CA Versailles, 1re ch. sect. 2, 22 avril 2003, n° 02-00212
VERSAILLES
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Daimler Chrysler (SARL)
Défendeur :
Potosniak, Nordling Automobiles (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Chaix
Conseillers :
M. Clouet, Mme Faivre
Avocats :
Mes Silvere, Ricard, Vigier, SCP Bommart Minault.
Faits et procédure
Suivant déclaration en date du 26 octobre 1999, Monsieur Potosniak a fait citer la société Chrysler France devant le Tribunal d'instance de Boulogne Billancourt afin d'obtenir sa condamnation au remboursement des frais de changement de culasses fait par la société Nordling Automobiles.
Par jugement en date du 17 février 2000, Monsieur Azoulay a été désigné en qualité d'expert afin d'examiner les culasses changées.
Suivant acte en date du 5 décembre 2000, Monsieur Potosniak a fait assigner la SARL Nordling Automobiles, en se référant au rapport de l'expert, afin d'obtenir le remboursement des frais de changement de culasses et le versement de dommages-intérêts.
Par jugement en date du 24 avril 2001, le tribunal a joint les deux affaires et étendu l'expertise au garage Nordling Automobiles et l'expert a déposé son rapport le 28 septembre 2001.
Par jugement contradictoire en date du 13 décembre 2001, le Tribunal d'instance de Boulogne Billancour a rendu la décision suivante:
- Met hors de cause la société Nordling Automobiles.
- Donne acte à la société Daimler Chrysler France qu'elle intervient aux droits de la société Chrysler France suite à la fusion intervenue le 30 juillet 1999;
- Condamne la société Daimler Chrysler France à payer à Monsieur Potosniak la somme de 2 339,51 euros avec intérêts au taux légal à compter du 17 novembre 1999;
- Condamne la société Daimler Chrysler France à payer à Monsieur Potosniak la somme de 762,25 euros à titre de dommages-intérêts;
- Condamne la société Daimler Chrysler France à payer à Monsieur Potosniak la somme de 228,67 euros et à la société Nordling Automobiles la somme de 762,25 euros par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
- Condamne la société Daimler Chrysler France aux dépens qui comprendront les frais d'expertise.
Par déclaration en date du 10 janvier 2002, la société Daimler Chrysler France a interjeté appel de cette décision.
La société Daimler Chrysler France affirme qu'elle n'est pas l'importateur du véhicule litigieux ni le représentant en France du constructeur américain de sorte qu'elle ne pourrait être poursuivie par Monsieur Potosniak que sur le fondement de la garantie contractuelle c'est-à-dire la garantie de toute pièce éventuellement défectueuse pendant une période de trois ans.
Or, Monsieur Potosniak n'était plus sous garantie-constructeur lors des faits litigieux.
En conséquence, Monsieur Potosniak ne peut justifier de l'existence d'un lien contractuel direct ou découlant d'une chaîne de contrats translatifs de la propriété du véhicule litigieux.
Subsidiairement, elle considère que Monsieur Potosniak ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un vice caché, les conclusions de l'expert ne permettant pas de trancher la question de l'existence d'un vice caché.
Elle estime enfin n'avoir pas manifesté de résistance abusive mais avoir au contraire tenté un règlement amiable qui, il est vrai, n'a pas abouti.
La société Daimler Chrysler France demande donc en dernier à la cour de:
Vu l'acte de cession du 22 mai 1996,
Vu les articles 1648 et suivant du Code Civil,
A titre principal,
- Constater que le véhicule litigieux a été importé en Belgique par une société belge, et en France par Monsieur Potosniak;
- Constater que la société Daimler Chrysler France n'est pas le représentant du constructeur américain,
- Constater que la société Daimler Chrysler France n'est pas dans la chaîne des contrats de vente du véhicule litigieux;
En conséquence,
- Réformer le jugement du Tribunal d'instance de Boulogne Billancourt du 13 décembre 2001 en ce qu'il a condamné la société Daimler Chrysler France;
Et statuant à nouveau:
- Constater et prononcer la mise hors de cause de la société Daimler Chrysler France;
A titre subsidiaire:
- Constater que la preuve du vice caché n'est pas rapportée;
- Infirmer le jugement en ce qu'il a retenu l'existence d'un vice caché sur le véhicule de Monsieur Potosniak,
- Infirmer le jugement précité en ce qu'il a condamné la société Daimler Chrysler France à verser une somme de 762,25 euros à titre de dommages-intérêts à Monsieur Potosniak,
En tout état de cause:
- Réformer le jugement du Tribunal d'instance de Boulogne Billancourt en ce qu'il a condamné la société Daimler Chrysler France à verser une somme de 228,67 euros à Monsieur Potosniak, et une somme de 762,25 euros à la société Nordling France au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
- Condamner les co-intimés à verser à la société Daimler Chrysler France solidairement une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
- Condamner les co-intimés aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Monsieur Potosniak estime avoir rapporté la preuve de ce que la société Daimler Chrysler France a repris l'importation des véhicules et est le représentant de la société américaine.
Il affirme également que le rapport de l'expert démontre que le véhicule litigieux était entaché d'un vice rendant le véhicule impropre à l'usage auquel il était destiné.
Subsidiairement, il sollicite le remboursement des frais de remplacement des culasses par la société Nordling Automobiles en raison du doute qui subsiste sur la nécessité du remplacement des culasses.
Monsieur Potosniak prie donc en dernier la Cour de:
- Débouter la société Daimler Chrysler France de toutes ses demandes, fins et conclusions;
- Confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions;
A titre subsidiaire, pour le cas où la Cour ne retiendrait pas la responsabilité de la société Daimler Chrysler France,
- Condamner la société Nordling Automobiles à payer à Monsieur Potosniak la somme de 2 339,51 euros avec intérêts au taux légal à compter du 17 novembre 1999;
- Condamner la société Nordling Automobiles à payer à Monsieur Potosniak la somme de 1 524,49 euros à titre de dommages-intérêts;
- Condamner tous succombant au paiement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
- Condamner tous succombant aux entiers dépens.
La société Nordling Automobiles estime que le rapport de l'expert ne permet pas de démontrer le caractère prétendument inutile du remplacement des culasses puisque ce remplacement a permis de mettre fin aux désagréments rencontrés par Monsieur Potosniak.
Subsidiairement, elle sollicite que la société Daimler Chrysler France la garantisse, sur le fondement des articles 1641 et suivants du Code Civil, de toute condamnation éventuelle.
La société Nordling Automobiles demande donc en dernier à la cour de:
Recevant le concluant en son appel l'y déclarant bien fondé,
Y faisant droit,
- A titre principal, confirmer le jugement du Tribunal d'instance de Boulogne Billancourt du 13 décembre 2001 en ce qu'il a mis hors de cause la société Nordling Automobiles;
- A titre subsidiaire, condamner la société Daimler Chrysler France à relever et garantir la société Nordling Automobiles de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre;
- Condamner tout succombant au paiement d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
- Condamner la société Daimler Chrysler France aux entiers dépens.
La clôture a été prononcée le 16 janvier 2003 et l'affaire plaidée à l'audience du 25 février 2003.
Sur ce la cour
Considérant qu'en mars 1994, Monsieur Potosniak a fait l'acquisition en Belgique d'un véhicule "Voyager Turbo D".
Considérant qu'après avoir constaté une consommation excessive de liquide de refroidissement, Monsieur Potosniak a fait procéder, le 8 juin 1999, au remplacement de quatre culasses pour un montant de 2 339,79 euros par le garage société Nordling Automobiles
Sur la garantie de la société Daimler Chrysler France
Considérant que Monsieur Potosniak qui agit sur le fondement de l'article 1641 du Code civil, demande la condamnation de la société Daimler Chrysler France à lui rembourser le coût des réparations; que pour être débitrice de la garantie prévue par ce texte, cette dernière doit être l'un des vendeurs intermédiaires, ou le vendeur originaire.
Considérant que pour soutenir qu'elle n'est pas tenue à la garantie contractuelle susvisée, la société Daimler Chrysler France indique n'être ni l'importateur du véhicule litigieux ni le représentant légal de la société américaine Chrysler International Corporation
Considérant que la société Daimler Chrysler France qui n'existait pas à la date d'acquisition du véhicule, en 1994, exerce, selon les termes de l'acte de cession de fonds de commerce en date du 22 mai 1996, l'activité de distribution de Chrysler en France comme son prédécesseur, la société Sonauto, dont elle a repris l'activité.
Considérant que le véhicule litigieux a été acheté par Monsieur Potosniak en Belgique et importé par ce dernier en France; qu'il n'est en conséquence pas établi que la société Daimler Chrysler France est le vendeur intermédiaire, le distributeur l'importateur ou son ayant droit. Considérant que la société de droit américain Chrysler International Corporation est le fabricant du véhicule litigieux; que filiale de cette dernière, la société Daimler Chrysler France, n'en est pas pour autant automatiquement son représentant en France;
Qu'à défaut de précision à cet égard mentionnée sur l'extrait du registre du commerce, selon lequel elle exerce l'activité de "commerce réparation de véhicules automobiles - activités annexes: location sans chauffeur de véhicules, achat vente de véhicule d'occasion", il n'est pas établi qu'elle a la qualité de représentant en France de Chrysler International Corporation.
Considérant qu'il n'est en conséquence pas établi que la société Daimler Chrysler France est le vendeur antérieur, intermédiaire ou originaire, du véhicule litigieux; qu'elle n'est en conséquence par débitrice de la garantie prévue par l'article 1641 du Code civil; que le jugement qui a fait droit à la demande de Monsieur Potosniak à son encontre sera en conséquence infirmé.
Considérant qu'en équité, celle-ci sera déboutée de sa demande au titre des irrépétibles à l'encontre de l'intimé.
Sur l'obligation du garage société Nordling Automobiles
Considérant que pour demander la condamnation de la société Nordling Automobiles à lui rembourser le montant de la facture de remplacement des quatre culasses, Monsieur Potosniak invoque l'inutilité de la réparation effectuée.
Mais, considérant que Monsieur Azoulay, expert désigné par jugement rendu les 17 février 2000 et 25 avril 2001, a contrôlé les culasses qui ont été changées et a conclu qu'elle n'étaient pas endommagées;
Que cependant, il n'a pas été possible, dans un délai raisonnable, de poser ces culasses sur un moteur identique à celui équipant le véhicule litigieux;
Qu'il conclut en conséquence qu'il existe un doute quant au bien fondé du remplacement des culasses par le garage Nordling, étant observé que depuis ce remplacement, le moteur ne souffre d'aucun défaut.
Considérant que les doutes émis par l'expert ne constituent pas une preuve de l'inutilité du remplacement des culasses et d'une attitude fautive du garage Nordling, alors que le véhicule lui avait été confié en raison d'une surconsommation de liquide de refroidissement et qu'il avait l'obligation de procéder aux réparations nécessaires pour éviter toute surchauffe du moteur;
Que le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur Potosniak de sa demande à l'encontre du garage société Nordling Automobiles.
Considérant que Monsieur Potosniak sera condamné à payer au garage société Nordling Automobiles une somme de 800 euros par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Considérant que Monsieur Potosniak qui succombe dans ses prétentions supportera la charge des dépens.
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a mis hors de cause la société Nordling Automobiles. Statuant à nouveau Déboute Monsieur Potosniak des ses demandes à l'encontre de la société Daimler Chrysler France Condamne Monsieur Potosniak à payer au garage société Nordling Automobiles une somme de 800 euros par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Le Condamne à tous les dépens de 1ère instance et d'appel qui seront recouvrés directement contre lui par la SCP Julien, Lecharny & Rol et la SCP Bommart & Minault, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.