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Décisions

CA Paris, 21e ch. A, 31 janvier 2001, n° 98-39456

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Livre distribution réseau (SA)

Défendeur :

Oller

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Breillat

Conseillers :

Mme Phytilis, M. Esperben

Avocats :

Mes Moreau Defarges, Bourdais.

Cons. prud'h. Créteil, sect. encadr., du…

29 septembre 1998

Statuant sur l'appel régulièrement formé par la société Larousse diffusion réseau, actuellement dénommée Livre distribution réseau (LDR), d'un jugement du Conseil de prud'hommes de Créteil, section encadrement, en date du 29 septembre 1998, dans un litige l'opposant à Pierre Oller, et qui sur la demande de ce dernier:

- en confirmation de l'ordonnance de conciliation;

- en paiement des sommes suivantes:

- 113 920,69 F, à titre de rappel de salaires des mois d'octobre 1996 au mois de mars 1998,

- 49 006 F, à titre d'heures de délégation,

- 5 000 F, au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile

et sur la demande reconventionnelle de la société LDR en remboursement des sommes de 29 240,07 F et de 25 179,90 F et en paiement de la somme de 30 000 F, à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, et de celle de 10 000 F, au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

a:

- confirmé l'ordonnance du 11 décembre 1997 du bureau de conciliation qui avait alloué, à titre de provision, à Pierre Oller une somme d'un montant brut de 30 000 F;

- condamné la société LDR à verser à Pierre Oller les sommes suivantes:

- 81 920,69 F, à titre de rappel de salaire du 1er octobre 1996 au 31 mars 1998,

- 5 000 F, au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- débouté Pierre Oller du surplus de sa demande;

- débouté la société LDR de sa demande reconventionnelle.

Pour l'exposé des faits, la cour entend se référer à celui des premiers juges.

Considérant que la société LDR, par conclusions visées par le greffier à l'audience, sollicité:

- la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a débouté Pierre Oller de sa demande en paiement de la somme brute de 49 006 F, à titre d'heures de délégation couvrant la période allant du 1er octobre 1996 au 31 mars 1998;

- son infirmation pour le surplus;

- la condamnation de Pierre Oller à lui rembourser "la somme nette de 25 179,90 F pour un montant brut de 30 000 F", avec intérêts au taux légal à compter du 17 décembre 1997, date de son règlement "jusqu'au jour du parfait paiement" résultant de l'ordonnance provisionnelle du 11 décembre 1997, notifiée à parties par lettre recommandée avec accusé de réception du 17 décembre 1997;

- le débouté de Pierre Oller de sa demande en paiement de la somme de 48 984,41 F;

- la condamnation de Pierre Oller à lui verser une somme de 30 000 F, à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Considérant que Pierre Oller par conclusions visées par le greffier à l'audience, demande à la cour:

- de débouter la société LDR de l'ensemble de ses demandes,

- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a confirmé l'ordonnance du 11 décembre 1997, et condamné la société LDR à lui verser, à titre de rappel de salaire du 1er octobre 1996 au 31 mars 1998 la somme de 81 920,69 F, ainsi que celle de 5 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- de condamner la société LDR à lui verser une somme de 49 984,41 F, à titre de rappel de salaire pour la période comprise entre le 1er avril 1998 et le 31 décembre 1998, ainsi que celle de 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Que pour l'exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux conclusions qu'elles ont soutenues à l'audience.

Sur quoi, LA COUR,

Sur le paiement de la rémunération minimale garantie

Considérant que Pierre Oller a été engagé par la société LDR en qualité de représentant à temps complet, suivant contrat de travail écrit du 10 octobre 1994, délimitant son secteur d'activité aux communes de Noiseau-la Queue-en-brie, Chennevières et Ormesson; qu'un avenant du même jour a fixé le quota du chiffre d'affaires minimum mensuel à réaliser à 51 000 F; que par avenants qui ont tous été acceptés et signés par Pierre Oller, de nouveaux quotas ont été fixés, le dernier en date du 30 septembre 1997 l'ayant été à hauteur de 25 000 F; que dans le courant du mois de juin 1995, Pierre Oller a demandé le paiement d'arriérés de salaires, en se fondant sur les dispositions de l'article 5 de la convention collective nationale des VRP qui prévoit que le représentant de commerce à temps complet, engagé à titre exclusif par un seul employeur, comme c'était le cas de Pierre Oller, a droit, au titre de chaque trimestre d'emploi à plein temps, à une ressource minimale forfaitaire qui, déduction faite des frais professionnels, ne pourra être inférieure à 520 fois le taux horaire de salaire minimum de croissance;

Considérant qu'en se fondant sur l'insuffisance de ses résultats et sur les documents qui justifiaient de son activité, la société LDR a rejeté cette demande, estimant que Pierre Oller n'exerçait, en fait, qu'une activité réduite à temps partiel;

Considérant que le contrat de travail de Pierre Oller prévoit qu'il exercera son activité à temps plein, de façon exclusive et constante, qu'il sera rémunéré à la commission et qu'il sera libre d'organiser ses horaires de travail comme il l'entendra; qu'il est également stipulé à l'article 5 dudit contrat, intitulé "activité et quota", que Pierre Oller devra réaliser chaque jour en moyenne 6 "argumentations" avec la clientèle, une argumentation étant constituée "par le déroulement complet du plan de vente, tel qu'il est défini par la société"; qu'il devra rendre compte de son activité par la production de rapports journaliers à transmettre régulièrement à la société, et qu'il devra atteindre un quota minimum mensuel de chiffre d'affaires hors taxes, apprécié sur une moyenne établie sur trois mois consécutifs; que l'établissement des rapports hebdomadaires justifiant ce nombre d'argumentations ainsi que la réalisation des quotas précités constituent, aux termes mêmes de cet article 5, "les conditions fondamentales de l'exécution du contrat ainsi qu'une clause déterminante pour toute appréciation de l'activité à temps complet";

Considérant que l'article 9 de ce même contrat, intitulé "rémunération forfaitaire minimale" stipule que le représentant ne pourra prétendre au bénéfice de la rémunération forfaitaire minimale que s'il respecte la clause d'exclusivité et qu'il justifie d'une activité à plein temps par ses comptes-rendus d'activité et son quota mensuel;

Considérant que pour justifier son refus de lui verser cette rémunération forfaitaire minimale durant la période allant du 1er octobre 1996 au 31 décembre 1998, la société LDR relève que Pierre Oller qui s'était engagé à réaliser en 1996 un chiffre d'affaires de 50 000 F, et en 1997 d'abord de 50 000 F, puis à compter du 1er octobre 1997, de 25 000 F, ainsi que 6 argumentations par semaine, n'a nullement respecté ses obligations contractuelles, malgré les nombreux avertissements qui lui ont été adressés; que cette insuffisance professionnelle caractérisée a, au demeurant, été reconnue les 6 janvier et 30 juillet 1998 par le ministère de l'Emploi et de la Solidarité, lors de demandes d'autorisation de licenciement présentées par la société LDR, Pierre Oller exerçant en effet des mandats de délégué syndical, de membre du comité d'entreprise et du comité d'établissement; qu'ainsi au premier trimestre 1997, son chiffre d'affaires s'est élevé à 13 054,09 F (alors qu'il aurait dû être de 150 000 F), en septembre 1997 à 11 478,63 F, en octobre 1997 à 303,32 F, et en novembre et décembre 1997, il a été nul; qu'en ce qui concerne les six argumentations qu'il s'était contractuellement engagé à réaliser chaque jour, soit 30 par semaine, il s'est avéré que durant les mois d'avril et de mai 1997, il n'a jamais dépassé huit argumentations par semaine et qu'au cours du quatrième trimestre 1997, durant 5 semaines, il n'a jamais dépassé 11 argumentations;

Considérant qu'il incombe à Pierre Oller de rapporter la preuve qu'il a exercé son activité à temps plein, dès lors qu'il prétend bénéficier de la rémunération minimale forfaitaire;

Considérant qu'en regard des éléments que lui oppose la société LDR et qui révèlent que, durant la période considérée, il n'a réalisé que très peu d'argumentations et qu'il n'a jamais atteint les quotas du chiffre d'affaires contractuellement fixés et non imposés, Pierre Oller ne démontre pas qu'il ait exercé ses fonctions à temps plein; qu'il ne démontre d'ailleurs pas davantage qu'il ait été privé des moyens d'exercer normalement son activité;

Considérant que le fait de lui refuser le paiement de la ressource minimale trimestrielle garantie ne saurait constituer une sanction financière prohibée par la loi, alors que l'activité des représentants s'apprécie compte tenu des stipulations contractuelles et des conditions effectives d'exercice de l'activité dans le cadre du contrat de représentation liant les parties;

Considérant qu'en l'état de ces constatations, il y a lieu d'infirmer le jugement déféré et de débouter Pierre Oller de sa demande de rappel de salaire pour la période allant du 1er octobre 1996 au 31 décembre 1998et de lui ordonner de rembourser à la société LDR la somme nette de 25 179 F (soit 30 000 F brut), et ce avec intérêts légaux à compter de la notification du présent arrêt.

Sur le paiement des heures de délégation

Considérant que c'est à bon droit et pour les motifs qu'ils en ont donné, et que la cour adopte, que les premiers juges ont débouté Pierre Oller de cette demande; qu'il y a lieu de confirmer sur ce point le jugement entrepris;

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

Considérant que la société LDR sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, faute pour elle de démontrer que l'action de Pierre Oller dont la légitimité avait été reconnue par les premiers juges, présente un caractère malicieux.

Sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile

Considérant qu'il y a lieu d'allouer, sur le fondement de ces dispositions, une somme de 8 000 F à la société LDR et de débouter Pierre Oller de sa demande à ce titre.

Par ces motifs: Par arrêt contradictoire; Infirme le jugement déféré en ce qu'il a fait droit à la demande en paiement de rappel de salaire de Pierre Oller, et a confirmé l'ordonnance du 11 décembre 1997, et statuant à nouveau: Déboute Pierre Oller de sa demande de rappel de salaire pour la période du 1er octobre 1996 au 31 décembre 1998; Le condamne à rembourser à la société LDR la somme nette de 25 179,90 F (vingt cinq mille cent soixante-dix-neuf francs et quatre-vingt-dix centimes), à la société LDR, avec intérêts de droit à compter de la notification du présent arrêt; Confirme le jugement en ce qu'il a débouté la société LDR de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, de sa demande au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et l'a condamnée à verser à Pierre Oller la somme de 5 000 F (cinq mille francs) sur ce même fondement; Condamne Pierre Oller à verser à la société LDR une somme de 8 000 F (huit mille francs) au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et le déboute de sa demande à ce titre; Condamne Pierre Oller aux dépens.