CA Lyon, 7e ch., 27 mai 1998, n° 97-925
LYON
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Dulin
Substitut :
général: M. Cadiot
Avocats :
Mes Picquet-Gauthier, Ianucci, Vulliermet.
Par jugement en date du 7 janvier 1997, rendu par défaut à l'encontre de K, le Tribunal de grande instance de Villefranche-sur-Saône,
- Statuant sur les poursuites diligentées à l'encontre d'A, G et K des chefs:
Carmine G, de s'être, à Lyon, Villefranche (69), courant mai et juin 1991, en tout cas depuis temps non prescrit, opposé, de quelque façon que ce soit, à l'exercice des fonctions des inspecteurs de la direction de la concurrence,
(articles 52, 45 de l'ordonnance 86-1243 du 1er décembre 1986, L. 141-1 du Code de la consommation);
Carmine G et Edouard K d'avoir:
1°) à Lyon et Villefranche-sur-Saône (69) et sur le territoire national, courant 1991, en tout cas depuis temps non prescrit
- en tant que dirigeants de l'entreprise X, fait des publicités comportant, sous quelque forme que ce soit, des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur portant sur les prix, conditions, motifs et procédés de vente de montres et pin's qui font l'objet de la publicité et sur la portée des engagements pris par l'annonceur, auprès des commerçants:
* Sylvie Brisebras,
* Daniel Castelli,
* Liliane Garnodon,
* Martine Miros,
* Marie-Thérèse Valla,
* Jean-Pierre Alphonsi,
* Madame Manaut,
* Madame Revel,
* Jean-Clément Gazezian,
* Marcel Saragossa,
* Roselyne Lequio,
* Cathy Couchet,
* Corinne Etchegaray,
* Irène Contet,
* Jean-Louis Recht,
* Marie Penicaud,
* Josette Ollier,
* Philippe Sellier,
* Patricia Philippart,
* Aime-Marie Bertry,
* CC Coiffure,
* Hélène Durchon,
* Ghislaine Laygre,
* Jean-Pierre Janrot,
* Patricia Gimenez,
* Jeannine Perrocheau,
* Françoise Cotton,
* Pull's Art,
* Monique Di Marco,
* Corinne Quenet,
* "Tentation",
* Catherine Savonne,
* Madame Taverne,
* Valérie Moiselet,
* SNC Merles Limades,
* Huguette Sacasa,
* Lydie Landreau,
* José Noulin,
* Monsieur et Madame Michel,
* Charlotte Roman,
* Liliane Vignaud,
* Conne Ronzier,
* Madame Vicalvi,
* Madame Henry,
* Mademoiselle Nicolas,
* "Cocoon",
* Parfumerie Coronis,
* Hervé Perrin,
* Madame Danchaud,
* Denise Alves de Souza,
* Ginette Langlois,
* Madame Fauvel,
* "SA M",
* L'Echonne,
* P. Jourdan,
* Catherine Prat,
(article 44 de la loi du 27 décembre 1973, 1 de la loi du 1er août 1905, L. 121-1, L. 121-5, 121-6, 121-6 al. 1, L. 213-1, L. 121-4 du Code de la consommation);
2°) à Lyon et Villefranche-sur-Saône (69) et sur le territoire national, courant 1991, en tout cas depuis temps non prescrit, en tant que dirigeants de l'entreprise X, trompé ou tenté de tromper les contractants, commerçants ci-dessus désignés, sur la nature, les qualités substantielles des montres et pin's et des prestations de service prévues dans le contrat,
(articles 1, 7 et 16 de la loi du 1er août 1905, L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3 du Code de la consommation)
3°) à Lyon, Villefranche-sur-Saône (69) et sur le territoire national, courant 1991, en tout cas depuis temps non prescrit, par l'emploi de manœuvres frauduleuses, en l'espèce en la remise d'un document contractuel mensonger conforté par les déclarations d'un tiers, trompé et déterminé à remettre
* Sylvie Brisebras: 2 789,47 F
* Daniel Castelli: 2 789,47 F
* Liliane Garnodon: 2 805,93 F
* Martine Miros "Martine Coiffure": 5 652,33 F
* Marie-Thérèse Valla "Cadichon": 2 805,93 F
* Jean-Pierre Alphonsi "Librairie de la Marine": 2 805,93 F
* Madame Manaut "Florentina": 2 846,40 F
* Madame Revel: 2 846,40 F
* Jean-Clément Gazezian: 2 846,40 F
* Marcel Saragossa "Presse du Moulin": 2 846,40 F
* Roselyne Lequio "Insolit": 2 789,47 F
* Cathy Couquet: 2 805,93 F
* Corinne Etchegaray "Cody Mode": 2 846,40 F
* Irène Contet: 2 805,93 F
* Jean-Louis Recht: 2 846,40 F
* Marie Penicaud: 5 652,33 F
* Josette Ollier: 2 805,93 F
* Philippe Sellier: 2 789,47 F
* Patricia Philippart: 2 789,47 F
* Anne-Marie Bertry: 2 789,47 F
* CC Coiffure: 2 805,93 F
* Hélène Durchon "Institut Palmarole: 5 611,86 F
* Ghislaine Laygre "Axinella": 2 805,93 F
* Jean-Pierre Janrot: 2 805,93 F
* Patricia Gimenez: indéterminé
* Jeanine Perrocheau: 5 811,86 F
* Françoise Cotton: 5 611,86 F
* "Pull's Art": 2 805,93 F
* Monique Di Marco: 5 611,86 F
* Corinne Quenet: 2 805,93 F
* "Tentation": 2 805,93 F
* Catherine Savonne: 2 805,93 F
* Madame Taverne "L'Ile aux Trésors": 5 611,86 F
* Moiselet: 2 805,93 F
* SNC Merles Limades "Librairie des Adrets": 5 611,86 F
* Huguette Sacasa: 5 611,86 F
* Lydie Landreau: 5 611,86 F
* José Noulin: indéterminé
* Monsieur et Madame Michel: 2 805,93 F
* Charlotte Roman "SARL Gavroche": 5 611,86 F
* Liliane Vignaud: 2 789,47 F
* Corinne Ronzier "Fil à Fil": indéterminé
* Madame Vicalvi "Peau d'Ange": 2 805,93 F
* Madame Henry "Emilie Boutique": 5 945,90 F
* Mademoiselle Nicolas "Océane": 5 611,86 F
* "Cocoon": indéterminé
* Parfumerie Coronis: 2 805,93 F
* Hervé Perrin: 5 611,86 F
* Madame Danchaud "Coiffure Sylvie": 2 789,47 F
* Denise Alves de Sousa: 2 805,93 F
* Ginette Langlois "Trouvetout": 2 789,47 F
* Madame Fauvel: 5 611,86 F
* SA "M": 2 805,93 F
* "L'Echonne": 2 789,47 F
* P. Jordan "Photo Casino": 2 846,40 F
* Catherine Prat "Look 5 et 8": 2 789,47 F
(article 405 du Code pénal -abrogé postérieurement à la commission des faits- 313-1, 313-7 du Code pénal)
Alain A de s'être, à Villefranche-sur-Saône (69) et sur le territoire national, courant 1991, en tout cas depuis temps non prescrit, rendu complice des délits de publicité mensongère et d'escroquerie reprochés à Carmine G et Edouard K, par aide et assistance et en facilitant la préparation et la consommation de l'infraction,
(articles 121-6, 121-7, 313-7 du Code pénal, 63 et 405 du Code pénal -abrogés postérieurement à la commission des faits- 44 de la loi du 27 décembre 1973 et 1er de la loi du 1er août 1905, L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6, L. 121-6 al. 1, L. 213-1, L. 121-4 du Code de la consommation);
* a:
Relaxé G du chef de tromperie,
Relaxé K du chef de tromperie,
Relaxé A du chef de complicité de tromperie,
Déclaré G, K et A coupables des autres faits de la prévention,
Et par application des articles susvisés a condamné
Carmine G à six mois d'emprisonnement avec sursis et cinq ans d'interdiction d'exercer la profession de dirigeant d'entreprise et de commerçant,
Edouard K à dix-huit mois d'emprisonnement dont douze mois avec sursis, et cinq ans d'interdiction d'exercer la profession de dirigeant d'entreprise et de commerçant,
Alain A à huit mois d'emprisonnement avec sursis et cinq ans d'interdiction d'exercer la profession de dirigeant d'entreprise et de commerçant,
Chacun des condamnés étant redevable du droit fixe de procédure, et la contrainte par corps fixée conformément à la loi.
Sur l'action civile: le tribunal a condamné solidairement G, A et K à payer:
- à Madame Philippart 2 789,47 F outre intérêt de droit à compter du 3 mai 1991, (a rejeté la demande faite pour préjudice moral),
- à Muriel Vicalvi 2 805,93 F pour préjudice subi, (a rejeté les demandes pour préjudices moral et matériel),
- à Liliane Vignaud 2 789,47 F à titre de dommages-intérêts, le surplus de sa demande étant rejeté,
- à Liliane Gardonon 4 123,16 F pour préjudice subi (dont 1 317,23 F correspondant aux intérêts au taux légal),
- à Jean-Clément Gazezian 2 846,40 F à titre de dommages-intérêts,
- à Christiane Cecillon 2 805,93 F à titre de dommages-intérêts,
- à Jeanine Perrocheau 5 800 F en remboursement du préjudice subi,
- à José Noulin 2 805,93 F pour préjudice subi,
- à Hervé Perrin 4 200 F pour préjudice subi et 1 500 F en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, (a rejeté la demande pour préjudice moral),
- à Coiffure Marc 6 720 F pour préjudice subi,
- à Catherine Vadet épouse Marcou 2 789,47 F à titre de dommages-intérêts, outre intérêts légaux à compter du 25 avril 1991, et 1 000 F en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale,
- à Monique Di Marco 5 611,86 F en réparation du préjudice subi.
Sur opposition de K au jugement susanalysé, le même tribunal, par jugement en date du 6 mai 1997 a:
- reçu K en son opposition,
- mis à néant le jugement du 7 janvier 1997,
- relaxé K du chef de tromperie,
- déclaré K coupable de publicité mensongère et d'escroquerie,
Et par application des articles susénoncés l'a condamné à:
dix-huit mois d'emprisonnement dont douze mois avec sursis,
Le condamné étant redevable du droit fixe de procédure, et la contrainte par corps fixée conformément à la loi.
Sur l'action civile: le tribunal a condamné le prévenu à verser à:
- à Catherine Vadet épouse Marcou 2 789,47 F à titre de dommages-intérêts, outre intérêts légaux à compter du 25 avril 1991, et 1.500 F en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale,
- à Liliane Gardonon 2 805,93 F pour préjudice subi outre 1 317,23 F correspondant aux intérêts au taux légal,
- à Hervé Perrin 4 200 F pour préjudice subi et 1 500 F et 603 F en application de l'article 475-l du Code de procédure pénale, (a rejeté la demande pour préjudice moral),
- à José Noulin 2 805,93 F pour préjudice subi,
- à Sylvie Brisebras 2 789,47 F à titre de dommages-intérêts, outre les intérêts au taux légal à compter du 31 janvier 1991,
- à Jean-Clément Gazezian 2 846,40 F à titre de dommages-intérêts,
- à Gérard Philippart 2 789,47 F outre intérêt de droit à compter du 3 mai 1991,
- à Monique Di Marco 5 611,86 F en réparation du préjudice subi,
- à Francoise Cotton 5 611,86 F à titre de dommages-intérêts, 1 000 F pour préjudice moral et 1 000 F en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.
La cause appelée à l'audience publique du 7 janvier 1998, a été renvoyée à l'audience publique du 22 avril 1998, contradictoirement à l'égard de K et des parties civiles Brisebras et Cotton, toutes les autres parties étant recitées pour cette audience en laquelle,
Monsieur le Président a fait le rapport et a interrogé les prévenus qui ont fourni leurs réponses,
Les parties civiles Cécillon, Coiffure Marc, Di Marco, Gardonon, Gazezian, Noulin, Perrin, Philippart, Vedet épouse Marcou, sont intervenues par lettre,
La partie civile Viviane Vignand, intervenant en personne, a été entendue en sa demande,
Les parties civiles Cotton, Perrocheau et Vicalvi ont fait défaut,
Maître Wischer, avocat au Barreau de Lyon, a déposé des conclusions pour la partie civile Brisebras,
Monsieur Courroye, Substitut général, a résumé l'affaire et a été entendu en ses réquisitions,
Maître V. Piquet-Gauthier, avocat au Barreau de Lyon, a déposé des conclusions et présenté la défense d'A,
Monsieur le Bâtonnier Ianucci, avocat au Barreau de Lyon, a été entendu pour la défense de G,
Maître Vulliermet, avocat au Barreau de Lyon, a conclu et plaidé pour la défense de K,
Les prévenus ont eu la parole en dernier,
Sur quoi la cour a mis l'affaire en délibéré; après en avoir avisé les parties présentes, elle a renvoyé le prononcé de son arrêt à l'audience publique de ce jour en laquelle, la cause à nouveau appelée, elle a rendu l'arrêt suivant:
Attendu que les appels interjetés par Alain A, prévenu, et par le Ministère public à l'encontre de celui-ci et de Carmine Giordano des dispositions du jugement du 7 janvier 1997, du Tribunal correctionnel de Villefranche-sur-Saône, sont recevables en la forme;
Attendu que les appels interjetés par le Ministère public et par Edouard K, prévenu, des dispositions du jugement du 6 mai 1997, rendu par la même juridiction ensuite de l'opposition, formée par celui-ci, au jugement du 7 janvier 1997 sont recevables;
Sur l'action publique:
Attendu que le tribunal, en un énoncé dont la cour adopte la teneur, a exactement exposé les faits poursuivis à l'encontre des prévenus; qu'il sera seulement rappelé que dans le courant des années 1991 et 1992, le parquet de Villefranche-sur-Saône a été saisi de nombreuses plaintes, contre l'entreprise X, émanant de commerçants qui disaient avoir été démarchés par des représentants de cette entreprise qui leur avaient confié des montres et des pin's, contre la remise de chèques de garantie, en leur précisant qu'il s'agissait d'un dépôt et que dans un délai d'un mois, ils reviendraient pour reprendre les invendus; qu'en définitive les chèques étaient encaissés; que s'étant rapprochés d'X, il était répondu à ces commerçants qu'aux termes du contrat qui leur avait été remis, ils avaient un délai de huit jours pour renoncer à l'achat de ces produits et que passé ce délai la vente était parfaite;
Attendu qu'Alain A, qui reconnaît être le rédacteur du contrat remis au commerçant, soutient qu' il était parfaitement clair et ne présentait aucune déviance sur le plan juridique; qu'il conclut à sa relaxe, dans la mesure où, étranger à X, il ne peut être tenu pour responsable de l'utilisation qui en a été faite à son insu et qu'ainsi aucun acte de complicité des infractions d'escroqueries et de publicité mensongère ne peut lui être reproché;
Attendu qu'Edouard K soutient qu'il n'a pas été mis en examen pour les faits de tromperies et qu'il ne peut être condamné de ce chef; que sur la prévention de publicité mensongère et d'escroqueries, il estime que ces poursuites ne pouvaient être exercées cumulativement avec celle de tromperies; qu'il conclut en conséquence à la nullité de l'ordonnance de renvoi; que subsidiairement, il estime sur le fond que les délits ne sont pas constitués à son égard et sollicite sa relaxe;
Attendu, sur l'argumentation d' Edouard K, qu'il sera souligné qu'il y a quelque incohérence, de sa part, à soutenir d'une part qu'il n'a pas été mis en examen pour le délit de tromperie, et d'autre part que la procédure est nulle car les poursuites ayant été commencées sous cette prévention, elles devaient être continuées et terminées sur ce fondement;
Attendu qu'Edouard K a été mis en examen des chefs de tromperie, d'escroqueries et de publicité mensongère et renvoyé devant le tribunal correctionnel pour répondre de ces trois infractions; que contrairement à ce que soutient celui-ci, ces poursuites ne contreviennent pas aux dispositions de l'article L. 216-4 du Code de la consommation, qui disposent que toutes poursuites exercées du chef de tromperies devra être continuée et terminée sur ce fondement, dès lors qu' il n'a pas été procédé à une requalification des faits poursuivis sous cette qualification, Edouard K ayant été relaxé de ce chef par le jugement du 7 janvier 1997;
1°) Sur les faits d'escroqueries
Attendu, sur les escroqueries reprochées à Carmine Giordano et à Edouard K, qu'il ressort des éléments du dossier que ceux-ci, respectivement dirigeants de droit et de fait d'X, ont mis en place un système qui a consisté à vendre à de nombreux petits commerçants de localités la plupart du temps peu importantes, des montres et des pin's, en leur laissant croire qu'X demeurait propriétaire de ces objets qu' ils pourraient rendre en cas de non vente; que les représentants d'X délivraient à ces commerçants un document intitulé "facture consigne", et se faisaient remettre un chèque correspondant à la valeur de la marchandise déposée, en leur précisant qu'il s'agissait d'un chèque de garantie et qu'ils reprendraient les invendus dans un délai d'un mois; qu'en définitive, X encaissait les chèques et informait les commerçants, qui souhaitaient rendre les invendus et récupérer leur chèque, qu' ils avaient conclu un contrat de vente et que la marchandise leur appartenait; que les dirigeants de cette entreprise faisaient référence au texte, figurant au dos du document remis aux commerçants, qui contenait cette phrase "L'établissement X, dans un délai de date à date de huit jours à partir de la signature figurant au recto du présent, se dégage de la consignation des marchandises relatives au présent contrat et de l'intégralité de ces termes, les relations entre l'établissement X et son dépositaire devenant régies par les conditions générales de vente de l'établissement X";
Attendu qu'il convient de relever que ce texte, intitulé "dépôt consigne", comportait quatre-vingt-dix lignes, rédigé en très petits caractères, souvent difficilement lisibles; que le passage relatif à la vente figurait à la cinquantième ligne, dans un paragraphe lui-même intitulé "dégagement des marchandises" et que tout le reste du texte faisait référence aux conditions d'un dépôt;
Attendu que les représentants, ayant travaillé pour X, reconnaissaient qu'à la demande des dirigeants de cette entreprise, ils avaient menti aux commerçants en leur présentant, comme un dépôt vente, cette remise de marchandises et en leur précisant que les montres et les pin's invendus seraient repris; que ces représentants savaient également que les chèques, qui leur étaient remis à titre de garantie, seraient encaissés au bout de huit jours;
Attendu qu'il convient de relever au surplus que certains commerçants ont sollicité la restitution du chèque avant le délai de huit jours, ce qui leur a été refusé, le chèque ayant déjà été encaissé;
Attendu qu'il ressort de l'ensemble de ces éléments, qu'en faisant déposer par des représentants, des objets chez de modestes commerçants, à qui il était indiqué qu'il s'agissait d'un dépôt, et en confortant ces assertions par la délivrance d'un document intitulé "facture consigne" et "dépôt consigne", Carmine Giordano et Edouard K ont employé des manœuvres frauduleuses qui ont été déterminantes de la remise des chèques; que la décision qui les a maintenus dans les liens de la prévention du chef d'escroqueries sera confirmée;
Attendu, sur la complicité de ce délit reprochée à Alain A, que celui-ci reconnaît avoir rédigé le document intitulé "facture consigne" à la demande d'Edouard K; qu'eu égard à sa rédaction particulièrement ambiguë, analysée ci-dessus, Alain A ne pouvait ignorer qu'il donnait les moyens aux dirigeants d'X de commettre des escroqueries au préjudice des commerçants; qu'au surplus, celui-ci était, à l'époque, responsable d'une entreprise de recouvrement de créances impayées, qui partageait les mêmes locaux qu'X et qu'il était chargé du recouvrement des créances de cette société et notamment de celles objet des escroqueries commises par Edouard K et Carmine G; que ces éléments sont confortés par les déclarations de Paulette Lery, employée d'X pendant quelques mois, aux termes desquels Alain A savait comment les clients de cette entreprise étaient démarchés; qu'elle ajoutait que les impayés lui permettaient d'ouvrir de nombreux dossiers; qu'il ressort de l'ensemble de ces circonstances qu'Alain A s'est rendu complice du délit d'escroqueries commis par Edouard K et Carmine G; qu'il sera, par infirmation de la décision entreprise, déclaré coupable de ces faits;
2°) Sur les faits de publicité mensongère:
Attendu que les documents ayant une valeur contractuelle constituent une publicité
Attendu qu'en l'espèce, les factures remises aux commerçants avaient donc un caractère publicitaire;que leur rédaction particulièrement ambiguë ne permettait pas aux commerçants de savoir quels engagements ils prenaient lorsqu'ils contractaient avec X;qu'en effet, l'intitulé de ces documents et la quasi-totalité du texte laissaient croire que les objets étaient remis à titre de dépôt, alors qu' il s'agissait d'une vente;
Attendu en conséquence qu'en utilisant ces factures pour amener des commerçants à contracter, Carmine G et Edouard K se sont rendus coupables de publicité mensongère;qu'ils seront en conséquence maintenus dans les liens de la prévention de ce chef;
Attendu qu'Alain A reconnaît avoir été le concepteur de ces documents; qu'il savait dans quelles conditions ils allaient être utilisés; qu'il est ainsi démontré qu'il a sciemment fourni, aux auteurs des faits, les moyens de commettre le délit de publicité mensongère; qu'il sera en conséquence, par confirmation de la décision entreprise, maintenu dans les liens de la prévention du chef de complicité de ce délit;
3°) Sur le délit d'opposition à l'exercice des fonctions des agents de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, reproché à Carmine G:
Attendu qu'il ressort du dossier qu'ensuite des plaintes reçues par des commerçants, un agent de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes s'est présenté à X et que Carmine Giordano a refusé de le recevoir; qu'ensuite des agents de cette administration ont essayé d'entrer en contact avec celui-ci, soit par lettre, soit par téléphone, mais toujours sans succès; qu'il est ainsi démontré qu'il a commis le délit qui lui est reproché; que la décision qui l'a maintenu dans les liens de la prévention de ce chef sera confirmée;
4°) Sur le délit de tromperies reproché à Carmine G et à Edouard K:
Attendu qu'il n'est pas démontré par les pièces du dossier que les éléments constitutifs du délit de tromperies soient réunis à l'égard de Carmine G et d'Edouard K; que la décision, qui les a relaxés des fins de cette poursuite, sera confirmée;
5) Sur les peines:
Attendu que les infractions dont Carmine G, Edouard K et Alain A viennent d'être reconnus coupables sont d'une particulière gravité dans la mesure où ils avaient mis en place un système illicite qui leur a permis d'escroquer de modestes commerçants qui n'avaient pas le moyen de se défendre; que le bénéfice retiré de ce montage est très important, les enquêteurs ayant évalué à quatre millions de F le chiffre d'affaires réalisé en 1991, par ce procédé qu'il sera en conséquence infligé à chacun des prévenus, en répression des infractions dont ils ont été reconnus coupables, une peine d'emprisonnement en partie ferme;
Attendu que chacun d'eux sera privé du droit de vote, d'éligibilité et d'être juré pour une durée de cinq ans;
Attendu qu'en matière de publicité mensongère, la publication de la décision est de droit et sera ordonnée;
Sur l'action civile:
Attendu que les parties civiles n' ayant pas interjeté appel de la décision, le montant des dommages-intérêts qui a été évalué par le tribunal ne pourra être augmenté;
Attendu qu'ensuite des agissements dont viennent d'être reconnus coupables les prévenus, chacune des parties civiles a subi un préjudice qui a été justement évalué par le tribunal; que la décision sera confirmée sur ces évaluations;
Attendu que certaines des parties civiles n'ont pas renouvelé leur constitution lorsque l'affaire est revenue sur l'opposition d'Edouard K, et que deux parties civiles se sont constituées pour la première fois, lors de l'audience statuant sur cette opposition; qu'en considération de cette situation, les modalités des condamnations seront précisées dans le dispositif de l'arrêt;
Attendu qu'il sera alloué à Liliane Vignaud et à Françoise Cotton, 2 500 F à chacune, sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale et que les sommes attribuées par les jugements déférés, à certaines des parties civiles, en vertu de cet article, seront confirmées selon les modalités précisées dans le dispositif de l'arrêt;
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, par défaut à l'égard de Françoise Cotton, Jeanine Perrocheau et Muriel Vicalvi, contradictoirement à l'égard des autres parties, par application de l'article 420-2 du Code de procédure pénale à l'égard de Christiane Cécillon, Coiffure Marc, Liliane Garnodon, Jean-Clément Gazezian, Monique Di Marco, José Noulin, Hervé Perrin, Patricia et Gérard Philippart, Catherine Marcou, en matière correctionnelle, après en avoir délibéré conformément à la loi, Sur l'action publique: Confirme le jugement du 7 janvier 1997 sur les déclarations de culpabilité et la relaxe prononcées, à l'égard d'Alain A et de Carmine G, Confirme le jugement du 6 mai 1997 sur les déclarations de culpabilité d'Edouard K et sur la relaxe dont il a bénéficié, Réforme sur les peines, Condamne: - Edouard K à la peine de trente mois d'emprisonnement dont huit mois avec sursis, - Alain A à la peine de vingt mois d'emprisonnement dont six mois avec sursis, - Carmine G à la peine de dix-huit mois d'emprisonnement dont huit mois avec sursis, Ordonne la publication, par extraits, de la présente décision dans le journal Le Progrès, éditions du Rhône, sans que le coût de cette insertion dépasse 6 000 F, Prononce à l'encontre de chacun d'eux l'interdiction des droits civiques et civils suivants: interdiction du droit de vote, d'éligibilité et d'être nommé aux fonctions de juré, pendant une durée de cinq ans, Constate que l'avertissement prévu par l'article 132-29 du Code pénal a été donné à chacun des condamnés dans la mesure de sa présence à l'audience lors du prononcé de l'arrêt, Dit que chacun des condamnés sera redevable du droit fixe de procédure, Fixe la durée de la contrainte par corps, conformément à la loi, Le tout par application des articles 42, 59, 60, 405 du Code pénal applicables au moment des faits, 121-6, 121-7 131-26, 313-1, 313-7 du Code pénal, L. 121-1, L. 121-4, L. 141-1-IV du Code de la consommation, 52 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, 496 à 520, 749, 750 du Code de procédure pénale, Sur l'action civile: - Sur le montant des dommages- intérêts: Confirme le montant des dommages-intérêts alloués aux parties civiles par les deux jugements entrepris, Dit que les sommes allouées produiront intérêts au taux légal à compter du 7 janvier 1997 à l'égard d'Alain A et de Carmine G, et du 6 mai 1997 à l'égard d'Edouard K, Dit qu'Edouard K, Carmine G et Alain A seront solidairement condamnés au paiement des dommages-intérêts alloués aux époux Philippart, à Liliane Gardonon, à Jean-Clément Gazezian, à José Noulin, à Hervé Perrin, à Catherine Marcou et à Monique Di Marco, Dit qu'Alain A et Carmine G seront solidairement condamnés au paiement des dommages- intérêts alloués à Muriel Vicalvi, Liliane Vignaud, C.C Coiffure, Jeanine Perrocheau et Coiffure Marc, Dit qu'Edouard K sera seul condamné au paiement des dommages-intérêts alloués à Sylvie Brisebras et à Françoise Cotton, - Sur l'application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale: Confirme les évaluations des sommes allouées sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale par les deux jugement aux parties civiles suivantes - à Hervé Perrin, 1 500 F, somme au paiement de laquelle Edouard K, Carmine G et Alain A seront solidairement condamnés, et 603 F dus par Edouard K seul, - à Catherine Marcou, 1 000 F, somme au paiement de laquelle seront solidairement condamnés Edouard K, Carmine G et Alain A, et 500 F dus par Edouard K seul, - à Françoise Cotton, 1 000 F dus par Edouard K, Condamne solidairement en vertu de cet article, Alain A et Carmine Giordano au paiement de 2 500 F à Liliane Vignaud, Condamne Edouard K à payer à Sylvie Brisebras, 2 500 F, Condamne solidairement Edouard K, Alain A et Carmine G aux frais de l'action civile.