CCE, 27 novembre 2002, n° 2004-104
COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Décision
Méthylglucamine
LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,
Vu le traité instituant la Communauté européenne, vu l'accord sur l'Espace économique européen, vu le règlement n° 17 du Conseil du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (1), tel qu'il a été modifié en dernier lieu par le règlement (CE) n° 1-2003 (2), et notamment ses articles 3 et 15, vu les décisions de la Commission du 1er octobre 2001 et du 17 décembre 2001 d'ouvrir la procédure dans cette affaire, après avoir donné aux entreprises concernées l'occasion de faire connaître leur point de vue au sujet des griefs retenus par la Commission, conformément à l'article 19, paragraphe 1, du règlement n° 17 et au règlement (CE) n° 2842-98 de la Commission du 22 décembre 1998 relatif à l'audition dans certaines procédures fondées sur les articles 85 et 86 du traité CE (3), après consultation du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes, vu le rapport final du conseiller-auditeur dans la présente affaire (4), considérant ce qui suit:
PARTIE I - LES FAITS
I. LE SECTEUR DE LA MÉTHYLGLUCAMINE
1.1. Le produit
(1) La méthylglucamine (ou MG) (parfois dénommée "mégluminet) est un produit chimique intermédiaire pour la synthèse de produits de contraste utilisés en radiologie, de produits pharmaceutiques et de colorants. Il ne s'agit pas d'un sous-produit, la capacité de production de méthylglucamine étant, au contraire, déterminée par la configuration de l'unité de production.
(2) La méthylglucamine est fournie sous forme cristalline aux fabricants de produits de contraste qui la combinent avec un autre agent chimique. La demande de cette substance combinée émane essentiellement d'établissements hospitaliers qui l'injectent aux patients de radiologie. Le rôle de la méthylglucamine consiste à empêcher que les produits de contraste ne soient expulsés trop rapidement de l'organisme.
(3) La méthylglucamine, qui existe depuis longtemps sur le marché, est un produit arrivé à maturité. Le marché de la méthylglucamine est stable, certaines régions accusant même un recul de la demande. Il n'est pas exclu que la méthylglucamine disparaisse du marché à moyen terme, car un produit nouveau et moins coûteux pourrait devenir disponible prochainement.
(4) Toutefois, comme les deux parties l'ont confirmé, à aucun moment de la période couverte par la présente décision il n'a existé de produit substituable à la méthylglucamine pour les applications radiologiques. En outre, seule de la méthylglucamine de qualité supérieure, dite de qualité pharmaceutique, peut être utilisée pour ces applications. Cela amène à conclure à l'existence d'un marché de produit en cause de la méthylglucamine de qualité pharmaceutique. La présente décision ne concerne que la méthylglucamine de qualité pharmaceutique utilisée pour les applications décrites au considérant 1. Un fabricant chinois produit un type de méthylglucamine de qualité inférieure qui est utilisé dans d'autres domaines, comme le traitement des eaux. Lorsque le terme méthylglucamine ou le sigle MG sont utilisés dans la présente décision, ils désignent uniquement la méthylglucamine de qualité pharmaceutique.
a) L'offre
1.2. Le marché de la méthylglucamine
(5) Comme il est expliqué ci-dessus, le marché de produit en cause peut être défini comme étant le marché de la méthylgiucamine de qualité pharmaceutique (ci-après dénommée "méthylglucaminee), car cette qualité n'est pas remplaçable par d'autres du côté de la demande, Il s'agit d'un marché de dimension mondiale.
(6) Le marché mondial de la méthylglucamine en 1999 est estimé à environ 375 tonnes, représentant une valeur de 5,7 millions d'euros (6), dont environ 3,1 millions d'euros (7) pour la Communauté.
(7) Sur la base des données sur les ventes fournies par les parties, en 1999 Merck détenait en volume des parts respectives de du marché mondial et de du marché de l'EEE. Les parts estimatives d'Aventis étaient respectivement de du marché mondial et de du marché de l'EEE (7).
(8) Sur la même base mais en valeur, Merck détenait en 1999 des parts respectives d'environ 55 %] du marché mondial et d'environ 70 %] du marché communautaire, tandis qu'Aventis détenait %] du marché mondial et du marché de l'EEE (8).
(9) Dans sa réponse à la communication des griefs, Merck fait valoir qu'il faut utiliser, pour apprécier sa part de marché, une moyenne couvrant plusieurs années, car le chiffre se rapportant à 1999 ne reflète pas fidèlement la position des parties pendant toute la durée de l'entente (9). La Commission a examiné cette question. Dans sa réponse à la communication des griefs, Merck surestime la valeur des ventes de méthylglucamine d'Aventis. Les parts de marché moyennes pour la période 1995-1999 ne diffèrent pas sensiblement des chiffres relatifs à 1999.
(10) Merck a fait valoir dans sa réponse écrite à la communication des griefs et lors d'une présentation orale que les livraisons à [client 1] ne doivent pas entrer dans le calcul de la part de marché de Merck étant donné que [client 1] était un client captif de cette dernière, qui aurait été le seul fournisseur capable de fournir la qualité de produit requise.
(11) Cet argument doit être réfuté étant donné qu'Aventis a clairement indiqué lors de l'audition qu'elle était en mesure de fournir à [client 1] la qualité requise, ce que Merck a finalement admis. En l'absence de l'accord anticoncurrentiel entre les parties, Aventis aurait donc eu les moyens de livrer activement concurrence pour l'approvisionnement de [client 1] et elle aurait eu tout intérêt à le faire.
(12) Les deux producteurs de méthylglucamine sont des entreprises multinationales réalisant un chiffre d'affaires considérable. Leur activité est essentiellement mondiale et le marché mondial peut être qualifié de duopole.
(13) Les deux producteurs de méthylglucamine sont situés dans la Communauté.
(14) En 2000, la production mondiale de méthylglucamine de qualité pharmaceutique était concentrée sur deux sites, tous deux dans la Communauté. Les deux producteurs de méthylglucamine sont d'une taille à peu près similaire en termes de capacité de production. Dans son usine de Darmstadt, Merck avait une capacité de production d'[environ 300] tonnes (10). Quant à Aventis, sa capacité exacte à l'usine d'Elbeuf n'est pas connue. Les volumes de méthylglucamine vendus par Aventis varient fortement d'une année à l'autre, mais la plus forte quantité vendue depuis 1990 a été de [environ 250] tonnes en 1991 (11). Ces dernières années, les ventes ont été nettement plus faibles. La capacité de production mondiale de méthylglucamine peut, par conséquent, être estimée à quelque 500 tonnes par an en 1999.
b) La demande
(15) Les acheteurs de méthylglucamine sont des fabricants de produits de contraste qui combinent cette substance avec un autre agent chimique. Cette substance combinée est essentiellement demandée par des établissements hospitaliers. Les principaux acheteurs de méthylglucamine sont [client 1] (Allemagne), [client 2] (France) ainsi que [client 3] et [client 4] (États-Unis d'Amérique). [Client 1] et [client 3] sont d'anciens producteurs de méthylglucamine (chapitre 3.3 ci-après).
c) Le commerce entre les États membres
(16) La méthylglucamine est produite dans deux États membres et commercialisée dans le monde entier.
(17) En 1999, Merck a vendu de la méthylglucamine à huit États membres.
(18) La même année, Aventis en a vendu à cinq États membres.
(19) Il semble que les ventes aux pays de l'AELE soient minimes. La Commission sait qu'une société norvégienne a effectué de modestes achats auprès de Rhône-Poulenc en 1995.
1.3. Les producteurs
a) Rhône-Poulenc Biochimie SA et Aventis Pharma SA
(20) Rhône-Poulenc Biochimie (RPB) a son siège social à Antony, près de Paris. RPB est une filiale à cent pour cent d'Aventis Pharma, qui est elle-même une filiale à cent pour cent d'Aventis SA. Son chiffre d'affaires total s'est élevé à [environ 110] millions d'euros en 1999 (12).
(21) Dans sa réponse à la communication des griefs, Aventis déclare: "L'infraction a été commise par RPB et par aucune autre société affiliée. De fait, les pratiques visées par la communication des griefs concernent exclusivement RPB" (13). Sur la base de cette déclaration, la Commission admet que la totalité du volume de méthylglucamine produit au sein d'Aventis l'a été chez RPB.
(22) Aventis Pharma SA a également son siège central à Antony, près de Paris. La société a pour principales activités la découverte, le développement, la fabrication et la vente de produits pharmaceutiques. Aventis Pharma est une filiale à cent pour cent d'Aventis SA. En 1999, son chiffre d'affaires total s'est élevé à [environ 2] milliards d'euros (14).
(23) Aventis SA a son siège social à Strasbourg (France). Il s'agit d'une entreprise internationale qui exerce ses activités dans la recherche, le développement, la production et la commercialisation de produits chimiques intermédiaires organiques et inorganiques, de spécialités chimiques, de fibres, de matières plastiques, de produits pharmaceutiques et de produits agrochimiques.
(24) Ses trois métiers de base sont les produits pharmaceutiques, les produits phytosanitaires et vétérinaires et les spécialités chimiques.
(25) En 2000, le chiffre d'affaires total de l'entreprise s'est élevé à 22,304 milliards d'euros (15).
(26) En 1998, Rhône-Poulenc et Hoechst AG, le fabricant allemand de produits chimiques, ont annoncé leur accord sur un projet consistant à fusionner leurs activités dans le domaine des sciences de la vie au sein d'une nouvelle entité, "Aventis" (qui serait détenue à parts égales par les deux sociétés mères) et à se désengager de leur pôle chimique sur une période de trois ans. La finalisation de la fusion a été annoncée le 15 décembre 1999.
(27) À la suite de la fusion, Aventis s'est de plus en plus concentrée sur ses activités pharmaceutiques. Les autres parties de l'affaire ont été vendues. Une cession particulièrement importante a été celle d'Aventis Crop Sciences à Bayer en 2002.
(28) Au cours de la procédure, Aventis Pharma a géré les contacts avec la Commission en son propre nom et au nom de Rhône-Poulenc Biochimie SA. Lorsqu'il est question de commentaires faits par "Aventis" dans la présente décision, il convient d'entendre Aventis Pharma agissant pour son propre compte et pour celui de RPB.
b) Merck
(29) La société Merck KgaA, dont le siège social est à Darmstadt (Allemagne), fabrique des produits pharmaceutiques et des produits d'hygiène. Elle a été constituée comme filiale d'exploitation de E. Merck oHG, société en nom collectif créée en 1827.
(30) En 1999, le chiffre d'affaires total de l'entreprise s'est élevé à 5,347 milliards d'euros (16).
(31) La méthylglucamine est produite par la division "Cosmétiques, Hygiène, Nutrition" de la société (17).
c) Autres producteurs
(32) Il apparaît que, de 1991 à 1998 environ, Aventis et Merck ont été les seuls producteurs de méthylglucamine dans le monde. En 1998, un producteur chinois à bas coûts est entré sur le marché, mais il semble qu'il se soit concentré sur le marché des autres utilisations de la méthylglucamine nécessitant la qualité pharmaceutique inférieure (18). La Commission ne dispose d'aucune information indiquant que ce producteur chinois ait fait la moindre percée sur le marché de la méthylglucamine de qualité pharmaceutique utilisée comme produit de contraste en radiologie médicale, qui est le produit en cause aux fins de la présente décision.
2. PROCÉDURE
2.1. Enquête dans la Communauté
(33) Le 27 septembre 2000, des représentants de Merck se sont rendus à la Commission. Au cours de l'entretien, l'entreprise a exprimé le souhait de coopérer avec la Commission, en application de la communication de la Commission concernant la non-imposition d'amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (19) ("la communication sur la clémence"), et a donné une description verbale de l'entente dans laquelle elle avait été impliquée. Le 20 octobre 2000, la Commission a reçu un compte rendu écrit plus détaillé.
(34) Le 15 janvier 2001, la Commission a procédé à une vérification dans les locaux d'Aventis à Romainville, en application de l'article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17.
(35) Le 19 octobre 2001, la Commission a adressé à Aventis une demande de renseignements, en application de l'article 11 du règlement n° 17. Le même jour, une demande de renseignements complémentaires a été envoyée à Merck.
(36) Les réponses finales à ces lettres ont été reçues de Merck à la fin de janvier 2002 et d'Aventis au début de février 2002.
(37) Le 17 juin 2002, la Commission a engagé la procédure dans la présente affaire et adopté une communication des griefs à l'encontre de trois destinataires, à savoir Rhône-Poulenc Biochimie SA, Aventis Pharma SA et Merck KgaA.
(38) Des réponses à la communication des griefs ont été reçues des destinataires le 2 septembre 2002.
(39) Une audition, au cours de laquelle toutes les parties ont eu la possibilité d'être entendues, s'est tenue le 3 octobre 2002.
2.2. Enquêtes et procédures menées dans d'autres juridictions
(40) Les autorités américaines et canadiennes mènent également une instruction sur l'entente. De même que dans la Communauté, Merck coopère avec les autorités.
3. L'ENTENTE
3.1. Preuves écrites
(41) La présente décision se fonde sur les preuves écrites fournies par Merck, les preuves écrites découvertes lors des vérifications effectuées dans les locaux d'Aventis et les réponses aux demandes de renseignements de la Commission.
(42) Les faits exposés dans la présente section sont essentiellement fondés sur les preuves suivantes:
1) déclaration de Merck du 19 octobre 2000, à la suite d'une déclaration verbale du 27 septembre 2000;
2) documents saisis par la Commission durant les vérifications effectuées dans les locaux d'Aventis le
15 janvier 2001;
3) réponses de Merck des 17 décembre 2001 et 31 janvier 2002 à une demande de renseignements de la Commission;
4) réponses d'Aventis des 21 décembre 2001 et 1er février 2002 à une demande de renseignements de la Commission;
5) réponse de Merck du 2 septembre 2002 à la communication des griefs de la Commission;
6) réponse d'Aventis du 2 septembre 2002 à la communication des griefs de la Commission.
3.2. Résumé de l'infraction faisant l'objet des griefs de la Commission
(43) L'entente des deux producteurs de méthylglucamine Merck et Aventis a existé au moins de novembre 1990 à décembre 1999. Le but poursuivi était l'élimination de la concurrence sur le marché mondial de la méthylglucamine, résultat qui devait être obtenu au moyen d'un accord de partage du marché et par la fixation des prix.
(44) Les responsables de la distribution et de la commercialisation de la méthylglucamine chez Merck et Aventis se sont rencontrés une fois par an à partir de 1990, et se sont communiqué leurs données sur les ventes et leurs chiffres d'affaires de l'année précédente.
(45) En général, une hausse des prix était négociée durant ces réunions annuelles. Les entreprises convenaient de relever d'un nombre de points de pourcentage donné les prix de tarif de la méthylglucamine, qui étaient appliqués, tout au moins en Europe, aux petits clients.
(46) Au cours des réunions, des informations étaient échangées sur certains clients et des mesures étaient prises pour faire en sorte que les clients ne changent pas de fournisseur. L'entente comportait un accord de partage du marché.
(47) De 1990 à 1999, les participants à l'entente ont organisé des réunions annuelles régulières, ordinairement à l'automne. Onze réunions tenues au cours de cette période ont été recensées.
(48) Les représentants connus des entreprises aux réunions tenues dans le cadre de l'entente étaient les personnes suivantes:
Merck:
[employé(e) Merck 1] (1990-1996) (20)
[employé(e) Merck 2] (1996-1999) (21)
Aventis:
[employé(e) Aventis 1] (1990-1999) (22)
[employé(e) Aventis 2] (1990 ou 1993-1999) (23)
3.3. Contexte et premiers contacts
(49) Avant 1990, Merck et RPB n'étaient pas les seuls producteurs de méthylglucamine de qualité pharmaceutique présents sur le marché. [Client 3] (États-Unis) a arrêté la production vers le milieu des années 80. [Client 1] a selon toute vraisemblance arrêté sa production de méthylglucamine en 1990. Ces deux entreprises sont aujourd'hui des grands acheteurs de méthylglucamine.
(50) Selon Aventis, les producteurs de méthylglucamine entretenaient d'excellents rapports de longue date. Si l'un d'eux rencontrait des difficultés de livraison, il lui était généralement possible d'acheter les produits nécessaires à son concurrent à un prix très avantageux. Le prédécesseur de [employé(e) Merck 1] au poste de [cadre dirigeant] pour la méthylglucamine chez Merck se rappelle que, dès 1979, une réunion a eu lieu avec Rhône-Poulenc concernant des achats à des conditions avantageuses, en raison de problèmes de livraison chez Merck (Kollegenlieferung) (24). En 1989, RPB a acheté de la méthylglucamine à [client 1] (25), tandis que Merck en a acheté à RPB en 1990-1991, 1994 et 1995 (26). [Employé(e) Merck 1] se souvient que, à une occasion au moins, RPB a acheté de la méthylglucamine à Merck (27).
(51) Aventis déclare en outre: "Il était évident pour les deux entreprises que, tôt ou tard, l'une d'elles devrait quitter le marché et donc acheter au producteur restant, à des conditions avantageuses, la méglumine (méthylglucamine) dont elle avait besoin en interne" (28).
(52) Dans sa réponse à la communication des griefs, Merck a exprimé un point de vue différent et confirmé que, pour sa part, elle avait toujours rejeté les propositions que lui faisait Rhône-Poulenc/Aventis de cesser sa production et d'acheter de la méthylglucamine à Aventis. Le principal client de Merck, [client 1] AG, n'était généralement pas disposé à accepter de la méthylglucamine de la qualité Aventis. Enfin, étant donné son savoir-faire dans la production de spécialités chimiques, Merck pouvait produire de la méthylglucamine à un coût relativement faible, de sorte qu'elle n'avait aucun intérêt à cesser sa production (29).
(53) Vers [.], lorsque [client 1] a arrêté la fabrication du produit, elle a commencé à acheter sa méthylglucamine à Merck à des conditions préférentielles, en qualité de "coproducteur". Merck explique que, dans ce contexte particulier, "un coproducteur est une entreprise qui fabrique un certain produit et connaît donc les coûts liés à la fabrication de ce produit. Si cette entreprise achète le produit à un concurrent dans le cadre des livraisons par des entreprises collègues, elle tentera, du fait de cette connaissance qui lui donne une meilleure position de négociation, d'obtenir le produit à un prix aussi proche que possible de ses propres coûts de production ("prix de coproducteur")" (30).
(54) À l'époque où il est devenu patent que Merck et RPB seraient les deux seuls producteurs restant sur le marché, les contacts entre ces deux entreprises ont commencé à s'intensifier. Au début, ces contacts auraient eu essentiellement pour objet un échange informel d'informations. [employé(e) Merck 1] déclare qu'en [fin 80], lorsqu'il a été présenté pour la première fois, il était évident que des représentants de Merck et Rhône-Poulenc se rencontraient depuis un certain temps pour discuter de l'achat de produits par Merck à Rhône-Poulenc. Les responsables de la méthylglucamine se rencontraient également en marge de ces réunions (31).
(55) Des déclarations de salariés de Merck confirment que, bien avant 1990, des rumeurs circulaient dans l'entreprise au sujet d'un accord sur la méthylglucamine.
(56) Dans un entretien du 9 octobre 2000, [employé(e) Merck 4] a fait une déclaration rapportée comme suit:
(57) "Bien qu'il ne se soit pas occupé directement de la méthylglucamine avant le début de cette année, il était au courant des contacts avec RP au sujet de ce produit. Ces contacts étaient un secret de Polichinelle au service commercial de Merck. Il en avait déjà entendu parler dix ou vingt ans auparavant, c'est-à-dire à l'époque où [.] (de 1983 à 1989 - NdR) et avant l'introduction de la "Spartenorganisation" chez Merck (1978 et 1979 - NdR). Le rapport particulier avec RP au sujet de la MG concernait aussi bien les prix que les parts de marché (32)".
(58) Lors d'un deuxième entretien, le 15 janvier 2002, [employé(e) Merck 4] a été prié de préciser où et comment il avait obtenu ces informations.
(59) "Il ne s'est plus souvenu à quel moment exactement il a eu connaissance de ces éléments, mais il pense que ce devait être entre le début et le milieu des années 80 et que les informations provenaient d'une source fiable. Il se souvient qu'un client avait déclaré que quand on demandait le prix de la MG à Merck et à Rhône-Poulenc, on recevait deux réponses identiques. En revanche, il ne se rappelle plus la date exacte de cette déclaration" (33).
(60) [.] Lors d'un entretien qui a eu lieu le 15 janvier 2002, [employé(e) Merck 5] a fait une déclaration rapportée en ces termes:
(61) "Il n'était revenu de l'étranger à Darmstadt qu'en 1990. Il avait entendu parler des accords au sujet de la MG lors de ses séjours à Darmstadt à l'époque où il vivait à l'étranger. D'après le souvenir qu'il en a, lorsqu'il a été interrogé pour la première fois (en 2000), l'entente existait depuis dix à quinze ans. Lors d'un de ces séjours, il avait entendu des rumeurs selon lesquelles il y avait un "accord sur le prix" de la MG. À l'époque, il avait eu l'impression que cette affaire n'était pas nette. En revanche, il n'a pas entendu parler d'une éventuelle répartition de clients entre Merck et Rhône-Poulenc" (34).
(62) Merck déclare que les responsables de la distribution et de la commercialisation de la méthylglucamine avaient rencontré des représentants de Rhône-Poulenc (RP) en 1989 et avaient échangé leurs données sur les ventes et leurs chiffres d'affaires de l'année précédente (35). Cette rencontre est confirmée par [employé(e) Merck 1] (36). Aucune preuve écrite n'a été découverte et Aventis n'a pas confirmé la rencontre, ni son objet.
(63) Dans sa réponse à la communication des griefs, Merck confirme que cette réunion se rapportait sans aucun doute à la méthylglucamine. Merck estime qu'elle peut même avoir été le point de départ de l'entente sur la méthylglucamine, puisque RP avait essayé, à cette occasion, de persuader Merck de cesser sa production de méthylglucamine et d'acheter ce produit à RP à un prix favorable. Merck ayant rejeté la proposition de RP d'arrêter sa production, l'entente pourrait être apparue comme une autre solution possible pour garantir la stabilité des prix et des parts de marché (37).
(64) D'après [employé(e) Merck 1], une réunion a eu lieu à une date inconnue en 1989-1990, entre [employé(e) Merck 3] et [employé(e) Merck 1] de Merck et [employé(e) Aventis 1] de RP. Apparemment, un autre représentant de RP était présent, mais il ne s'agissait pas de [employé(e) Aventis 2]. [Employé(e) Merck 3] a présenté [employé(e) Merck 1] comme le nouveau représentant de Merck chargé de la méthylglucamine (38). [Employé(e) Merck 3] confirme cette réunion, mais déclare qu'elle s'est déroulée en 1990 à Paris, probablement au siège de RP. Il pense qu'il y a été question de plusieurs produits, dont la méthylglucamine (39).
(65) Après la réunion susmentionnée, une autre rencontre a eu lieu vers la fin des années 80 ou au début des années 90. Répondant à une invitation à dîner de RP, [employé(e) Merck 1] et [employé(e) Merck 6] de Merck ont rencontré [employé(e) Aventis 1] et [employé(e) Aventis 2] de RP dans un restaurant parisien. La conversation n'a pas porté sur des sujets professionnels, mais les représentants de Merck ont soupçonné que l'invitation de RP n'était pas étrangère à une proposition de cette dernière demandant à Merck de cesser la production de méthylglucamine et de se procurer ce produit auprès d'Aventis à un prix avantageux (40).
(66) Dans sa réponse à la communication des griefs, Aventis fait valoir que, en ce qui concerne la méthylglucamine, seuls des contacts légitimes concernant des pénuries occasionnelles du produit ont eu lieu entre les sociétés avant 1990. Les déclarations de [employé(e) Merck 3] et [employé(e) Merck 1] ne prouvent pas l'existence de contacts illégitimes avant 1990 et la fiabilité des rumeurs entendues par [employé(e) Merck 4] et [employé(e) Merck 5] est très douteuse (41).
(67) Il existe différentes versions des faits antérieurs à 1990. La Commission n'a pas en sa possession de preuves documentaires suffisantes pour établir quelle version est la bonne. En conséquence, aux fins de la présente décision, l'infraction est considérée comme ayant commencé en 1990.
3.4. Le début d'une entente structurée: réunion le 22 novembre 1990 à Antony, Paris
(68) La réunion qui a eu lieu à l'automne 1990 marque une nette évolution des contacts entre Merck et RP au sujet de la méthylglucamine, avec la mise en place d'un dispositif formel et structuré comportant un accord précis à propos des prix et de l'attribution des parts de marché. Ce point est confirmé par des déclarations d'Aventis et de Merck qui ont été corroborées (section 3.5 ci-dessous).
(69) La réunion qui a eu lieu à l'automne 1990 a été, pour [employé(e) Merck 1] (Merck) comme pour [employé(e) Aventis 1] (RP/Aventis), leur première réunion en [ces qualités]. D'après les renseignements fournis par [employé(e) Merck 3], [employé(e) Merck 1] lui avait succédé le 1er septembre 1990 (42). D'après un document saisi chez Aventis, [employé(e) Aventis 1] a été nommé [en cette qualité] de Rhône-Poulenc Biochimie en janvier 1990 (43).
(70) Les parties s'accordent pour dire que [employé(e) Merck 1] et [employé(e) Aventis 1] étaient chargés d'élaborer les modalités de l'entente. D'après la déclaration de [employé(e) Merck 1], "[employé(e) Merck 3] l'a présenté à [employé(e) Aventis 1], mais c'est seulement [employé(e) Merck 1] qui a élaboré avec [employé(e) Aventis 1] les accords concrets avec Rhône-Poulenc" (44). Selon Aventis "il apparaît qu'avant 1990, les questions relatives à la méglumine (méthylglucamine NdR) n'ont pas été abordées au cours des réunions qui ont eu lieu dans les locaux de Merck et ont porté sur les ventes de [un autre produit]. Toutefois, comme on l'a vu plus haut, la situation a évolué lorsque, au début des années 90, une réunion annuelle a eu lieu entre [employé(e) Aventis 1] et son homologue chez Merck, [employé(e) Merck 1], pour discuter des questions relatives à la méglumine" (45).
(71) Le fait que la réunion a eu lieu n'est pas contesté et il est confirmé que [employé(e) Merck 1] (46) et [employé(e) Aventis 1] y ont assisté. Aventis déclare ceci: "D'après les entretiens menés avec des salariés du déclarant, une réunion annuelle concernant la méglumine avait lieu en Allemagne entre [employé(e) Aventis 1], [cadre dirigeant] chez RPB de 1990 à 1999, et son homologue chez Merck, [employé(e) Merck 1] ou le successeur de celui-ci, [employé(e) Merck 2]. Cette réunion se tenait à la fin de l'année. La première de ces réunions s'est tenue en 1990 avec [employé(e) Merck 1], dans les locaux de Merck à Darmstadt" (47).
(72) Sans contester que la réunion a eu lieu, Merck soutient qu'Aventis la confond avec une réunion sur [un autre produit] et que la première réunion a en fait eu lieu dans les locaux d'Aventis, à Antony, près de Paris.
(73) Dans sa réponse à la communication des griefs, Merck déclare: "Il est vrai que des réunions annuelles concernant [un autre produit] avaient lieu dans les locaux de Merck. Les membres de la division centrale d'achat de Merck y menaient avec les représentants d'Aventis des discussions approfondies en vue de fixer les conditions de vente de [un autre produit] à Merck. De fait, une réunion de ce type concernant [un autre produit] s'est tenue dans les locaux de Merck (également) en 1990. Comme ces réunions concernaient les achats de Merck à Rhône-Poulenc, la division distribution/marketing de Merck (48) n'y participait généralement pas. En revanche, la réunion de 1990 concernant la méthylglucamine s'est tenue le 22 novembre entre [employé(e) Aventis 1] et [employé(e) Merck 1] (qui venait d'être nommé [cadre dirigeant]) dans les locaux d'Aventis à Paris (Antony). Après cette réunion, [employé(e) Aventis 1] a invité [employé(e) Merck 1] dans un restaurant des Champs- Élysées" (49).
(74) Bien qu'il y ait désaccord sur le lieu de la première réunion, il ressort de ce qui précède que les parties s'accordent sur le fait que la première réunion du cartel a eu lieu à l'automne 1990. Sur la base des informations plus précises fournies par Merck, il est permis de conclure que la première réunion du cartel a eu lieu le 22 novembre 1990.
(75) La teneur de cette première réunion et des dix suivantes est décrite à la section 3.5 ci-dessous.
3.5. Structure et contenu de l'accord collusoire
3.5.1. Échange d'informations
(76) Les deux parties conviennent que les réunions commençaient normalement par un échange d'informations et de vues sur la demande mondiale du produit, les interlocuteurs se référant aux volumes vendus à leurs principaux clients respectifs au cours de l'année précédente.
(77) Merck déclare: "Les responsables de la distribution et de la commercialisation de la MG chez Merck et chez Aventis se rencontraient une fois par an depuis 1989 et se communiquaient leurs données sur les ventes et leurs chiffres d'affaires de l'année précédente. À cet effet, les représentants de Merck se procuraient préalablement des tirages des statistiques de vente internes de Merck qui donnaient les résultats de l'année précédente, par pays et par clients, avec les chiffres des volumes et des ventes" (50).
(78) Aventis déclare: "Ces réunions duraient environ une heure et demie. Les entreprises commençaient par un échange de vues sur la demande mondiale de ce produit - généralement en recul - en se référant aux volumes vendus à leurs principaux clients respectifs au cours de l'année précédente" (51).
(79) Aventis fait valoir dans sa réponse à la communication des griefs que l'échange d'informations sur les ventes était limité au cours de ces réunions. L'entreprise déclare ce qui suit.
(80) "La Commission affirme, dans la communication des griefs, que RPB et Merck échangeaient systématiquement des données sur les ventes. Elle rejoint par ailleurs RPB et Merck pour conclure, ce qui semble contradictoire, qu'aucun des deux producteurs n'avait correctement apprécié la position de l'autre sur le marché de la méglumine. Merck pensait à tort que les deux producteurs détenaient chacun une part de marché de 50 %. La communication des griefs et le dossier y afférent démontrent clairement que Merck détenait une part de marché beaucoup plus élevée que RPB, soit [environ 65] % du marché mondial et [environ 75] % du marché de l'EEE. RPB, pour sa part, avait sous-estimé le marché mondial de la méglumine à environ 200 tonnes/an pour divers clients, les besoins internes de Merck et de [client 1] représentant le reste".
(81) Ces évaluations inexactes du marché démontrent clairement que, bien que des chiffres de vente aient été communiqués lors d'échanges verbaux informels, les deux producteurs n'ont jamais échangé de documents d'aucune sorte. Bien qu'il soit indiqué dans la communication des griefs que Merck et RPB se rencontraient et "se sont communiqué leurs données de vente et chiffres d'affaires de l'année précédente", il convient de souligner qu'il n'y a jamais eu d'échange complet et systématique de données sur les ventes. Les interviews de [employé(e) Merck 1] et [employé(e) Merck 2] ont indiqué que RPB et Merck n'ont jamais échangé leurs chiffres d'affaires, contrairement à ce que déclare Merck elle-même. Si les parties l'avaient fait, Merck se serait rendu compte que sa part de marché était de loin supérieure à celle de RPB (52).
(82) La Commission admet que l'échange verbal de chiffres de vente a bien eu lieu mais ne s'est pas matérialisé sous la forme d'un échange systématique complet de données sur les ventes.
3.5.2. Accord sur certains prix et sur les augmentations annuelles des prix
(83) Merck et Aventis s'accordent à reconnaître qu'un élément important des réunions annuelles consistait à s'entendre sur les hausses de prix pour l'année suivante.
(84) Merck déclare: "En outre, une hausse de prix pour l'année à venir était généralement négociée. On convenait d'augmenter d'un nombre convenu de points de pourcentage les prix tarif de la MG (fixés annuellement), qui étaient appliqués aux petits clients, tout au moins en Europe (représentant seulement quelque 10 % du chiffre d'affaires), ainsi que les prix, négociés individuellement, applicables aux clients plus importants ("key accounts"). En conséquence, les prix tarif de Merck et d'Aventis étaient en fait - à quelques écarts négligeables près - les mêmes" (53).
(85) Aventis déclare: "Ensuite on parlait des prix, en cherchant notamment à savoir si l'une des parties avait l'intention d'augmenter ses prix et de combien. Aucune des parties ne proposait d'augmentation significative, car il était entendu qu'un produit fabriqué depuis 1956 ne pouvait supporter qu'une hausse progressive et légère" (54).
(86) Dans sa réponse à la communication des griefs, Aventis déclare "Comme il est indiqué dans la réponse de RPB du 1er février, il était question des prix lors des réunions annuelles entre RPB et Merck. En fait, les participants discutaient de l'opportunité d'augmenter le prix tarif, avant de s'entendre sur une augmentation minimale en pourcentage. Merck et RPB ne discutaient cependant pas des prix applicables à des clients en particulier, ce qui a été confirmé par [employé(e) Merck 1] dans son interview du 19 septembre 2000" (55).
(87) La Commission admet l'affirmation d'Aventis selon laquelle les discussions ne portaient que sur les "prix tarif" et les hausses tarifaires annuelles lors des réunions.
3.5.3. Partage du marché et répartition de la clientèle
(88) Les deux parties conviennent que le dispositif comportait un accord de partage du marché. En revanche, leurs déclarations diffèrent quelque peu lorsqu'il s'agit de décrire cet accord.
(89) Merck déclare: "Au moins depuis la fin des années 80, il y a eu des contacts entre Merck et Aventis au sujet de la MG, dont l'objectif principal était de maintenir le statu quo des parts de marché respectives de 50 % que les deux entreprises détenaient sur le marché mondial de la MG, et d'augmenter le prix du produit. Un objectif supplémentaire consistait à empêcher, si possible, leurs clients respectifs de passer d'un fournisseur à l'autre" (56). Dans une phrase formulée différemment, Merck déclare: "Pour empêcher les changements de fournisseur, il avait été décidé que chaque partie répondrait aux demandes de prix émanant de clients de l'autre en indiquant les prix tarif" (57).
(90) Dans son compte rendu de la réunion annuelle de 1996, [employé(e) Merck 2] déclare: "Il a été convenu entre Merck et RP que, en cas de demande émanant de clients de l'autre partie, chacun ne proposerait que les prix tarif, même s'il s'agissait de gros clients. Comme les prix tarif étaient plus élevés que les prix appliqués aux gros clients, il était certain que les gros clients resteraient chez leur fournisseur du moment. Cette question a été débattue en détail lors de la deuxième réunion, à l'automne 1996" (58). Dans son compte rendu de la réunion de 1997, [employé(e) Merck 2] déclare: "Les participants ont vérifié si tous les clients étaient restés chez leur fournisseur respectif l'année précédente, et ils ont constaté que cela avait été le cas" (59).
(91) Aventis déclare: "Au cours d'une réunion qui a dû avoir lieu en 1990 ou en 1991, [employé(e) Aventis 1] et [employé(e) Merck 1] ont passé un accord sur les volumes fournis à [client 2], le principal client de RPB en Europe. Aux termes de cet accord, les besoins annuels de [client 2] en méglumine seraient couverts par RPB à hauteur de 25 tonnes au minimum. Si [client 2] le demandait, Merck pourrait couvrir les besoins restants de ce client. En d'autres termes, RPB était certain de fournir en tout cas à [client 2] un minimum de 25 tonnes de méglumine chaque année. Cet accord, qui a duré jusqu'en 1999, est intervenu à un moment où [client 2] commençait à se plaindre ou à émettre des réserves sur la qualité et/ou le conditionnement de la méglumine de RPB. Il y avait donc un risque de voir [client 2] couvrir ses besoins annuels chez Merck. [Client 2] étant un client "institutionnel" de RPB depuis des années, il était très important pour RPB de s'assurer la fourniture d'au moins 25 à 30 tonnes de méglumine par an" (60). Plus tard, dans sa réponse à la lettre de la Commission en application de l'article 11, Aventis déclare: "Au cours de ces réunions, aucune répartition quantitative de la méglumine entre les clients respectifs ni aucun type de répartition territoriale n'ont jamais été décidés, exception faite de l'accord [client 2] décrit ci-dessus" (61).
(92) On peut déduire de la note de [employé(e) Aventis 3] de Rhône-Poulenc Rorer (voir les considérants 104 et 105) que des pressions s'exerçaient chez RP en faveur d'un accord de partage du marché concernant [client 2].
(93) L'arrangement relatif à [client 2] est également corroboré par un échange de courriers électroniques internes chez Merck en octobre 1999 (considérants 159 à 161).
(94) Dans sa réponse à la communication des griefs, Merck fait valoir que la déclaration d'Aventis selon laquelle la répartition territoriale décidée lors des réunions était limitée à l'accord [client 2] n'est pas exacte. Merck déclare: "Contrairement à la description faite par Aventis, le contenu de l'accord de partage du marché n'était pas limité à l'accord "[client 2]" mais se rapportait au marché mondial de la méthylglucamine. L'entente se voulait un "pacte de non-agression". Les parties étaient d'accord pour maintenir les parts des ventes à leur niveau du moment, c'est-à-dire pour maintenir la division du marché à parts égales (50-50) qui existait en 1989-1990 (du moins selon les informations dont Merck disposait à l'époque)" (62).
(95) Plus tard, à propos de la description de l'accord [client 2] faite par Aventis, Merck déclare: "Cette explication de l'accord donnée par Aventis concorde avec l'explication de Merck selon laquelle l'entente visait à ce que chaque partie garde ses principaux clients; un accord éventuel concernant [client 2] n'est qu'un exemple particulier illustrant cet objectif plus large" (63).
(96) Dans sa réponse à la communication des griefs, Aventis déclare: "Le partage du marché se faisait exclusivement par la répartition des clients. Pour éviter que le marché de la méglumine ne soit perturbé par des guerres des prix, l'accord entre RPB et Merck cherchait à préserver la stabilité du marché. Cet accord était centré sur une répartition de la clientèle portant sur les principaux clients de chaque producteur: chacun s'efforcerait de ne pas livrer concurrence pour l'approvisionnement des gros clients de l'autre. On n'a pas fixé de quotas du marché, comme en témoigne le fait que Merck pensait à tort que RPB détenait une part de 50 %" (64).
(97) La déclaration faite par Aventis en réponse à la communication des griefs contredit sa déclaration antérieure selon laquelle aucune répartition n'a jamais été décidée, si ce n'est pour l'accord [client 2], et confirme la version des faits donnée par Merck. En conséquence, la Commission considère qu'il est établi que les parties sont convenues de se partager le marché par le biais de la répartition de la clientèle.
3.5.4. Conclusion concernant la structure et le contenu de l'accord collusoire
(98) Sur la base de ce qui précède, on peut décrire comme suit la structure et le contenu des arrangements collusoires:
- chaque réunion commençait par un échange informel d'informations sur la situation du marché. Les parties ne fournissaient que peu de données concrètes sur les ventes,
- les parties s'entendaient sur l'augmentation des prix en pourcentage pour l'année suivante,
- les parties fixaient des "prix tarif" pour l'année suivante,
- les parties convenaient de ne pas livrer concurrence pour l'approvisionnement des clients de l'autre.
L'"accord [client 2]" doit être considéré comme faisant partie intégrante de cet arrangement.
3.6. Fonctionnement et évolution de l'arrangement collusoire
(99) Les deux parties s'accordent à dire que des réunions annuelles ont eu lieu chaque année de 1990 à 1998. En outre, Merck affirme que des réunions annuelles ont également eu lieu en 1989 et 1999.
(100) Merck déclare: "Les responsables de la distribution et de la commercialisation de la MG chez Merck et chez Aventis se sont rencontrés au moins une fois par an à partir de 1989 et se sont communiqué leurs données de vente et leurs chiffres d'affaires de l'année précédente" (65). Merck déclare en outre que la dernière réunion a eu lieu en 1999 (66).
(101) Aventis déclare: "D'après des entretiens menés avec des salariés du déclarant, une réunion annuelle concernant la méglumine se tenait en Allemagne entre [employé(e) Aventis 1] [.] et son homologue chez Merck, [employé(e) Merck 1] ou le successeur de celui-ci, [employé(e) Merck 2]. Cette réunion se tenait à la fin de l'année. La première de ces réunions s'est déroulée en 1990 avec [employé(e) Merck 1] dans les locaux de Merck à Darmstadt. Les autres réunions ont également eu lieu dans les locaux de Merck ou lors d'un dîner informel dans un restaurant à Francfort, ou à Paris. La dernière a eu lieu en septembre ou octobre 1998" (67).
(102) Les deux entreprises confirment que les fonctions de base de l'entente ont été mises en œuvre au moyen de réunions annuelles tout au long des années 90. Du reste, les déclarations des entreprises et les preuves écrites ont permis de recenser les réunions suivantes des participants à l'entente:
- réunion annuelle le 22 novembre 1990, probablement à Antony, près de Paris (voir la section 3.4),
- réunion annuelle en 1991,
- réunion annuelle en septembre-octobre 1992,
- réunion(s) annuelle(s) le 5 octobre 1993 à Paris et/ou le 12 octobre 1993 à Francfort,
- réunion annuelle vers le 19 octobre 1994 à Francfort,
- réunion annuelle du 4 octobre 1995 à Francfort,
- présentation de [employé(e) Merck 2] le 2 juillet 1996 au Novotel La Défense à Paris,
- réunion annuelle vers le 24 octobre 1996 à l'hôtel Intercontinental de Francfort,
- réunion annuelle du 6 octobre 1997 au Novotel La Défense à Paris,
- réunion annuelle vers le 7 octobre 1998 à Francfort,
- réunion finale entre le 1er et le 4 novembre 1999 à Francfort.
3.7. Réunion annuelle, probablement en novembre-décembre 1991
(103) Les deux parties confirment cette réunion (considérants 99 à 101).
(104) Dans une note interne de RP du 6 novembre 1991, dont une copie a été remise à [employé(e) Aventis 1], [employé(e) Aventis 3] de Rhône-Poulenc Rorer se plaint de ce que [client 2] n'a commandé que 13 700 kg de méthylglucamine pour 1992 au lieu de la quantité habituelle d'environ 30 tonnes. Il termine sa note par ces mots: "Cette situation est inadmissible et je compte sur vous pour me fournir les arguments qui me permettront, peut-être, de retrouver les volumes que nous avions par le passé" (68).
(105) Aventis déclare que l'accord de partage du marché concernant [client 2] a été conclu en 1990 ou 1991 (69). La note de [employé(e) Aventis 3] confirme que l'accord de partage du marché remonte probablement au moins à la dernière réunion annuelle de 1991, qui a probablement eu lieu en novembre ou en décembre.
3.8. Réunion annuelle de septembre-octobre 1992
(106) Les deux parties confirment la réunion (considérants 99 à 101).
(107) RP a publié son tarif pour la méthylglucamine le 2 novembre 1992 (70), ce qui concorde parfaitement avec son comportement après les réunions des participants à l'entente qui ont suivi et sur lesquelles on dispose d'informations plus complètes et tend fortement à indiquer que la réunion s'est tenue en septembre ou octobre 1992 (71).
3.9. Réunion annuelle à Paris le 5 octobre 1993 et/ou à Francfort le 12 octobre 1993
(108) Les deux parties confirment la réunion (considérants 99 à 101).
(109) Les documents de voyage de [employé(e) Merck 1] montrent que celui-ci se trouvait à Paris les 5 et 6 octobre pour un congrès (72). La réunion des participants à l'entente peut très bien avoir eu lieu à cette occasion. Les documents de voyage de [employé(e) Aventis 2] montrent qu'elle se trouvait à Francfort les 12 et 13 octobre pour rencontrer Merck (73). Il est donc possible aussi que la réunion ait eu lieu à cette occasion-là ou qu'une réunion supplémentaire ait été nécessaire pour se mettre d'accord sur les prix et les quotas pour 1994.
(110) Le tarif RP a été publié le 2 novembre 1993 (74), ce qui concorde parfaitement avec une date de réunion au début du mois d'octobre.
3.10. Réunion annuelle du 19 octobre 1994 à Francfort
(111) Les deux parties confirment la réunion (considérants 99 à 101).
(112) [Employé(e) Merck 1] a fait une note de frais pour son déplacement en voiture à Francfort le 19 octobre 1994 (75). En outre, dans sa réponse à la communication des griefs, Merck confirme que la réunion a eu lieu le 19 octobre à Francfort (76).
(113) RP a publié son tarif le 2 novembre 1994 (77), ce qui concorde parfaitement avec une réunion à la mi-octobre.
(114) À partir de 1995, il est possible de comparer les "prix tarif" (78) de la méthylglucamine. Pour 1995, Merck avait un "prix tarif" de 14,46 euros/kg (79) pour les livraisons supérieures à 2 tonnes, tandis que le prix correspondant d'Aventis était de 14,30 euros/kg (80).
3.11. Réunion annuelle du 4 octobre 1995 à Francfort
(115) Les deux parties confirment la réunion (considérants 99 à 101).
(116) La Commission a en sa possession une note de frais de [employé(e) Merck 1] relative à un dîner le soir du 4 octobre 1995. Sur la note du restaurant Casa Nova de Francfort figurent les noms de [employé(e) Merck 1], [employé(e) Aventis 1] et [employé(e) Aventis 2] (81).
(117) RP a publié son tarif le 9 novembre 1995 (82), tandis que Merck avait publié le sien deux jours auparavant (83). Le choix de la date et la coordination des deux annonces sont un indice supplémentaire incitant fortement à penser que la réunion des parties à l'entente était très importante pour la fixation des prix pour 1996.
(118) Pour 1996, Merck avait un "prix tarif" de 15,36 euros/kg (84) pour les livraisons supérieures à 2 tonnes, tandis que le prix correspondant d'Aventis était de 16,24 euros/kg (85).
3.12. Présentation de [employé(e) Merck 2] le 2 juillet 1996 au Novotel Paris-La Défense
(119) Aux dires d'[employé(e) Merck 2], une réunion a eu lieu à Paris le 2 juillet 1996. Les participants étaient [employé(e) Merck 1] et [employé(e) Merck 2] de Merck et [employé(e) Aventis 1] et [employé(e) Aventis 2] de RP. L'occasion de cette réunion était la présentation de [employé(e) Merck 2] qui prenait chez Merck la responsabilité du marketing (pour la méthylglucamine, entre autres), succédant ainsi à [employé(e) Merck 1]. Durant cette réunion, il n'a pas été question de prix ni d'autres sujets apparentés. Les participants ont décidé de reprendre contact dans le courant de l'année (86).
(120) La réunion est également confirmée par les notes de frais de [employé(e) Merck 1] et d'[employé(e) Merck 2] (87). Merck pense que la réunion a eu lieu au Novotel La Défense, où les deux hommes étaient descendus (88).
(121) Dans sa réponse à la communication des griefs, Aventis fait valoir que, comme il n'avait pas été question des prix ni d'autres sujets du même ordre au cours de la réunion, celle-ci ne devrait pas figurer dans la liste des réunions relevant de l'entente (89).
(122) S'il est possible que la réunion n'ait pas porté spécifiquement sur les prix ou le partage du marché, elle a néanmoins joué un rôle dans le fonctionnement de l'entente, étant donné qu'elle avait pour but de présenter [employé(e) Merck 2] en tant que nouveau point de contact de l'entente chez Merck. Les participants à la réunion étaient les mêmes que lors des autres réunions tenues dans le cadre de l'entente; la procédure de présentation a été la même que pour [employé(e) Merck 1] en 1989- 1990 et, selon [employé(e) Merck 2], les participants sont convenus de reprendre contact dans le courant de l'année. À partir de ce moment, [employé(e) Merck 2] a participé aux réunions des parties à l'entente. Pour les raisons susmentionnées, la réunion figurera dans la liste des réunions tenues dans le cadre de l'entente.
3.13. Réunion annuelle de 1996 tenue vers le 24 octobre à l'hôtel Intercontinental de Francfort
(123) Les deux parties confirment qu'une réunion annuelle a eu lieu en 1996 (considérants 99 à 101).
(124) [Employé(e) Merck 2], qui remplaçait désormais [employé(e) Merck 1] aux réunions annuelles, fournit un compte rendu détaillé de la réunion annuelle de 1996 (90), que l'on peut résumer comme suit.
(125) À l'automne 1996, [employé(e) Merck 2] a reçu un appel téléphonique d'Aventis proposant une réunion à l'hôtel Intercontinental de Francfort. Probablement pour préparer cette réunion, [employé(e) Merck 7] a imprimé le 23 octobre 1996 les statistiques de vente de la méthylglucamine pour la période de janvier 1995 à septembre 1996 (91). [Employé(e) Aventis 1], [employé(e) Aventis 2][employé(e) Aventis 2] et [employé(e) Merck 2] ont participé à la réunion. Ils se sont rencontrés dans une salle de l'hôtel louée par Aventis. Les participants sont convenus de viser une hausse des prix de 2,5 %. À cet effet, ils ont considéré que les prix tarif devaient être augmentés de ce pourcentage et qu'il fallait également viser une hausse du même ordre pour les gros clients qui n'acceptent pas les prix tarif. Il a en outre été convenu que Merck et Aventis ne devaient proposer que les prix tarif pour les demandes émanant de clients de l'autre fournisseur, même s'il s'agissait de gros clients.
(126) Le 24 octobre 1996, à la suite de la réunion susmentionnée, [employé(e) Merck 8] a informé le département des ventes de Merck Darmstadt des nouveaux prix pour 1997 (92).
(127) Le tarif Merck est daté du 24 octobre 1996 (93). La Commission n'est pas en possession du tarif RP correspondant.
(128) Pour 1997, Merck avait un "prix tarif" de 16,93 euros/kg (94) pour les livraisons supérieures à 2 tonnes, tandis que le prix correspondant d'Aventis était de 17,02 euros/kg (95).
3.14. Réunion annuelle du 6 octobre 1997 au Novotel Paris-La Défense
(129) Les deux parties confirment cette réunion (considérants 99 à 101).
(130) Le compte rendu de la réunion rédigé par [Employé(e) Merck 2] est résumé ci-dessous (96).
(131) Une autre réunion a eu lieu le 6 octobre 1997. [Employé(e) Aventis 2] avait téléphoné à [employé(e) Merck 2] pour l'organiser. Les participants étaient les mêmes qu'en 1996. Comme l'année précédente, [employé(e) Merck 2] avait demandé un tirage des statistiques de vente de la méthylglucamine. Les participants ont commencé par vérifier que, durant l'année écoulée, tous les clients étaient restés chez leur fournisseur traditionnel. Il a à nouveau été décidé que les prix tarif devaient être augmentés de 2 à 3 % et qu'il fallait essayer d'augmenter dans la même proportion les prix appliqués aux plus gros clients.
(132) Comme à l'accoutumée, l'information a été transmise par [employé(e) Merck 2] à [employé(e)] responsable et par celui-ci aux entreprises du groupe Merck, par l'intermédiaire du département des ventes (97).
(133) [employé(e) Merck 2] croit se rappeler que la réunion a eu lieu en marge de la conférence sur les ingrédients pharmaceutiques qui s'est tenue à Francfort. Ce souvenir est inexact étant donné que, d'après les documents de voyage de [employé(e) Merck 2], qui indiquent comme motif de son voyage à Paris une "réunion avec Rhône-P" (98), la réunion a en fait eu lieu à Paris, probablement au Novotel La Défense, où il séjournait.
(134) Dans sa réponse à la communication des griefs, Aventis fait valoir que le fait que la réunion a eu lieu à Paris permet de penser que c'est [employé(e) Merck 2] qui a pris contact avec les représentants de RPB et non le contraire (99).
(135) La Commission ne voit aucun lien entre ces deux éléments et ne voit par conséquent aucune raison de mettre en doute la déclaration de [employé(e) Merck 2] selon laquelle il a été contacté par [employé(e) Aventis 2], au motif qu'il s'est trompé sur le lieu de la réunion.
(136) Merck a publié son tarif le 13 octobre 1997 (100), tandis que celui de RP est daté du 1er décembre 1997 (101).
(137) Pour 1998, Merck avait un "prix tarif" de 17,21 euros/kg (102) pour les livraisons supérieures à 2 tonnes, tandis que le prix correspondant d'Aventis était de 17,38 euros/kg (103).
3.15. Réunion annuelle tenue vers le 7 octobre 1998 à Francfort
(138) Les deux parties confirment cette réunion (considérants 99 à 101).
(139) Le compte rendu de la réunion rédigé par [employé(e) Merck 2] est résumé ci-dessous (104).
(140) Une réunion a eu lieu à Londres ou à Francfort à l'automne 1998. Cette fois encore, [employé(e) Aventis 2] avait téléphoné à [employé(e) Merck 2] pour l'organiser. Les participants étaient les mêmes que les années précédentes. Probablement pour préparer cette réunion, le chef de produit responsable, [employé(e) Merck 10], a imprimé les statistiques de vente de la méthylglucamine le 7 octobre 1998 (105). Des discussions sur les prix ont à nouveau eu lieu lors de cette réunion.
(141) Le 9 octobre 1998, [employé(e) Merck 10] a informé le département des ventes et certaines entreprises du groupe Merck des nouveaux prix pour 1999 (106).
(142) Aventis confirme explicitement qu'une réunion a eu lieu en septembre-octobre 1998 et affirme en outre qu'il s'agissait de la dernière des réunions du cartel (107).
(143) Un document de voyage de [employé(e) Aventis 2] montre qu'elle se trouvait à Francfort les 6 et 8 octobre 1998 et que son programme (108) comportait une réunion avec Merck. Ces éléments concordent parfaitement avec les informations de [employé(e) Merck 2].
(144) Le tarif Merck est daté du 9 octobre 1998 (109), tandis que celui de RP est daté du 1er décembre de la même année (110).
(145) Pour 1999, Merck avait un "prix tarif" de 17,90 euros/kg (111) pour les livraisons supérieures à 2 tonnes, tandis que le prix correspondant d'Aventis était de 17,99 euros/kg (112).
3.16. La fin de l'entente
(146) Les deux sociétés décrivent de façon très différente la manière dont l'entente a pris fin.
(147) D'après [employé(e) Merck 2], la dernière réunion des parties à l'entente a eu lieu à l'hôtel Intercontinental de Francfort à l'automne 1999 (113). Le compte rendu qu'il a fait de la réunion est résumé ci-dessous.
(148) Les représentants de Merck et d'Aventis à cette réunion étaient les mêmes qu'à la précédente. Là encore, une hausse tarifaire a été convenue. Durant cette réunion, les représentants d'Aventis ont également indiqué à [employé(e) Merck 2] qu'Aventis avait été en mesure de livrer des quantités nettement plus importantes à [client 4]. Aventis voulait savoir comment cela avait pu se produire. La perte de ces livraisons d'environ 21 tonnes s'explique par le fait qu'Aventis avait indiqué ses prix dans le monde entier en francs français, alors que Merck avait fixé ses prix pour l'Europe en marks allemands et pour le reste du monde en dollars des États-Unis. Cela a eu pour effet de rendre les produits de Merck trop chers aux États-Unis en 1999. [Employé(e) Merck 2] a expliqué que Merck avait ensuite baissé ses prix et avait également l'intention de compenser désormais les fluctuations monétaires de cette manière. Les représentants d'Aventis ont approuvé cette façon de procéder.
(149) Aux dires d'[employé(e) Merck 2], les participants à la réunion ont également discuté de la question de savoir comment ils devaient réagir au cas où les autorités enquêteraient sur les réunions relatives à la méthylglucamine. Il a été convenu que s'ils étaient interrogés officiellement sur leurs contacts, les participants ne devraient reconnaître que des contacts occasionnels et fortuits, comme cela se produit couramment entre concurrents, par exemple à des salons professionnels. [Employé(e) Merck 2] a eu l'impression qu'[employé(e) Aventis 1] était au courant des accords dans le secteur des vitamines. Il a été question du nouveau poste d'[employé(e) Aventis 1] à la suite de la fusion de RP et Hoechst (114).
(150) Chez Merck, les nouveaux prix pour 2000 ont été annoncés les 15 et 19 octobre 1999 (115) par [employé(e) Merck 5], mais dès le 4 octobre 1999, [employé(e) Merck 2] avait demandé à celui-ci par courrier électronique d'annoncer une hausse tarifaire pour le Brésil (116).
(151) Comme il est indiqué plus haut, la relation des faits par Aventis diffère considérablement de la version présentée par Merck. Selon Aventis, la dernière réunion formelle relevant de l'entente a eu lieu en septembre ou octobre 1998. Une réunion a bien eu lieu entre les parties en novembre 1999, au cours de laquelle Aventis a informé Merck qu'elle mettait fin à l'accord.
(152) De fait, dans sa réponse à la communication des griefs, Aventis fait la déclaration suivante: "Contrairement à l'affirmation contenue dans la communication des griefs selon laquelle "Aventis conteste" qu'une réunion a eu lieu en 1999, RPB ne conteste pas qu'une réunion s'est tenue à cette époque. Elle conteste qu'une réunion relevant de l'entente ait eu lieu. Dans sa réponse du 1er février 2002, RPB déclare que la dernière réunion au cours de laquelle les parties ont discuté des prix et des clients pour les besoins de l'accord a eu lieu à l'automne 1998. En novembre 1999, une réunion a effectivement eu lieu entre [employé(e) Aventis 1] et [employé(e) Aventis 2] de RPB et [employé(e) Merck 2] de Merck, qui participaient à la conférence sur les ingrédients pharmaceutiques à Francfort. À cette occasion, [employé(e) Aventis 1] a informé Merck de la cessation de l'accord sur la méglumine".
(153) "[Employé(e) Aventis 1] a fait part à [employé(e) Merck 2] de deux considérations qui avaient motivé sa décision de mettre fin à l'accord avec Merck. La première concernait le nouveau poste occupé par [employé(e) Aventis 1] à la suite de la fusion entre Rhône-Poulenc SA et Hoechst AG. [Employé(e) Aventis 1] a expliqué à [employé(e) Merck 2] que les départements de vente des ingrédients actifs en vrac respectifs de RPB et Hoechst Marion Roussel SA (une filiale de Hoechst AG) allaient fusionner et seraient placés sous la direction de l'homologue de [employé(e) Aventis 1] chez Hoechst Marion Roussel. En conséquence, [employé(e) Aventis 1] a expliqué qu'il n'aurait plus le pouvoir de décision finale en matière de fixation du prix des produits, notamment de la méglumine, et qu'il ne pouvait par conséquent plus prendre aucun engagement concernant ce produit."
(154) La seconde considération concernait les instructions en cours dans le secteur des vitamines. Les parties savaient aussi bien l'une que l'autre, au moment de la réunion de novembre 1999, que les pouvoirs publics avaient enquêté sur des allégations de comportement anticoncurrentiel concernant certaines vitamines. Les participants à la réunion n'ont à aucun moment discuté de la manière de réagir dans l'hypothèse où les autorités enquêteraient sur les activités de vente dans le secteur de la méglumine. Selon [employé(e) Aventis 1], il n'y avait aucune raison de le faire étant donné que la méglumine était un produit à faible volume et peu rentable, et qu'aucune des parties ne s'attendait à ce que leurs activités fassent l'objet d'une enquête. [Employé(e) Aventis 1] supposait également que, au cas où les pouvoirs publics enquêteraient sur les ventes de méglumine, la vérité se ferait jour, qu'elle vienne de lui ou d'autres sources (117).
(155) La version des faits présentée par Merck implique que, comme de nouveaux prix ont été fixés lors de la réunion de l'automne 1999 et que les participants n'ont plus pris contact entre eux, l'infraction a pris fin au moment de la réunion entre Merck et la Commission, le 27 septembre 2000.
(156) La version des faits présentée par Aventis implique que l'infraction a pris fin le 31 décembre 1999, dernier jour où les prix fixés lors de la réunion de 1998 étaient applicables.
(157) Les documents de voyage saisis dans le bureau de [employé(e) Aventis 2] montrent que celle-ci se trouvait à Francfort les 29 et 30 septembre pour rencontrer Merck (118). La tenue d'une réunion relevant de l'entente à cette date cadrerait avec les dates d'annonce des nouveaux prix par Merck (considérant 150) et tendrait à confirmer la version des faits présentée par Merck.
(158) Dans sa réponse à la communication des griefs, Merck fait, à ce propos, la déclaration suivante: "[employé(e) Aventis 2] était à Francfort les 29 et 30 septembre 1999 pour une réunion sur les clients [d'un autre produit] avec Merck et non pour discuter de la méglumine, comme le laisse supposer la communication des griefs. [employé(e) Aventis 1] n'a pas participé à cette réunion. [Employé(e) Aventis 2] a assisté à la réunion seule en sa qualité [professionnelle]" (119).
(159) Un échange interne de courriers électroniques chez Merck daté d'octobre 1999 a également été utilisé pour démontrer la validité de la version des faits présentée par Merck. Le 19 octobre, après avoir été informé des nouveaux prix pour 2000, [employé(e) Merck 9] a envoyé un courrier électronique au chef de produit [employé(e) Merck 5] pour lui demander de baisser le prix pour [client 2], son objectif pour l'année suivante n'étant pas d'augmenter le prix mais d'obtenir une plus grande part de marché. [Employé(e) Merck 5] a transmis ce courrier électronique à [employé(e) Merck 2] en lui demandant s'il était raisonnable de baisser le prix. Dans sa réponse à [employé(e) Merck 5] datée du 25 octobre, [employé(e) Merck 2] a déclaré ceci: "Non, nous n'en avons pas l'intention!!!! Nous ne voulons pas une plus grande part de marché, mais nous tenons à conserver notre part de marché actuelle avec un prix plus élevé. O.K. pour [client 5], mais le prix pour [client 2] est de 108,00 FF. Veuillez en informer [employé(e) Merck 9]. Qu'il m'appelle s'il a des problèmes" (120).
(160) Cette déclaration énergique de [employé(e) Merck 2] indique que l'entente ainsi que l'accord de partage du marché concernant [client 2] et mentionné par Aventis étaient en vigueur à cette époque.
(161) Dans sa réponse à la communication des griefs, Aventis fait valoir que "des stratégies commerciales légitimes, et non l'existence d'une entente, auraient facilement pu motiver la décision d'augmenter les prix plutôt que la part de marché" (121).
(162) Quoi qu'il en soit, l'échange de courriers électroniques chez Merck n'est, à proprement parler, pas en contradiction avec la version des faits présentée par Aventis étant donné que, selon ses dires, celle-ci n'a informé Merck de la cessation de l'accord qu'au début du mois de novembre 1999.
(163) Pour 2000, Merck avait un "prix tarif" de 18,15 euros/kilogramme (122) pour les livraisons supérieures à 2 tonnes, tandis que le prix correspondant d'Aventis était de 18,60 euros/kilogramme (123). L'écart entre les "prix tarif" est beaucoup plus grand que les années précédentes.
(164) La Commission n'est pas en possession de preuves concrètes qui lui permettraient de décider laquelle de ces deux versions des faits reflète la réalité.
(165) En conséquence, aux fins de la présente décision, la période prise en considération pour le calcul d'éventuelles amendes prend fin le 31 décembre 1999, dernier jour de validité des prix convenus lors de la réunion des parties à l'entente de 1998. L'initiative d'avoir mis fin à l'infraction ne sera mise au crédit d'aucune des parties.
PARTIE II - APPRÉCIATION JURIDIQUE
1. COMPÉTENCE
(166) Les arrangements étaient applicables au marché mondial et, partant, à la totalité du territoire de l'EEE, les membres de l'entente effectuant des ventes au niveau mondial ainsi que dans la plupart des États membres et, pour l'un d'entre eux, dans l'un des pays de l'AELE partie à l'accord EEE (124).
(167) L'accord EEE contient des dispositions analogues à celles du traité: la présente décision tient donc compte de l'applicabilité des règles de concurrence de l'accord EEE à partir du 1er janvier 1994, date d'entrée en vigueur de l'accord (125).
(168) Dans la mesure où ces arrangements ont sensiblement affecté la concurrence ainsi que le commerce entre les États membres de l'Union européenne, l'article 81 du traité est applicable. Dans la mesure où le fonctionnement de l'entente a eu une incidence sensible sur le commerce entre les pays de l'AELE parties à l'accord EEE et la Communauté, l'article 53 de l'accord EEE est applicable.
(169) Conformément à l'article 56, paragraphe 1, point c), de l'accord EEE, la Commission est l'autorité compétente concernant une infraction à l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE lorsque l'infraction affecte sensiblement le commerce entre États membres. C'est le cas en l'espèce.
2. APPLICATION DE L'ARTICLE 81 DU TRAITÉ ET DE L'ARTICLE 53 DE L'ACCORD EEE
2.1. Article 81, paragraphe 1, du traité et article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE
(170) L'article 81, paragraphe 1, du traité et l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE disposent tous deux que sont incompatibles avec le Marché commun et avec le fonctionnement de l'accord EEE et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d'associations d'entreprises, et toutes pratiques concertées qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres ou entre les parties contractantes et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du Marché commun ou sur le territoire couvert par l'accord EEE, et notamment ceux qui consistent à fixer de façon directe ou indirecte les prix d'achat ou de vente ou d'autres conditions de transaction, à limiter ou contrôler la production et les débouchés et à répartir les marchés ou les sources d'approvisionnement.
2.2. Accords et pratiques concertées
(171) L'article 81, paragraphe 1, du traité et l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE interdisent les accords, les décisions d'associations et les pratiques concertées.
(172) On peut considérer qu'il y a accord lorsque les parties respectent un plan commun qui limite ou tend à limiter leur comportement commercial respectif en déterminant les principes de leur action ou abstention réciproque sur le marché. Il n'a pas besoin d'être formulé par écrit; aucune formalité n'est nécessaire et il n'est pas obligatoire que des sanctions contractuelles ou des mesures d'exécution soient prévues. L'accord peut être exprès ou ressortir implicitement du comportement des parties.
(173) Dans son arrêt dans les affaires jointes T-305-94, etc., Limburgse Vinyl Maatschappij NV e.a./Commission (PVC II), le Tribunal de première instance des Communautés européennes (126) a déclaré que "selon une jurisprudence constante, pour qu'il y ait accord, au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité, il suffit que les entreprises en cause aient exprimé leur volonté commune de se comporter sur le marché d'une manière déterminée" (127). Un accord au sens de l'article 81, paragraphe 1, du traité et/ou de l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE ne requiert donc pas le même degré de certitude que celui qui serait nécessaire à l'exécution d'un contrat commercial en droit civil.
(174) S'il est exact que la jurisprudence n'exclut pas le droit des entreprises de s'adapter intelligemment au comportement constaté ou à escompter de leurs concurrents, elle s'oppose cependant rigoureusement à toute prise de contact directe ou indirecte entre elles, ayant pour objet ou pour effet, soit d'influencer le comportement sur le marché d'un concurrent actuel ou potentiel, soit de dévoiler à un tel concurrent la ligne de conduite qu'elles ont décidé ou qu'elles envisagent de tenir elles-mêmes sur le marché (128).
(175) Un tel comportement peut tomber sous le coup de l'article 81, paragraphe 1, du traité et de l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE en tant que "pratique concertée", même lorsque les parties ne se sont pas entendues sur un plan commun définissant leur action sur le marché, mais qu'elles ont adopté des mécanismes collusoires qui facilitaient la coordination de leurs politiques commerciales ou s'étaient ralliées à de tels mécanismes (129).
(176) La Commission n'est pas tenue de qualifier l'infraction comme étant exclusivement un accord ou une pratique concertée. Ces notions n'ont pas de contours bien nets et peuvent se chevaucher. Sur le plan de l'analyse, il serait artificiel de subdiviser en plusieurs formes précises d'infraction ce qui, à l'évidence, est une entreprise commune continue ayant un seul et même objectif global. C'est pourquoi une entente peut être à la fois un accord et une pratique concertée (130).
2.3. Infraction unique et continue
(177) Les preuves abondent pour démontrer l'existence, entre le 22 novembre 1990 et le 31 décembre 1999, d'une collusion unique et continue sur le marché mondial de la méthylglucamine entre Merck et Aventis, qui représentent ensemble près de 100 % du marché. En effet, les parties ont conçu un plan mondial commun, auquel elles se sont conformées, pour limiter leur comportement commercial respectif dans pratiquement toutes les zones où elles auraient pu se trouver en concurrence. On peut considérer que l'accord en vue de mettre en œuvre ce plan mondial destiné à restreindre la concurrence a été conclu au plus tard le 22 novembre 1990. La collusion visait un but économique anticoncurrentiel unique: empêcher toute concurrence sur les prix en se mettant d'accord sur la plupart des facteurs de concurrence sur le marché de la méthylglucamine.
(178) Merck et Aventis ont toutes deux souscrit à ce plan. Il a été conçu et mis en œuvre sur une période de près de dix ans, au moyen d'un ensemble de mécanismes collusoires, d'accords et/ou de pratiques concertées spécifiques complétant l'accord de base sur la fixation des prix et le partage du marché par la répartition des clients, dans la poursuite du même objectif commun d'élimination de la concurrence entre elles. Les participants à ces comportements illégaux savaient ou auraient dû savoir que ceux-ci faisaient partie d'un plan global destiné à atteindre cet objectif commun illégal.
(179) Étant donné le dessein et l'objectif communs d'éliminer la concurrence sur le marché de la méthylglucamine dans l'EEE, la Commission considère que l'ensemble de mécanismes collusoires évoqué ci-dessus a pour objet de restreindre la concurrence au sens de l'article 81, paragraphe 1, du traité et de l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE. Ces mécanismes sont décrits en détail dans la partie de la présente décision consacrée aux faits. Le comportement en cause a donc constitué une infraction unique et continue à l'article 81, paragraphe 1, du traité et à l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE.
2.4. Restriction de la concurrence
(180) L'accord avait pour objet et pour effet, en l'espèce, de restreindre le jeu de la concurrence.
(181) L'article 81, paragraphe 1, du traité et l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE qualifient expressément de restrictifs de la concurrence les accords qui, notamment:
- fixent de façon directe ou indirecte les prix de vente ou d'autres conditions de transaction,
- limitent ou contrôlent la production, les débouchés ou le développement technique,
- répartissent les marchés.
(182) Telles sont les caractéristiques essentielles des accords horizontaux examinés en l'espèce, le prix étant le principal instrument de concurrence. Les divers mécanismes et arrangements collusoires adoptés par les producteurs visaient tous en définitive à fixer les prix et à éliminer la concurrence sur les prix. La répartition des marchés et la fixation des prix sont, par nature, restrictifs de la concurrence au sens de l'article 81, paragraphe 1, du traité et de l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE.
(183) Pour conclure que l'article 81, paragraphe 1, du traité et l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE s'appliquent, il n'est pas nécessaire d'examiner les effets concrets des accords sur la concurrence, dès lors qu'il est établi que ces accords avaient pour objet de restreindre la concurrence (131).
(184) L'effet de l'entente sur la concurrence doit être examiné globalement et à la lueur de l'ensemble des circonstances, mais dans l'ensemble d'accords et d'arrangements en cause, les éléments suivants peuvent être considérés comme pertinents pour établir une violation de l'article 81, paragraphe 1, du traité et de l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE:
- l'échange d'informations sensibles sur les prix et les clients (considérants 76 à 78),
- le partage du marché par la répartition des clients (considérants 90 à 97),
- l'adoption de prix et d'augmentations de prix concertés (considérants 83 à 85),
- l'adaptation du comportement et des tarifs de chaque entreprise en vue de garantir le maintien du partage du marché tel qu'il a été convenu (considérants 90 à 97),
- la participation à des réunions régulières et la prise d'autres contacts afin de convenir des restrictions
susmentionnées et de les appliquer ou de les modifier en tant que de besoin (considérants 99 à 101).
2.5. Effets sur les échanges entre États membres de l'Union européenne et entre les parties contractantes à l'accord EEE
(185) L'article 81 du traité interdit les accords qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du Marché commun.
(186) L'article 53 de l'accord EEE interdit les accords qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre États de l'EEE et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur le territoire couvert par l'accord EEE.
(187) Merck et Aventis se partagent la totalité du marché de la méthylglucamine dans la Communauté et dans l'EEE.
(188) Les exportations représentent la vaste majorité des revenus que les deux entreprises tirent de la méthylglucamine.
(189) Pendant la période en cause, l'entente durable entre les producteurs de méthylglucamine a par conséquent eu un effet sensible sur les échanges entre États membres. Dans l'EEE, bien que le niveau des ventes soit relativement faible, l'accord a eu un effet sensible, à la fois directement parce que les parties ont effectué des ventes directes, notamment en Norvège, et indirectement parce que le prix du produit fini a été affecté par l'existence de l'entente dans l'EEE comme dans le reste du marché géographique en cause.
(190) Dans sa réponse à la communication des griefs, Aventis émet des doutes quant à savoir si l'entente couvrait la vaste majorité du territoire de l'EEE et si l'accord a eu un quelconque effet sensible dans l'AELE.
(191) Des documents communiqués par Merck et RPB indiquent que, en 1998 et 1999, les deux producteurs n'ont vendu que dans dix États membres et dans aucun pays de l'AELE. Ils considèrent qu'il est douteux que dix pays sur 18 constituent une "vaste majorité du territoire de l'EEE" (132).
(192) Cet argument doit être réfuté. Bien que les producteurs n'aient pas vendu directement dans tous les pays de l'EEE, l'accord a eu au moins un effet indirect dans la totalité ou la quasi-totalité de ces pays. En outre, parmi les pays qui ont acheté directement de la méthylglucamine figurent tous les États membres les plus grands et les plus peuplés de l'EEE.
(193) Comme Merck et Aventis contrôlaient 100 % du marché mondial de la méthylglucamine, le fait que ce produit n'ait pas été exporté directement vers des pays de l'AELE, ou seulement en très faibles quantités, traduit simplement la circonstance que ces pays ne fabriquaient pas eux-mêmes de produits contenant de la méthylglucamine. Il ne fait aucun doute que les pays de l'AELE importaient des quantités considérables de ces produits et que l'effet indirect était à l'avenant.
2.6. Règles de concurrence applicables à l'Autriche, à la Finlande, à la Norvège et à la Suède
(194) L'accord EEE est entré en vigueur le 1er janvier 1994. En ce qui concerne la période antérieure à cette date durant laquelle l'entente a fonctionné, la seule disposition applicable dans la présente procédure est l'article 81 du traité; dans la mesure où les arrangements de l'entente ont restreint, durant cette période, la concurrence en Autriche, en Finlande, en Islande, au Liechtenstein, en Norvège et en Suède (alors membres de l'AELE), ils ne sont pas tombés sous le coup de cette disposition.
(195) Durant la période du 1er janvier au 31 décembre 1994, les dispositions de l'accord EEE étaient applicables à ces six États membres de l'AELE; l'entente a donc constitué, pendant cette période, une violation de l'article 53, paragraphe 1, dudit accord, ainsi que de l'article 81, paragraphe 1, du traité, et la Commission est compétente pour appliquer ces deux dispositions. La restriction de la concurrence dans ces six pays de l'AELE durant cette période d'un an relève de l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE.
(196) Après l'adhésion de l'Autriche, de la Finlande et de la Suède à la Communauté le 1er janvier 1995, l'article 81, paragraphe 1, du traité est devenu applicable à l'entente dans la mesure où celle-ci a faussé le jeu de la concurrence sur ces marchés. Le fonctionnement de l'entente en Norvège a continué de constituer une infraction à l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE.
(197) Dans la pratique, il résulte de ce qui précède que la mise en œuvre de l'entente en Autriche, en Finlande, en Norvège et en Suède a constitué une violation des règles de concurrence de l'EEE et/ou de la Communauté à compter du 1er janvier 1994.
2.7. Durée de l'infraction
(198) La Commission dispose d'éléments selon lesquels les parties ont conçu et respecté un accord commun destiné à restreindre la concurrence, au moins à compter de la réunion tenue le 22 novembre 1990 (considérants 73 et 74 ci-dessus). Pour la Communauté, il est par conséquent établi, aux fins de la présente décision, que la réunion du 22 novembre 1990 marque le début de l'infraction. Pour l'AELE, l'infraction commence avec l'entrée en vigueur de l'accord EEE le 1er janvier 1994.
(199) Ainsi qu'il est expliqué au considérant 164, la Commission ne dispose pas de preuves concrètes suffisantes pour déterminer lequel, parmi les points de vue divergents concernant la date exacte de fin de l'entente, reflète la réalité.
(200) Les prix convenus lors de la dernière réunion de l'entente dont les parties s'accordent à reconnaître l'existence, en 1998, étaient valables jusqu'au 31 décembre 1999. Aux fins de la présente décision, l'infraction sera par conséquent considérée comme ayant pris fin le 31 décembre 1999.
(201) Aux fins de la présente procédure, il est établi que les deux producteurs ont enfreint l'article 81, paragraphe 1, du traité et l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE du 22 novembre 1990 au 31 décembre 1999.
2.8. Responsabilité de l'infraction
(202) Pour identifier les destinataires de la présente décision, il convient de déterminer à quelles personnes morales la responsabilité de l'infraction est imputable.
2.8.1. Principes applicables
(203) L'objet de l'article 81 du traité et de l'article 53 de l'accord EEE est l'"entreprise", notion qui ne se confond pas avec celle de personnalité morale en droit des sociétés ou en droit fiscal national. Le terme "entreprise" n'est pas défini dans le traité CE, pas plus que dans l'accord EEE. Il peut désigner toute entité exerçant une activité commerciale. Dans le cas de grands groupes de sociétés, soit l'ensemble du groupe, soit des sous-groupes individuels, soit des filiales (133) peuvent être qualifiés d'"entreprise" aux fins de l'article 81 du traité et de l'article 53 de l'accord EEE.
(204) Pour déterminer si une société mère doit être tenue pour responsable du comportement illégal d'une filiale, il convient d'établir que ladite filiale "ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l'essentiel les instructions qui lui sont imparties par la société mère" (134).
(205) Lorsqu'une infraction à l'article 81, paragraphe 1, du traité et/ou à l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE est constatée, il y a lieu d'identifier la personne physique ou morale qui était responsable de l'exploitation de l'entreprise au moment où l'infraction a été commise.
(206) Lorsqu'une entreprise a commis une infraction à l'article 81, paragraphe 1, du traité et/ou à l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE et qu'elle a ultérieurement cédé les actifs qui ont été le vecteur de l'infraction et s'est retirée du marché en cause, elle n'en demeure pas moins responsable de l'infraction si elle existe toujours (135).
(207) Si l'entreprise qui a acquis les actifs poursuit la violation de l'article 81, paragraphe 1, du traité et/ou de l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE, la responsabilité de l'infraction doit être répartie entre le vendeur et l'acquéreur des actifs faisant l'objet de l'infraction (136).
2.8.2. Destinataires
(208) Pendant toute la période de référence pour l'établissement de l'infraction, Merck KgaA a participé directement à l'entente. Elle est par conséquent destinataire de la présente décision.
(209) Rhône-Poulenc Biochimie (RPB) produit de la méthylglucamine et a participé directement à l'infraction, car elle était représentée à la réunion où l'accord anticoncurrentiel initial a été conclu, ainsi qu'à toutes les réunions qui l'ont suivie et qui sont décrites ci-dessus. Dans sa réponse à la communication des griefs, Aventis déclare: "L'infraction a été commise par RPB et par aucune autre société affiliée. De fait, les pratiques visées par la communication des griefs concernent exclusivement RPB" (137). Elle est par conséquent destinataire de la présente décision.
(210) La Commission avait placé Aventis Pharma SA au nombre des destinataires de la communication des griefs. Elle avait motivé cette décision comme suit.
(211) "Il ressort notamment de la correspondance échangée entre les parties et la Commission que c'est effectivement Aventis Pharma qui se charge de la défense de RPB. Une copie du courrier des avocats est envoyée à [employé(e) Aventis 4] et à [employé(e) Aventis 5] (138). Ces liens montrent qu'Aventis Pharma exerce une influence effective sur RPB".
(212) "RPB est détenue à 100 % par Aventis Pharma (anciennement RP Rorer), elle-même détenue à 100 % par Aventis SA. S'il apparaît que les décisions au quotidien concernant la méthylglucamine étaient prises par le directeur commercial de RPB ([employé(e) Aventis 1]), la note de [employé(e) Aventis 3] de RP Rorer du 6 novembre 1991 montre clairement que RP Rorer (devenue ensuite Aventis Pharma) suivait de très près le comportement commercial de RPB (139). Cette surveillance était étroite au point que les représentants de RP Rorer ont donné aux représentants de RPB des instructions au sujet d'un certain client. Aventis soutient que [employé(e) Aventis 3] travaillait sous la direction de [employé(e) Aventis 1] (140). Il reste cependant à établir pourquoi la note du 6 novembre 1991 à été rédigée sur du papier à en-tête de RP Rorer. Sur la base de ce qui précède, la Commission a décidé d'adresser la communication des griefs à Aventis Pharma SA".
(213) Dans sa réponse à la communication des griefs, Aventis affirme que l'infraction n'est imputable qu'à RPB. Le seul argument étayant cette affirmation est la déclaration citée au considérant 209 (141). Aventis ne tente pas d'expliquer les circonstances dans lesquelles [employé(e) Aventis 3] a rédigé la note du 6 novembre 1991, pas plus qu'elle n'évoque l'influence qu'Aventis Pharma exerçait sur le processus de prise de décision au sein de Rhône-Poulenc Biochimie.
(214) Il s'ensuit que dans sa réponse à la communication des griefs, Aventis ne relève aucun des arguments de la Commission. Aventis Pharma SA figurera parmi les destinataires de la présente décision et sera considérée comme conjointement et solidairement responsable pour toute amende qui serait infligée.
(215) Sur la base des considérations qui précèdent, les entreprises suivantes sont destinataires de la décision:
- Merck KgaA,
- Rhône-Poulenc Biochimie SA,
- Aventis Pharma SA.
3. MESURES CORRECTIVES
3.1. Article 3 du règlement n° 17 du Conseil
(216) Conformément à l'article 3 du règlement n° 17, si la Commission constate une infraction aux dispositions de l'article 81 du traité ou de l'article 53 de l'accord EEE, elle peut obliger les entreprises concernées à mettre fin à l'infraction.
(217) Il doit être exigé des entreprises destinataires de la présente décision qu'elles mettent fin à l'infraction (si elles ne l'ont pas encore fait) et s'abstiennent désormais de tout accord ou pratique concertée ayant le même objet ou le même effet, notamment tout échange d'informations commerciales au moyen duquel les participants sont directement ou indirectement informés de leurs chiffres de ventes respectifs.
3.2. Article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 du Conseil
(218) En vertu de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, la Commission peut, par voie de décision, infliger aux entreprises des amendes d'un montant de mille à 1 million d'euros, ce dernier montant pouvant être porté à dix pour cent du chiffre d'affaires réalisé au cours de l'exercice social précédent par chacune des entreprises ayant participé à l'infraction lorsque, de propos délibéré ou par négligence, elles commettent une infraction aux dispositions de l'article 81, paragraphe 1, du traité et/ou de l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE.
(219) La Commission a l'intention d'infliger des amendes dans la présente affaire, pour les infractions susmentionnées, aux entreprises destinataires de la présente décision.
(220) Pour déterminer le montant de l'amende, la Commission doit prendre en considération tous les éléments de fait pertinents et, en particulier, la gravité et la durée de l'infraction.
(221) Dans son appréciation de la gravité de l'infraction, la Commission tient compte de sa nature, de son incidence effective sur le marché, lorsque celle-ci peut être mesurée, et de la taille du marché géographique en cause. Le rôle joué par chacune des entreprises ayant participé à l'infraction est apprécié à titre individuel.
(222) Pour chaque entreprise, la Commission tiendra compte, dans le montant de l'amende infligée, des éventuelles circonstances aggravantes ou atténuantes et elle appliquera, le cas échéant, la communication sur la clémence. Cette appréciation ne peut cependant intervenir qu'à la fin de la présente décision.
(223) Toute amende doit être fixée à un niveau qui garantit un effet dissuasif suffisant.
3.3. Le montant de l'amende
(224) L'entente constitue une infraction délibérée à l'article 81, paragraphe 1, du traité CE et à l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE: les producteurs de méthylglucamine, en pleine connaissance du caractère restrictif et, en outre, de l'illégalité de leur comportement, se sont associés pour mettre en place un système secret et continu destiné à restreindre la concurrence.
3.3.1. Le montant de base
(225) Le montant de base de l'amende est déterminé en fonction de la gravité et de la durée de l'infraction.
3.3.1.1. Gravité
(226) Pour apprécier la gravité des infractions, la Commission prend en considération leur nature, leur incidence réelle sur le marché, lorsqu'elle est mesurable, et l'étendue du marché géographique en cause.
3.3.1.2. Nature de l'infraction
(227) L'infraction en l'espèce a consisté en des pratiques de répartition des marchés et de fixation des prix, qui sont par nature les violations les plus graves de l'article 81, paragraphe 1, du traité et de l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE.
(228) Par nature, la mise en œuvre d'une entente du type décrit ci-dessus entraîne automatiquement une importante distorsion de concurrence, au seul bénéfice des producteurs membres de l'entente et au détriment des clients et, en dernière analyse, du grand public.
(229) La Commission considère par conséquent que l'infraction en l'espèce a constitué une infraction très grave à l'article 81, paragraphe 1, du traité et à l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE.
3.3.1.3. L'incidence réelle de l'infraction sur le marché de la méthylglucamine dans l'EEE
(230) L'infraction a été commise par des entreprises qui, pendant la durée de l'entente, ont représenté la totalité du marché mondial de la méthylglucamine. Le système ayant été spécifiquement destiné à porter les prix à un niveau qu'ils n'auraient pas atteint en d'autres circonstances, et les arrangements qui le constituent ayant été mis en œuvre, il a eu une incidence réelle sur le marché.
(231) Il n'est pas nécessaire de quantifier de manière détaillée la mesure dans laquelle les prix ont différé de ceux qui auraient été pratiqués en l'absence desdits arrangements. Cet écart ne peut en effet pas toujours être mesuré de façon fiable, car plusieurs facteurs externes peuvent avoir simultanément agi sur l'évolution des prix du produit, ce qui fait qu'il est extrêmement difficile de tirer des conclusions sur l'importance relative de toutes les causes envisageables.
(232) Dans sa réponse à la communication des griefs, Aventis affirme que l'infraction a eu peu d'effets sur les prix payés par les clients finals des produits de contraste, voire aucun, parce que le coût de la méthylglucamine ne représente qu'une partie insignifiante du coût total. Aventis analyse la structure de coût de neuf produits. La part la plus importante de la méthylglucamine dans le prix de vente au détail est de 2,03 % (142).
(233) La Commission doit rejeter cet argument par défaut de pertinence en l'espèce. La part du prix total du produit fini que représente la méthylglucamine ne revêt aucune signification quant à l'incidence de l'infraction.
3.3.1.4. L'étendue du marché géographique en cause
(234) La totalité du territoire du Marché commun et de l'Espace économique européen était placé sous l'influence de l'entente, directement ou indirectement. Aux fins de la détermination de la gravité de l'infraction, la Commission considère par conséquent que la totalité du territoire de la Communauté et, à dater de sa création, de l'Espace économique européen a été affectée par l'entente.
3.3.1.5. Conclusion relative à la gravité de l'infraction
(235) Compte tenu de la nature du comportement examiné, de son incidence réelle sur le marché de la méthylglucamine et du fait qu'il a influencé la totalité du Marché commun et, à dater de sa création, la totalité de l'EEE, la Commission considère que les entreprises concernées par la présente décision ont commis une infraction très grave à l'article 81, paragraphe 1, du traité et à l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE. Cependant, sans préjudice du caractère très grave de l'infraction, la Commission prendra également en considération, en l'espèce, la valeur limitée du marché du produit en cause.
3.3.2. Classification des parties à l'entente
(236) Au sein de la catégorie des infractions très graves, l'échelle des amendes qui est prévue permet d'appliquer aux entreprises un traitement différencié afin de tenir compte de la capacité économique effective de chacune de nuire gravement à la concurrence, et de fixer le montant de l'amende à un niveau qui lui assure un caractère suffisamment dissuasif.
(237) Dans la présente affaire, dans laquelle ne sont impliquées que deux entreprises, qui étaient par définition toutes deux indispensables au fonctionnement de l'entente (étant les seuls acteurs sur le marché en question), il n'est pas nécessaire de classer les parties à l'entente.
(238) Sur la base des considérations qui précèdent, les montants de base des amendes sont fixés comme suit en fonction de la gravité:
- Merck KgaA: 2,5 millions d'euros,
- Rhône-Poulenc Biochimie SA/Aventis Pharma SA: 2,5 millions d'euros.
3.3.2.1. Effet suffisamment dissuasif
(239) Afin de garantir que l'amende ait un effet dissuasif suffisant et tienne compte du fait que les entreprises de grande dimension disposent de connaissances et des infrastructures juridico-économiques qui leur permettent de mieux apprécier le caractère infractionnel de leur comportement et les conséquences qui en découlent du point de vue du droit de la concurrence, la Commission détermine ci-après s'il convient d'adapter le montant de départ pour l'une des entreprises concernées.
(240) Dans sa réponse à la communication des griefs, Aventis soutient que, comme elle a coopéré avec la Commission dans des affaires antérieures et qu'elle s'est efforcée de découvrir d'éventuelles ententes au sein de l'entreprise, il n'est pas nécessaire de majorer l'amende pour lui assurer un effet dissuasif suffisant.
(241) Aventis déclare: "Il convient de souligner que Rhône-Poulenc SA (et par la suite Aventis SA, qui lui a succédé) et diverses entreprises qui leur sont affiliées ont entrepris d'importantes recherches internes pour découvrir d'éventuelles violations du droit communautaire de la concurrence. Il convient de rappeler, à cet égard, qu'elles ont dévoilé à la Commission deux des plus grandes ententes découvertes jusqu'à présent, à savoir les accords dans les secteurs des vitamines et de la méthionine. Dans le même esprit, le déclarant a interrogé ses salariés dans le but de faire la lumière sur l'existence de tout accord anticoncurrentiel" (143).
(242) La Commission reconnaît qu'Aventis lui a communiqué des informations précieuses dans les affaires "vitamines" et "méthionine" (144). Elle ne saurait cependant souscrire au principe selon lequel, parce que l'entreprise a coopéré dans une affaire, elle devrait bénéficier d'une réduction de son amende dans une autre. Aventis a été récompensée pour sa coopération par la clémence dont la Commission a fait preuve dans lesdites affaires antérieures, et il ne serait pas justifié que cette clémence soit étendue à d'autres affaires. De même, les efforts consentis par Aventis ont permis de découvrir une ou plusieurs ententes au sein de l'entreprise, et celle-ci a été récompensée pour ces informations par des mesures de clémence. Il ne serait pas raisonnable de réduire les amendes pour la seule raison qu'Aventis a tenté de découvrir des informations concernant une entente.
(243) Dans sa réponse à la communication des griefs, Merck souligne qu'elle est une entreprise nettement plus petite qu'Aventis et que sa capacité de production de méthylglucamine est inférieure (145).
(244) La Commission reconnaît qu'Aventis dans son ensemble est une entreprise nettement plus grande que Merck. Cependant, aux fins de la présente décision, ce n'est pas Aventis, mais ses filiales Aventis Pharma SA et Rhône-Poulenc Biochimie SA qui sont destinataires de la décision. La Commission relève en outre que ces deux sociétés sont plus petites que Merck.
(245) Comme elle l'a indiqué au considérant 14, la Commission n'a pas pu déterminer avec certitude laquelle des deux parties possédait la plus grosse capacité de production. Il est cependant utile de noter que dans l'EEE, Merck a vendu un peu plus de méthylglucamine qu'Aventis ces dernières années (considérants 7 et 8).
(246) En 2001, Merck a réalisé un chiffre d'affaires total de 7,528 milliards d'euros (146). La même année, le chiffre d'affaires de RPB s'est élevé à [environ 110] millions d'euros (147) et celui d'Aventis Pharma SA à [environ 2] milliards d'euros (148).
(247) Sur la base des considérations qui précèdent, vu la nécessité de garantir l'effet dissuasif des amendes, il convient de majorer le montant de départ des amendes tel qu'il a été déterminé au considérant 238 de 100 %, pour le porter à 5 millions d'euros dans le cas de Merck. Aucun coefficient multiplicateur ne sera appliqué à Aventis Pharma/Rhône-Poulenc Biochimie.
3.3.3. Durée de l'infraction
(248) Rhône-Poulenc Biochimie et Merck KgaA ont enfreint l'article 81, paragraphe 1, du traité de novembre 1990 au 31 décembre 1999 et l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE du 1er janvier 1994 au 31 décembre 1999. Il y a donc lieu de conclure que toutes les parties ont enfreint l'article 81, paragraphe 1, du traité pendant une période de neuf ans et l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE pendant une période de six ans. Le montant de départ de l'amende doit par conséquent être majoré de 90 % dans les deux cas.
3.3.4. Conclusion relative aux montants de base
(249) Les montants de base des amendes s'établissent par conséquent comme suit:
- Merck KgaA: 9,5 millions d'euros,
- Rhône-Poulenc Biochimie SA/Aventis Pharma SA: 4,75 millions d'euros.
3.3.5. Circonstances aggravantes
3.3.5.1. Rôle de meneur
(250) Dans leur réponse à la communication des griefs, les deux parties ont tenté de démontrer qu'elles n'avaient pas agi en tant que meneur de l'entente. Le dossier ne contient aucun élément indiquant que l'une des parties ait joué le rôle de meneur. La Commission considère par conséquent qu'il est impossible d'identifier un chef de file en particulier.
(251) La Commission considère par conséquent qu'il est impossible d'identifier un chef de file en particulier.
3.3.6. Circonstances atténuantes
(252) Dans sa réponse à la communication des griefs, Aventis affirme que le caractère atone du marché de la méthylglucamine doit être considéré comme une circonstance atténuante (149).
(253) La Commission ne considère pas que le marché de la méthylglucamine puisse être qualifié de marché en crise parce qu'il connaît une stagnation ou un lent déclin. D'une manière générale, la stagnation ou le déclin d'un marché ne constitue pas une circonstance atténuante pour la fixation d'une amende.
(254) Dans sa réponse à la communication des griefs, Aventis affirme que le fait qu'elle ait mis fin à l'infraction avant la vérification effectuée par la Commission dans les locaux de RPB le 15 janvier 2001 doit être considéré comme une circonstance atténuante (150).
(255) La Commission relève tout d'abord qu'en principe la cessation rapide d'une infraction n'est pas prise en considération comme circonstance atténuante dans les affaires d'entente qui constituent des infractions caractérisées, dont la poursuite après l'intervention de la Commission peut même être considérée comme une circonstance aggravante.
(256) Ensuite, il n'est pas logique d'invoquer une cessation rapide alors que les infractions étaient perpétrées depuis de nombreuses années et qu'un terme a pu y être mis pour diverses raisons.
(257) Enfin, comme il est expliqué aux considérants 146 à 164, la Commission n'a pas été en mesure, sur la base des éléments qui lui ont été soumis, de déterminer si l'infraction avait cessé à la suite d'une initiative d'Aventis/RPB en novembre 1999 ou à la suite de la réunion entre les services de la Commission et Merck le 27 septembre 2000.
(258) En conséquence, le simple fait pour l'entreprise d'avoir mis fin à l'infraction avant les vérifications effectuées par la Commission dans les locaux de RPB ne saurait être considéré comme une circonstance atténuante.
(259) Dans sa réponse à la communication des griefs, Aventis indique qu'elle a commencé à mettre en œuvre des programmes de mise en conformité très étendus qui ont abouti à la découverte d'autres accords. C'est à la suite d'une erreur, affirme-t-elle, que l'accord dans le secteur de la méthylglucamine n'a pas été identifié et dénoncé à la Commission (151).
(260) La Commission se félicite qu'Aventis ait mis en œuvre une politique de respect du droit de la concurrence. Elle considère néanmoins que cette initiative, de nature préventive, ne saurait l'exonérer de son devoir de sanctionner toute infraction aux règles de concurrence. Elle ne tiendra pas compte de l'adoption par Aventis d'un programme de mise en conformité comme d'une circonstance atténuante justifiant une réduction de l'amende.
(261) Il y a donc lieu de conclure que les participants à l'infraction en cause, qui a affecté le marché de la méthylglucamine, ne sauraient se prévaloir d'aucune circonstance atténuante.
3.3.7. Application de la communication sur la clémence
(262) Les destinataires de la présente décision ont coopéré à des degrés divers avec la Commission à différents stades de l'enquête, afin de bénéficier du traitement favorable prévu dans la communication sur la clémence. Afin de répondre aux attentes légitimes des entreprises concernées quant à la non-imposition d'amendes ou à la réduction de leur montant au titre de leur coopération, la section suivante a pour objet d'examiner si les parties remplissent les conditions énoncées dans la communication.
3.3.7.1. Non-imposition d'amende ou réduction très importante de son montant ("titre B")
(263) Merck affirme qu'elle remplit les conditions prévues dans les communications sur la clémence de 1996 et de 2002 pour obtenir une exemption de l'amende qui lui aurait été infligée autrement (152).
(264) L'entreprise fait valoir que, conformément aux principes du droit communautaire et du droit des États membres, elle devrait, bien que ce soit la communication de 1996 qui soit applicable d'un point de vue technique, bénéficier de l'application de la communication de 2002, qui fait preuve d'une plus grande clémence.
(265) Merck souligne qu'elle a rencontré les agents compétents de la Commission le 27 septembre 2000 et qu'elle a exprimé son souhait de coopérer avec la Commission. Elle a donné une description verbale de l'activité de l'entente et a communiqué un compte rendu écrit plus détaillé à la Commission le 20 octobre 2000. Elle a ainsi été la première entreprise à communiquer des éléments qui ont permis à la Commission d'adopter la décision d'effectuer une enquête (153).
(266) Elle souligne également qu'elle a coopéré pleinement, de manière continue et diligente pendant toute la procédure administrative de la Commission, et qu'elle a communiqué à celle-ci tous les éléments en sa possession ou qu'elle a pu se procurer (154).
(267) Elle insiste également sur le fait qu'elle a cessé de participer à l'infraction au plus tard au moment où elle a communiqué ses preuves à la Commission. De plus, elle n'a pris aucune mesure pour contraindre RPB à participer à l'infraction (155).
(268) En ce qui concerne le régime de clémence applicable, la Commission a déclaré au point 28 de sa communication de 2002 sur l'immunité d'amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (156) que: "À compter du 14 février 2002, la présente communication remplace la communication de 1996 pour toutes les affaires dans lesquelles aucune entreprise ne s'est prévalue de cette dernière". Merck a contacté la Commission concernant la présente affaire pour la première fois en 2000. La communication de 2002 n'est donc pas applicable en l'espèce.
(269) La Commission reconnaît que Merck a été la première entreprise à fournir des éléments déterminants pour prouver l'existence d'une entente affectant l'EEE dans le secteur de la méthylglucamine. Ces informations ont été fournies pour la première fois lors d'une réunion entre Merck et la Commission le 27 septembre 1999 à Bruxelles, après laquelle la Commission a effectué une vérification dans les locaux de Rhône-Poulenc Biochimie. Merck remplit par conséquent les conditions prévues au titre B de la communication de 1996 sur la clémence.
(270) La Commission déclare qu'elle a été satisfaite de la coopération dont a fait preuve Merck.
(271) La Commission note enfin que Merck n'a pas contesté la matérialité des faits décrits par la Commission dans sa communication des griefs.
(272) Merck doit par conséquent bénéficier d'une réduction de 100 % de l'amende qui lui aurait été infligée en l'absence de coopération avec la Commission.
3.3.7.2. Réduction importante du montant de l'amende ("titre C")
(273) Ni Aventis Pharma ni Rhône-Poulenc Biochimie n'ont été la première entreprise à fournir à la Commission des éléments déterminants sur l'entente dans le secteur de la méthylglucamine, comme le prévoit le titre C, point a), de la communication sur la clémence. Aucune de ces entreprises ne remplit donc les conditions prévues au titre C.
3.3.7.3. Réduction significative du montant de l'amende ("titre D")
(274) Aventis fait valoir qu'elle remplit, voire surpasse, toutes les conditions nécessaires pour bénéficier d'une réduction significative de l'amende (157).
(275) Elle fait les affirmations suivantes concernant le niveau de coopération dont elle a fait preuve.
(276) "Faisant preuve d'une coopération totale en réponse à la demande de renseignements de la Commission en vertu de l'article 11, le déclarant a entrepris des efforts considérables pour rassembler tous les éléments existants relatifs à l'activité dans le secteur de la méthylglucamine, en vue de faire la lumière sur l'existence d'un accord anticoncurrentiel avec Merck" (158).
(277) "Le déclarant estime que ces informations ont concrètement contribué à établir l'existence de l'infraction. En effet, ainsi qu'il ressort clairement du dossier, ni Merck ni RPB n'ont trouvé aucun document écrit établissant l'existence de l'accord. La Commission s'est donc fondée exclusivement sur des aveux de Merck et de RPB selon lesquels elles avaient participé à un accord contraire à l'article 81, paragraphe 1, du traité CE. Si RPB n'avait pas identifié et fait suivre des informations relatives à cet accord, la Commission n'aurait eu en main, comme seules preuves, que les affirmations d'une entreprise contre une autre. Il est évident que la communication des griefs reposait sur des aveux des deux entreprises en vue d'établir l'existence de l'infraction" (159).
(278) Aventis souligne également qu'elle n'a pas contesté la matérialité des faits dans sa réponse à la communication des griefs.
(279) La Commission admet que la coopération d'Aventis a été satisfaisante tout au long de la procédure et que les informations fournies par l'entreprise ont confirmé certains aspects de l'infraction. La Commission conteste cependant que les informations fournies par Aventis aient été essentielles pour lui permettre de prouver l'existence de l'entente, même si l'affaire aurait été plus compliquée si les informations communiquées par Merck n'avaient pas été confirmées par Aventis.
(280) La Commission reconnaît qu'Aventis n'a pas contesté la matérialité des faits dans sa réponse à la communication des griefs.
(281) La Commission accorde en conséquence à Aventis Pharma et à Rhône-Poulenc Biochimie une réduction de 40 % de l'amende qui leur aurait été infligée en l'absence de coopération.
3.3.7.4. Conclusion relative à l'application de la communication sur la clémence
(282) En conclusion, eu égard à la nature de leur coopération et à la lumière des conditions prévues par la communication sur la clémence, les destinataires de la présente décision doivent bénéficier des réductions suivantes du montant des amendes qui leur sont infligées:
- Rhône-Poulenc Biochimie SA/Aventis Pharma SA: réduction de 40 %,
- Merck KgaA: réduction de 100 %.
3.3.8. Montants finals des amendes infligées dans le cadre de la présente procédure
(283) En conclusion, les amendes à infliger en application de l'article 15, paragraphe 2, point a), du règlement n° 17 s'établissent comme suit:
- Rhône-Poulenc Biochimie SA/Aventis Pharma SA: 2,85 millions d'euros,
- Merck KgaA: 0 million d'euros,
A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:
Article premier
Rhône-Poulenc Biochimie SA, Aventis Pharma SA et Merck KgaA ont enfreint l'article 81, paragraphe 1, du traité et, à partir du 1er janvier 1994, l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE en participant à un accord et/ou à une pratique concertée continus dans le secteur de la méthylglucamine. Pour les trois destinataires de la présente décision, la durée de l'infraction s'est étendue du 22 novembre 1990 au 31 décembre 1999.
Article 2
Les entreprises citées à l'article 1er mettent immédiatement fin à l'infraction visée à cet article, si elles ne l'ont pas déjà fait. Elles s'abstiennent de répéter tout acte ou comportement visé à l'article 1er ainsi que de tout acte ou comportement ayant un objet ou un effet équivalent.
Article 3
Les amendes suivantes sont infligées aux entreprises mentionnées à l'article 1er pour l'infraction qui y est visée:
a) Rhône-Poulenc Biochimie SA et Aventis Pharma SA, conjointement et solidairement responsables, une amende de 2,85 millions d'euros;
b) Merck KgaA, une amende de 0 million d'euros.
Article 4
Les amendes sont payables dans un délai de trois mois à compter de la date de notification de la présente décision, sur le compte bancaire suivant:
compte n° 642-0029000-95 de la Commission européenne auprès de
Banco Bilbao Vizcaya Argentaria (BBVA) SA
Avenue des Arts 43B
B-1040 Bruxelles
(CODE SWIFT BBVABEBB)
(CODE IBAN BE 76 6420 0290 0095).
À l'expiration du délai précité, des intérêts seront automatiquement dus au taux appliqué par la Banque centrale européenne à ses principales opérations de refinancement au premier jour ouvrable du mois au cours duquel la présente décision est arrêtée, majoré de 3,5 points de pourcentage, soit ...
Article 5
Les entreprises suivantes sont destinataires de la présente décision:
a) Rhône-Poulenc Biochimie SA
20, Avenue Raymond Aron
F-92165 Antony Cedex
b) Aventis Pharma SA
20, Avenue Raymond Aron
F-92165 Antony Cedex
c) Merck KgaA
Frankfurter Straße 250
D-64293 Darmstadt.
La présente décision forme titre exécutoire conformément à l'article 256 du traité CE.
Notes
(1) JO 13 du 21.2.1962, p. 204-62.
(2) JO L I du 4.1.2003, p. 1.
(3) JO L 354 du 30.12.1998, p. 18.
(4) JO C 36 du 10.2.2004.
(5) Estimation de la Commission basée sur les chiffres de vente communiqués par les entreprises. On ignore si les producteurs chinois vendent de petites quantités du produit. Pour les chiffres de vente, voir les documents 00200 et 908 à 921.
(6) Estimation de la Commission basée sur les chiffres de vente communiqués par les entreprises. Pour les chiffres de vente, voir les documents 00202 et 908 à 921.
(7) Estimation de la Commission basée sur les chiffres de vente communiqués par les entreprises. Pour les chiffres de vente, voir les documents 00200 à 00202 et 908 à 921.
(8) Estimation de la Commission basée sur les chiffres de ventes communiqués par les entreprises. [Les chiffres exacts ne sont pas mentionnés pour des raisons de confidentialité].
(9) Réponse de Merck à la communication des griefs, p. 5 et 6, paragraphes 13 à 16.
(10) Document 00021.
(11) Document 00197.
(12) Document 8935.
(13) Réponse d'Aventis à la communication des griefs, p. 28, paragraphe 71.
(14) Chiffre d'affaires cumulé de Rhône-Poulenc Rorer et Hoechst Marion Roussel. Télécopie de Jones, Day, Reavis & Pogue du 31 octobre 2002.
(15) Document 00203.
(16) Document 6901.
(17) Document 00203.
(18) Document 9075.
(19) JO C 207 du 18.7.1996, p. 4.
(20) Documents 00011 à 00013, 00123 et 00124.
(21) Documents 00013 à 00017 et 00115 à 00122.
(22) Documents 00011 à 00017 et 9065 à 9067.
(23) Documents 00011 à 00017 et 9071.
(24) Document 6891.
(25) Document 9073.
(26) Documents 6879 et 9074.
(27) Document 6879-688.
(28) Document 9067.
(29) Réponse de Merck à la communication des griefs, p. 13 et 14, paragraphes 31 à 34.
(30) Document 794 "Co-Produzent ist ein Unternehmen, das ein bestimmtes Produkt herstellt, und somit weiß, mit welchen Kosten die Produktion dieses Produktes verbunden ist. Wenn das Unternehmen im Rahmen von Kollegenlieferungen das Produkt von einem Wettbewerber bezieht, so hat es aufgrund seines Sonderwissens eine bessere Verhandlungsposition und wird versuchen, das Produkt zu einem Preis zu bekommen, der so nah wie möglich an die Kosten der Eigenproduktion herankommt (sog. Co-Produzentenpreis)".
(31) Document 00123.
(32) Documents 00129-130, "Obwohl er bis Anfang diesen Jahres nicht direkt mit MG zu tun habe, habe er von den Kontakten mit Rhône-Poulenc (RP) im Hinblick auf dieses Produkt gewusst. Diese Kontakte seien ein offenes Geheimnis in der Vertriebsabteilung von Merck gewesen. Er habe von diesen Kontakten schon vor zehn bis zwanzig Jahren gehört und zwar in der Zeit, [.] (1983-1989 red) und bevor die Spatenorganisation bei Merck eingeführt wurde (1978-1979 red). Die besondere Beziehung zu RP hinsichtlich MG habe sich auf Preise sowie Marktanteile bezogen".
(33) Document 6882, "Wann genau er diese Kenntnisse erhalten habe, ließe sich in Nachhinein nicht mehr zuordnen. Er meine jedoch, dass diese Kenntnis Anfang bis Mitte der 80er Jahre da gewesen und aus verlässlicher Quelle gekommen sei. In Erinnerung sei ihm geblieben, dass ein Kunde für MG sich geäußert habe, man erhalte zwei gleiche Antworten, wenn man Merck und Rhône Poulenc nach dem Preis für MG frage. Wann genau diese Äußerung gefallen sei, wisse er jedoch nicht mehr".
(34) Document 6885 "[employé(e) Merck 5] erklärte, er sei erst 1990 wieder aus dem Ausland nach Darmstadt zurückgekommen. Er habe von den Absprachen zu MG im Rahmen von Besuchen in Darmstadt während seiner Auslandszeit gehört. Seiner Erinnerung nach habe das Kartell bei seiner ersten Befragung (im Jahr 2000) etwa 10-15 Jahre bestanden. Bei einem seiner Heimatbesuche habe er Gerüchte gehört, dass es bei MG "Verständigungen über den Preis" gebe. Sein Eindruck sei damals gewesen, dass diese Sache nicht sauber gewesen sei. Über eine mögliche Aufteilung von Kunden zwischen Merck und Rhône-Poulenc habe er jedoch nichts gehört".
(35) Document 00025.
(36) Document 00125.
(37) Réponse de Merck du 2 septembre 2002 à la communication des griefs, p. 17 et 18, paragraphe 49.
(38) Document 00124.
(39) Document 6890.
(40) Documents 00047, 00136 et 00137.
(41) Réponse de RPB du 1er septembre 2002 à la communication des griefs, p. 4 et 6, paragraphes 9 à 12.
(42) Document 6890.
(43) Document 00574.
(44) Document 6878, "[employé(e) Merck 3] habe ihn mit [employé(e) Aventis 1] bekannt gemacht. Die konkreten Absprachen mit Rhône-Poulenc habe [employé(e) Merck 1] jedoch erst zusammen mit [employé(e) Aventis 1] entwickelt".
(45) Document 9070.
(46) Document 00125.
(47) Documents 9065 et 9066.
(48) Il s'agit de la division qui s'occupait notamment de la méthylglucamine.
(49) Réponse de Merck à la communication des griefs, p. 15, paragraphes 38 et 39.
(50) Document 00025.
(51) Document 9066.
(52) Réponse d'Aventis à la communication des griefs, p. 14 et 15, paragraphes 30 et 31.
(53) Document 00025.
(54) Document 9066.
(55) Réponse d'Aventis à la communication des griefs, p. 15, paragraphe 32.
(56) Document 00024.
(57) Documents 00024 et 00025.
(58) Document 00119 "Es war vereinbart, dass Merck bzw. RP bei einer Anfrage von Kunden des anderen, auch wenn dies große Kunden waren, nur Listenpreise anbieten sollte. Da diese Listenpreise höher lagen als die Preise für große Abnehmer, war so sichergestellt, dass die großen Kunden bei den jeweiligen Herstellern verblieben. Über diese Vorgehensweise wurde auf dem zweiten Treffen im Herbst 1996 ausführlich gesprochen".
(59) Document 00120 "Die Teilnehmer besprachen, ob auch im vergangenen Jahr alle Kunden bei den jeweiligen Unternehmen verblieben waren, und stellten fest, dass dies der Fall war".
(60) Document 9066.
(61) Document 9067.
(62) Réponse de Merck à la communication des griefs, p. 18, paragraphe 53.
(63) Réponse de Merck à la communication des griefs, p. 19, paragraphe 55.
(64) Réponse d'Aventis à la communication des griefs, p. 17, paragraphe 37.
(65) Document 00025.
(66) Documents 00032 et 00033.
(67) Documents 9065 et 9066.
(68) Document 00455, texte original français.
(69) Document 9066.
(70) Document 00547.
(71) Document 00547.
(72) Document 02953.
(73) Document 00752.
(74) Document 00531.
(75) Document 02862.
(76) Réponse de Merck à la communication des griefs, p. 17, paragraphe 46.
(77) Document 00525.
(78) Les "prix tarif" ne représentant qu'environ 20 % du marché. La méthylglucamine est, pour l'essentiel, vendue aux gros clients à des conditions spéciales. Les prix ne sont pas nécessairement tout à fait comparables (fluctuations du taux de change, conditions de livraison, emballage).
(79) Document 00055. Conversion à l'aide du taux moyen de conversion Eurostat pour janvier 1995.
(80) Document 00525. Conversion à l'aide du taux moyen de conversion Eurostat pour janvier 1995.
(81) Documents 02781 et 02782.
(82) Document 00500.
(83) Documents 00049 et 00050.
(84) Document 00049. Conversion à l'aide du taux moyen de conversion Eurostat pour janvier 1996.
(85) Document 00500. Conversion à l'aide du taux moyen de conversion Eurostat pour janvier 1996.
(86) Documents 00029, 00030 et 00118.
(87) Documents 0057 à 0071.
(88) Document 00029.
(89) Réponse d'Aventis à la communication des griefs, p. 20 et 21, paragraphe 47.
(90) Documents 00030, 00118 et 00119.
(91) Documents 00072 à 00075.
(92) Documents 00076 et 00077.
(93) Documents 00076 et 00077.
(94) Document 00076. Conversion à l'aide du taux moyen de conversion Eurostat pour janvier 1997.
(95) Document 00490. Conversion à l'aide du taux moyen de conversion Eurostat pour janvier 1997.
(96) Documents 00031, 00120 et 00121.
(97) Documents 00088 et 00089.
(98) Documents 00078 à 00087.
(99) Réponse d'Aventis à la communication des griefs, p. 21, paragraphe 49.
(100) Documents 00088 et 00089.
(101) Document 00485.
(102) Document 00088. Conversion à l'aide du taux moyen de conversion Eurostat pour janvier 1998.
(103) Document 00485. Conversion à l'aide du taux moyen de conversion Eurostat pour janvier 1998.
(104) Documents 00031, 00032 et 00121.
(105) Documents 00090 à 00098.
(106) Documents 00097 à 00100.
(107) Document 9066.
(108) Document 00743.
(109) Documents 00097 et 00098.
(110) Document 00481.
(111) Document 00097. Conversion à l'aide du taux moyen de conversion Eurostat pour janvier 1999.
(112) Document 00481. Conversion à l'aide du taux moyen de conversion Eurostat pour janvier 1999.
(113) Documents 00032 et 00033, 00121 et 00122.
(114) Document 00122.
(115) Documents 00105 à 00110.
(116) Documents 00112 et 00113.
(117) Réponse d'Aventis à la communication des griefs, p. 7 et 8, paragraphes 15 à 17.
(118) Documents 00736 à 00738.
(119) Réponse d'Aventis à la communication des griefs, p. 10, paragraphe 21.
(120) Documents 00044 et 00045, "nein das ist nicht in unserem Sinn!!!! Wir wollen keinen zusätzlichen Marktanteil, sondern unseren bestehenden MA mit einem höheren Preis halten. [client 5] ist o.k., aber der Preis für [client 2] ist FF 108,-. Bitte teilen Sie dies [employé(e) Merck 9] mit. Falls er Probleme hat, soll er mich anrufen".
(121) Réponse d'Aventis à la communication des griefs, p. 10, paragraphe 20.
(122) Document 00105. Conversion à l'aide du taux moyen de conversion Eurostat pour janvier 2000.
(123) Document 00787. Conversion à l'aide du taux moyen de conversion Eurostat pour janvier 2000.
(124) Document 00696.
(125) Voir l'acte final de l'accord sur l'Espace économique européen (JO L 1 du 3.1.1994, p. 3).
(126) La jurisprudence de la Cour de justice et du Tribunal de première instance en ce qui concerne l'interprétation de l'article 81 du traité CE s'applique également à l'article 53 de l'accord EEE.
(127) Rec. 1999, p. II-931, point 715.
(128) Affaires jointes 40-73, etc., Suiker Unie e.a. contre Commission, Rec. 1975, p. 1663.
(129) Voir l'arrêt de la Cour de justice dans l'affaire C-49-92 P, Commission contre Anic Partecipazioni SpA, Rec. 1999, p. I-4125, point 81.
(130) Voir l'arrêt du Tribunal dans l'affaire T-7-89, Hercules contre Commission, Rec. 1991, p. II- 1711, point 264.
(131) Arrêt Ciment, Rec. 2000, p. II-491, point 3927; voir également les affaires jointes T-374-94, T-375-94, T-384-94 et T-388-94, European Night Services, Rec. 1998, p. II-3198, point 136, où le Tribunal en a jugé ainsi concernant spécifiquement les accords de fixation des prix.
(132) Réponse d'Aventis à la communication des griefs, p. 22 et 23, paragraphe 54.
(133) La question de savoir qui est le destinataire correct de la procédure est entièrement distincte de celle de savoir si des "accords" conclus entre des entreprises du même groupe peuvent relever de l'article 81 du traité ou de l'article 53 de l'accord EEE.
(134) Affaire 48-69, Imperial Chemical Industries, Rec. 1972, p. 619, points 132 et 133.
(135) Affaire T-6-89, Enichem Anic SpA contre Commission (Polypropylène), Rec. 1991, p. II-1623; affaire C-49-92 P, Commission contre Anic Partecipazioni SpA, Rec. 1999, p. I-4125, point 81.
(136) Décision 89-190-CEE de la Commission dans l'affaire IV-31.865 - PVC (JO L 74 du 17.3.1989, p. 1, considérant 43).
(137) Réponse d'Aventis à la communication des griefs, p. 3, paragraphe 7, et p. 28, paragraphe 71.
(138) Documents 8929 et 8930.
(139) Document 00455.
(140) Document 8926.
(141) Réponse d'Aventis à la communication des griefs, p. 3, paragraphe 7.
(142) Réponse d'Aventis à la communication des griefs, p. 30 et 31, paragraphes 74 et 75.
(143) Réponse d'Aventis à la communication des griefs, p. 32 et 33, paragraphes 80 et 81.
(144) Décisions de la Commission du 21 novembre 2001 (affaire 37.512) et du 2 juillet 2002 (affaire 37.519).
(145) Réponse de Merck à la communication des griefs, p. 10 et 11, paragraphes 23 et 24.
(146) Télécopie de Freshfields Bruckhaus Deringer du 21 octobre 2002.
(147) Document 8935.
(148) Télécopie de Jones, Day, Reavis & Pogue du 31 octobre 2002.
(149) Réponse d'Aventis à la communication des griefs, p. 34 et 35, paragraphes 86 et 87.
(150) Réponse d'Aventis à la communication des griefs, p. 35, paragraphe 88.
(151) Réponse d'Aventis à la communication des griefs, p. 33, paragraphe 83.
(152) Réponse de Merck à la communication des griefs, p. 22, paragraphe 59.
(153) Réponse de Merck à la communication des griefs, p. 35, paragraphe 97.
(154) Réponse de Merck à la communication des griefs, p. 35, paragraphe 99.
(155) Réponse de Merck à la communication des griefs, p. 35, paragraphe 100.
(156) JO C 45 du 19.2.2002, p. 3.
(157) Réponse d'Aventis à la communication des griefs, p. 37, paragraphe 94.
(158) Réponse d'Aventis à la communication des griefs, p. 36, paragraphe 91.
(159) Réponse d'Aventis à la communication des griefs, p. 36 et 37, paragraphe 92.