Livv
Décisions

CA Paris, 13e ch. A, 31 mai 1999, n° 98-00555

PARIS

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

Olitec (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Guilbaud

Avocat général :

M. Blanc

Conseillers :

MM. Castel, Savatier

Avocats :

Mes Saffar, Sarfati, Breuil, Girard, Kaufmann, Hemmerdinger.

TGI Paris, 31e ch., du 24 nov. 1997

24 novembre 1997

Rappel de la procédure:

La prévention:

Par acte d'huissier en date des 16, 20 et 21 janvier 1997, la société Olitec a fait citer directement devant le tribunal B Philippe et L Philippe pour avoir à Paris, Nancy et sur tout le territoire national, depuis octobre 1996 jusqu'au 6 décembre 1996:

- mis sur le marché des produits A, qui sont des appareils terminaux devant faire l'objet d'un agrément, sans avoir obtenu ledit agrément,

- fait une publicité pour ces équipements terminaux n'ayant pas fait l'objet d'un agrément,

- fait une publicité trompeuse puisque l'emballage de ces produits précisait qu'ils étaient agréés ce qui était faux à l'époque.

La société X et la société Y ont également été citées en qualité de civilement responsables de leur dirigeant respectif.

Par acte d'huissier en date du 27 février 1997, la société Olitec a fait citer directement devant le tribunal B Philippe, L Philippe et Gérard M pour avoir à Paris et sur le territoire national, courant 1996, fait une publicité trompeuse en commercialisant des coffrets A sur lesquels était mentionnée l'offre d'un abonnement gratuit à internet, via le secteur Magic on line, alors qu'en réalité le coût de cet abonnement était supporté par le consommateur,

La société X, la société Y et la société W (enseigne Z) ont également été citées en qualité de civilement responsables de leur dirigeant respectif.

Le jugement:

Le tribunal a:

Ordonné la jonction des procédures n° 9706201684 et n° 9635301691,

Rejeté l'exception d'incompétence,

Relaxé B Philippe et L Philippe des chefs de mise sur le marché d'appareils terminaux non agréés et de publicité pour ces appareils,

Faits commis à Paris, Nancy et sur tout le territoire national, depuis octobre 1996 jusqu'au 6 décembre 1996,

Déclaré:

B Philippe

coupable de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur,

faits commis d'octobre 1996 au 6 décembre 1996, sur le territoire national,

infraction prévue par les articles L. 121-5, L. 121-6 al. 1 Code de la consommation et réprimée par les articles L. 121-6, L. 213-1 Code de la consommation

L Philippe

coupable de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur,

faits commis d'octobre 1996 au 6 décembre 1996, sur le territoire national,

infraction prévue par les articles L. 121-5, L. 121-6 al. 1 Code de la consommation et réprimée par les articles L. 121-6, L. 213-1 Code de la consommation

M Gérard

coupable de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur,

faits commis d'octobre 1996 au 6 décembre 1996, sur le territoire national,

infraction prévue par les articles L. 121-5, L. 121-6 al. 1 Code de la consommation et réprimée par les articles L. 121-6, L. 213-1 Code de la consommation

Et par application de ces articles, a condamné:

B Philippe à 50 000 F d'amende,

L Philippe à 50 000 F d'amende,

M Gérard à 25 000 F d'amende,

ordonné la publication par extraits du jugement dans les journaux PC Direct et L'ordinateur individuel aux frais de Philippe B, Philippe L et Gérard M,

mis hors de cause la société X, al société Y et la société W,

reçu la société Olitec en sa constitution de partie civile,

condamné solidairement Philippe B et Philippe L à lui payer la somme de 20 000 F à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la publicité pour des appareils prétendument "agréés",

condamné solidairement Philippe B, Philippe L et Gérard M à lui payer la somme de 50 000 F à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la publicité pour un abonnement à internet prétendument "gratuit",

condamné Philippe B, Philippe L et Gérard M à lui payer la somme de 1 500 F chacun au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale,

déclaré irrecevable les demandes fondées sur les dispositions des articles 472 et 475-1 du Code de procédure pénale présentées par Philippe B, Philippe L, la société X, la société Y et la société W,

rejeté le surplus des demandes de la partie civile,

dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

dit que la décision était assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 600 F dont est redevable chaque condamné.

Les appels:

Appel a été interjeté par:

Monsieur L Philippe, le 1er décembre 1997, sur les dispositions pénales et civiles contre Olitec (SA);

Monsieur B Philippe, le 1er décembre, sur les dispositions pénales et civiles contre Olitec (SA);

M. le Procureur de la République, le 1er décembre 1997 contre Monsieur B Philippe, Monsieur L Philippe;

Monsieur M Gérard, le 30 janvier 1998, sur les dispositions pénales et civiles contre Olitec (SA);

M. le Procureur de la République, le 30 janvier 1998, contre Monsieur M Gérard;

Décision:

Rendue après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant sur les appels relevés par les prévenus Philippe B, Philippe L et Gérard M ainsi que le Ministère public à l'encontre du jugement précité auquel il convient de se référer pour l'exposé des faits et de la prévention;

Par voie de conclusions conjointes, Philippe B et la société X demandent à la cour de:

- confirmer le jugement du 24 novembre 1997 en ce qu'il a relaxé Monsieur Philippe B du chef de mise sur le marché d'appareils terminaux de télécommunication non agréés et de publicité pour ces appareils;

- recevoir Monsieur Philippe B en son appel et l'y déclarer fondé;

- constater que le coût de la prestation internet était inclus dans le prix global de vente des coffrets A et que moyennant paiement du prix annoncé les consommateurs recevaient ce produit;

En conséquence,

- relaxer Monsieur B du chef de publicité trompeuse pour un abonnement gratuit à internet;

- constater que la mention d'agrément DGPT était illicite et que son absence ne pouvait produire aucune conséquence au plan juridique;

- constater que l'infraction de publicité pour équipements terminaux n'ayant pas fait l'objet d'un agrément était prévue et réprimée par les prescriptions spéciales de l'article L. 39-3 du Code des postes et télécommunications;

- constater que cette infraction spécifique de publicité pour équipements terminaux n'ayant pas fait l'objet d'un agrément, a été abrogé, et que le législateur a voulu dépénaliser ces agissements;

- dire et juger que l'agrément DGPT discuté ne constitue pas une qualité substantielle d'un produit;

- dire et juger que l'élément moral de l'infraction fait en tout cas défaut;

En conséquence,

- relaxer Monsieur B du chef de publicité trompeuse pour les appareils terminaux agréés;

- condamner la société Olitec qui est à l'origine des poursuites à payer à Monsieur Philippe B une somme de 20 000 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale;

Par voie de conclusions conjointes Philippe L et la société Y (affaire: défaut d'agrément) demandent à la cour de:

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a:

* mis hors de cause la société Y;

* relaxé Monsieur Philippe L des chefs de mise sur le marché d'appareils terminaux non agréés et de publicité pour ces appareils;

L'émendant pour le surplus,

- dire et juger irrecevable l'action de la société Olitec comme relative à une infraction d'intérêt général;

Subsidiairement,

- la déclarer mal fondée, aucune faute pénale ne pouvant être relevée à l'encontre de Monsieur Philippe L et l'article L. 121-1 du Code de la consommation étant inapplicable du fait de l'existence à l'époque des faits de l'article 39-3 du Code des postes et télécommunications spécialement applicable et aujourd'hui abrogé;

très subsidiairement au cas où la cour estimerait applicable ledit article:

- dire que les conditions d'application de l'article L. 121-1 ne sont pas réunies, la mention d'agrément devant être réputée inexistante à raison de l'article 6 de la directive 88-301 de la CEE du 16 mai 1988;

Plus subsidiairement encore,

- constater l'absence d'élément intentionnel en raison de l'obtention d'un rapport de test favorable courant octobre 1996;

En conséquence,

- prononcer la relaxe de Monsieur Philippe L; débouter la société Olitec de toutes ses demandes, notamment celles dirigées contre la société Y;

- condamner la société Olitec à payer à la société Y et à Monsieur Philippe L la somme de 15 000 F fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale;

Par voie de conclusions conjointes Philippe L et la société Y (affaire abonnement gratuit à internet) demandent également à la cour de:

- confirmer le jugement en ce qu'il a mis hors de cause la société Y;

- infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a déclaré coupable Monsieur Philippe L du délit de publicité trompeuse pour un abonnement gratuit à internet et l'a condamné à 50 000 F d'amende outre 50 000 F de dommages-intérêts alloués à la société Olitec;

Statuant à nouveau,

- prononcer la relaxe de Monsieur Philippe L;

- débouter la société Olitec de toutes ses demandes, notamment celles dirigées contre la société Y;

- condamner la société Olitec à payer à Monsieur Philippe L et à la société Y la somme de 15 000 F chacun sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale;

Par voie de conclusions Gérard M demande à la cour, par infirmation, de:

- constater que:

1°) la SARL W n'a en aucune façon participé à la publicité litigieuse et n'est pas annonceur contrairement à ce qu'a affirmé le tribunal;

2°) l'infraction n'est pas matériellement constituée;

3°) la SA Olitec n'a pas été trompée;

- relaxer Monsieur M des fins de la poursuite;

A titre reconventionnel,

- condamner la SA Olitec au paiement au profit de Monsieur M des sommes suivantes:

* 20 000 F au titre de procédure abusive;

* 10 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale;

A titre subsidiaire,

- condamner solidairement Messieurs Philippe B et Philippe L à garantir Monsieur M de toute condamnation prononcée contre lui tant au plan civil qu'au titre de l'amende dans la mesure où il n'a fait que distribuer les produits vendus par les sociétés dont ils sont dirigeants sans les altérer ou les modifier de quelque façon que ce soit;

Monsieur l'Avocat général requiert la cour de confirmer le jugement déféré sur la jonction des procédure, les relaxes partielles et les déclarations de culpabilité;

Il s'en remet à son appréciation sur le quantum des peines;

Par voie de conclusions Maître Jean-Claude G, ès qualités de mandataire liquidateur de la société W demande à la cour de:

- prononcer la mise hors de cause de Maître G ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL W, civilement responsable de Monsieur Gérard M;

- à titre reconventionnel, condamner la société Olitec au paiement, au profit de Maître G, ès qualités, de la somme de 10 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale;

- à titre subsidiaire, condamner solidairement Messieurs Philippe B et Philippe L à garantir Maître G ès qualités de toute condamnation prononcée à son encontre en tant que civilement responsable de Monsieur M;

Par voie de conclusions la société Olitec demande à la cour de:

- vu les réquisitions du Ministère public;

- vu l'article L. 121-1 du Code de la consommation;

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 24 novembre 1997 par la 31e chambre correctionnelle du Tribunal de grande instance de Paris;

- condamner Messieurs Philippe L et Philippe B à la somme de 20 000 F chacun au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale;

Sur l'action publique

Considérant que c'est par des motifs pertinents que la cour fait siens et par une juste appréciation des faits et circonstances particulières de la cause, exactement rapportés dans la décision attaquée, que les premiers juges ont, à bon droit:

- ordonné la jonction de la procédure n° 970 620 1684 à la procédure n° 96 35 3016 91;

- relaxé Philippe B et Philippe L des chefs de mise sur le marché d'appareil non agréés et de publicité pour ces appareils, faits commis à Paris, Nancy et sur tout le territoire national, depuis octobre 1996 jusqu'au 6 décembre 1996;

- déclaré Philippe B et Philippe L coupables de publicité trompeuse pour des appareils terminaux "agréés", faits commis à Paris, Nancy et sur tout le territoire national, depuis octobre 1996 jusqu'au 6 décembre 1996;

- déclaré Philippe B, Philippe L et Gérard M coupables de publicité trompeuse pour un abonnement "gratuit" à internet, faits commis à Paris et sur tout le territoire national, courant 1996;

Considérant que la cour observe pour sa part que:

- l'abrogation de l'article 39-3 du Code des postes et télécommunications ne saurait prohiber l'application de l'article 121-1 du Code de la consommation dans la mesure où la finalité de ces deux textes distincts est complètement différentes, la portée de l'article 121-1 étant par ailleurs beaucoup plus générale;

- quels que soient les problèmes de compatibilité de la procédure française d'agrément avec l'article 6 de la directive 88-301 CEE il n'en demeure pas moins que l'obtention d'un tel agrément équivaut à un label de qualité dans l'esprit du consommateur moyen et que s'en prévaloir à une époque où il n'avait pas encore été délivré constitue sans conteste une publicité trompeuse au sens de l'article 121-1 du Code de la consommation;

- il est constant que le coût de l'abonnement à internet, annoncé comme gratuit, était en réalité supporté par l'acheteur. Compte tenu de la nature du produit "fax modem" commercialisé, la gratuité de cet abonnement était un argument de vente essentiel qui s'avérait en réalité fallacieux et trompeur pour le consommateur;

- Gérard M a participé au coût de la publicité et l'enseigne "Z" de sa société W apparaît dans la publicité litigieuse. Il s'avère donc être l'un des annonceurs;

- il appartenait à chaque prévenu de s'assurer personnellement que les publicités litigieuses étaient exemptes de tout élément susceptibles d'induire le consommateur en erreur, ce que tous les trois ont manifestement omis de faire engageant ainsi leur responsabilité pénale;

Considérant que la cour confirmera le jugement attaqué en ce qu'il a:

- ordonné la jonction des procédure;

- relaxé Philippe B et Philippe L des chefs de mise sur le marché d'appareils terminaux non agréés et de publicité pour ces appareils;

- déclaré Philippe B et Philippe L coupables de publicité trompeuse pour des appareils terminaux "agréés";

- déclaré Philippe B, Philippe L et Gérard M coupables de publicité trompeuse pour un abonnement "gratuit" à internet;

Considérant que la cour en revanche infirmera le jugement critiqué sur les peines en minorant, ainsi que précisé au dispositif, les amendes prononcées et en dispensant les prévenus de la publication de la décision;

Sur l'action civile

Considérant que la constitution de partie civile de la société Olitec - société concurrente des sociétés Y et X - est parfaitement recevable;

Considérant que c'est par des motifs pertinents que le tribunal a mis hors de cause les sociétés X, Y et W;

Que la cour confirmera le jugement entrepris sur ce point;

Considérant que la cour qui dispose des éléments nécessaires et suffisants pour apprécier le préjudice certain subi par la partie civile et résultant directement des faits visés à la prévention, confirmera l'estimation équitable qu'en ont fait les premiers juges;

Considérant que le jugement sera confirmé sur les intérêts civils;

Qu'y ajoutant la cour condamnera Philippe B, Philippe L et Gérard M à payer chacun la somme supplémentaire de 2 000 F à la société Olitec au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale;

Sur les demandes formées à l'encontre de la société Olitec au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale par Philippe B, Philippe L, la société Y, Gérard M et Maître Jean-Claude G ès qualités de mandataire liquidateur de la société W

Considérant que les dispositions de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ne peuvent bénéficier qu'à la partie civile;

Que dès lors la cour rejettera les demandes présentées au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale par Philippe B, Philippe L, la société Y, Gérard M et Maître Jean-Claude G;

Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive, formée par Gérard M

Considérant que la partie civile n'a agi ni de mauvaise foi ni témérairement;

Que la cour dans ces conditions rejettera la demande de dommages-intérêts présentée par Gérard M à l'encontre de la société Olitec, pour procédure abusive;

Par ces motifs et ceux non contraires des premiers juges qu'elle adopte expressément, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Sur l'action publique: Confirme le jugement dont appel sur la jonction des procédures, les relaxes partielles et les déclarations de culpabilité, L'infirme sur les peines, Condamne Philippe B et Philippe L, chacun à 30 000 F d'amende, Condamne Gérard M à 15 000 F d'amende, Vu l'article L. 121-4 du Code de la consommation, Dispense les condamnés de la publication de la décision, Sur l'action civile: Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions civiles, Y ajoutant, Condamne Philippe B, Philippe L et Gérard M à payer chacun la somme supplémentaire de 2 000 F à la société Olitec au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, rejette les demandes présentées au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale par Philippe B, Philippe L, la société Y, Gérard M et Maître Jean-Claude G ès qualités de mandataire liquidateur de la société W, Rejette la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive présentée par Gérard M, rejette toutes conclusions plus amples ou contraires.