CCE, 29 octobre 2003, n° 2004-114
COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Décision
Aide mises à exécution par les Pays-Bas en faveur des ports de plaisance sans but lucratif aux Pays-Bas
LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,
Vu le traité instituant la Communauté européenne et, notamment, son article 88, paragraphe 2, premier alinéa, vu l'accord sur l'Espace économique européen et, notamment, son article 62, paragraphe 1, point a), après avoir invité les parties concernées à faire valoir leurs observations conformément aux articles précités (1) et vu ces observations, considérant ce qui suit:
I. PROCÉDURE
(1) Par lettre datée du 1er mars 2001, la Commission a été saisie d'une plainte concernant une distorsion possible de concurrence entre des ports de plaisance aux Pays-Bas. Les ports de plaisance néerlandais sont gérés tant par des organisations sans but lucratif (clubs nautiques ordinaires) que par des entreprises privées. Selon le plaignant, plusieurs ports de plaisance sans but lucratif ont bénéficié d'aides d'État pour construire des emplacements et les entretenir. Cela permettait, par exemple, à ces ports de plaisance de louer les emplacements aux plaisanciers de passage à des prix moins élevés.
(2) À l'origine, la plainte ne concernait qu'un seul projet situé à Enkhuizen, connu sous le nom de "projet Gependam", dans le cadre duquel, selon le plaignant, le club nautique local avait bénéficié d'une aide considérable sous la forme d'un prix exceptionnellement bas pour l'achat d'un espace aquatique. Par lettre du 11 avril 2001 (D-51551), la Commission a posé plusieurs questions aux autorités néerlandaises, auxquelles elles ont répondu par lettre du 24 mai 2001.
(3) Après avoir pris connaissance de cette correspondance, dans le courant de 2001, le plaignant a envoyé à plusieurs reprises des informations complémentaires sur cette affaire et sur six autres dossiers. Par lettre du 11 février 2002 (D-50569), la Commission a demandé aux autorités néerlandaises des informations détaillées sur ces sept dossiers.
(4) À la demande des autorités néerlandaises, une réunion bilatérale s'est tenue le 3 mai 2002 entre les services de la Commission et lesdites autorités. Le 10 juillet 2002 et le 2 août 2002, les autorités néerlandaises ont répondu aux questions et ont fourni des informations complémentaires (rapports).
(5) Sur la base des informations reçues, la Commission a analysé les sept affaires et a communiqué les résultats de l'analyse au plaignant par lettre du 8 août 2002. Dans cette analyse, la Commission a opéré une distinction entre trois affaires pour lesquelles on ne pouvait exclure qu'il y ait eu aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, et quatre autres pour lesquelles la Commission était d'avis qu'il n'y avait pas aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1. Par lettre du 3 septembre 2002, le plaignant a souscrit à l'analyse de la Commission et a fourni des informations complémentaires sur les trois affaires restantes.
(6) Par lettre du 5 février 2003, la Commission a informé les Pays-Bas de sa décision d'engager la procédure visée à l'article 88, paragraphe 2, du traité CE en ce qui concerne les trois affaires restantes. Par lettre du 22 avril 2003, les autorités néerlandaises ont présenté leurs observations et communiqué de nouvelles informations à la Commission.
(7) La décision d'engager la procédure a été publiée au Journal officiel de l'Union européenne le 22 mars 2003 (2). La Commission a invité les parties intéressées à présenter leurs observations.
(8) La Commission a reçu une réaction du plaignant par lettre du 16 avril 2003, qui ne contenait ni information nouvelle ni faits complémentaires importants. La Commission n'a reçu aucune observation de tiers concernant l'ouverture de la procédure formelle d'examen.
II. DESCRIPTION DÉTAILLÉE DE L'AIDE ALLÉGUÉE
(9) Trois ports de plaisance, à savoir ceux de Enkhuizen, de Nijkerk et de Wieringermeer, ont fait l'objet d'un examen formel de la Commission.
A. Enkhuizen
(10) En 1998, la municipalité de Enkhuizen a décidé de construire un nouveau port pour des bateaux de plaisance de grande et de petite taille. En raison de l'aménagement de ce nouveau port, l'accès existant au club nautique KNZ & RV a dû être fermé. À titre de compensation pour cette fermeture, la municipalité a arrêté trois mesures: a) la municipalité a ouvert une nouvelle voie d'accès au port de plaisance du KNZ & RV à proximité; b) selon la municipalité, la nouvelle voie d'accès contraignait les bateaux de passage à faire un détour pour atteindre le port de plaisance existant du KNZ & RV. D'après un rapport indépendant (commandé par la municipalité), le détour entraînera au cours des treize prochaines années une baisse de 10 % du nombre de bateaux de passage que le port accueille. La perte totale de revenus est estimée à 80 700 euros. À titre de compensation pour cette perte, la municipalité a dragué une partie des eaux à proximité du port de plaisance existant afin que le club nautique puisse, à un stade ultérieur, construire à ses propres frais 105 emplacements. Les autorités néerlandaises ont produit un rapport indépendant, dans lequel les coûts du dragage du futur port de plaisance sont comparés aux coûts de la compensation de la perte de revenus découlant du détour que doivent faire les bateaux de passage. Les coûts totaux du dragage s'élevaient à 96 655 euros, ce qui correspond à peu de chose près au montant de la perte de revenus due au détour; c) enfin, le club nautique KNZ & RV s'est vu offrir la possibilité d'acheter le site dragué [26 000 mètres carrés (m2)] à la municipalité au prix au m2 auquel cette dernière l'avait acheté à l'État en 1998. Ce prix au m2 avait été fixé dans un rapport d'expertise indépendant en date du 30 mars 1998, dans lequel l'expert concluait que la superficie aquatique, qui fait partie dans une large mesure de l'Ijsselmeer, n'avait aucune valeur économique. Selon les autorités néerlandaises, dans un cas semblable, les experts néerlandais partent généralement d'une valeur de base de 0,45 euro au m2. La superficie totale de la parcelle aquatique achetée par le club nautique était de 26 000 m2, pour un prix d'achat total de 11 700 euros (26 000 × 0,45).
(11) Selon le plaignant, le prix de vente moyen d'une superficie aquatique destinée à un port de plaisance s'élève à environ 15 euros/m2. Étant donné que la superficie a été vendue au club nautique dans le but d'y installer des emplacements, son propriétaire (la municipalité) était informé de sa destination future. Par conséquent, la municipalité aurait dû être consciente de sa valeur économique. Selon le plaignant, cette superficie aquatique a une valeur de 390 000 euros (26 000 × 15).
B. Nijkerk
(12) La municipalité de Nijkerk était propriétaire d'un port de plaisance local construit en 1966. En 2000, le port de plaisance a été privatisé et vendu au locataire, le club nautique local De Zuidwal. En 1998, le port de plaisance a été évalué par un expert indépendant à 417 477 euros. Cette évaluation se fondait sur l'hypothèse que le port de plaisance n'était pas pollué, était bien entretenu et était loué (sans locataire, le port de plaisance était évalué à 521 847 euros).
(13) En fait, le port de plaisance était bien pollué et il y avait de nombreux travaux d'entretien en retard. Dans l'accord de vente conclu entre la municipalité et le club nautique le 27 mars 2000, ce dernier s'est engagé à assumer tous les coûts d'assainissement de l'eau et des travaux d'entretien en retard des installations portuaires. En 2000, la municipalité a évalué les coûts des travaux d'entretien en retard à 272 268 euros et les coûts d'assainissement à 145 201 euros. Ces estimations ont été réalisées par des fonctionnaires communaux sur la base de leur expérience pratique. La municipalité a déduit ces coûts de la valeur estimée du port de plaisance, ce qui donnait un prix d'achat de 0,45 euro (1 florin) pour l'ensemble du port de plaisance.
(14) À la suite des questions posées par la Commission sur ce point par lettre du 11 février 2002, les autorités néerlandaises ont demandé une nouvelle estimation indépendante des coûts des travaux d'assainissement et d'entretien en retard. Dans le rapport du 20 juillet 2002, les coûts des travaux d'entretien en retard ont été estimés à 200 000 euros et ceux de l'assainissement à 600 000 euros.
C. Wieringermeer
(15) En 2000, la municipalité de Wieringermeer a vendu un terrain et un espace aquatique à la société Jachtwerf Jongert BV. Par lettre du 10 juillet 2002, les autorités néerlandaises ont fourni l'aperçu suivant de la valeur estimée des parcelles en cause et le prix de vente réel: Valeur estimée du terrain: 5 719 854 euros (84 028 m2 à 64,07 euros/m2) Valeur estimée de l'espace aquatique: + 105 211 euros (69 031 m2 à 1,51 euro/m2) Valeur estimée totale: 5 825 065 euros Prix de vente total: 7 636 147 euros Différence prix de vente/estimation: 1 811 082 euros
III. MOTIFS AYANT PRÉSIDÉ À L'ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE
(16) La Commission considère les activités des ports de plaisance comme une activité économique normale du secteur touristique. Dans sa décision du 7 janvier 2000 [N 582-99 - Italie, Marina di Stabia SpA (3)], la Commission a conclu que, dans le cas d'espèce, une aide d'État en faveur de ce port de plaisance renforçait la position de celui-ci par rapport à d'autres ports de plaisance concurrents d'autres États membres.
(17) L'aide financière alléguée accordée aux ports de plaisance en cause en l'espèce est financée par des ressources d'État. Deux des quatre critères utilisés pour déterminer s'il y a aide d'État sont donc déjà remplis, à savoir les ressources d'État et la sélectivité.
(18) S'agissant de la notion "d'avantage", la Commission s'est prononcée comme suit dans sa décision d'engager la procédure.
A. Enkhuizen
(19) La Commission est d'avis que l'ouverture d'une nouvelle voie d'accès au port de plaisance doit être considérée comme une compensation infrastructurelle de la commune pour la fermeture de l'ancien accès. Cette mesure ne constitue pas une aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE. Pour la Commission, le dragage est une mesure de compensation pour la perte estimée de revenus résultant de la fermeture de l'ancien accès par les autorités locales. Cette mesure n'est pas non plus constitutive d'une aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE.
(20) La Commission nourrit cependant des doutes sur l'élément d'aide d'État contenu dans la vente de l'espace aquatique par la commune au club nautique. Selon les informations fournies par les autorités néerlandaises et le plaignant, la Commission ne peut exclure un éventuel élément d'aide d'État en raison du prix payé pour la parcelle (11 700 euros) et de la valeur supposée de celle-ci (390 000 euros). La différence entre les deux s'élève à 378 300 euros, ce qui excède le plafond fixé dans le règlement (CE) n° 69-2001 de la Commission du 12 janvier 2001 concernant l'application des articles 87 et 88 du traité CE aux aides de minimis (4). L'avantage pour le club nautique KNZ & RV est donc estimé à 378 300 euros.
B. Nijkerk
(21) S'agissant des travaux d'entretien en retard, la Commission est d'accord avec le rapport d'expertise indépendant et la ristourne de 200 000 euros sur la valeur de 1998 du port de plaisance.
(22) En ce qui concerne les coûts d'assainissement, les autorités néerlandaises ont opéré une distinction entre le coût de l'assainissement du canal voisin (Arkervaart) et du port de plaisance. Selon elles, le canal est connecté au port de plaisance et est pollué par divers utilisateurs qui n'ont rien à voir avec le port. En conséquence, les autorités néerlandaises ont décidé que le club nautique n'est pas responsable d'une quelconque pollution, même à l'intérieur du port de plaisance. Lorsqu'en 2002, il est apparu que les coûts d'assainissement allaient grimper considérablement, la commune a en outre décidé d'en prendre 25 % à sa charge. En conséquence, le club nautique devra payer 450 000 euros pour l'assainissement. Selon les autorités néerlandaises, le club nautique a donc encore dû compléter la somme mentionnée dans le contrat d'achat (200 000 + 450 000 - 417 477 = 232 522 euros).
(23) S'agissant des coûts d'assainissement, la Commission se demande si le principe du pollueur-payeur est correctement appliqué à la transaction. Selon ce principe, le club nautique De Zuidwal est responsable de la pollution de son port de plaisance. En conséquence, le port de plaisance devrait être vendu pour la somme de 417 477 - 200 000 = 217 477 euros. L'avantage estimé pour le club nautique De Zuidwal s'élève donc à 217 477 euros.
C. Wieringermeer
(24) Dans sa première analyse, la Commission concluait que le prix du terrain semblait correct, étant donné que le rapport d'expertise mentionnait plusieurs prix comparables. La valeur estimée de l'espace aquatique (69 731 m2 au total) au prix de 1,51 euro/m2 semblait inférieure au prix du marché. Le rapport d'expertise ne fournit ni référence ni autre explication sur cette estimation.
(25) Le problème de la surcompensation ne se pose en fait que lorsque la valeur de l'espace aquatique excède 29,21 euros/m2 (5). Étant donné que ce seuil est relativement élevé, sur la base des chiffres actuels, la Commission n'a pas considéré qu'il y avait surcompensation. La Commission a donc informé le plaignant par lettre du 8 août 2002 qu'aucune preuve d'octroi d'une aide d'État illégale n'a été trouvée.
(26) Le plaignant a informé la Commission, par lettre du 3 septembre 2002, que la commune avait gagné le terrain artificiellement sur l'Ijsselmeer, ce qui coûte très cher. Les coûts d'assèchement se sont élevés à 9 892 409 euros. Étant donné que l'accrue a eu lieu moins de trois ans avant la vente, le comportement de la commune ne semble pas conforme à la partie II, point 2 d), de la communication de la Commission concernant les éléments d'aide d'État contenus dans des ventes de terrains et de bâtiments par les pouvoirs publics (6).
(27) S'agissant de l'affectation des échanges entre États membres (quatrième critère pour qualifier une mesure d'aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE), la Commission a reconnu que les activités des ports de plaisance en cause peuvent être considérées comme assez marginales.
(28) Dans sa décision d'engager la procédure, la Commission n'a toutefois pas pu exclure d'office d'éventuels effets sur les échanges, ne serait-ce qu'en raison du caractère mobile des bateaux de plaisance.
(29) La Commission a donc été contrainte d'engager la procédure formelle d'examen, au motif que, sur la base de sa première analyse, elle n'était pas en mesure de résoudre tous les problèmes liés à la question de savoir si la mesure en cause constitue une aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE. À cet égard, elle a demandé des renseignements spécifiques sur chacun des ports de plaisance concernés et pour le secteur néerlandais des ports de plaisance en général, sur la part de leur chiffre d'affaires annuel générée par des emplacements fixes ou temporaires occupés par des bateaux provenant d'autres États membres que les Pays-Bas.
(30) S'agissant de la compatibilité de cette aide, aucune des dérogations prévues par le traité CE ne semble s'appliquer. Les exceptions prévues à l'article 87, paragraphes 2 et 3, points b) ou d), du traité CE, sont clairement dénuées de pertinence. En outre, les autorités néerlandaises n'ont pas allégué que l'aide était destinée au développement régional conformément à l'article 87, paragraphe 3, point c), du traité CE et, selon la Commission, tel n'était pas non plus le cas (7). L'aide ne semble pas non plus avoir été accordée pour promouvoir un objectif horizontal de la Communauté au sens de l'article 87, paragraphe 3, point c), du traité CE, comme la recherche et le développement, l'emploi, la formation, l'environnement, les petites et moyennes entreprises ou l'aide au sauvetage et à la restructuration au sens des lignes directrices et encadrements correspondants. Enfin, la Commission n'a pas jugé opportun de promouvoir le développement du secteur des ports de plaisance sur la base de l'article 87, paragraphe 3, point c), du traité CE.
IV. OBSERVATIONS DES PARTIES INTÉRESSÉES
(31) La Commission a reçu du plaignant une lettre en date du 16 avril 2003 qui ne contenait aucune donnée ou fait pertinent supplémentaire sur les trois ports de plaisance en cause. La Commission n'a reçu aucun commentaire de tiers.
V. OBSERVATIONS DES PAYS-BAS
(32) Les autorités néerlandaises ont réagi par lettre du 22 avril 2003. Les autorités néerlandaises ont avancé deux arguments dans leur réponse à la décision d'ouverture de la procédure.
(33) Tout d'abord, les autorités néerlandaises considèrent que les mesures en cause ne génèrent pas d'avantage, au motif que l'aide financière (dans la mesure où il s'agit bien de cela) est minime et inférieure au seuil de minimis. À l'appui de cette affirmation, les autorités néerlandaises ont communiqué des informations supplémentaires.
(34) Ensuite, les autorités néerlandaises sont d'avis que même si l'aide publique est supérieure au seuil de minimis, elle n'affecte toujours pas les échanges, de sorte qu'il n'y a pas d'aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE. À cet égard, les autorités néerlandaises ont fourni des informations statistiques sur les marchés néerlandais et européen des ports de plaisance.
(35) En ce qui concerne Enkhuizen, les autorités néerlandaises continuent à considérer que la valeur alléguée de l'espace aquatique était de 0,45 euro/m2 sur la base d'un rapport d'expertise indépendant du 30 mars 1998 (dans lequel l'expert concluait que cet espace aquatique n'avait aucune valeur économique, raison pour laquelle une valeur de base de 1 NLG/m2 avait été prise en compte). Les autorités néerlandaises ne contestaient pas les autres indicateurs économiques.
(36) Les autorités néerlandaises ont en outre fourni des données statistiques complémentaires sur le port de plaisance d'Enkhuizen. Les chiffres concernent l'exercice 2002.
Nombre total d'emplacements: 235
Chiffre d'affaires annuel des emplacements permanents: 257 500 euros
Part des emplacements permanents occupés par des étrangers: 10 %
Chiffre d'affaires annuel des emplacements à la journée: 58 164 euros
Part des emplacements à la journée occupés par des étrangers: 30 %.
(37) En ce qui concerne le port de plaisance de Nijkerk, les autorités néerlandaises ont maintenu leur point de vue selon lequel le club nautique n'est pas responsable de la pollution, même pas de celle du port de plaisance. La vase qui s'est accumulée dans le port de plaisance est de même nature que celle trouvée dans l'Arkervaart tout proche, de sorte qu'il n'est pas établi que le port de plaisance soit pollué par ses utilisateurs.
(38) Par ailleurs, de l'avis des autorités néerlandaises, le prix auquel un port de plaisance est vendu à son locataire doit être égal au prix du marché d'un bien loué. Selon elles, il convient de partir du raisonnement suivi par la commune: il n'y a pas de différence entre la vente du port de plaisance à son locataire et la vente de l'espace loué à un nouveau propriétaire. Dans les deux cas, la commune recevrait le même montant, il serait donc injuste de réclamer un prix supérieur au club nautique.
(39) Les autorités néerlandaises ont en outre fourni des données statistiques complémentaires sur le port de plaisance de Nijkerk. Les chiffres concernent l'exercice 2002.
Chiffre d'affaires annuel des emplacements permanents: 117 000 euros
Part des emplacements permanents occupés par des étrangers: 0 %
Chiffre d'affaires annuel des emplacements à la journée: 3 000 euros
Part des emplacements à la journée occupés par des étrangers: 10 %
(40) Enfin, en ce qui concerne Wieringermeer, les autorités néerlandaises ont fait valoir que les coûts du gain de terres artificielles sur le lac se sont élevés à 9 892 409 euros. Selon les autorités néerlandaises, ces coûts couvraient non seulement le coût de la construction du futur port de plaisance, mais aussi les coûts des travaux d'infrastructure, comme les plans d'eau, les égouts, les voies d'accès, etc. Les travaux d'infrastructure se sont élevés au total à 4 559 248 euros. Le coût net de la construction du port de plaisance représentait donc 5 333 161 euros. Le prix d'achat total étant amplement supérieur à ces coûts de construction, les autorités néerlandaises en concluent que le bénéficiaire allégué n'a bénéficié d'aucun avantage. Ce port de plaisance n'étant pas encore construit, les autorités néerlandaises n'ont pas été en mesure de fournir de données statistiques.
VI. ÉVALUATION DE L'AIDE
(41) Pour qu'une mesure soit qualifiée d'aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE, quatre critères doivent être satisfaits simultanément. La mesure doit favoriser certaines entreprises (ou productions); elle doit être sélective, elle doit être financée par des ressources d'État et elle doit affecter les échanges entre États membres. En l'espèce, les mesures ont clairement été financées au moyen de ressources provenant des budgets des autorités locales et concernent trois ports de plaisance spécifiques. Les critères de sélectivité et de financement par des ressources d'État sont donc manifestement remplis.
(42) S'agissant du critère relatif à l'avantage, la Commission constate ce qui suit.
A. Enkhuizen
(43) La Commission reste d'avis qu'il est improbable que la faible valeur de l'espace aquatique communiquée par les autorités néerlandaises soit correcte. Si la destination locale de l'espace aquatique est un port de plaisance, cet espace a une valeur de marché et il ne saurait être considéré comme n'ayant aucune valeur. Il ressort de la lettre des autorités néerlandaises du 22 avril 2003 que le marché néerlandais des ports de plaisance est extrêmement concurrentiel et qu'il existe une forte demande d'emplacements dans cette région des Pays-Bas. Le prix d'achat de l'espace aquatique est donc discutable. La divergence de vues porte sur 378 300 euros, un montant qui constitue la majeure partie de l'aide d'État alléguée. La Commission ne saurait dès lors exclure que la mesure a permis au port de plaisance d'Enkhuizen de bénéficier d'un avantage.
B. Nijkerk
(44) Aucun rapport d'expertise clair n'est disponible sur la pollution du port de plaisance de Nijkerk et la mesure dans laquelle le club nautique est ou peut être tenu pour responsable (d'une partie) de la pollution n'est pas claire. Il est extrêmement douteux que la responsabilité du club nautique ne soit absolument pas engagée.
(45) La Commission ne partage pas l'avis des autorités néerlandaises selon lequel le port de plaisance a été vendu au locataire lui-même au prix d'achat d'un bien loué. En fin de compte, grâce à la vente, De Zuidwal a acquis de manière totalement gratuite l'utilisation du port de plaisance. Le club nautique aurait pu revendre immédiatement le port et réaliser un bénéfice de 95 370 euros (à savoir la différence entre les deux estimations de prix, avec et sans locataire).
(46) La Commission continue donc également à nourrir des doutes sur la responsabilité et le montant du prix d'achat du port de plaisance. La divergence de vues porte sur 312 847 euros, montant qui correspond au total de l'aide d'État alléguée. La Commission ne saurait dès lors exclure que la mesure ait permis au port de plaisance de Nijkerk de bénéficier d'un avantage.
C. Wieringermeer
(47) En ce qui concerne le port de plaisance de Wieringermeer, les autorités néerlandaises ont fourni suffisamment d'informations complémentaires pour que l'on puisse conclure qu'il n'est pas question d'un avantage quelconque. Les coûts de la construction du port de plaisance augmentés du prix de l'espace aquatique sont largement inférieurs au prix d'achat. Pour qu'il y ait une aide de plus de 100 000 euros, la valeur de l'espace aurait dû excéder 34,84 euros/m2, ce qui est clairement trop élevé (8). Étant donné qu'aucun avantage n'a été accordé, la vente de ce port de plaisance ne constitue pas une aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE.
(48) S'agissant des deux autres ports de plaisance (Enkhuizen et Nijkerk), la Commission a examiné le critère de l'affectation des échanges. La décision de la Commission concernant la piscine en plein air de Dorsten (9) constitue à cet égard une référence utile. Dans cette affaire, la Commission a estimé que les habitants de la ville et de ses environs étaient les utilisateurs de cette installation. La Commission a dès lors opéré une distinction claire entre cette forme d'aide et une aide destinée à promouvoir de grands parcs à thèmes qui s'adressent au marché national, voire international, et pour lesquels des publicités sont faites bien loin de la région dans laquelle ils sont implantés. La Commission a conclu qu'au vu de la nature des mesures d'aide en faveur des installations visant à attirer des visiteurs internationaux, le risque est grand que ces mesures affectent les échanges entre États membres. Dans l'affaire de la piscine de Dorsten, la Commission a estimé qu'il n'y avait aucun risque que le commerce intracommunautaire soit affecté. La subvention annuelle accordée à l'exploitant privé de la piscine de Dorsten ne constituait donc pas une aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE.
(49) Aux Pays-Bas, on recense environ 203 000 emplacements dans quelque 1 200 ports de plaisance. Le nombre total de bateaux de plaisance est estimé à 375 000 aux Pays-Bas. Le nombre total de bateaux de plaisance dans la Communauté s'élève au moins à 5 millions d'unités. On dénombre plus de 10 000 ports de plaisance dans la Communauté, qui comptent plus de 1,5 million d'emplacements (tous les mouillages ne sont pas situés dans des ports de plaisance) (10). La plupart des bateaux de plaisance n'ont donc pas d'emplacement, mais sont entreposés à terre ou mouillent en eau libre.
(50) Le port de plaisance de Nijkerk compte 200 emplacements, dont, en moyenne, 0,25 % seulement sont utilisés par des touristes étrangers, ce qui est insignifiant sur le marché national des emplacements. La Commission en conclut que le port de plaisance de Nijkerk est utilisé par les habitants du village et de ses environs et ne cherche pas à attirer des visiteurs étrangers. L'aide n'empêche pas non plus les habitants de Nijkerk d'utiliser des ports de plaisance situés en dehors des Pays-Bas. Même si tel était le cas, l'influence sur les échanges serait encore insignifiante étant donné le nombre d'habitants de Nijkerk (moins de 40 000). Enfin, il convient de constater que le chiffre d'affaires annuel du port de plaisance de Nijkerk s'élève à 120 000 euros. L'aide au port de plaisance de Nijkerk, dans la mesure où aide il y a, n'affecte donc pas les échanges et ne constitue dès lors pas une aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE.
(51) Dans le port de plaisance d'Enkhuizen, 14 % en moyenne des emplacements sont utilisés par des touristes étrangers (11). Les 235 emplacements d'Enkhuizen ne représentent que 0,15 % du marché néerlandais des emplacements et 0,016 % du marché communautaire. L'influence du port de plaisance d'Enkhuizen sur le marché des ports de plaisance est de ce fait très limitée.
(52) En outre, il y a lieu d'opérer une distinction entre les emplacements permanents et les emplacements à la journée. L'influence de l'aide sur les échanges, si tant est qu'aide il y ait, se fait probablement surtout sentir au niveau des emplacements permanents. a) C'est essentiellement au niveau des emplacements permanents que l'utilisateur a un véritable choix entre le port de plaisance d'Enkhuizen et un port étranger, lorsque le propriétaire (étranger) ou locataire à long terme d'un bateau décide avant ou au début de la saison dans quel port il veut mouiller. À cet égard, il y a lieu de relever que la part des emplacements permanents occupés par des utilisateurs étrangers à Enkhuizen ne représente que 10 %. De plus, le chiffre d'affaires annuel moyen par emplacement permanent (moins de 1 000 euros) est relativement bas par rapport au coût d'entretien, de transport, de financement et d'amortissement des bateaux de plaisance et des coûts connexes liés aux vacances sur l'eau. b) L'influence de l'aide aux emplacements à la journée sur les échanges est, par nature, extrêmement limitée. Le propriétaire ou locataire (étranger) d'un bateau utilise le port de plaisance situé à l'endroit où il se trouve à une date et à une heure déterminées et qui semble convenir, compte tenu de la taille et du tirant d'eau du bateau. Son choix est souvent très restreint. En l'espèce, le chiffre d'affaires du port de plaisance d'Enkhuizen pour l'ensemble des emplacements à la journée ne représente que 18 % de son chiffre d'affaires total, dont seulement 30 % proviennent de touristes étrangers.
(53) Enfin, il convient de souligner que le chiffre annuel du port de plaisance d'Enkhuizen s'élève à 316 000 euros.
(54) Il ressort de ce qui précède que l'aide au port de plaisance d'Enkhuizen, si tant est qu'aide il y ait, n'affecte pas les échanges et ne constitue dès lors pas une aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE.
(55) La Commission conclut donc que, bien qu'une certaine distorsion de la concurrence (locale) ne puisse pas être exclue, l'aide, si tant est qu'il y ait aide, n'affecte pas les échanges au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE. En particulier, dans les affaires en cause, on ne saurait raisonnablement s'attendre, en raison de la situation géographique des ports de plaisance, de leur taille relativement réduite et du montant relativement faible de l'aide publique par rapport au nombre d'emplacements proposés par les ports, à ce que cette aide incite des propriétaires de bateaux de plaisance d'autres États membres à utiliser des emplacements permanents ou à la journée dans ces ports de plaisance plutôt que dans ceux d'autres États membres.
(56) Cela ne contredit pas la jurisprudence actuelle de la Cour de justice et du Tribunal de première instance des Communautés européennes concernant l'affectation des échanges. Dans l'affaire Tubemeuse (12), la cour de justice a dit pour droit que "... la taille relativement modeste de l'entreprise bénéficiaire n'exclu[t] pas a priori l'éventualité que les échanges entre États membres soient affectés". Cela ne veut pas dire que la taille insignifiante d'une entreprise et d'autres caractéristiques de l'affaire ne puissent pas mener à la conclusion que l'aide d'État accordée à cette entreprise n'affecte pas les échanges entre États membres.
(57) Le Tribunal de première instance a également dit pour droit dans l'affaire Vlaams Gewest (13) (Région flamande) que "l'interdiction visée à l'article 92, paragraphe 1, du traité s'applique à toute aide qui fausse ou menace de fausser la concurrence, quel qu'en soit le montant, dans la mesure où (14) elle affecte les échanges entre États membres".
(58) Enfin, les conclusions de la Commission ne contredisent pas sa propre pratique en matière de ports de plaisance. Elle souligne à cet égard que la décision de la Commission du 7 janvier 2001, mentionnée au considérant 16, concernait un port de plaisance d'une taille largement supérieure à celle des ports de Nijkerk et d'Enkhuizen et pour lequel une notification a eu lieu conformément à l'encadrement multisectoriel des aides à finalité régionale en faveur de grands projets d'investissement (15).
(59) La Commission est d'avis qu'il est suffisamment établi qu'en l'espèce les échanges ne sont pas affectés. En outre, le secteur néerlandais des ports de plaisance doit aujourd'hui faire face à des problèmes de surcapacité, ce qui n'est pas le cas au niveau communautaire, où le marché est en plein essor.
VII. CONCLUSION
(60) Par ces motifs, la Commission est d'avis que, pour ce qui concerne les ports de plaisance néerlandais en cause en l'espèce, il n'y a pas d'aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE. S'agissant du port de plaisance de Wieringermeer, il n'y a pas octroi d'avantage. S'agissant des ports de plaisance d'Enkhuizen et de Nijkerk, la mesure d'aide n'affecte pas les échanges entre États membres,
A arrêté la présente décision:
Article premier
Les mesures d'aide mises à exécution par les Pays-Bas en faveur des ports de plaisance sans but lucratif d'Enkhuizen, de Nijkerk et de Wieringermeer ne peuvent pas être considérées comme une aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE.
Article 2
Le Royaume des Pays-Bas est destinataire de la présente décision.
(1) JO C 69 du 22.3.2003, p. 4.
(2) JO C 69 du 22.3.2003, p. 4.
(3) JO C 40 du 12.2.2000, p. 2.
(4) JO L 10 du 13.1.2001, p. 30.
(5) 7 636 147 euros - 5 719 854 euros (estimation du terrain) = 1 916 293 euros + 100 000 euros (de minimis) = 2 016 293 euros. 2 016 293 euros/69 031 m2 = 29,21 euros/m2.
(6) JO C 209 du 10.7.1997, p. 3.
(7) Il n'existe pas aux Pays-Bas de région relevant de l'article 87, paragraphe 3, point a).
(8) 7 636 147 euros - 5 333 161 euros (coûts de construction) = 2 302 986 euros + 100 000 euros (de minimis) = 2 402 986 euros. 2 402 986 euros/69 031 m2 = 34,81 euros/m2.
(9) Décision de la Commission du 21 décembre 2000, N 258-2000 - Allemagne (Piscine de Dorsten) (JO C 172 du 16.6.2001, p. 16).
(10) Ces chiffres proviennent d'Icomia (International Council of Marine Industry Organisations, consulter le site à l'adresse http://www.icomia. com) et du rapport "La Nautica in cifre" d'UCINA (Unione Nazionale Cantieri e Industrie Nautiche ed Affini, consulter le site à l'adresse http://www.ucina.it). Étant donné qu'aucune statistique précise n'est disponible, il s'agit d'estimations grossières.
(11) Moyenne pondérée des emplacements permanents et à la journée.
(12) Arrêt de la Cour du 21 mars 1990, affaire C-142-87, Belgique contre Commission, Rec. 1990, p. I-959. Voir aussi arrêt de la Cour du 14 septembre 1994, affaires jointes C-278-92 à C-280-92, Espagne contre Commission, Rec. 1994, p. I-4103.
(13) Arrêt du Tribunal de première instance du 30 avril 1998, affaire T-214-95, Vlaamse Gewest (Région flamande) contre Commission, Rec.1998, p. II-717, points 46, 49 et 50 des motifs.
(14) Italiques ajoutés par la Commission. (4) JO C 107 du 7.4.1998, p. 7.