CA Fort-de-France, ch. corr., 24 juin 2002, n° 00-00124
FORT-DE-FRANCE
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Crézé
Conseillers :
M. Pottier, Mme Malardel
Avocats :
Mes Marcault-Derouard, Ewstifeieff.
La procédure préalable aux débats
La décision attaquée:
Par jugement en date du 3 octobre 2000, le Tribunal correctionnel de Cayenne saisi contre L Jean-Paul, B Yves et J Alice des préventions de:
- d'avoir à Cayenne, le 11 octobre 1997 et le 22 juin 1998, effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations faussées de nature à induire en erreur sur les produits désinfectants ou détergents BACT-L et X: en présentant le produit BACT-L comme conforme aux normes AFNOR 72150 alors que cette norme (en réalité AFNOR NE T 72-150) était annulée depuis le 20 septembre 1997 et que les dirigeants de l'entreprise ne pouvaient fournir aucun résultat d'analyse ou aucun contrôle prouvant que le produit était conforme à la norme ou qu'il avait une action bactéricide.
En présentant le produit X comme conforme au décret du 12 mars 1973 et aux arrêtés des 27 octobre 1975 et 21 décembre 1979 alors que lesdits textes étaient inappropriés que le produit en cause était non conforme et dangereux.
Infraction prévue par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 al. 1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 121-6, L. 121-4, L. 213-1 du Code de la consommation.
- d'avoir à Cayenne le 11 octobre 1997 et le 22 juin 1998, trompé les contractants sur la nature, les qualités substantielles, la composition, la teneur en principes utiles, l'aptitude à l'emploi, les risques inhérents à l'utilisation, les contrôles effectués sur les détergents et nettoyants vendus en l'espèce X et Y.
Le X étant considéré comme non conforme et dangereux et le Y comme dangereux, compte tenu de la présence de substances corrosives et irritantes nullement signalées dans l'étiquetage.
Avec cette circonstance que la tromperie a eu pour conséquence de rendre l'utilisation de la marchandise dangereuse pour la santé de l'homme ou de l'animal.
Infraction prévue par les articles L. 213-2 1°, L. 213-1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 213-2, L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3, L. 216-8 du Code de la consommation.
Sur l'action publique:
Annulé les actes d'enquête relatifs à l'examen des échantillons.
En conséquence relaxé les 3 prévenus du délit de tromperie sur la marchandise.
Déclaré les prévenus coupable du délit de publicité mensongère.
Condamné L Jean-Paul et B Yves à la peine d'amende de 30 000 F.
Condamné J Alice à la peine d'amende de 20 000 F.
Ordonné aux frais des condamnés la publication du présent jugement dans le journal
France-Guyane sur 1-8e page, des incriminations et du dispositif de la présente décision.
Dit que le coût de la publication, à la charge des condamnés, ne dépassera pas 5 000 F.
La déclaration d'appel:
Mademoiselle J Alice, Messieurs L Jean-Paul et B Yves ont interjeté appel de cette décision le 9 octobre 2000.
Le Ministère public a formé appel incident le 10 octobre 2000.
Mademoiselle J Alice et Monsieur L Jean-Paul ont été cités à personne le 16 octobre 2001 pour l'audience du 12 novembre 2001.
Monsieur B Yves a été cité à domicile le 16 octobre 2001.
La partie intervenante a été citée à personne le 11 octobre 2001.
L'affaire a été renvoyée successivement à l'audience du 25 février 2002 puis du 27 mai 2002.
Rappel des faits
Jean-Paul L et Yves B sont respectivement gérant et co-gérant de la société Z dont la directrice salariée était Alice J à l'époque des faits.
Z est une entreprise qui fabrique et vend des produits d'entretien et d'hygiène, ainsi que des détergents, aux collectivités locales et au grand public depuis 1999.
La DGCCRF de Guyane a effectué deux contrôles de qualité au sein de la société Z les 15 octobre 1997 et 22 juin 1998, et a établi un procès-verbal de délit pour tromperie sur la marchandise et publicité mensongère.
Par jugement du 3 octobre 2000, le Tribunal correctionnel de Cayenne annulait les actes d'enquête relatifs à l'examen des échantillons prélevés de façon non contradictoire, relaxait les prévenus du chef de tromperie sur la qualité de la marchandises vendue, et les condamnait du chef de publicité mensongère. Il ordonnait par ailleurs la publication du jugement dans le journal France Guyane.
Argumentation des appelants
Madame J conclut à la confirmation du jugement sur la relaxe du chef de tromperie sur la marchandise vendue.
Sur la publicité mensongère, elle rappelle qu'il n'entrait pas dans ses attributions contractuelles de mettre en place l'auto-contrôle obligatoire et de valider les fiches de fabrication; elle précise qu'elle n'a reçu aucune formation à cet égard ni aucune délégation et souligne que ses attributions sont essentiellement administratives (gestion budgétaire, gestion du personnel, gestion commerciale). Elle a en outre effectué des démarches pour remédier à la situation dénoncée par la DGCCRF, les décisions et leur financement revenant aux gérants.
Elle sollicite sa relaxe.
Messieurs B et L concluent à la nullité de la procédure d'expertise et contestent la publicité mensongère; ils estiment que l'obligation d'auto-contrôle et sa sanction ne résultent d'aucune disposition légale ou réglementaire et que la non-conformité des produits ne peut être invoquée alors que l'expertise a été annulée. Ils soutiennent que la panne du doseur est sans effet sur la répartition des constituants effectuée par pesée, que la référence à une norme "NE" n'est nullement prohibée et qu'elle est sans effet sur le choix du consommateur. La non-conformité de l'étiquetage par rapport au produit vendu ne peut être davantage invoquée en l'absence d'expertise validée. Ils sollicitent en conséquence leur relaxe.
Motivation de la cour
La référence au contrat d'embauche de Madame Alice J montre que ses attributions étaient essentiellement administratives et non techniques, tandis qu'elle n'avait pas reçu de formation spécifique ni aucune délégation expresse en ce qui concerne la fabrication et le contrôle de la composition des produits.
Il y a lieu en conséquence de prononcer sa relaxe tant du chef de tromperie sur la qualité que du chef de publicité mensongère.
En ce qui concerne les gérants, la relaxe sera confirmée en ce qui concerne la tromperie sur la qualité des produits vendus en raison du non-respect de la formalité prévue par l'article L. 215-11 du Code de la consommation après les examens réalisés en laboratoire (avis du Procureur de la République à l'auteur présumé de la fraude et possibilité de réclamer une expertise contradictoire).
Par contre, et nonobstant la nullité de l'expertise, l'étiquetage des produits vendus ne pouvait faire référence à la conformité et l'innocuité des produits en l'absence de toute vérification soit par autocontrôle, soit par pesage ou dosage (panne de ces appareils) soit par un quelconque procédé de validation des fiches de fabrication.
Il s'ensuit que le jugement sera confirmé de ce chef, tant sur la culpabilité que sur la peine justifiée sur les motifs pertinents des premiers juges.
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement en matière correctionnelle et en dernier ressort, Déclare les appels recevables; Confirme le jugement déféré en ce qu'il a prononcé la relaxe des prévenus du chef de tromperie sur la qualité de la chose vendue; Infirme le jugement déféré en ce qu'il a déclaré Alice J coupable du délit de publicité mensongère; Prononce la relaxe de Madame J sur les deux chefs de prévention sans peine ni dépens; Confirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné Jean-Paul L et Yves B à chacun 30 000 F d'amende du chef de publicité mensongère soit quatre mille cinq cent soixante treize euros et quarante sept cents (4 573,47 euros); Y additant; Ordonne aux frais des condamnés la publication du présent arrêt dans le journal France Guyane sur 1-8e de page, des incriminations et du dispositif de la présente décision; Dit que le coût de la publication à la charge des condamnés ne dépassera pas 762,25 euros; Condamne Jean-Paul L et Yves B au paiement des droits fixes de cent vingt euros (120 euros), en application des articles 515, 749, 751 du Code de procédure pénale et de l'article 1018 A du Code général des impôts.