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Décisions

CA Montpellier, 3e ch. corr., 27 novembre 2001, n° 01-00786

MONTPELLIER

Arrêt

Infirmation partielle

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Brossier

Avocat général :

M. Legrand

Conseillers :

Mme Salvan-Bayle, M. Grimaldi

Avocat :

Me Plainecassagne-Tournier.

TGI Rodez, ch. corr., du 14 mars 2001

14 mars 2001

Rappel de la procédure:

Le jugement rendu le 14 mars 2001 par le Tribunal de grande instance de Rodez a renvoyé Madame C Sylvie épouse D des fins de la poursuite sans peine ni dépens en application des dispositions de l'article 470 du Code de procédure pénale.

Alors qu'elle était prévenue:

* d'avoir à Rodez (12), et en tout cas sur le territoire national, depuis le 19.01.1997 et en tout cas depuis temps non prescrit, exercé à but lucratif une activité de production, de transformation, de réparation ou de prestation de services, ou accompli un acte de commerce, en l'espèce en employant un salarié C Louis en se soustrayant intentionnellement à l'obligation de transmettre à l'organisme de recouvrement des cotisations au régime général de sécurité sociale la déclaration nominative préalable à l'embauche de ce salarié,

Infraction prévue par art. L. 362-3, art. L. 324-9, art. L. 324-10, art. L. 324-11, art. L. 320, art. L. 143-3 Code du travail et réprimée par art. L. 362-3, art. L. 362-4, art. L. 362-5 Code du travail;

* d'avoir à Rodez (12), entreprise out cas sur le territoire national, depuis le 19.01.1997 et en tout cas depuis temps non prescrit, effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur à savoir une activité de diététicienne sans en posséder la qualité d'un bien ou d'un service,

Infraction prévue par art. L. 121-1, art. L. 121-5, art. L. 121-6 al. 1 Code de la consommation et réprimée par art. L. 121-6, art. L. 121-4, art. L. 213-1 Code de la consommation;

* d'avoir à Rodez (12) et en tout cas sur le territoire national, depuis le 19.01.1997 et depuis temps non prescrit, sans droit, fait usage ou s'être réclamée d'une qualité dont les conditions d'attribution ont été fixées par l'autorité publique, en l'espèce le titre de masseur-kinésithérapeute,

Infraction prévue par art. 433-17 Code pénal et réprimée par art. 433-17, art. 433-22 Code pénal;

Appel:

L'appel a été interjeté part le Ministère public le 19 mars 2001.

Demandes et moyens des parties:

Le Ministère public appelant sollicite la condamnation de Sylvie C épouse D et le prononcé d'une peine d'amende.

La prévenue, non appelante, sollicite la confirmation du jugement déféré, et fait valoir que le bénévolat et l'entraide familiale sont exclus du champ d'application du travail dissimulé et dépourvus de tout objectif marchand; et que C Louis était un bénévole non rémunéré;

Que le terme "diététique" est un terme générique et ne saurait s'analyser "ipso facto" au fait de se prévaloir d'une activité de diététicien, titulaire d'une spécialité qu'elle n'a, de surcroît, jamais revendiqué et que le délit de publicité de nature à induire en erreur n'est pas établi;

Qu'à aucun moment elle n'a fait usage du titre de masseur kinésithérapeute et n'a pratiqué aucun "massage"; qu'elle utilise un appareil Cellu M6 pour lequel elle a reçu une formation de vendeur et qu'il ne peut y avoir aucune confusion dans l'esprit des clients entre ses activités de remise en forme et l'activité d'un masseur kinésithérapeute;

Motifs de la décision:

LA COUR, après en avoir délibéré,

Sur la procédure:

L'appel régulier en la forme et dans les délais doit être déclaré recevable;

La prévenue comparaît et il y a lieu de statuer par arrêt contradictoire;

Sur l'action publique:

Attendu qu'il résulte du dossier et des débats les faits suivants:

Sylvie C épouse D est professeur diplômée de danse et exerce dans le cadre d'une SCM "X"; en 1996 elle a pris la gérance du centre de soins "Y" qui propose des soins en matière d'amincissement, détente et équilibre alimentaire; il lui est reproché d'employer son père C Louis, kinésithérapeute à la retraite sans l'avoir déclaré, de faire de la publicité de nature à induire en erreur dans ses prospectus publicitaires en proposant une activité de diététicienne et d'avoir fait usage du titre de kinésithérapeute;

1. Sur l'usurpation du titre de masseur kinésithérapeute:

Attendu que comme les premiers juges l'ont relevé, aucun élément du dossier n'établit la culpabilité de Sylvie C épouse D de ce chef; que rien ne permet de requalifier l'infraction en exercice illégal de la profession de kinésithérapeute qui serait reprochée à Sylvie C épouse D, dès lors que c'est son père qui pratiquait habituellement les actes de cette profession; que la décision déférée sera confirmée sur ce point;

2. Sur le travail dissimulé:

Attendu que Sylvie C épouse D a reconnu que son père, kinésithérapeute à la retraite l'aidait dans son activité "bénévolement de façon non régulière", que "depuis le mois de janvier 2000, il a assuré trois jours par semaine, mais souvent aussi par demi-journée" et que son père la remplaçait lorsqu'elle assurait ses cours de danse, en fonction de ses rendez-vous;

Qu'elle a indiqué que "les massages et le drainage lymphatique" étaient assurés par son père et que c'était elle qui facturait les prestations de son père;

Que le 21 février à 10h45, les services de police se présentaient au "X" et constataient que le centre de soins était ouvert et que Louis C qui remplaçait sa fille en raison de son départ en congés avait deux clientes au centre de soins ce qu'il a reconnu en précisant que "le centre de soins "Y" propose à la clientèle des massages, drainages";

Attendu ainsi que l'activité de C Louis est permanente et que le centre de soins qui effectue des actes réservés aux masseurs kinésithérapeutes ne peut fonctionner sans lui pour ces actes; que son activité génère des profits et qu'il en profite ainsi que sa fille;

Qu'il ne s'agit pas d'un bénévolat qui est constitué par un concours non sollicité, spontané et désintéressé, sans effet utile pour celui qui en bénéficie;

Qu'il ne s'agit pas non plus d'une entraide familiale dès lors qu'il n'y a aucune réciprocité, Sylvie C épouse D ne rendant aucun service équivalent à son père, étant précisé qu'il s'agit de deux activités fondamentalement différentes (professeur de danse et kinésithérapeute);

Attendu que C Louis a été radié de l'URSSAF du fichier "travailleur indépendant" le 30 avril 1996 pour l'activité "centre de mise en forme"; que sa continuation d'activité dissimulée au centre d'esthétique qu'il avait donné à sa fille par acte notarié du 10 mai 1996, pendant quatre années, sous la direction de celle-ci, et alors qu'il ne payait plus aucune cotisation à l'URSSAF et bénéficiait d'une pension de retraite, est constitutive d'un emploi salarié;

Que le fait qu'aucune rémunération lui est versée est une affirmation non fondée des premiers juges dès lors qu'il en retire lui comme sa fille un profit financier certain;

Qu'en effet un prospectus émis par Sylvie C épouse D mentionne "drainage lymphatique manuel, massage", ce qui a pour effet certain d'attirer les clients dès lors que dans une ville de la taille de celle de Rodez il est vite connu que le père de Sylvie C épouse D, kinésithérapeute de métier, qui gérait le centre avant sa retraite a continué à y exercer;

Attendu que la dissimulation de cet emploi salarié par Sylvie C épouse D par défaut de déclaration préalable à l'embauche, constitue le délit spécifié à la prévention;

Qu'en effet l'intention frauduleuse de Sylvie C épouse D est établie dès lors qu'elle s'est, en connaissance de cause, soustraite volontairement aux obligations du Code du travail; que cette situation a duré plusieurs années alors que rien n'officialisait la présence de son père dans l'entreprise; que par la suite elle a déclaré ce salarié, ce que C Louis a accepté;

3. Sur la publicité de nature à induire en erreur:

Attendu que si le terme "diététique" est passé dans le langage commun comme les premiers juges l'ont retenu, qu'il se retrouve dans les magasines féminins et aux rayons des supermarchés, il est alors utilisé seul et qualifie certains produits mis à la vente sans que leur consommation ne soit conseillée ou suivie par une personne qui se prétendrait formée sur ce point, le consommateur étant seul juge de l'achat du produit;

Attendu que tel n'est pas le cas de Sylvie C épouse D qui a reconnu s'occuper "également de l'équilibrage alimentaire" et proposer "des menus, des repas en fonction de la demande des clients";qu'elle précise qu'il s'agit "d'hygiène alimentaire, et de conseils en fonction de l'objectif de la clientèle"; qu'elle reconnaît ainsi que n'ayant aucun diplôme de diététicienne "le terme diététique est mal choisi" et que son "activité est similaire à celle d'un diététicien mais que la différence reste dans la formulation";

Que ses trois prospectus mentionnent:

"équilibrage alimentaire

- perte de poids

- alimentation du sportif: entraînement-compétition

- alimentation équilibrée (entretien)

- adaptation de votre alimentation en fonction de vos activités

- diète protéinique (perte de poids rapide)", ce qui suppose un suivi ou des conseils médicaux;

et aussi:

"centre d'amincissement Y ... diététique ..."

et enfin

"conseils diététiques"

Attendu ainsi qu'il résulte du dossier que Sylvie C épouse D, professeur de danse, n'a aucune formation sérieuse en diététique, et que l'emploi de ce terme accolé aux termes "conseils", "objectifs de la clientèle" et "perte de poids rapide" sont de nature à créer pour un public normalement avisé, lecteur des revues et articles habituels en la matière, une confusion avec l'activité de diététicien ou nutritionniste;que l'erreur ainsi créée porte bien sur la nature et les qualités substantielles du service proposé conformément à l'article 121-1 du Code de la consommation;que Sylvie C épouse D a commis le délit qui lui est reproché lequel est caractérisé par une simple faute d'imprudence ou de négligence commise en l'espèce;

Attendu qu'une peine d'amende sera suffisante pour réprimer les faits de l'espèce;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire à l'égard de Sylvie C épouse D, en matière correctionnelle et en dernier ressort, En la forme, reçoit l'appel régulier en la forme, et dans les délais, Au fond, Sur l'action publique: Confirme le jugement déféré sur le relaxe du chef d'usurpation de titre, L'infirme pour le surplus et déclare Sylvie C épouse D coupable de travail dissimulé et de publicité de nature à induire en erreur, La condamne à une amende de 30 000 F, Fixe la durée de la contrainte par corps s'il y a lieu de l'exercer, conformément aux dispositions des articles 749 et suivants du Code de procédure pénale, Dit que la condamnée sera soumise au paiement du droit fixe de procédure d'un montant de 800 F prévu à l'article 1018 A du Code général des impôts, Le tout par application des textes visés, des articles 512 et suivants du Code de procédure pénale.