CA Nîmes, 2e ch. B, 22 mai 2003, n° 01-1461
NÎMES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Bonaudo
Défendeur :
Verjo (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Espel
Conseillers :
Mmes Filhouse, Ponsard, MM. Bertrand, Bancal
Avoués :
SCP Pomies-Richaud-Astraud, SCP Fontaine-Macaluso-Jullien
Avocats :
SCP Selarl-Huc-Armand, SCP Chatel-Calaudi-Clermond
Faits et prétentions des parties:
M. Guy Barber, coiffeur à Montpellier (34000), exploitant le nom commercial Barber Shop, a conclu un contrat de franchisage avec M. Guy Bonaudo, coiffeur à Ailes (13200) moyennant une redevance mensuelle de 2 500 F HT, d'une durée de 3 années, à compter du 10 décembre 1992.
M. Maurice Bonaudo a rompu par anticipation ce contrat de franchisage et, par assignation délivrée le 5 novembre 1993, M. Guy Barber l'a assigné devant le Tribunal de commerce de Montpellier, réclamant sa condamnation à lui payer des dommages et intérêts pour cette rupture anticipée, du fait de la violation de l'obligation de secret et de la divulgation du savoir-faire à un tiers, ainsi qu'en réparation de son préjudice commercial issu de la brusque et illicite suppression de l'enseigne XI reprochait notamment à M. Bonaudo d'avoir ouvert, sans nouveau contrat avec le franchiseur, un établissement secondaire à Arles.
Par jugement prononcé le 23 novembre 1994, le Tribunal de commerce de Montpellier a désigné un expert pour retracer l'historique des relations contractuelles entre les parties et chiffrer les préjudices résultant d'éventuelles violations de leurs obligations.
Le 21 février 1996, le Tribunal de commerce de Montpellier, au vu du rapport d'expertise judiciaire, a:
- Condamné M. Maurice Bonaudo à payer à la SARL Verjo, venue aux droits de M. Guy Barber, la somme de 200 000 F à titre de dommages et intérêts, outre une somme de 4 000 F en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- Condamné M. Maurice Bonaudo aux dépens.
Le 11 mars 1996 M. Maurice Bonaudo a relevé appel de la décision du Tribunal de commerce de Montpellier.
Par arrêt en date du 4 décembre 1997, la Cour d'appel de Montpellier a:
- Réformant le jugement, déféré, dit nul le contrat de franchise conclu entre M. Guy Barber et M. Maurice Bonaudo, faut par M. Guy Barber d'avoir rempli son obligation précontractuelle d'information et de renseignement envers ce dernier, en application des dispositions de la loi du 31 décembre 1989, dite loi Doubin,
- Condamné la SARL Verjo à payer à M. Maurice Bonaudo la somme de 15 000 F HT, en remboursement du droit d'entrée dans le réseau,
- Dit n'y avoir lieu à d'autres restitutions du fait de l'impossibilité matérielle de M. Bonaudo de restituer les prestations reçues,
- Débouté M. Bonaudo de sa demande en paiement de dommages et intérêts,
- Condamné la SARL Verjo à payer à M. Maurice Bonaudo la somme de 5 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Saisie d'un pourvoi par la SARL Verjo, la Chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, par arrêt en date du 21 novembre 2000, a:
- Cassé et annulé, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 décembre 1997, entre les parties, par la Cour d'appel de Montpellier,
- Remis en conséquence la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt, et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la Cour d'appel de Nîmes,
- Condamné M. Bonaudo aux dépens et rejeté sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
Le 13 avril 2001, M. Maurice Bonaudo a saisi par déclaration au greffe la Cour d'appel de Nîmes.
Dans ses dernières conclusions déposées au greffe de la cour le 25 juin 2002 et signifiées à son adversaire le 21 juin précédent, auxquelles est joint un bordereau récapitulatif des pièces communiquées, M. Maurice Bonaudo sollicite:
- l'affirmation du jugement du Tribunal de commerce de Montpellier et l'annulation du contrat de franchise, pour défaut de cause, sur le fondement de l'article 1131 du Code civil,
- l'annulation de ce contrat de franchise pour non-respect de l'obligation d'information précontractuelle, prévue à l'article L. 330-3 du Code de commerce, ou sur le fondement de l'article 442-5 du Code de commerce, en raison de l'imposition de prix de revente,
- la condamnation de la SARL Verjo à lui restituer les sommes de 2 712,07 euros (17 790 F) au titre des droits d'entrée et de 381,12 euros (2 500 F) payée mensuellement, ainsi que celle de 1 % de son chiffre d'affaires,
- la condamnation de la SARL Verjo à lui payer une somme de 38 112,25 euros (250 000 F) à titre de dommages et intérêts, en réparation des préjudices causés,
- que soit constatée l'existence d'un contrat tacite entre la SARL Verjo et la SARL Somat, dont il était le gérant, qui a exploité un nouvel établissement à Ailes,
- la condamnation de la SARL Verjo, venant aux droits de M. Guy Barber, à lui payer une somme de 2 286,74 euros (15 000 F) en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions récapitulatives déposées au greffe de la cour le 29 novembre 2002 et signifiées à son adversaire le même jour, auxquelles est joint un bordereau récapitulatif des pièces communiquées, la SARL Verjo, venant aux droits de M. Barber, demande la confirmation de la décision entreprise en son principe.
Relevant appel à titre incident de cette décision, elle sollicite:
- la condamnation de M. Maurice Bonaudo à lui payer une somme de 10 290 euros (67 500 F) à titre de dommages et intérêts pour rupture anticipée du contrat de franchisage,
- la condamnation de M. Maurice Bonaudo à lui payer une somme de 21 343 euros à titre de dommages et intérêts, pour la violation de l'obligation de secret et de non-divulgation du savoir-faire à un tiers,
- la condamnation de M. Bonaudo à lui payer une somme de 25 764 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice commercial subi à l'égard du public et du réseau, outre une somme de 3 049 euros en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 21 mars 2003.
Pour une plus ample relation des faits, de la procédure et des moyens des parties, il y a lieu de se référer aux écritures déposées par les parties.
Sur ce:
- La demande d'annulation du contrat de franchisage:
1°) la nullité pour absence de causes:
Attendu que M. Maurice Bonaudo invoque désormais à titre principal, à l'appui de sa demande d'annulation du contrat de franchisage signé avec M. Guy Barber qui a pris effet le 10 décembre 1992, l'absence de cause de cette convention, sur le fondement de l'article 1131 du Code civil;
Mais attendu que dans un contrat synallagmatique, l'obligation de chaque contractant trouve sa cause dans l'obligation, envisagée par lui comme devant être effectivement exécutée, de l'autre partie;
Qu'il s'ensuit que la cause de l'obligation souscrite par M. Maurice Bonaudo, est constituée par les divers engagements contractuels pris par M. Guy Barber à son égard, détaillés dans la convention comme étant:
- le droit d'exploitation de la marque déposée Barber Shop,
- le droit d'exploitation du savoir-faire dont M. Guy Barber est à l'origine,
- le droit d'exploitation des droits d'auteur de M. Guy Barber, sur les copies des coupes et des coiffures,
- la garantie d'exclusivité territoriale de la franchise, dans le centre ville d'Arles, avec un droit de priorité pour le franchisé pour une deuxième implantation en périphérie d'Arles,
- le bénéfice d'une information technique permanente, ainsi que sur l'agencement et l'organisation des salons,
- le bénéfice de deux animations publicitaires annuelles organisées par le franchiseur, sur des supports publicitaires désignés d'un commun accord entre les parties,
- une assistance au recrutement du personnel, le franchiseur disposant d'un centre de formation et de perfectionnement, la Barber Shop School, à Montpellier, dont le recours était gratuit pour les franchisés;
Attendu qu'il n'est pas soutenu que la cause ainsi définie était illicite, ni que les engagements souscrits n'ont pas été exécutés ou étaient faux, mais seulement que M. Maurice Bonaudo, artisan coiffeur expérimenté, n'en a pas obtenu le bénéfice financier qu'il escomptait lors de la signature du contrat;
Qu'il attribue cet échec à l'insuffisance du concept franchisé, ce contrat étant défini pour lui comme celui autorisant les distributeurs, les franchisés, à commercialiser des produits au service et sous la marque, selon les savoir-faire et sous les directives d'un franchiseur, en vue de réitérer sa réussite commerciale;
Qu'il considère que ce qui lui était attribué par la convention n'était pas distinct des règles de l'art qu'il connaissait, que la marque manquait de notoriété et ne lui a pas permis, compte tenu des charges de franchise, de dégager un gain de rentabilité;
Mais attendu que, d'une part, le droit d'exploiter la marque Barber Shop et le transfert du savoir- faire technique de coiffure, objets de la critique dans les conclusions déposées devant la cour, n'étaient pas les seules contreparties prévues dans le contrat de franchise, ainsi que cela ressort de la liste reprise ci-dessus, qui mentionne également des actions publicitaires régulières, le bénéfice d'un centre de formation, l'envoi d'une information technique actualisée en permanence, le droit d'utiliser des brochures de 'coupes et de coiffures diffusées par le franchiseur; que ces éléments ne sont pas allégués comme inexistants ou mensongers par M. Maurice Bonaudo, qui ne conteste pas non plus qu'il en a bénéficié, comme le soutient son adversaire;
Attendu d'autre part que M. Maurice Bonaudo ne produit aux débats aucun élément comptable permettant de vérifier ses allégations relatives au manque de rentabilité qu'il invoque à l'époque où le contrat de franchise a été mis en œuvre;
Que le seul document produit, est une attestation de la SARL Soprodec, expert-comptable de M. Maurice Bonaudo, dont il ressort que chaque mois de janvier à juin 1993, le chiffre d'affaires de ce coiffeur a augmenté par rapport à la même période de l'année 1992, passant de 225 945 F à 3 15 704 F; qu'ainsi non seulement la franchise a permis à M. Bonaudo d'augmenter immédiatement son chiffre d'affaires de façon significative (+ 39 %), mais il ressort également du détail des chiffres d'affaires mensuels qu'en 1992 ceux-ci étaient en baisse régulière (43 631 F en janvier et 31 324 F en juin), alors qu'en 1993 ils étaient stables ou en hausse (48 394 F en janvier constituant le plus bas, et 54 849 F en juin le sommet);
Qu'en outre l'éventuel défaut de la rentabilité escomptée d'un contrat de franchise ne caractérise pas nécessairement l'absence de cause du contrat mais relève aussi de l'aléa commercial et dépend également des conditions de mise en œuvre de l'organisation préconisée par le franchisé;
Qu'enfin M. Bonaudo déclare lui-même que 44 salons en France étaient alors franchisés en 1993 sous la marque Barber Shop, ce qui caractérise la réalité de la notoriété de celle-ci dans le monde de la coiffure, même si comme il le soutient, 26 auraient quitté la franchise avant 1997; qu'au demeurant le fait même que M. Bonaudo ait souhaité, après plus de 7 mois d'exécution du contrat de franchisage, ouvrir un nouveau salon sous l'enseigne Barber Shop, puis continuer de l'exploiter en contrefaçon de cette marque, confirme qu'il avait conscience de la réalité de la contrepartie ainsi offerte dans le contrat, qu'il dénie cependant devant cette cour;
Attendu qu'il convient donc de rejeter la demande de M. Maurice Bonaudo, tendant à l'annulation du contrat de franchisage conclu avec M. Guy Barber, pour défaut de cause;
2°) la nullité pour violation de l'article L. 330-3 du Code de commerce:
Attendu que M. Maurice Bonaudo soutient ensuite que le contrat de franchisage doit être annulé parce qu'il n'a pas reçu les informations précontractuelles prévues à l'article 1er de la loi du 31 décembre 1999, dite loi Doubin, devenue l'article L. 330-3 du Code de commerce, ainsi qu'à l'article 1er du décret n° 97-337 du 44 avril 1991;
Qu'il déclare ne pas avoir reçu les renseignements prévus par ces textes dans le délai exigé de 20 jours avant la signature du contrat, soit au plus tard avant le 28 octobre 1992, le contrat non daté prenant effet le 10 décembre suivant mais ayant donné lieu à un premier versement de sa part le 18 novembre 1992, mais seulement le 25 novembre suivant (en réalité le 23), sous la forme de la "bible Barber Shop";
Qu'il en tire que son consentement n'a pas été éclairé, et que l'annulation du contrat doit être prononcée pour erreur sur la qualité substantielle, en application des dispositions de l'article 1109 du Code civil;
Attendu que la SARL Verjo soulève une exception de prescription de cette action en nullité fondée sur un vice du consentement, considérant que celle-ci a été engagée pour la première fois en 2000, devant la Cour d'appel de Nîmes, alors que le contrat concerné avait été conclu le 18 novembre 2002, et que le délai de prescription prévu à l'article 1304 du Code civil était de 5 ans;
Mais attendu que l'action en nullité de la convention litigieuse, fondée sur l'invocation de la violation des dispositions relatives à l'interdiction de l'imposition de prix, a été exercée à titre reconventionnel devant le Tribunal de commerce de Montpellier par M. Maurice Bonaudo, dans des conclusions déposées avant le jugement du 23 novembre 1994, et reprises oralement à l'audience, visées dans cette décision, et donc dans le délai de 5 ans de la prescription invoquée;
Que dans d'autres conclusions, déposées avant le jugement du 21 février 1996 et reprises oralement à l'audience, visées dans cette décision, M. Maurice Bonaudo a invoqué la nullité du contrat du 18 novembre 1992 pour violation des dispositions de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1989, alors que la prescription quinquennale n'était donc pas acquise;
Qu'en invoquant l'annulation du contrat en raison de ce manquement, il a ainsi implicitement mais nécessairement allégué d'un vice de son consentement, que devait rechercher la juridiction du fond saisie de ce litige, ainsi que l'a rappelé la Cour de cassation dans l'arrêt qui a saisi la Cour d'appel de Nîmes;
Qu'il convient donc de rejeter l'exception de prescription soulevée;
Attendu par ailleurs que, d'une part, l'irrespect allégué du délai légal de 20 jours pour transmettre les informations précontractuelles au candidat à la franchise par le franchiseur, résultant de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1989, n'est susceptible d'entraîner la nullité de la convention que s'il est établi que ce défaut d'information a eu pour effet de vicier le consentement du franchisé;
Que d'autre part la cour relève que M. Bonaudo n'invoque pas un dol imputable à son partenaire, tel que prévu par l'article 1116 du Code civil visé dans l'arrêt de cassation ayant saisi la présente juridiction, mais une erreur commise sur la substance, prévue aux articles 1109 et 1110 du Code civil, sans plus de précisions;
Qu'ensuite, tout en invoquant néanmoins le caractère intentionnel du défaut de communication dans le délai légal des informations précontractuelles requises, M. Maurice Bonaudo ne justifie ni même n'allègue aucun élément établissant l'existence de manœuvres dolosives de son cocontractant; qu'il ne conteste d'ailleurs pas particulièrement avoir reçu ultérieurement la totalité des informations requises ni la sincérité de celles-ci, ne reprochant aucune omission précise à cet égard au franchiseur;
Qu'il n'allègue pas particulièrement non plus d'un lien de causalité entre le défaut de communication à bonne date d'une information obligatoire donnée et la survenance d'une erreur précise de sa part sur la substance de la convention, ni n'indique en quoi sa détermination à le conclure aurait pu être modifiée, s'il avait eu connaissance d'une information déterminée parmi celles devant être communiquées 20 jours préalablement à la signature du contrat;
Qu'il convient donc de rejeter la demande d'annulation du contrat, sur ce fondement également;
3°) la nullité pour imposition du prix d'une prestation de service:
Attendu que M. Maurice Bonaudo invoque aussi à l'appui de sa demande d'annulation du contrat de franchisage, les dispositions d'ordre public de l'article L. 442-4 du Code de commerce, proscrivant l'imposition d'un prix minimal d'une prestation de service;
Qu'il soutient que l'article 11 du contrat de franchise lui imposait d'appliquer une politique commune de prix avec les autres franchisés, fixant un minimum de 145 F pour le forfait shampoing + coupe + coiffage;
Qu'il considère que la nullité ainsi encourue pour atteinte à l'ordre public économique doit être étendue à l'intégralité du contrat, cette clause étant substantielle, ainsi que l'indique l'article il de la convention;
Attendu qu'il est exact que tes dispositions de l'article 34 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, devenu depuis l'article L. 442-5 du Code de commerce, prohibent l'imposition par toute personne, tel un franchiseur envers un franchisé, d'un prix minimal pour une prestation de service; que l'article 11 du contrat litigieux procède à la fixation d'un prix minimum de forfait pour une prestation de coiffure, à la somme de 145 F, même si ce chiffre était indiqué à la suite d'une phrase précisant que le mode de calcul était fonction du pouvoir d'achat de la ville à ce jour et de la mention "à partir de";
Maisattendu qu'il résulte du texte de cet article que ce prix a été fixé à la suite d'un accord entre les parties, puisque signé, sans contrainte ni violence par M. Bonaudo et n'a donc pas été imposé, au sens des dispositions légales susvisées;
Qu'il apparaît ensuite que la fixation d'un prix minimal pour un forfait shampoing + coupe + coiffage à partir de 145 F figure dans le contrat litigieux de façon manuscrite, ayant été rajoutée à la place du texte dactylographié d'origine, raturé, qui prévoyait que le tarif des coupes et des produits de la ligne Barber Shop était imposé au franchisé;
Qu'ainsi cette nouvelle disposition venait en remplacement d'une autre, illicite et de portée beaucoup plus étendue puisque laissant au seul franchiseur le soin d'imposer un prix, étant observé que nombre de coupes pratiquées par un coiffeur ne relevaient pas du seul forfait susvisé, et que désormais les prestations de service et la vente des produits n'étaient donc plus soumises à un prix imposé;
Que l'ensemble des prestations non concernées par le prix de 145 F, convenu entre les parties, relevait donc de la politique commune des prix résultant d'accords entre le franchiseur et le franchisé, définie à l'alinéa précédent de cet article 11, et dont la validité n'est pas particulièrement contestée dans le présent litige, ni contestable au regard des dispositions légales susvisées;
Que la fixation contractuelle du prix d'une prestation de service, par accord entre un franchiseur et un franchisé, n'est en effet pas illicite, dès lors que l'une des parties n'impose pas à l'autre un prix minimal en recourant à un abus de sa position dominante ou à des moyens de pression économiques envers son partenaire, ce qui n'est pas soutenu en l'occurrence, ni n'a pour objet ou effet de fausser le libre jeu du marché et de la concurrence;
Que la cour relève aussi qu'il n'est nullement invoqué par M. Bonaudo, qui conteste la fixation de ce prix plancher, qu'après la signature de cette convention, le franchiseur a usé de moyens de pression directs ou indirects, de fait ou de droit, à son encontre, pour lui imposer le respect de cet engagement contractuel précis; qu'il n'est pas allégué non plus que des poursuites pénales ont été engagées envers le franchiseur, du chef de l'infraction reprochée;
Qu'au surplus cette mention de prix, qui ne concerne qu'une prestation parmi beaucoup d'autres dont le prix n'était pas fixé, ne saurait être qualifiée de substantielle dans ce contrat, nonobstant la mention figurant à l'article 11 du contrat, et ne pourrait donc entraîner l'annulation de la convention en son entier;
Attendu que par ailleurs il n'est pas soutenu par M. Bonaudo que cette convention caractérise une entente prohibée par les dispositions d'ordre public de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, alors applicable, ayant pour objet ou pour effet de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur le marché, en faisant obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché, en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse;
Que le fait que la fixation commune des prix pratiqués dans les seuls magasins franchisés dans leur zone d'exclusivité, résulte d'accords passés entre le franchiseur et les franchisés ne suffit pas à établir la réalité de tels effets sur le marché local de la coiffure, qui est concerné en l'espèce;
Qu'il convient en conséquence de rejeter la demande d'annulation tant de cette clause que de l'entier contrat, soutenue par M. Bonaudo;
Attendu qu'à défaut d'annulation du contrat de franchisage, il y a lieu de rejeter les demandes de restitution du montant du droit d'entrée dans la franchise et des redevances versées par M. Maurice Bonaudo au franchiseur durant l'exécution du contrat; que sa demande accessoire en paiement de dommages et intérêts, pour préjudice moral et d'exploitation commerciale du fait de la mise en œuvre du contrat de franchisage dont l'annulation était sollicitée, doit également être rejetée, comme mal fondée et injustifiée;
Sur la rupture du contrat de franchisage:
Attendu que M. Maurice Bonaudo reconnaît dans ses conclusions qu'il a pris l'initiative de rompre de façon anticipée le contrat de franchisage, en informant le franchiseur de sa décision, le 4 octobre 1993, reprochant une rentabilité insuffisante de cette franchise; que dans cette lettre il indiquait que sa décision prenait effet à compter du 1er septembre précédent;
Attendu que la convention était conclue pour une durée déterminée de 3 années, du 10 décembre 1992 au 10 décembre 1995, et ne prévoyait pas de possibilité de résiliation anticipée par le franchisé; que celui-ci a donc manqué à ses obligations d'exécuter le contrat, sans invoquer la survenance d'un cas de force majeure, d'un cas fortuit ou une exception d'inexécution par le franchiseur de ses propres obligations, mais seulement une mauvaise prévision, imputable au seul M. Maurice Bonaudo, pourtant professionnel averti, du gain de rentabilité escompté, élément au demeurant non établi faute de communication par ce dernier de ses résultats comptables;
Attendu que ce manquement par M. Bonaudo à l'exécution du contrat de franchisage, au-delà du 1er septembre 1993 jusqu'au 10 décembre 1995, justifie la condamnation de ce dernier à payer à la SARL Verjo, venant aux droits de M. Guy Barber, des dommages et intérêts, conformément aux dispositions de l'article 1147 du Code civil;
Attendu qu'en application des dispositions des articles 1149 et 1150 du Code civil, M. Bonaudo est tenu d'indemniser la SARL, Verjo de la perte qu'elle a faite et du gain dont elle a été privée, dans la limite des dommages et intérêts prévus ou prévisibles lors du contrat;
Qu'en l'espèce le contrat de franchisage ne prévoyait pas d'indemnités de rupture anticipée, ni de clause pénale, mais fixait une rémunération mensuelle de 2 500 F HT à la charge du franchisé jusqu'au terme du contrat, laquelle constitue un gain, dont le franchiseur a été privé, pendant 27 mois, soit la somme de 10 290 euros (67 500 F); qu'il convient en conséquence de condamner M. Maurice Bonaudo au paiement de cette somme, à titre de dommages et intérêts, comme le sollicite la SARL Verjo, quand bien même elle n'a pas eu à exposer certains frais de suivi de l'exploitation du franchisé du fait de cette rupture anticipée, étant observé en effet qu'elle a aussi été privée du versement par ce dernier de 1% de son chiffre d'affaires, également prévu au contrat, pour le développement de l'image de la franchise;
Attendu que l'expert judiciaire, dont les conclusions ne sont pas particulièrement contestées, a retenu l'existence d'un préjudice commercial subi par le franchiseur, dont la clientèle, considérée comme commune entre lui et le franchisé, n'a plus pu trouver à se coiffer dans un salon Barber Shop à Ailes à compter du 1er septembre 1993, évalué par extrapolation des chiffres des six premiers mois de l'année 1993 à la somme de 10 518,98 euros (69 000 F) que cependant ce préjudice englobe celui causé par l'ouverture d'un second salon, sans nouveau contrat de franchise, que reproche le franchiseur au franchisé, et doit donc être examinée séparément, dans sa globalité, avec ce moyen;
Attendu que seront examinées séparément aussi les demandes en réparation du préjudice commercial causé par le comportement prêté à M. Bonaudo, consistant à avoir dénoncé le franchiseur auprès de la Direction Générale de la Concurrence de la Consommation et de la Répression des Fraudes, ainsi que dans ses relations avec le Syndicat de la Coiffure, et d'avoir créé une association régie par la loi de 1901 dirigée contre les franchiseurs et Barber Shop en particulier;
Attendu que la SARL Verjo sollicite aussi la réparation complémentaire de son préjudice commercial, du fait de la fermeture de sa franchise dans la ville d'Arles, soutenant que cela l'a dissuadée d'ouvrir une nouvelle franchise dans cette ville, et qu'un candidat dans une ville voisine a renoncé à son projet en 1994, en craignant des retombées négatives du conflit existant entre M. Maurice Bonaudo et le franchiseur;
Mais attendu qu'il n'est produit aucun élément justifiant ces assertions, et notamment pas la candidature de franchisés venant d'Arles ou d'une ville voisine; que cette demande doit dont être rejetée de ces chefs, comme injustifiée;
Sur l'ouverture d'un second salon:
Attendu qu'il est constant que la SARL Somat, dont M. Maurice Bonaudo était le gérant, a ouvert un salon de coiffure dans la galerie marchande du centre commercial Leclerc situé à la périphérie de la ville d'Arles, à l'enseigne Barber Shop, dans le courant du mois de juillet 1993;
Qu'il n'est pas contesté non plus que l'exploitation de ce salon sous l'enseigne Barber Shop s'est poursuivie après le 1er septembre 1993, date d'effet de la résiliation par M. Bonaudo du contrat de franchisage;
Que M. Bonaudo soutient que l'ouverture de ce nouvel établissement, en transférant l'enseigne commerciale depuis son salon du centre ville, avait été tacitement acceptée par le franchiseur, et même initialement encouragée par lui, ainsi que cela ressort de l'envoi d'une information par lui à ce propos à M. Barber le 8 juillet 1993, à laquelle une réponse était apportée le 13 juillet suivant, adressée â la SARL Somat, donnant des conseils, puis de diverses correspondances les 18 et 27 août 1993;
Qu'il invoque aussi l'acceptation par le franchiseur du contrat de franchise pour ce second salon, que traduit le paiement effectué le 15 septembre 1993 par la SARL Somat à M. Guy Barber, au titre d'une redevance contractuelle;
Attendu qu'il résulte de la lettre du 8 juillet 1993 que M. Bonaudo informait la SARL Verjo, à l'attention de M. Guy Barber, de son intention d'ouvrir un salon de coiffure dans le Centre commercial Leclerc d'Arles et sollicitait son autorisation d'utiliser ses idées publicitaires; qu'en réponse, le 13 juillet suivant, M. Guy Barber, au nom de la SARL Verjo, déclarait accepter à titre tout à fait exceptionnel que M. Bonaudo utilise son idée publicitaire dans un journal gratuit des Bouches du Rhône, et qu'il lui donnait raison, comptant sur l'animation du centre commercial, d'essayer d'ouvrir le salon de cette façon, lui conseillant aussi de surveiller le nombre de visites par jour et de l'alerter si cette campagne n'était pas suffisamment efficace;
Attendu cependant qu'il résulte d'un procès-verbal de constat dressé par Me Bernard Chazel, huissier de justice à Arles, que M. Guy Barber a requis cet officier ministériel le 10 septembre 1993 pour faire constater l'ouverture d'un second salon de coiffure par la SARL Somat dans la galerie marchande du Centre Leclerc à Arles, sans qu'un accord de franchisage ait été conclu, ce qui contredit l'allégation d'un accord tacite existant encore entre les parties à ce moment;
Attendu que dans une lettre du 14 septembre 1993 M. Guy Barber accusait réception d'un chèque thé sur la SARL Somat, de 4 447,50 F en demandant à M. Bonaudo des explications à ce sujet, pour connaître l'affectation à lui donner, puisque ce paiement n'était pas attendu;
Qu'il sollicitait qu'il rentre en contact avec lui, au plus tard le 20 septembre 1993, afin de régulariser sa situation quant à la SARL Somat, ce qui contredit la thèse d'une acceptation tacite d'un nouveau contrat de franchisage avec cette société, à cette date;
Que la cour relève à cet égard que, contrairement aux autres paiements effectués par M. Maurice Bonaudo, aucune facture n'a jamais été rédigée par le franchiseur au nom de la SARL Somat;
Qu'il est d'ailleurs constant que la SARL Somat n'a jamais payé le droit d'entrée dans la franchise, qui était de 150 F, et qu'après le 4 octobre 1993, date de la résiliation du contrat de franchisage, elle n'a non plus envoyé aucune somme destinée à payer une éventuelle redevance de franchise à la SARL Verjo, ce qui contredit la thèse d'un contrat tacite ayant existé entre les parties, alors qu'il est établi qu'elle a continué à exploiter l'enseigne Barber Shop après le 4 octobre 1993, pendant plusieurs mois;
Attendu ensuite qu'aux termes d'un arrêt prononcé par la Cour d'appel d'Aix-en-Provence le 6 mars 1996, dont il n'est pas contesté qu'il a acquis autorité de chose jugée, la SARL Somat, dont M. Maurice Bonaudo était le gérant, a été condamnée, "in solidum" avec M, Maurice Bonaudo, à payer à M. Guy Barber la somme de 50 000 F à titre de dommages et intérêts pour contrefaçon; qu'il lui était reproché d'avoir retiré la marque Barber Shop de son salon du centre ville le 1er septembre 1993, alors que le contrat de franchisage n'était pas encore résilié, et de l'avoir transférée au salon du centre commercial Leclerc, puis de l'avoir exploitée après la résiliation, intervenue en conséquence de sa lettre du 4 octobre 1993, en qualité d'enseigne, jusqu'au 25 mai 1994;
Que cet arrêt relevait qu'il y avait eu une négociation entre les parties pour conclure un contrat de franchise avec la SARL, Somat mais que celles-ci n'avaient pas été concrétisées par un accord définitif entre elles, ce qui n'est pas particulièrement contestable; qu'en effet M. Bonaudo n'invoque nullement quelles auraient été les conditions contractuelles tacitement convenues selon lui entre la SARL Somat et M. Guy Barber ou la SARL Verjo, et notamment pas le montant des contreparties financières attendues par le franchiseur;
Attendu qu'au vu de l'ensemble de ces éléments il apparaît que M. Maurice Bonaudo a violé l'article 4 du contrat de franchisage, qui lui interdisait, durant la période d'exécution du contrat, d'exploiter un salon sous une autre enseigne que Barber Shop, ce qu'il a fait à compter du 1er septembre 1993 pour le salon du centre ville, dont l'enseigne était MB Coiffure, sans l'accord de M. Guy Barber;
Qu'il ne résulte pas de ces éléments que M. Guy Barber, ou la SARL Verjo, ont accepté l'utilisation de l'enseigne et de la marque Barber Shop par la SARL Somat, le contrat de franchisage ayant été négocié mais non finalisé entre les parties, faute de consentement de leur part sur les prestations offertes et le prix à payer en contrepartie;
Qu'il s'ensuit que M. Maurice Bonaudo ne pouvait pas transmettre le savoir-faire procuré par M. Guy Barber dans le cadre du contrat de franchisage à la SARL Somat, personne morale, tierce à leur convention, et non franchisée elle-même, ainsi qu'il ne conteste pas l'avoir fait, en violation des articles 5 et 13 du contrat;
Attendu que cette faute contractuelle justifie que M. Maurice Bonaudo soit condamné à payer à la SARL Verjo une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts, en ce compris la réparation de son entier préjudice commercial, en sus du préjudice déjà réparé par l'allocation de la somme de 50 000 F (7 622,45 6) à titre de dommages et intérêts du fait de la contrefaçon retenue, toutes causes de préjudice confondues;
Attendu par ailleurs que la SARL Verjo ne justifie pas par les documents produits que M. Bonaudo est à l'origine du contrôle de ses prix effectué en mai 1997 par l'administration de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, ni que ce contrôle lui a causé un préjudice, ni non plus qu'il puisse être tenu pour personnellement responsable de menaces que M. Guy Barber déclare avoir reçu de la part d'une tierce personne, indiquant intervenir en qualité de médiateur dans son conflit avec M. Bonaudo;
Que d'autre part les reproches adressés à une personne physique ou une association dirigée contre les franchiseurs, qui seraient intervenues auprès de franchisés, fut-ce à l'instigation supposée de M. Bonaudo, ne peuvent donner lieu à une action judiciaire qu'envers ces personnes physique ou morale, cette dernière étant distincte des associés qui la composent;
Qu'il convient donc de rejeter les demandes de dommages et intérêts fondées sur ces moyens, injustifiées;
Sur les frais de procédure et les dépens:
Attendu qu'il y a lieu de confirmer aussi le jugement déféré en ce qu'il avait condamné M. Bonaudo aux dépens de première instance, en ce compris les frais de l'expertise judiciaire ordonnée par le Tribunal de commerce de Montpellier, qui a contribué à la solution de ce litige, et à payer à la SARL Verjo une somme de 4 000 F (609,80 euros) au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Qu'il convient d'allouer à la SARL Verjo la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile que devra lui payer M. Maurice Bonaudo, condamné aux entiers dépens d'appel;
Attendu qu'il n'est pas inéquitable en l'espèce de laisser à la charge de M, Maurice Bonaudo les frais de procédure qui ne sont pas compris dans les dépens;
Par ces motifs: Statuant, publiquement, en chambres réunies, après renvoi de cassation et par arrêt contradictoire, Reçoit les appels en la forme; Vu larticle 9 du nouveau Code de procédure civile, Vu les articles 1109, 1110, 1116, 1131, 1134, 1147, 1148, 1149, 1150, 1165, 1364 et 1315 du Code civil, Vu larticle 1er de la loi du 31 décembre 1989 et larticle lier du Décret n° 91-337 du 4 avril 11991, Vu les articles 6, 7 et 34 de lordonnance du 1er décembre 1986, Vu larrêt de la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation prononcé k 21 novembre 2000, Réformant le jugement du Tribunal de commerce de Montpellier prononcé le 21 février 1996, Condamne M. Maurice Bonaudo à payer à la SARL Verjo, venant aux droits de M. Guy Barber, à titre de dommages et intérêts pour : - le préjudice financier causé par la rupture anticipée du contrat de franchisage conclu le 18 novembre 1992, la somme de 10 290 euros, - le préjudice commercial causé tant par cette rupture que par linexécution des obligations contractuelles de M. Maurice Bonaudo, une somme de 10 000 euros, toutes autres causes confondues; Confirme le jugement entrepris pour le surplus; Rejette toutes les autres demandes des parties; Condamne M. Maurice Bonaudo aux dépens dappel et à payer à la SARL Verjo la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de larticle 700 du nouveau Code de procédure civile ; Autorise la SCP Fontaine-Macaluso-Julien, titulaire dun office davoué, à recouvrer directement les dépens conformément aux dispositions de larticle 699 du nouveau Code de procédure civile.