CA Pau, ch. soc., 4 avril 2002, n° 01-01198
PAU
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Cabinet Blanc (SARL)
Défendeur :
URSSAF des Landes
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Zanghellini
Conseillers :
M. d'Uhalt, Mme Claret
Avocats :
Mes Boillot, Marty, Lamorère.
LA COUR,
Suivant jugement en date du 23/03/2001, à la lecture duquel il est renvoyé pour l'exposé des faits et de la procédure le Tribunal des affaires de la sécurité sociale des Landes :
- a déclaré recevable en la forme le recours formé par la SA Cabinet Blanc contre la décision de la Commission de recours amiable de l'URSSAF du 18/09/1996 ;
- a débouté la SA Cabinet Blanc de son exception de nullité et de l'ensemble de ses demandes;
- a confirmé la décision de la Commission de recours amiable du 18/09/1996;
- a condamné la SA Cabinet Blanc au paiement des sommes dues en vertu du redressement notifié et aux majorations de retard régulièrement décomptées et notifiées en fonction de la date de paiement effectif du principal.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 19/04/2001, la SARL Cabinet Blanc a régulièrement interjeté appel du jugement notifié le 26/03/2001.
La société appelante rappelle tout d'abord qu'elle faisait l'objet d'un contrôle en septembre 1993 clôturé par une notification de redressement le 18/10/1995 qui appelait des observations faites par lettre recommandée avec avis de réception du 31/10/1995.
Ces remarques entraînaient de nouvelles vérifications faites le 23/01/1996.
La société appelante soulève à titre principal la nullité du redressement au motif que les opérations de vérification puis l'établissement du redressement seraient ... d'une totale subjectivité de la part de l'enquêtrice".
Elle en veut pour preuve les mentions du PV de l'huissier qui assistait aux opérations du second contrôle.
La SARL Cabinet Blanc en déduit " que le comportement du contrôleur a déterminé, la suite des événements à savoir que des a priori l'ont nécessairement conduit à trouver quelque chose à reprocher au Cabinet Blanc ".
A titre subsidiaire la société Cabinet Blanc conteste le bien fondé du redressement en observant successivement
- qu'à la propre initiative de l'agent de contrôle il n'a pas été pris connaissance de tous les contrats d'agents commerciaux ;
- que l'obligation d'inscription des agents commerciaux au registre d'agents commerciaux n'incombe qu'à ses derniers et que le mandant ne saurait être sanctionné pour des manquements commis par le mandataire. Du chef du remboursement des frais professionnels à caractère forfaitaire alloués à son PDG la société Cabinet Blanc souligne encore que rien ne démontrerait que les documents justificatifs de cette dotation de 1 021,41 euros par mois n'étaient pas suffisamment démonstratifs de leur réalité et de l'utilisation de cette somme conformément à son objet.
En ce qui concerne la mise à disposition des véhicules appartenant à la société, la société appelante fait plaider que les deux véhicules de marque BMW étaient utilisés par ses cadres pour l'exercice de leur profession et non pas à titre personnel.
En définitive la SARL Cabinet Blanc demande à la cour de réformer le jugement, de débouter l'URSSAF de toutes ses prétentions et de la condamner au paiement de 1 524,50 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
L'URSSAF des Landes rétorque que la nullité prétendue du redressement n'est retenue par aucun texte applicable en la matière et qu'il ne saurait être reproché à l'inspecteur qui a reçu les observations de l'employeur de vouloir les vérifier avant d'établir son rapport définitif.
Sur le fond l'organisme intimé note que la société Cabinet Blanc ignorait les dispositions de l'article 1 du décret du 16/06/1992 alors que les articles L. 751-l du Code du travail et L. 311-2 et L. 311-3 du Code de la sécurité sociale disposent "qu'en absence de cotisation au régime d'assurance maladie et vieillesse propres aux travailleurs non salariés les agents commerciaux doivent être assujettis au régime général de la sécurité sociale".
De même en ce qui concerne les frais professionnels les allocations forfaitaires visent leur validité subordonnée à l'utilisation effective des allocations conformément à leur objet, preuve non rapportée en l'espèce.
L'URSSAF des Landes sollicite la confirmation du jugement et l'allocation de 1 524,49 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Motivation de l'arrêt
1- Sur la régularité du contrôle opéré par l'URSSAF et gui portait sur l'examen des comptes sociaux 1993 et 1994
Conformément aux dispositions de l'article R. 243-59 du Code de la sécurité sociale (ancienne rédaction) l'inspecteur adressait à la société une lettre recommandée avec avis de réception du 18/10/1995 qui rappelait la nature et le montant de redressement opérés en raison :
- de la non-inscription des agents commerciaux au régime des travailleurs non salariés 17 489,56 euros;
- du remboursement de frais professionnels à caractère forfaitaire 8 644,93 euros;
- de l'avantage en nature constitué par la mise à disposition d'un véhicule 1 945,71 euros et 2 089,47 euros;
L'expédition de ce courrier faisait suite à des investigations dont la régularité n'est pas contestée à ce jour.
A réception de la lettre motivée que la société Agence Blanc lui adressait le 31/10/1995, l'inspecteur décidait de poursuivre ses investigations en sollicitant la production :
- de 12 contrats de mandat,
- de la justification du montant des commissions versées à ses 12 agents (38 702,54 euros en 1993, 40 620,80 euros en 1994),
- des inscriptions au registre des agents commerciaux,
- des annexes aux déclarations fiscales n° 2065 pour 1993 et 1994.
Il décidait finalement "d'achever sa vérification le 23 janvier 1996".
A la suite de cette vérification, en présence d'un huissier mandaté par l'assujetti une nouvelle lettre recommandée du 29/01/1996 :
- maintenait le premier chef de redressement,
- mais réduisait les deux suivants à 5 833,46 euros et 4 035,17 euros.
Or contrairement à ce que soutient la SARL Agence Blanc rien n'indique qu'en agissant de la sorte l'enquêtrice de l'URSSAF manifestait un quelconque parti pris.
A l'inverse face à l'assujetti qui excipait faussement "de la clôture définitive des opérations de vérifications" (cf - constat d'huissier page 2) l'enquêtrice se voit à tort reprocher un défaut d'objectivité.
Ce prétendu défaut d'objectivité est démenti par toute la chronologie qui précède et ne saurait se déduire d'un échange vif de propos en présence de l'huissier mandaté par l'employeur.
Le jugement sera donc confirmé de ce chef.
2- Sur le bien fondé du redressement notifié le 04/07/1996 date de l'expédition de la mise en demeure récapitulative
2-1- le statut des agents commerciaux
En présence de contrats d'agents commerciaux la seule circonstance tirée de leur défaut d'inscription au registre des agents commerciaux ne peut, à elle seule, suffire à établir la réalité de relations subordonnées. En revanche le rapport de contrôle établit sans autre contestation à ce jour "que les agents commerciaux n'effectuaient aucun travail de prospection mais recevait un fichier de clients préétabli par les salariés téléprospecteurs qui prenaient également les rendez-vous avec les clients".
Toutefois l'existence d'un service organisé par l'employeur ne permet pas pour autant de retenir que lesdits agents n'organisaient pas librement leurs temps en assurant la charge de leurs frais professionnels et de leurs inscriptions auprès des organismes sociaux.
Il suit que nonobstant leur non-inscription au registre spécial des agents commerciaux et l'absence de versement d'une cotisation aux organismes de protection sociale de travailleurs non salariés, ils n'avaient pas à être assujettis au régime général de la sécurité sociale en qualité de représentant statutaire.
Le jugement sera donc réformé sur ce point.
2-2- le remboursement de frais professionnels à caractère forfaitaire alloués au PDG de la société
Contrairement à ce qu'il soutient aujourd'hui le paiement au gérant d'une allocation mensuelle de 1 021,41 euros par mois en remboursement de frais professionnels de déplacement ne tient nullement compte de la mise à sa disposition d'un véhicule BMW.
Enfin les constatations de l'agent enquêteur ne sont pas sérieusement contredites sur les deux points relatifs à l'absence de tout justificatif "quant à Monsieur Blanc se déplace avec un véhicule personnel ou non" d'une part, au défaut de justificatifs rigoureux du kilométrage mensuel parcouru d'autre part.
C'est donc à bon droit qu'il a été retenu que l'allocation forfaitaire mensuelle de 1 021,41 euros ne pouvait être considérée comme utilisée conformément à son objet au sens de l'arrêté ministériel du 26/05/1975.
Le jugement sera donc confirmé de ce chef.
2-3 le redressement relatif à la mise à disposition des deux véhicules
Dans ses écritures développées devant le tribunal des affaires de la sécurité sociale le 31/10/2000 l'URSSAF demandait à cette juridiction de valider la décision de la Commission de recours amiable du 19/11/1996 et de condamner la SARL Cabinet Blanc au paiement des sommes suivante (outre intérêts) :
- agents commerciaux non inscrits au régime des travailleurs non salariés : 17 489,56 euros + 18 372,70 euros,
- remboursement de frais professionnels 5 833,46 euros,
- avantages en nature des deux véhicules 4 035,17 euros,
Ce dispositif des écritures de l'URSSAF saisissait le tribunal des affaires de la sécurité sociale de l'ensemble de la contestation sans qu'il y ait abandon subreptice du 3ème chef des prétentions de l'organisme social.
Il suit que la société appelante se prévaut à tort et allusivement des dispositions de l'article 564 du nouveau Code de procédure civile.
Or indépendamment de l'omission commise par les premiers juges il n'est pas contesté à ce jour, que les deux véhicules BMW mis à la disposition du gérant d'une part étaient couverts par une assurance privé/professionnel qui n'aurait pas eu lieu d'être s'ils avaient été utilisés uniquement pour les besoins professionnels des deux dirigeants.
De même il est encore constant qu'aucun garage ne pouvait recevoir les deux véhicules de luxe en fin de semaine.
Ces deux présomptions concordantes additionnées autorisaient un redressement assis sur la valeur réelle de l'avantage en nature pour les deux exercices 1993/1994.
3- Sur l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile
L'équité et la situation respectives des parties ne commandent pas d'admettre l'une ou l'autre des deux parties au bénéfice de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement en matière de sécurité sociale et en dernier ressort. - Vu l'article R. l44-6 du Code de la sécurité sociale; 1) Reçoit l'appel interjeté par la SARL Cabinet Blanc le 19/04/2001. 2) Réforme le jugement rendu le 23/03/2001 par le Tribunal des Affaires de la sécurité sociale des Landes mais seulement en ce qu'il a assujetti les agents commerciaux de la SARL Cabinet Blanc au régime général de la sécurité sociale en qualité de représentants statutaires. 3) Le confirme pour le surplus et y ajoutant valide le redressement qui portait sur la mise à disposition de véhicules BMW au gérant et du directeur de la société Cabinet Blanc. 4) Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.