CA Pau, 1re ch. corr., 12 février 2002, n° 01-00305
PAU
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. d'Hualt
Substitut général :
M. Delpeche
Conseillers :
M. Courtaigne, Mme Rossignol
Avocats :
Mes Agarbi, Laraize
Rappel de la procédure:
Le jugement:
Le Tribunal de grande instance de Tarbes par jugement contradictoire, en date du 13 février 2001
a déclaré J Franck Jean-Marie
coupable de vente en solde en dehors des périodes autorisées, le 28 et 29/04/99, le 07/06/99, à Ibos (65),
infraction prévue par les articles L. 310-5 al.1 3°, L. 310-3 §I du Code de commerce, l'article 11 du Décret 96-1097 du 16-12-1996 et réprimée par l'article L. 310-5 du Code de commerce
SA X prise en la personne de son PDG Patrick M
coupable de vente en solde en dehors des périodes autorisées, les 28 et 29/04/99, le 07/06/99, à Ibos (65),
infraction prévue par les articles L. 310-5 al.1 3°, L. 310-3 §I du Code de commerce, l'article 11 du Décret 96-1097 du 16/12/1996 et réprimée par l'article L. 310-5 du Code de commerce
et en application de ces articles,
- a condamné J Franck à 10 000 F d'amende dont 5 000 F avec sursis
- a condamné la SA X prise en la personne de son PDG M. Patrick M à 50 000 F d'amende
- a ordonné aux frais de la SA X la publication par extraits de la décision dans "La Dépêche du Midi" Edition des Hautes-Pyrénées
Les appels
Appel a été interjeté par:
SA X prise en la personne de son PDG Monsieur Patrick M, le 20 février 2001
Monsieur J Franck, le 20 février 2001
Monsieur le Procureur de la République, le 21 février 2001 contre Monsieur J Franck et la SA X prise en la personne de son PDG Monsieur Patrick M
J Franck, prévenu, fut assigné à la requête de Monsieur le Procureur général, par acte en date du 29 août 2001, à domicile, dont l'accusé de réception a été signé le 31 août 2001, d'avoir à comparaître devant la cour à l'audience publique du 20 novembre 2001.
SA X prise en la personne de son PDG Monsieur Patrick M, prévenue, fut assignée à la requête de Monsieur le Procureur général, par acte en date du 7 septembre 2001, à domicile, dont l'accusé de réception a été signé le 11 septembre 2001,d'avoir à comparaître devant la cour à l'audience publique du 20 novembre 2001.
La Direction des Hautes-Pyrénées de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, partie intervenante, fut convoquée à la requête de Monsieur le Procureur général par acte en date du 24 août 2001, d'avoir à comparaître devant la cour à l'audience publique du 20 novembre 2001.
Décision:
Vu les appels réguliers interjetés le 20 février 2001 par Monsieur J Franck et la SA X, prévenus, le 21 février 2001 par le Ministère public à l'encontre du jugement contradictoirement rendu le 13 février 2001 par le Tribunal de grande instance de Tarbes.
Il est fait grief aux prévenus:
J Franck
- d'avoir à Ibos (65), les 28, 29 avril 1999 et le 7 juin 1999, maintenu sept articles à prix réduit au-delà d'une période de promotion et en dehors de la période des soldes
infraction prévue par les articles 31 I al.1 3°, 28 I de la loi 96-603 du 5 juillet 1996, 11 du décret 96-1097 du 16 décembre 1996 et réprimée par l'article 31 I al.1 al.2 de la loi 96-603 du 5 juillet 1996
SA X
- d'avoir à Ibos (65), les 28, 29 avril 1999 et le 7 juin 1999, maintenu sept articles à prix réduit au-delà d'une période de promotion et en dehors de la période des soldes
infraction prévue par les articles 31 I al.1 3°, 28 I de la loi 96-603 du 5 juillet 1996, 11 du décret 96-1097 du 16 décembre 1996 et réprimée par l'article 31 I al.1 al.2 de la loi 96-603 du 5 juillet 1996
Les faits
La Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes du département des Hautes-Pyrénées a établi un procès-verbal de délit (infraction à l'article 28-1 de la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996) à l'encontre des responsables du magasin de vente au détail de vêtements " X" <adresse>Ibos en date du 25 juin 1999.
Les contrôleurs ont résumé leur procès-verbal de la façon suivante:
"En résumé, il ressort que la publicité locale relayant la publicité nationale, annonçait clairement une opération déstockage, destinée à un écoulement accéléré du stock pendant une courte période du 21 au 30 avril 1999.
Les constatations effectuées le 7 juin 1999, soit plus d'un mois après l'opération, confirme qu'il ne pouvait s'agir d'une simple offre destinée à promouvoir des articles nouveaux dont la vente à prix normal devait se poursuivre après le 30 avril 1999. En effet, sur un échantillon de 35 articles il s'avère que:
- 9 n'étaient plus proposés à la vente
- 7 étaient encore en vente mais toujours à prix réduit
Pour ces 16 articles (soit 46 % de l'échantillon), la volonté de promotion était donc absente, d'autant plus qu'à l'extérieur du magasin, la publicité mentionnait que l'opération concernait les articles de printemps dont on peut raisonnablement penser que la période normale de vente s'achevait à la fin du mois d'avril, pour faire place à la collection d'été.
Il faut observer que le responsable local n'a aucune maîtrise des commandes. Par conséquent, le responsable de la publicité nationale en lançant cette campagne sur des produits saisonniers dont le réapprovisionnement durable ne pouvait être assuré, ne peut soutenir qu'il s'agissait d'une opération promotionnelle.
Le responsable local quant à lui a clairement indiqué dans l'édition "Hebdo Bigorre" qu'il s'agissait d'un déstockage.
De tout ce qui précède, il ressort donc bien que l'on est en présence d'une vente permettant l'écoulement accéléré d'un stock prédéterminé avec annonce de prix réduit, cette action commerciale s'analyse donc comme des soldes.
Or la période de solde d'été 1999 n'était pas encore fixée par arrêté préfectoral. Ce dernier est intervenu le 19 mai 1999 fixant la période de soldes d'été "du vendredi 2 juillet 1999 au jeudi 12 août 1999".
Il convient de préciser que la réglementation sur les soldes poursuit deux objectifs:
- garantir le consommateur contre la pratique de faux soldes.
- garantir une concurrence loyale entre les commerçants.
L'opération ne satisfait pas à ce second point."
Moyens des parties
Par conclusions, Monsieur J, anciennement Directeur du magasin X de Tarbes-Ibos et la société X, prise en la personne de son représentant légal sur Président du Conseil d'administration, Monsieur Patrick M, sollicitent que le jugement entrepris soit infirmé, qu'ils soient donc relaxés.
Subsidiairement,
Que, si par extraordinaire, la cour estimait l'infraction établie, il soit fait preuve d'indulgence et soit donc prononcée une peine d'amende particulièrement bienveillante, voire une dispense de peine, notamment de publication ou de diffusion et d'inscription au bulletin n° 2 du casier judiciaire par application des articles 132-58 et 132-59 du Code pénal.
Il est exposé notamment que la cour doit constater que les termes de la citation ne lui permettent pas de considérer que le fait d'avoir maintenu sept articles à prix réduit au-delà d'une période de promotions constituerait une infraction à l'article L. 310-3 alinéa 1er du Code du commerce visée dans la prévention.
Que d'autant plus, toujours selon la rédaction ambiguë et contestable du mandement de citation, ce ne serait que le 7 juin 1999 qu'il y aurait eu maintien de sept articles à prix réduit au-delà de la période de promotion, laquelle avait lieu les 28 et 29 avril 1999, qu'il convient de rappeler qu'aucune publicité n'a jamais été diffusée postérieurement à la période promotionnelle du 21 au 30 avril 1999 annonçant une quelconque réduction de prix, ou une quelconque période de promotion, ou encore un écoulement de stock, accéléré ou non, que d'ailleurs, l'on ne comprend pas très bien à quoi correspond cette période "des 28 et 29 avril 1999" puisqu'elle ne correspond qu'aux deux jours du contrôle initial et que si l'on se réfère au procès-verbal de délit clôturé le 25 juin 1999 par la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, on chercherait vainement une telle incrimination sur cette période du 28 et 29 avril, que la cour constatera donc que la citation, qui la lie, vise une prévention qui ne correspond à aucun texte d'infraction.
Qu'il y a donc lieu de relaxer les prévenus du chef de la prévention.
Madame l'Avocat général a sollicité la confirmation de la décision.
Sur quoi LA COUR,
Attendu que les dates visées dans la citation correspondent aux dates des contrôles effectués par la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes et sont relevées en tant que période de solde (déstockage) et non de promotion comme X le prétend;
Que les textes visés dans la citation concernent l'infraction consistant à réaliser des soldes en dehors des périodes prévues, soit deux périodes par année civile dont les dates sont fixées par le préfet;
Qu'ainsi la prévention est clairement définie;
Que les dates du 28 et 29 avril 1999 (outre celle du 7 juin) correspondent aux dates de constatations des infractions par le contrôleur car il est reproché d'avoir effectué également les 28 et 29 avril 1999 des opérations de solde et non de promotion sur un certain nombre d'articles;
Que la Cour de cassation, dans un arrêt du 26 avril 2000 a précisé que si la loi de 1966 a abrogé celle de 1906, les faits commis en dehors des périodes de soldes fixées par arrêté préfectoral, n'en demeurent pas moins punissables, dès lors qu'ils entrent tant à la fois dans les prescriptions de l'article 28 de la loi de 1996 et des trois derniers alinéas de l'article 1er de la loi de 1906.";
Que la possibilité de considérer que des opérations présentées comme des promotions ordinaires sont en fait des soldes, résulte de trois conditions posées par la loi soit: présence de publicité, annonce d'écoulement accéléré de stock, réductions de prix, étant en outre parfois précisé que l'opération requalifiée s'applique à un stock prédéterminé, intangible et non renouvelable. (C. cass. 19/01/1993)
Que comme indiqué par la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes:
"Sur le maintien de 7 articles à prix à prix réduit au-delà de la période de promotion:
Il est entendu et mentionné dans le procès-verbal que seuls 3 articles présents en rayon le 7 juin 1999 avaient été maintenus à prix réduit en conservant le double étiquetage. Le chiffre 7 ainsi qu'il est indiqué par les enquêteurs, résulte de l'état informatique des stocks consulté par Monsieur J.
...Le fait de laisser perdurer le double étiquetage témoigne de la volonté du commerçant d'écouler rapidement son stock: en effet, le maintien du prix réduit aurait pu être réalisé en affichant le prix net sans annonce de réduction, ce qui est le cas lorsqu'une vraie promotion est terminée.
24 articles présents le 29 avril 1999 étaient absents le 7 juin 1999, ce qui montre à l'évidence qu'ils ont été vendus et qu'il n'y a pas eu de réapprovisionnement.
...le niveau de rabais est élevé (entre 20 et 40 %) ... Les articles concernés n'ont pas fait l'objet d'un réapprovisionnement; ... l'application de ces rabais n'avait d'autre finalité que l'écoulement accéléré du stock. C'est d'ailleurs ainsi que l'a compris le directeur local Monsieur J en faisant paraître une publicité annonçant l'opération comme un déstockage.
Sur l'imputabilité de l'infraction:
Le fait de procéder à des soldes en dehors des périodes autorisées constitue un délit. La responsabilité pénale de la SA X pour le compte de laquelle les ventes sont effectuées doit être retenue dans la mesure où l'opération publicitaire initiale se révèle être une opération de soldes déguisés.
Monsieur J qui qualifie lui-même l'opération en question de déstockage se devait de respecter la réglementation des soldes ainsi qu'il résulte de la délégation de pouvoirs qu'il a reçue";
Que la publicité opérée par Monsieur J dans l'Hebdo Bigorre du 20 au 26 avril 1999, mentionne "opération déstockage" ce qui ne fait que révéler la finalité exacte de cette opération, réalisée dans tous les magasins X, à savoir l'écoulement d'un stock sans réapprovisionnement (opération décidée par le siège de la société X);
Que Monsieur J a voulu relayer cette opération nationale pour une publicité locale de sa propre initiative, sans consultation préalable, quant à la rédaction de cette annonce, des services centraux de sa société."
Que c'est la finalité réelle de l'opération qui est prise en compte, comme constitutive du délit, la rédaction personnelle de Monsieur J ne faisant que "lever le masque" par des termes considérés comme une maladresse par la société X (étant précisé que les rabais annoncés étaient réels);
Que de plus, l'opération concernait les articles de printemps alors que la collection d'été devait rapidement prendre le relais;
Que la période de solde d'été 1999 n'était pas encore fixée par arrêté préfectoral, ce dernier étant intervenu le 19 mai 1999 fixant la période de soldes d'été "du vendredi 2 juillet 1999 au jeudi 12 avant 1999";
Que lors de son audition, Monsieur Drapier a déclaré que la "parution de la publicité a été conseillée par la centrale" même si les termes de la rédaction auraient pu susciter de cette dernière des réticences (ce qui est également confirmé par Monsieur J) (cotes D5 et D6);
Que Monsieur M mentionne dans sa déclaration: "par saisons, nous proposons à la vente près de 5 000 modèles dans nos divers magasins avec une quantité d'articles en stock de 60 000 pièces, environ, et en permanence; il peut arriver qu'une légère erreur -nul n'est infaillible- puisse être relevée lors d'un contrôle. A mes yeux, ce constat ne constitue pas un acte de concurrence déloyale et de grave faute ..." D.19
Que Monsieur J a déclaré: "en ce qui concerne les prix, ceux-ci me sont imposés par la Direction générale et pour ma part, seul le fait d'avoir utilisé le terme de déstockage peut être retenu à mon encontre, je reconnais l'infraction", étant rappelé cependant que ce n'est pas la rédaction de la publicité mais la réalité de l'opération -soldes en dehors des périodes autorisées- qui est poursuivie;
Qu'il convient de confirmer le jugement déféré quant à la culpabilité et aux peines prononcées.
Par ces motifs, LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi, Statuant publiquement, contradictoirement à signifier à l'égard des prévenus, contradictoirement à l'égard de la Direction de Hautes-Pyrénées de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, partie intervenante et en dernier ressort, Reçoit les appels comme réguliers en la forme, Au fond : Confirme le jugement rendu le 13 février 2001 par le Tribunal correctionnel de Tarbes en toutes ses dispositions pénales, Sauf à dire que la peine d'amende à l'encontre de la SA X s'élève à 7 500 euros et que celle prononcée à l'encontre de Monsieur J Franck s'élève à 1 500 euros dont 750 euros avec sursis, Constate que l'avertissement prévu aux articles 132-29 et suivants du Code pénal, n'a pas été donné à J Franck, absent lors du prononcé de l'arrêt. La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 120 euros dont est redevable chaque condamné. Les prévenus sont tenus solidairement au paiement des droits fixes de procédure. Fixe la contrainte par corps conformément à la loi; Le tout par application du titre XI de la loi du 4 janvier 1993, les articles 749 et suivants du Code de procédure pénale, articles 132-29 et suivants du Code pénal, 31 I al.1 3°, al.2, 28 I de la loi 96-603 du 5 juillet 1996, 11 du décret 96-1097 du 16 décembre 1996. Le présent arrêt a été rendu en application des articles 485 et 486 du Code de procédure pénale.