Cass. crim., 29 octobre 1984, n° 83-93.563
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Escande
Rapporteur :
M. Moré
Avocat général :
M. de Sablet
Avocat :
Me Tiffreau
LA COUR: - Statuant sur le pourvoi formé par X Jacques contre un arrêt de la Cour d'appel de Paris, 9e chambre, en date du 12 juillet 1983, qui l'a condamné pour délit assimilé à la pratique de prix illicites, à 15 000 francs d'amende; - Vu le mémoire produit; - Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 37-1 c de l'ordonnance n° 45-1383 du 30 juin 1945, 1er paragraphe 2 et 40 de l'ordonnance n° 45-1384 du 30 juin 1945, 4 du Code pénal, 485, 567, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale;
"en ce que la cour d'appel déclare le prévenu coupable d'infraction assimilée à la pratique de prix illicites par subordination de la vente d'un produit à l'achat d'une quantité imposée et le condamne à une peine de 15 000 francs d'amende;
"aux motifs que l'un des magasins exploités par la société dirigée par le prévenu a mis en vente des produits alimentaires présentés sous un conditionnement regroupant plusieurs unités identiques; que les enquêteurs ont constaté qu'il n'existait dans les locaux de vente, aucune présentation à l'unité des produits ainsi conditionnés, aucune possibilité de fractionner l'emballage pour permettre un achat à l'unité, aucune indication signalant la faculté de l'achat à l'unité des produits concernés; que l'argumentation selon laquelle le procédé de la vente par lots correspondrait aux exigences de la clientèle moyenne de son établissement ne peut qu'être écartée en raison de son manque de pertinence; qu'en ce qui concerne celle relative à l'insuffisance des constatations des agents de la Direction de la Concurrence et de la Consommation quant à la preuve du refus de vente à l'unité reprochée au prévenu, la cour ne peut que les rejeter également; qu'en effet, dans les locaux de vente, les agents verbalisateurs, dont les constatations matérielles font foi jusqu'à inscription de faux, ont relevé l'absence de présentation à l'unité des produits concernés, l'impossibilité de fractionnement de l'emballage de conditionnement et le défaut de toute indication permettant à un client de demander un achat à l'unité; qu'en outre, les agents ont noté au procès-verbal que le responsable du rayon pâtisserie, interrogé par eux, avait déclaré qu'aucune vente des produits de pâtisserie qui ont fait l'objet du contrôle n'avait lieu à l'unité; qu'il est ainsi établi que la société a, dans son magasin de Y, subordonné la vente de produits de pâtisserie et de boucherie à l'achat d'une quantité imposée;
"alors que le délit de subordination de la vente d'un produit à l'achat d'une quantité imposée n'est pas constitué, lorsque le distributeur en supermarché libre-service se borne à vendre plusieurs produits alimentaires frais identiques, placés sous un même emballage de conditionnement, après avoir apprécié de façon objective les besoins moyens de ses clients habituels, soucieux d'acheter, à moindre prix, des quantités supérieures à l'unité de produits de consommation différée; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les textes susvisés;
"alors que, au surplus, le délit de subordination de la vente d'un produit à l'achat d'une quantité imposée suppose rapportée la preuve d'un refus de satisfaire une demande d'achat à l'unité; qu'à cet égard, est insuffisante l'absence de présentation à l'unité, l'impossibilité de fractionnement de l'emballage de conditionnement ou d'absence d'indication permettant à un client de demander un achat à l'unité; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les textes susvisés;
"alors que, enfin, en omettant de s'expliquer sur les conclusions du prévenu, faisant valoir que la pratique de l'établissement R de M ne constitue pas une originalité et que l'administration en a elle-même admis expressément la validité, pour ce qui concerne du moins les produits de boucherie, notamment à l'effet de rechercher si cette doctrine administrative ne devait pas être étendue aux autres produits alimentaires frais et justifier en toute hypothèse la pratique poursuivie, la cour d'appel a privé son arrêt de motifs et violé les textes susvisés;
Vu lesdits articles; - Attendu que, selon l'article 37-1° c de l'ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945, est assimilé à la pratique de prix illicite le fait par tout producteur, commerçant, industriel ou artisan de subordonner, sous réserve qu'elle ne soit pas soumise à une réglementation spéciale, la vente d'un produit à l'achat d'une quantité imposée;
Attendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué et du jugement dont il adopte les motifs non contraires que le 12 décembre 1978 des agents de la Concurrence et de la Consommation ont effectué un contrôle dans un magasin hypermarché dépendant d'une société dont le président est X Jacques; qu'ils ont dressé procès-verbal pour vente groupée de produits identiques de pâtisserie et de boucherie conditionnés en lots de plusieurs unités; qu'X a été poursuivi pour avoir contrevenu aux dispositions de l'article 37-1° c précité;
Attendu que pour retenir la culpabilité du prévenu, les juges notent le "manque de pertinence" de l'argumentation développée en défense et reprise au moyen selon laquelle la vente sous un même conditionnement de telles denrées est conforme aux besoins moyens habituels de la clientèle; qu'ils relèvent tant l'impossibilité de fractionnement des emballages et le défaut de toute indication prévenant les clients de la possibilité de demander un achat à l'unité, que les dires du responsable du rayon pâtisserie admettant qu'aucune vente "n'avait lieu à l'unité";
Mais attendu qu'en l'état de ces seules énonciations, et alors que selon l'article 37-1° c de l'ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945 ne constituent qu'un seul produit plusieurs unités de la même marchandise réunies en un conditionnement unique conformément aux pratiques commerciales instaurées dans l'intérêt des consommateurs, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte précité; d'où il suit que la cassation est encourue;
Par ces motifs, casse et annule, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la Cour d'appel de Paris, en date du 12 juillet 1983, et pour qu'il soit à nouveau statué conformément à la loi, renvoie la cause et les parties devant la Cour d'appel de Versailles, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil.