire.
Madame Dubouille a assigné la SA Biotonic en paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la déception de ne pas percevoir un gain annoncé.
Par jugement en date du 20 juin 2002, le Tribunal d'instance de Toulouse a:
- relevé qu'il ressortait d'un document de la SA Biotonic intitulé "confirmation expresse de remise" que Madame Dubouille est "la seule personne concernée" et qu'il lui suffit "de retourner les bons documents attendus" pour permettre l'établissement "d'un chèque bancaire de 100 000 F" à son nom;
- relevé que l'emploi de termes répétitifs et en caractères gras tels que "vous appartiennent", "certificats attributifs", "garanties de versement", qui ont une signification non équivoque, fait naître dans l'esprit du consommateur moyen la certitude de la perception d'un gain;
- relevé que le bon de commande qui figure au verso avec le bordereau de validation du versement n'est pas distinctif au sens de l'article L. 121-36 du Code de la consommation;
- relevé que le règlement du jeu pouvait laisser penser au consommateur qu'il était gagnant dès les premiers envois;
- jugé que ces agissements sont constitutifs d'une faute à l'origine d'un préjudice découlant de la déception engendrée par l'absence de perception du gain promis;
- condamné la SA Biotonic au paiement de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts, au paiement de 300 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
La SA Biotonic a relevé appel de cette décision.
Prétentions des parties
La SA Biotonic soutient que ses jeux publicitaires sont conformes aux dispositions de l'article L. 121-36 du Code de la consommation.
Elle fait valoir que Madame Dubouille était informée de la règle essentielle du pré-tirage au sort du gagnant, qu'il lui appartenait de se livrer à une lecture attentive de l'intégralité des documents reçus et que les conditions d'obtention du gain et l'existence d'un aléa étaient parfaitement accessibles à un consommateur moyen.
Elle demande dès lors à la cour de dire que Madame Dubouille ne pouvait valablement espérer recevoir les gains, qu'elle a fait preuve de mauvaise foi ou d'une naïveté hors du commun en faisant semblant d'ignorer qu'il s'agissait d'un jeu promotionnel et de dire qu'elle ne peut prétendre avoir subi un préjudice du seul fait d'avoir participé à un jeu et de ne pas avoir gagné.
Elle sollicite dès lors le rejet de l'ensemble des demandes de Madame Dubouille et sa condamnation au paiement de 1 500 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Geneviève Dubouille demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société Biotonic.
Elle fait néanmoins valoir que par décision du 6 septembre 2002 la Cour de cassation a jugé que l'organisateur d'une loterie qui annonce un gain à une personne sans mettre en évidence l'existence d'un aléa s'oblige, par ce fait purement volontaire, à le délivrer.
Elle sollicite dès lors la condamnation de la SA Biotonic au paiement des deux gains annoncés d'un montant de 9 131,70 euros et d'un montant de 15 245 euros sur le fondement de l'article 1371 du Code civil.
A titre subsidiaire, elle demande à la cour de retenir la responsabilité délictuelle ou quasi- délictuelle de la société Biotonic.
Elle fait valoir que cette dernière a commis une tromperie visant à obtenir des commandes et occasionnant un préjudice certain, et sollicite à ce titre la condamnation de la SA Biotonic au paiement de 15 250 euros à titre de dommages et intérêts.
Elle sollicite en tout état de cause la condamnation de la SA Biotonic au paiement de 1 525 euros à titre de dommage et intérêts, ainsi qu'aux entiers dépens.
Motifs de l'arrêt
Pour des motifs particulièrement pertinents que la cour adopte, le premier juge a légalement justifié sa décision qui doit être confirmée dans toutes ses dispositions.
En effet, il ne peut être en l'espèce retenu un fondement quasi contractuel à l'obligation de la SA Biotonic d'indemniser Mme Dubouille dans la mesure où les règles du jeu figuraient sur le document litigieux, en caractères minuscules particulièrement difficiles à lire, certes, mais en rappelant la procédure de tirage au sort aboutissant à l'attribution du lot, de sorte que l'absence de mise en évidence de l'existence d'un aléa ayant fondé la décision de la Cour de cassation du 6 septembre 2002citée par Madame Dubouille ne peut être considérée comme établie dans le cas présent.
En revanche, le premier juge a parfaitement caractérisé les éléments de la faute délictuelle de la SA Biotonic qui a manifestement cherché à tromper Madame Dubouille à la seule fin de lui faire souscrire des commandes.
Le tribunal a par ailleurs exactement évalué le préjudice de la victime qui découle de la déception engendrée par l'absence de perception du gain promis en dépit de commandes et de demandes imposées et l'a justement réparé par l'allocation de la somme de 3 000 euros.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de l'intimée les frais irrépétibles qu'elle a dû exposer pour faire valoir ses droits devant la cour.
Il lui sera alloué la somme complémentaire de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et de l'article 75 de la loi du 10 juillet 1991.
Par ces motifs, LA COUR: Confirme dans toutes ses dispositions la décision entreprise; Condamne la SA Biotonic aux dépens d'appel; Dit que ceux-ci seront recouvrés conformément à la loi sur l'aide juridictionnelle; Condamne la SA Biotonic à payer à Mme Dubouille la somme complémentaire de 1 500 euros sur le fondement des articles 75 de la loi du 10 juillet 1991 et 700 du nouveau Code de procédure civile.