CCE, 24 juin 2003, n° 2004-125
COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Décision
Aide "Lignes directrices communes du Land de Berlin concernant l'utilisation du Fonds de développement économique" que l'Allemagne envisage d'exécuter
LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,
Vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 88, paragraphe 2, premier alinéa, vu l'accord sur l'Espace économique européen, et notamment son article 62, paragraphe 1, point a), après avoir invité les intéressés à présenter leurs observations conformément aux dispositions précitées (1), considérant ce qui suit:
1. PROCÉDURE
(1) Par lettre du 14 décembre 1998, l'Allemagne a notifié à la Commission, conformément à l'article 88, paragraphe 3, du traité CE, les lignes directrices communes du Land de Berlin concernant l'utilisation du Fonds de développement économique comme régime d'aide envisagé. Par lettre du 9 mars 1999, l'Allemagne a fourni des renseignements complémentaires.
(2) Par courrier du 18 mai 1999, la Commission a notifié à l'Allemagne sa décision d'ouvrir, au sujet du régime d'aide envisagé, la procédure prévue à l'article 88, paragraphe 2, du traité CE.
(3) La décision de la Commission d'ouvrir la procédure a été publiée au Journal officiel des Communautés européennes (2) et la Commission a invité les parties intéressées à lui présenter leurs observations sur la mesure en cause dans le délai d'un mois à compter de cette publication.
(4) L'Allemagne a présenté ses observations par lettre du 17 juin 1999, tandis que la Commission n'a pas reçu d'observations de parties intéressées.
(5) Par lettre du 26 juillet 1999, dans le cadre de l'examen du 28e plan-cadre de la tâche d'intérêt commun "Amélioration de la structure économique régionale", la Commission a abordé la question de l'éligibilité des transferts d'établissements dans le cadre des aides à finalité régionale en renvoyant à la procédure faisant l'objet de la présente décision.
(6) Par lettre du 28 octobre 1999, l'Allemagne a fait part de son point de vue sur le transfert d'établissements dans le contexte de la présente procédure.
(7) Les 27 mars 2000, 2 mai et 5 octobre 2001, des entretiens portant sur des questions de travail et de politique ont eu lieu entre des représentants de l'Allemagne et de la Commission.
(8) À la suite de l'entretien du 2 mai 2001, la Commission a demandé des renseignements complémentaires par courrier du 10 mai 2001.
(9) Par lettres des 27 juin et 6 juillet 2001, l'Allemagne a présenté des observations à ce propos.
(10) Par lettre du 9 août 2002, l'Allemagne a sollicité l'adoption d'une décision finale en rappelant que l'article 7, paragraphe 6, du règlement (CE) n° 659-1999 du Conseil du 22 mars 1999 portant modalités d'application de l'article 93 du traité CE (3) prévoyait pour l'adoption d'une décision finale un délai de dix-huit mois à compter de l'ouverture de la procédure.
(11) Par lettre du 24 février 2003, l'Allemagne a renouvelé sa demande de décision finale en faisant valoir qu'elle avait déjà excipé de l'article 7, paragraphe 7, du règlement (CE) n° 659-1999 dans sa lettre du 9 août 2002, en ajoutant que la lettre du 24 février 2003 constituait une invitation en application de l'article 232, deuxième alinéa, du traité CE pour créer la condition d'un recours pour défaut d'action en vertu de ce même article 232 du traité CE.
(12) Par lettre du 27 février 2003, la Commission a informé les autorités allemandes qu'en raison de la seule invocation de l'article 7, paragraphe 6, du règlement (CE) n° 659-1999 qu'elle contenait, leur lettre du 9 août 2002 n'a été perçue que comme un rappel du délai de dix-huit mois, et non comme une demande au sens de l'article 7, paragraphe 7, du règlement (CE) n° 659-1999. La Commission a ajouté que la lettre de l'Allemagne du 27 février 2003 était désormais considérée comme une demande au sens de l'article 7, paragraphe 7, du règlement (CE) n° 659-1999.
2. DESCRIPTION DU RÉGIME D'AIDE ENVISAGÉ TEL QU'IL SE PRÉSENTAIT AU MOMENT DE L'OUVERTURE DE LA PROCÉDURE (4)
2.1. Régime, forme et financement
(13) La procédure a pour objet les lignes directrices communes du Land de Berlin concernant l'utilisation du Fonds de développement économique (ci-après: "le régime d'aide") qui reposent sur les articles 23 et 44 du Landeshaushaltsordnung (règlement financier du Land). Les aides sont octroyées sous forme de subventions. Le régime, qui prévoit des concours annuels de 3 067 751 euros (5), est financé exclusivement sur le budget du Land de Berlin.
2.2. Finalité, bénéficiaires et durée de validité du régime
(14) La section II, paragraphe 3, points 1 et 2, du régime d'aide prévoit que le Land de Berlin réalise des actions publiques en dehors des opérations de rénovation et d'aménagement urbain au sens du Code allemand de la construction (ci-après: "le Code de la construction"), à savoir des opérations de construction, de libération de terrains et autres mesures d'urbanisme et d'aménagement. Le régime a pour finalité de donner aux entreprises qui, en raison de l'intervention publique, doivent transférer leur établissement ou le modifier substantiellement, une incitation à rester à Berlin. En effet, l'administration veut empêcher que les entreprises soient contraintes de fermer leur établissement de Berlin ou de quitter la ville. Le régime d'aide s'adresse aux entreprises de toutes tailles et de tous les secteurs, qui utilisent à titre professionnel, en qualité de propriétaire, titulaire d'un droit de superficie, locataire ou gérant, un terrain nécessaire à l'intervention ou un bâtiment situé sur ce terrain. Les entreprises en difficulté sont exclues du bénéfice de l'aide. Le régime est en vigueur jusqu'à la fin 2008 (6).
2.3. Conditions d'éligibilité
(15) La section II, paragraphe 3, point 3, du régime d'aide prévoit qu'une entreprise ne peut bénéficier de l'aide que si l'intervention publique est la cause unique ou principale du préjudice subi par l'activité de l'entreprise. Les subventions à accorder doivent servir exclusivement à l'expansion et/ou au maintien de l'établissement à Berlin [section II, paragraphe 4, point 1 a), du régime d'aide]. Le maintien de l'établissement doit présenter un intérêt économique général [section II, paragraphe 4, point 1 b), du régime d'aide]. Ne peuvent bénéficier d'une aide les projets dont le transfert ou la modification sont dus exclusivement ou principalement à des raisons d'exploitation ou sont dictés par la loi (section II, paragraphe 4, point 4, du régime d'aide). L'Allemagne a précisé que les aides ne seront consenties que subsidiairement à d'autres droits à indemnité à hauteur de la compensation du préjudice (section II, paragraphe 2, du régime d'aide et lettre de l'Allemagne du 9 mars 1999).
2.4. Coûts admissibles
2.4.1. Coûts bruts admissibles
(16) Le fait qu'une entreprise soit lésée par une intervention publique peut déboucher sur deux cas de figure différents. Cas de figure n° 1: le lieu d'activité est nécessaire dans sa totalité pour l'intervention publique et l'entreprise doit le quitter (transfert de l'établissement). Cas de figure n° 2: une partie du lieu d'activité est nécessaire pour l'intervention publique et l'entreprise doit le modifier sensiblement (modification sensible du bâtiment). À partir de cette différenciation, le régime prévoit que les coûts suivants sont admissibles.
(17) Pour le cas de figure du transfert de l'établissement (cas de figure n° 1), le régime indique les points suivants:
a) coût de démontage et de remontage des équipements et des installations à usage commercial (section II, paragraphe 5, point 2, du régime d'aide);
b) coût du transport (assurance comprise) des équipements, des installations à usage commercial et des stocks (section II, paragraphe 5, point 2, du régime d'aide);
c) coût d'aménagement du nouveau bâtiment (section II, paragraphe 5, point 2, du régime d'aide), à savoir:
- transformations nécessaires qui n'augmentent pas la valeur vénale de ce bâtiment, et/ou
- en cas de construction nouvelle, coût du bâtiment, et/ou
- aménagements extérieurs nécessaires;
d) dépenses dues au fait que les équipements et/ou les installations à usage commercial utilisés jusque-là sont devenus inutilisables (section II, paragraphe 5, point 2, du régime d'aide);
e) subventions pour les taxes administratives à acquitter en raison d'une dérogation à la réglementation de la construction, si cette dérogation est indispensable pour adapter les nouveaux locaux aux besoins de l'exploitation (section III, paragraphe 6, du régime d'aide);
f) les autorités peuvent subordonner l'octroi d'une subvention pour les coûts susmentionnés à la consultation de spécialistes extérieurs pour l'étude, l'exécution et le chiffrage du transfert de l'établissement. En cas de transfert, les coûts de ces spécialistes sont également admissibles (section II, paragraphe 5, points 8 et 9, du régime d'aide);
g) si les concours octroyés au titre du régime sont assujettis à la taxe sur le chiffre d'affaires, cette taxe peut être remboursée (section II, paragraphe 5, point 10, du régime d'aide).
(18) En cas de modification substantielle du lieu d'activité existant (cas de figure n° 2), l'aide peut couvrir le coût des travaux et les frais accessoires (section II, paragraphe 5, point 5, du régime d'aide) ainsi que le remboursement de la taxe prévu au paragraphe 17, point g), ci-dessus.
2.4.2. Coûts nets admissibles
(19) Les autorités allemandes précisent que les coûts nets admissibles sont obtenus en déduisant les postes suivants des coûts bruts admissibles:
a) indemnités directes ou indirectes éventuelles prévues par le droit public ou le droit privé et versées dans le cadre d'une intervention publique,
b) produit éventuel de cessions,
c) éventuelles aides à l'investissement en vertu de la loi de 1999 sur les primes fiscales à l'investissement,
d) bénéfices éventuellement réalisés sur la vente d'un bien foncier (si le bien est cédé à un investisseur bénéficiant d'une aide publique, le prix de vente est supérieur à la valeur vénale, tandis que le prix d'achat du nouveau bien foncier correspond à la valeur vénale).
2.5. Intensité et plafond de l'aide
(20) Le régime prévoit des subventions pouvant atteindre 100 % des coûts nets admissibles (section II, paragraphe 5, point 1, du régime d'aide). Toutefois, si une entreprise transfère son établissement et construit un bâtiment sur son nouveau lieu d'implantation [voir considérant 17 (cas de figure n° 1), point c), deuxième tiret), le coût de la construction n'est admissible qu'à hauteur de 20 % des coûts nets [section II, paragraphe 5, point 3 c), du régime d'aide].
(21) La subvention ne peut excéder 75 % des salaires versés en moyenne au cours des trois dernières années précédant la demande d'aide, mais sans dépasser le décuple des salaires versés dans le mois précédant l'octroi de la subvention (section II, paragraphe 5, point 6, du régime d'aide).
2.6. Cumul
(22) Le régime ne contient aucune disposition précise concernant le cumul d'aides.
3. MOTIFS D'OUVERTURE DE LA PROCÉDURE
(23) Dans sa décision relative à l'ouverture de la procédure formelle d'examen, la Commission estime que le régime d'aide constitue une aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE et nourrit des doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le Marché commun.
(24) La Commission a provisoirement constaté que les entreprises lésées par l'intervention des pouvoirs publics et ayant droit à une indemnité selon le droit public ou privé sont placées dans la même situation que toutes les autres entreprises qui n'ont pas été lésées par cette intervention. Dès lors, du point de vue du droit régissant les aides d'État, les entreprises lésées sont sur un pied d'égalité avec toutes les autres entreprises du Marché commun. Pour l'heure, la Commission estime que les versements prévus au titre du régime ne constituent, pour les entreprises déjà établies à Berlin, qu'une mesure d'encouragement supplémentaire pour qu'elles y restent, au détriment des autres entreprises du Marché commun qui souhaitent s'établir dans cette ville et qui ne peuvent bénéficier du régime.
(25) Faute d'arguments contraires de l'Allemagne, la Commission a considéré que les bénéficiaires potentiels de l'aide exerçaient leur activité dans des secteurs faisant l'objet d'une concurrence à l'intérieur du Marché commun. Ce constat l'a amenée à conclure que la situation des bénéficiaires de l'aide s'en trouve renforcée par rapport aux entreprises concurrentes, ce qui affecte les échanges et fausse le jeu de la concurrence. En outre, la Commission a estimé que les aides aux entreprises qui influent sur leur choix d'un lieu d'implantation ont pour effet de fausser globalement le jeu de la concurrence (7). Elle a constaté que les règles relatives aux aides de minimis (8) ne s'appliquaient pas et que l'Allemagne ne les avait d'ailleurs pas invoquées.
(26) C'est pourquoi, dans sa décision d'ouverture de la procédure, la Commission a provisoirement conclu à l'existence d'une aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE.
(27) Lors de l'appréciation provisoire de la compatibilité du régime d'aide avec le Marché commun, la Commission a examiné le régime au regard des dispositions combinées de l'article 87, paragraphe 3, points a) et c), du traité CE et des lignes directrices concernant les aides d'État à finalité régionale (9) (ci-après: "les lignes directrices "aides régionales") ainsi que des règles relatives aux petites et moyennes entreprises (PME) en vigueur à la date de la décision (10).
(28) Jusqu'à la fin de 1999, Berlin-Ouest était une région relevant de l'article 87, paragraphe 3, point c), du traité CE, avec des plafonds autorisés d'aide régionale de 43 % brut (au maximum 30 % net), et Berlin-Est une région relevant de l'article 87, paragraphe 3, point a), avec des plafonds autorisés d'aide régionale de 50 % brut (11). Au moment de la décision d'ouverture de la procédure, le statut de Berlin comme région assistée à partir de l'année 2000 et les plafonds autorisés pour les aides régionales pour Berlin n'étaient pas encore définitivement arrêtés (12).
(29) Lors de l'examen provisoire de la compatibilité du régime d'aide avec le Marché commun, la Commission a établi une distinction entre les aides à l'investissement initial et les aides au fonctionnement.
(30) Dans le cas d'une aide au sens du considérant 17 (cas de figure n° 1), point c), deuxième tiret, d'un montant maximal de 20 % des coûts nets du bâtiment, la Commission a considéré qu'il s'agissait d'une aide à l'investissement initial. Elle a constaté que le régime d'aide ne contenait aucune disposition relative au respect des plafonds autorisés pour les aides régionales et qu'un cumul avec d'autres aides à l'investissement n'était pas exclu. En outre, compte tenu du fait que le régime d'aide s'adresse aux entreprises de toutes tailles et de tous les secteurs économiques, la Commission a conclu qu'il ne correspondait ni aux règles concernant les aides d'État aux petites et moyennes entreprises en vigueur au moment de la décision d'ouverture de la procédure ni aux règles communautaires régissant l'appréciation des aides sectorielles. Dès lors, elle a conclu que l'aide en cause faisait naître des doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le Marché commun.
(31) La Commission a provisoirement estimé que les autres dispositions du régime d'aide constituaient des aides au fonctionnement, lesquelles ne peuvent être considérées comme compatibles avec le Marché commun que dans certaines circonstances exceptionnelles pour les régions assistées au sens de l'article 87, paragraphe 3, point a), du traité CE. En vertu des lignes directrices "aides régionales", de telles aides au fonctionnement ne peuvent être autorisées que si elles sont dégressives et limitées dans le temps (13), si elles sont justifiées en fonction de leur contribution au développement régional et de leur nature (14) et si les secteurs faisant l'objet de règles spécifiques (secteurs dits "sensibles") sont exclus. À cela s'ajoute le fait que Berlin-Ouest n'a été à aucun moment une région assistée au sens de l'article 87, paragraphe 3, point a), du traité CE et que Berlin-Est ne l'a été que jusqu'à la fin de 1999. À partir de là, la Commission n'a trouvé aucun indice permettant de considérer que le régime en cause est compatible avec le Marché commun.
4. OBSERVATIONS DE L'ALLEMAGNE
(32) Dans ses observations du 17 juin 1999 et dans ses observations ultérieures, l'Allemagne a affirmé que le régime d'aide ne constituait pas une aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE, puisqu'il ne suscite aucune distorsion de concurrence. Selon elle, le régime d'aide est la compensation pure et simple d'un désavantage imprévisible issu d'une intervention des pouvoirs publics et, de surcroît, subsidiairement à d'autres droits à d'éventuelles indemnités. L'Allemagne a déclaré qu'en règle générale les entreprises lésées par l'intervention publique ne disposaient d'aucun droit à une indemnité publique, ou du moins d'aucun droit suffisant, et que le régime d'aide était appelé à combler cette lacune.
(33) L'Allemagne a fourni l'explication suivante sur les droits à une indemnité publique: la base juridique régissant les droits en cas d'expropriation est constituée par les articles 93 et suivants du Code de la construction. En cas d'expulsion d'un local pris en location ou en gérance, le Code de la construction ne prévoit aucun droit à une indemnité dans le cas des baux ou des contrats de gérance de courte durée et, dans le cas des baux ou contrats de longue durée, il n'accorde des droits qu'à hauteur des intérêts pour le préfinancement. Cette disposition du Code de la construction doit être élargie par le régime d'aide subsidiaire en cause, puisque celui-ci s'applique aussi aux baux ou contrats de gérance de courte durée et accorde de surcroît une indemnité jusqu'à la compensation intégrale du préjudice. Sur ce point, l'Allemagne a indiqué qu'une grande partie des entreprises touchées par les mesures d'urbanisme à Berlin n'ont que des baux ou des contrats de gérance de courte durée qui, bien que typiques de Berlin, sont particulièrement solides et, dans la plupart des cas, régulièrement reconduits. Donc, en principe, le risque particulier à la charge du locataire ou du gérant qui est normalement attaché aux baux ou contrats de gérance de courte durée et dont le Code de la construction a tenu compte par une exclusion d'indemnité, n'existe pas à Berlin. Les autorités allemandes n'ont pas fourni de justification statistique des spécificités des baux ou des contrats de gérance invoquées. L'Allemagne ajoute que, en raison de la solidité de ces baux et contrats de gérance, la majeure partie des entreprises berlinoises touchées ne disposent pas de réserves en vue d'un transfert pour cause de résiliation de leur bail ou contrat, de sorte que les prestations prévues par le Code de la construction ne sont pas suffisantes, si tant est qu'elles soient accordées. Elle estime que si le régime en cause étend effectivement les dispositions du Code de la construction, les circonstances particulières justifient cependant cette extension. Selon l'Allemagne, ce régime d'aide ne constitue pas une aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE, par laquelle le risque ordinairement inhérent à un bail ou un contrat de gérance est compensé par l'État au moyen de concours financiers, mais seulement la compensation justifiée d'un préjudice en dehors de tout régime d'aide.
(34) Par ailleurs, l'Allemagne indique que le régime d'aide ne s'applique pas aux entreprises établies dans des zones de Berlin que le Code de la construction définit comme des "zones à réhabiliter" ou un "secteur d'urbanisation". En ce qui concerne les transferts de locaux ou les modifications substantielles de bâtiments en raison de projets publics de réhabilitation dans ces zones, les entreprises peuvent seulement faire valoir les droits prévus par les dispositions combinées des articles 136 et suivants du Code de la construction et de la loi sur la promotion de l'aménagement des villes allemandes et des règlements d'application relatifs au financement d'actions de réhabilitation urbanistique. Étant donné que le régime d'aide ne s'applique qu'à toutes les autres zones, il doit permettre un traitement harmonisé de toutes les entreprises de Berlin touchées par des mesures publiques.
(35) Pour illustrer les différentes catégories de cas de figure d'une aide au titre du régime d'aide en cause, l'Allemagne a communiqué le tableau suivant par lettre du 6 juillet 2001.
EMPLACEMENT TABLEAU
(36) Pour expliciter la notion de compensation pure et simple d'un préjudice, l'Allemagne a également indiqué que l'entreprise bénéficiaire du régime d'aide n'est pas favorisée par rapport aux entreprises concurrentes, car l'extension et l'amélioration de l'établissement, en particulier, ne sont pas éligibles et tous les autres avantages financiers dont l'entreprise bénéficie en raison du transfert sont imputés à l'aide.
(37) Au cas où la Commission maintiendrait sa thèse qu'il s'agit d'une aide au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE, l'Allemagne a affirmé que le régime d'aide était néanmoins compatible avec le Marché commun. À ce propos, dans sa lettre du 17 juin 1999, elle a d'abord exclu le cumul des concours octroyés au titre du régime d'aide avec d'autres aides, s'il doit entraîner un dépassement du plafond des aides à finalité régionale. En outre, elle a expressément rappelé la subsidiarité du régime d'aide par rapport à d'autres sources de financement.
(38) En ce qui concerne l'argument de l'interdiction des aides au fonctionnement avancé par la Commission, l'Allemagne a renvoyé à l'arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 30 avril 1998 dans l'affaire T-214-95, Région flamande contre Commission (15) et à l'arrêt du 8 juin 1995 dans l'affaire T-459-93, Siemens contre Commission (16), aux termes desquels on n'est en présence d'aides au fonctionnement que si une entreprise est libérée des coûts qu'elle doit normalement supporter dans le cadre de sa gestion courante ou de ses activités normales. Mais comme le régime d'aide en cause est conçu pour la compensation de préjudices imprévisibles, il ne dédommage les entreprises bénéficiaires du régime que des coûts qu'elles n'ont normalement pas à supporter. En particulier, le transfert de l'établissement n'est pas le résultat d'une libre décision de l'entreprise, mais la conséquence obligatoire d'interventions publiques qui doivent, entre autres, corriger l'aménagement urbain datant de l'époque de la division de Berlin. L'Allemagne en conclut que le régime n'accorde pas d'aides au fonctionnement.
(39) Après l'ouverture de la procédure formelle d'examen, la Commission s'est demandé si le régime d'aide n'avait pas également pour objectif le transfert d'entreprises de la région Berlin vers la partie brandebourgeoise du bassin d'emploi de Berlin, où le plafond d'aide autorisé était plus élevé jusqu'à la fin de 1999. À l'argument de la Commission, selon lequel cette intention éventuelle est devenue sans objet à partir de l'année 2000 en raison de l'harmonisation des plafonds d'aide de Berlin et de la partie brandebourgeoise du bassin d'emploi de Berlin, l'Allemagne a répliqué que le régime d'aide avait pour objectif très général de lutter contre la perte d'entreprises saines à Berlin, avec ses effets négatifs pour le site économique de Berlin, comme la perte d'emplois et de recettes fiscales. Étant donné que cette intervention est financée par des fonds régionaux, les aides sont subordonnées au choix par l'entreprise d'un site de remplacement à Berlin.
(40) Enfin, l'Allemagne a précisé que les considérations d'ordre écologique ne constituent pas un objectif prépondérant du régime d'aide.
5. APPRÉCIATION DU RÉGIME
5.1. Existence d'une aide d'État
(41) La Commission doit examiner si le régime d'aide constitue une aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE, lequel énonce les critères suivants:
a) l'aide est accordée au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit;
b) le choix sélectif de certaines entreprises ou de certaines productions comme bénéficiaires de l'aide;
c) l'aide favorise ces entreprises;
d) l'aide fausse ou menace de fausser la concurrence;
e) l'aide affecte les échanges entre États membres.
(42) Si, même du point de vue de l'Allemagne, les critères énoncés aux points a) et b) sont incontestablement satisfaits en l'espèce, les points c) à e) méritent, en revanche, d'être examinés de plus près.
5.1.1. L'aide favorise certaines entreprises
(43) L'Allemagne affirme que le régime d'aide notifié ne fait que compenser un préjudice imprévisible résultant de l'intervention publique. S'il est vrai, poursuit-elle, que le droit fédéral (Code de la construction, article 93 et suivants) et le droit privé prévoient déjà ce type de compensation d'un préjudice, ils ne couvrent cependant pas certaines situations, et c'est précisément en raison de ce vide juridique que le régime en cause prévoit des concours financiers pour ces situations. Étant donné que ces concours ne font que combler ce que le Code de la construction ou le droit privé ont "oublié", l'Allemagne estime que le régime d'aide ne fait que mettre les entreprises lésées sur un pied d'égalité avec les autres entreprises qui n'ont pas été lésées par ce type d'intervention publique, mais qu'il ne les favorise nullement par rapport aux entreprises concurrentes. En conséquence, elle rejette l'applicabilité de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE.
(44) La Commission examine cette argumentation de l'Allemagne en l'associant à la question de savoir si les entreprises bénéficiaires du régime d'aide sont favorisées au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE. Elle conclut qu'il y a lieu de répondre à cette question par l'affirmative.
(45) En examinant la question des entreprises favorisées, la Commission part de la situation qui existe lorsque l'intervention publique à l'origine d'un concours financier au titre du régime d'aide a déjà été exécutée et que tous les droits usuels prévus par le droit public (Code de la construction) et le droit privé ont déjà été épuisés.
(46) De ce fait, le régime d'aide va au-delà des droits à indemnité prévus par le droit public et le droit privé (17) et constitue une prestation supplémentaire.Au cours de la procédure, l'Allemagne n'a pu fournir la preuve que les mesures berlinoises à exécuter donnent lieu à des préjudices différents ou plus élevés que dans des cas comparables dans d'autres parties de l'Allemagne.
(47) La thèse de l'Allemagne - non étayée par des preuves - selon laquelle les baux ou contrats de gérance de courte durée (18) étaient toujours particulièrement solides à Berlin, ne parvient pas non plus à infirmer cette appréciation de la Commission. Les préjudices qui s'y attachent - soit l'attente déçue de ne pas obtenir un nouveau bail ou contrat, soit l'absence de mesures préventives en cas de résiliation anticipée ou de non reconduction du bail ou du contrat - sont des conséquences typiques de l'évolution des conditions économiques et des rapports de force, conséquences que les acteurs du marché doivent régulièrement supporter eux-mêmes dans les États membres. De même, la Commission ne peut adhérer à la thèse de l'Allemagne selon laquelle les versements à effectuer au titre du régime d'aide sont conçus pour des préjudices imprévisibles. La résiliation, la dissolution anticipée et l'expiration d'un contrat accordant un droit de jouissance constituent des risques inhérents à la vie économique et, par conséquent, prévisibles.
(48) Le point de vue de la Commission, selon lequel certaines entreprises sont favorisées par le régime d'aide, est très fortement étayé par le fait que celui-ci subordonne le versement de fonds publics à la réimplantation des entreprises à Berlin. Il est donc patent que le régime vise à procurer à certaines entreprises un avantage qui est refusé à d'autres, bien que toutes les entreprises soient touchées par les mêmes mesures. Par conséquent, l'intention réelle du régime n'est pas limitée à la compensation pure et simple d'un préjudice, mais consiste aussi, en tant qu'instrument d'aide manifeste de la politique régionale, à faire rester des entreprises à Berlin.
(49) De tous ces motifs il ressort que le régime d'aide prévoit de favoriser les entreprises touchées, du moins par rapport à d'autres entreprises berlinoises qui sont touchées par les mêmes mesures, mais qui ne sont pas désireuses de rester à Berlin, mais aussi par rapport à des entreprises qui sont touchées par des mesures analogues en dehors de Berlin.
5.1.2. L'aide fausse ou menace de fausser la concurrence
(50) L'Allemagne affirme que le régime en cause doit garantir que les entreprises qu'il favorise peuvent continuer à exister sous la même forme qu'avant l'intervention publique et poursuivre leurs activités à l'intérieur du Marché commun et que, de ce fait, il contribue à maintenir la concurrence et non à la fausser.
(51) La concurrence est faussée dès lors que les entreprises qui doivent être favorisées par l'État sont en concurrence avec d'autres entreprises. C'est pourquoi, dans ce contexte, il importe seulement de savoir s'il est démontré que les entreprises favorisées exercent une activité commerciale ne pouvant aucunement fausser la concurrence entre États membres - ce que l'Allemagne n'a à aucun moment prétendu, et donc encore moins démontré. Par conséquent, la Commission ne peut exclure que les bénéficiaires potentiels de l'aide soient présents dans les secteurs de l'importation et/ou de l'exportation et/ou des services et que leurs produits et/ou services font directement concurrence à des produits et/ou des services d'autres États membres. Dès lors, les versements effectués par l'État au titre du régime d'aide renforcent la situation concurrentielle des entreprises favorisées par rapport à celle des autres entreprises.
(52) Par sa lettre du 6 juillet 2001, l'Allemagne a indiqué que les versements effectués au titre du régime d'aide doivent inciter les entreprises à rester à Berlin et que c'est la raison pour laquelle le régime ne prévoit des versements que si les entreprises se réimplantent dans cette ville (19). La Commission estime que les aides aux entreprises qui influent sur leur choix d'un lieu d'implantation ont toujours pour effet de fausser les échanges (20). En l'espèce, cela se fait au détriment des autres entreprises du Marché commun qui sont également établies à Berlin ou qui souhaitent s'y établir.
(53) La Commission constate que le régime d'aide ne contient aucune disposition relative aux aides de minimis et que l'Allemagne n'a d'ailleurs pas invoqué les règles qui s'y rapportent. Depuis le 2 février 2001, c'est le règlement (CE) n° 69-2001 qui s'applique aux aides de minimis (21). (54) Dès lors, la Commission conclut que les fonds publics devant être versés au titre du régime d'aide menacent, pour le moins, de fausser la concurrence entre États membres au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE.
5.1.3. L'aide affecte les échanges
(55) La Commission constate qu'en principe chaque versement de fonds publics à une certaine catégorie d'entreprises commerciales, qui menace dans une certaine mesure de fausser la concurrence entre États membres, affecte également les échanges entre États membres.
5.2. Légalité de l'aide
(56) L'Allemagne a rempli l'obligation de notification qui lui incombe en vertu de l'article 88, paragraphe 3, du traité CE et la Commission a été informée du régime d'aide envisagé.
5.3. Compatibilité de l'aide avec le Marché commun
(57) Dans la présente section, la Commission doit examiner si l'aide est compatible avec le Marché commun au regard de l'article 87, paragraphe 2 ou 3, du traité CE.
5.3.1. Examen de la dérogation énoncée à l'article 87, paragraphe 2, point c), du traité CE
(58) En vertu de cette disposition, sont compatibles avec le Marché commun les aides octroyées à l'économie de certaines régions de la République fédérale d'Allemagne affectées par la division de l'Allemagne, dans la mesure où elles sont nécessaires pour compenser les désavantages économiques causés par cette division. L'Allemagne a déclaré que l'intervention publique qui justifie le régime en cause est destinée à corriger l'aménagement urbain de Berlin datant de l'époque de la division de la ville.
(59) La Commission constate que la dérogation énoncée à l'article 87, paragraphe 2, point c), du traité CE ne s'applique pas aux aides motivées, comme en l'espèce, par la réunification de l'Allemagne (22).
5.3.2. Examen au regard des dispositions concernant les aides à finalité régionale
(60) Étant donné que le régime d'aide poursuit une finalité relevant manifestement de la politique régionale, à savoir le maintien de certaines entreprises à Berlin, les dérogations concernant les aides à finalité régionale, c'est-à-dire l'article 87, paragraphe 3, point a) ou point c), du traité CE pourraient s'appliquer en association avec les lignes directrices "aides régionales".
(61) Les lignes directrices "aides régionales" énoncent différentes conditions qui doivent être remplies pour qu'une aide d'État à finalité régionale puisse être considérée comme compatible avec le Marché commun.
5.3.2.1. Champ d'application des lignes directrices " aides régionales "
(62) La Commission constate d'abord que, faute d'indications contraires, le régime d'aide s'adresse aux entreprises de tous les secteurs d'activité. Par conséquent, l'Allemagne n'a pas respecté la disposition du chapitre 2 des lignes directrices "aides régionales" relative à l'exclusion des secteurs qui y sont mentionnés. Au contraire, la Commission doit conclure de la lettre de l'Allemagne du 9 mars 1999 que des entreprises agricoles peuvent également bénéficier du régime d'aide (déduction a contrario du point "Concernant 2.", paragraphe 2, de la lettre). En outre, des règles spécifiques s'appliquent à certains des secteurs couverts par les lignes directrices "aides régionales" (23). Or l'Allemagne n'a pas exclu ces secteurs du régime d'aide, pas plus qu'elle n'a adapté celui-ci aux règles spécifiques de ces secteurs.
5.3.2.2. Nature, montant et durée des aides d'après les lignes directrices "aides régionales"
(63) En vertu du paragraphe 4.1. des lignes directrices "aides régionales", l'aide régionale a pour objet soit l'investissement initial, soit la création d'emplois qui est liée à l'investissement. Le paragraphe 4.4. des lignes directrices "aides régionales" définit la notion d'investissement initial, entre autres, comme l'investissement en capital fixe se rapportant à la création d'un nouvel établissement ou à la réalisation d'un changement fondamental dans un établissement existant, par voie de rationalisation, de diversification ou de modernisation. Le régime d'aide présente différents coûts admissibles qui remplissent les critères pour l'octroi d'aides à l'investissement initial au sens du paragraphe 4.4. des lignes directrices "aides régionales", parce qu'il crée - par rapport à la situation postérieure à l'intervention publique - de nouvelles capacités de production et que, de ce fait, les aides contribuent au développement régional. Il s'agit des coûts suivants:
a) tous les coûts indiqués au considérant 17, (cas de figure n° 1), point c), pour l'aménagement d'un immeuble de remplacement;
b) les subventions indiquées au considérant 17, (cas de figure n° 1), point e), pour les taxes administratives à acquitter en raison d'une dérogation à la réglementation de la construction, si cette dérogation est indispensable pour adapter les nouveaux locaux aux besoins de l'exploitation,
c) les coûts des travaux et frais accessoires indiqués au considérant 18 (cas de figure n° 2). La Commission constate en outre que le régime ne prévoit pas d'aides ayant pour objet la création d'emplois liée à l'investissement au sens de la définition du paragraphe 4.12. des lignes directrices "aides régionales".
(64) Le paragraphe 4.2., première phrase, des lignes directrices "aides régionales" prévoit que l'apport du bénéficiaire destiné au financement de l'investissement initial doit atteindre au minimum 25 %. La Commission constate que cette condition n'est remplie que pour l'aide à l'investissement initial au sens du considérant 17, point c), deuxième tiret (coûts de construction du nouveau bâtiment), puisqu'en l'espèce, la subvention accordée est plafonnée à 20 % des coûts admissibles nets. Pour tous les autres investissements initiaux indiqués au considérant 63, le régime prévoit une subvention pouvant atteindre 100 % des coûts admissibles nets, auquel cas il n'y a pas le moindre apport des entreprises.
(65) Le paragraphe 4.2., troisième phrase des lignes directrices "aides régionales" précise que les régimes d'aide doivent prévoir que la demande de l'aide doit être introduite avant le début d'exécution des projets. La Commission constate que cette condition est remplie (section 1, paragraphe 1, point 2, du régime d'aide).
(66) Le paragraphe 4.5. des lignes directrices "aides régionales " indique que l'aide à l'investissement initial est calculée en pourcentage de la valeur de l'investissement. Dans son équivalent subvention net, cette intensité d'aide ne doit pas dépasser le plafond fixé pour la région assistée en cause (paragraphes 4.7. et 4.8. des lignes directrices "aides régionales"). En outre, l'interdiction de cumul du paragraphe 4.18. des lignes directrices doit être respecté. Par lettre du 17 juin 1999, l'Allemagne a assuré que les plafonds d'aide autorisés pour les aides régionales étaient respectés, même en cas de cumul avec d'autres interventions. Or la Commission constate que, en dépit de cette assurance, le respect des plafonds fixés pour les aides régionales à Berlin est seulement garanti pour l'aide aux coûts de construction du bâtiment, dont l'intensité nette est de 20 %. Pour toutes les autres aides à l'investissement initial, le régime d'aide prévoit un dépassement des plafonds autorisés en vigueur pour les aides régionales, puisque des subventions pouvant atteindre 100 % des coûts nets admissibles peut être accordées.
(67) Le paragraphe 4.10. des lignes directrices "aides régionales " précise que les aides à l'investissement initial doivent être subordonnées, par leur mode de versement ou par les conditions liées à leur obtention, au maintien de l'investissement en cause sur une période minimale de cinq ans. La Commission constate que le régime d'aide ne remplit pas cette condition.
(68) La ville de Berlin plus sa partie sise dans le Land de Brandebourg qui, ensemble, forment le bassin d'emploi de Berlin, n'ont le statut de région assistée, au sens des dispositions combinées de l'article 87, paragraphe 3, point c), du traité CE et des lignes directrices "aides régionales", que jusqu'à la fin de 2006 (24). Or le régime d'aide va au-delà de 2006, puisqu'il expire à la fin de 2008. La Commission constate que les aides à l'investissement initial qui doivent être accordées au titre du régime pour les années 2007 et 2008 ne peuvent actuellement être déclarées compatibles avec le Marché commun au sens des dispositions combinées de l'article 87, paragraphe 3, point c), du traité CE et des lignes directrices "aides régionales".
(69) En vertu du paragraphe 4.15. des lignes directrices "aides régionales", les aides au fonctionnement, c'est-à-dire les aides destinées à réduire les dépenses courantes que l'entreprise aurait dû normalement supporter dans le cadre de sa gestion courante ou de son activité normale sont, en principe, interdites (25). En l'espèce, la situation "normale" et donc pertinente est celle qui est déjà perturbée par l'intervention publique. Dans ce genre de situation, toutes les entreprises concurrentes doivent normalement supporter les charges financières correspondantes, une fois qu'elles ont épuisé leurs droits à une indemnité en vertu du droit privé ou du droit public. Or les entreprises favorisées par le régime d'aide sont libérées de charges financières qui, pour une autre entreprise touchée par les mesures publiques et qui a déjà épuisé tous les autres droits à une indemnité, constituent des dépenses courantes normales. La Commission constate que toutes les aides qui n'ont pas été répertoriées comme des aides à l'investissement initial en vertu du considérant 63 présentent les caractéristiques d'aides au fonctionnement.
(70) En vertu du paragraphe 4.15. des lignes directrices "aides régionales", les aides au fonctionnement accordées dans les régions bénéficiant de la dérogation de l'article 87, paragraphe 3, point a), du traité CE peuvent être autorisées à titre exceptionnel. La Commission constate que cette condition n'est pas remplie, puisque Berlin est, depuis le 1er janvier 2000, une région bénéficiant de la dérogation de l'article 87, paragraphe 3, point c), du traité CE.
5.3.3. Examen au regard des dispositions relatives aux petites et moyennes entreprises (PME)
(71) Les dispositions dérogatoires prévues pour les aides aux PME, c'est-à-dire le règlement (CE) n° 70-2001 de la Commission du 12 janvier 2001 concernant l'application des articles 87 et 88 du traité CE aux aides d'État aux petites et moyennes entreprises (26) (ci-après: "le règlement PME"), pourraient s'appliquer.
(72) La Commission constate que le champ d'application du régime d'aide n'a pas été limité aux PME répondant à la définition de l'annexe I du règlement PME, mais s'adresse aux entreprises de toutes tailles et de tous les secteurs d'activité, ce qui n'exclut pas que le régime d'aide s'applique aussi aux PME. Sur ce point, les conditions du règlement PME pourraient être remplies.
5.3.3.1. Champ d'application du règlement PME
(73) En vertu de son article 1er, paragraphe 2, point a), le règlement PME ne s'applique pas aux activités liées à la production, à la transformation ou à la commercialisation des produits énumérés à l'annexe I du traité. La Commission constate que ce domaine n'est pas expressément exclu du régime d'aide. Au contraire, la Commission déduit de la lettre de l'Allemagne du 9 mars 1999 que les exploitations agricoles peuvent elles aussi bénéficier du régime (considérant 62 ci-dessus).
(74) En vertu de son article 1er, paragraphe 1, le règlement PME s'applique sans préjudice des règlements ou des directives communautaires spécifiques arrêtés en vertu des dispositions du traité et régissant l'octroi d'aides d'État dans certains secteurs et indépendamment du fait que lesdits règlements et directives soient plus ou moins restrictifs. Certains secteurs font l'objet de règles spécifiques plus restrictives (27). La Commission constate que l'Allemagne n'a pas exclu ces secteurs du régime en cause, pas plus qu'elle n'a adapté celui-ci aux règles sectorielles spécifiques.
(75) D'après son considérant 13, le règlement PME ne s'applique pas aux aides au fonctionnement. La Commission constate que toutes les aides du régime qui n'ont pas été répertoriées comme des aides à l'investissement initial dans le considérant (63) l'ont été comme aides au fonctionnement (28) et n'entrent donc pas dans le champ d'application du règlement PME.
5.3.3.2. Nature, montant et durée des aides autorisées en vertu du règlement PME
(76) En vertu de l'article 4 du règlement PME, les aides à l'investissement peuvent être compatibles avec le Marché commun et être exemptées de l'obligation de notification prévue à l'article 88, paragraphe 3, du traité CE. Dans ce cas, l'article 2, point c), du règlement PME prévoit qu'il doit s'agir d'aides à l'investissement initial.
(77) En vertu de l'article 4, paragraphe 2, du règlement PME, l'intensité brute de l'aide ne peut dépasser 15 % pour les petites entreprises et 7,5 % pour les entreprises moyennes. En outre, l'interdiction de cumul visée à l'article 8, paragraphe 2, du règlement PME doit être respectée. S'il est vrai que, par lettre du 17 juin 1999, l'Allemagne a déclaré que cette interdiction était respectée, la Commission constate cependant que les intensités maximales de toutes les aides à l'investissement initial répertoriées au considérant 63 sont dépassées.
(78) En vertu de l'article 4, paragraphe 3, point a), du règlement PME, l'intensité nette totale ne doit pas dépasser 30 % des coûts admissibles pour les aides à l'investissement initial dans les régions couvertes par l'article 87, paragraphe 3, point c), du traité CE, si, en vertu de l'article 4, paragraphe 3, deuxième alinéa, du règlement PME, l'aide est accordée sous réserve que l'investissement soit maintenu dans la région bénéficiaire pendant au moins cinq ans et que le bénéficiaire contribue à son financement à hauteur d'au moins 25 %. Là encore, l'interdiction de cumul visée à l'article 8, paragraphe 2, du règlement PME doit être respectée. La Commission constate qu'aucune des aides répertoriées comme aides à l'investissement initial au considérant 63 ne remplit toutes les conditions énoncées à l'article 4, paragraphe 3, premier alinéa, point a), du règlement PME et à l'article 4, paragraphe 3, deuxième alinéa. Dans le cas des aides destinées aux coûts de l'aménagement d'un bâtiment de remplacement et s'élevant à 20 % des coûts nets admissibles, le maintien de l'investissement dans la région bénéficiaire pendant au moins cinq ans n'est pas garanti, tandis que les critères des dispositions précitées ne sont même pas à prendre en compte pour les autres aides qui prévoient un concours pouvant atteindre 100 % des coûts nets admissibles, puisque celles-ci ont déjà une intensité d'aide trop élevée.
(79) L'article 10, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement PME précise que ce règlement est applicable jusqu'au 31 décembre 2006, tandis que son article 10, paragraphe 2, prévoit que les régimes d'aide exemptés en vertu du règlement restent exemptés durant une période d'adaptation de six mois, c'est-à-dire jusqu'au 30 juin 2007. Or le régime en cause est applicable au-delà de l'année 2006, jusqu'à la fin de 2008. La Commission constate que les aides à l'investissement initial qui doivent être accordées au titre du régime d'aide en 2007 et 2008 ne peuvent actuellement être déclarées compatibles avec le Marché commun en vertu du règlement PME.
6. CONCLUSIONS
(80) Le régime d'aide notifié conformément à l'article 88, paragraphe 3, du traité CE constitue une aide au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE.
(81) Dans la mesure où il s'agit, comme indiqué au considérant 69, d'aides au fonctionnement, celles-ci ne remplissent pas les conditions dérogatoires prévues par les dispositions combinées de l'article 87, paragraphe 3, point a), du traité CE et des lignes directrices "aides régionales". Dès lors, le régime d'aide est incompatible avec le Marché commun.
(82) Dans la mesure où il s'agit, comme indiqué au considérant 63, d'aides à l'investissement initial, celles-ci ne remplissent pas les conditions dérogatoires prévues par les dispositions combinées de l'article 87, paragraphe 3, point c), du traité CE et des lignes directrices "aides régionales" ou du règlement (CE) n° 70-2001. Dès lors, la présente décision ne peut établir la compatibilité du régime d'aide avec le Marché commun en ce qui concerne les aides à l'investissement initial qu'à condition que l'Allemagne respecte toutes les dispositions applicables des Lignes directrices "aides régionales" ou du règlement (CE) n° 70-2001,
A arrêté la présente décision:
Article premier
Les Lignes directrices communes du Land de Berlin concernant l'utilisation du Fonds de développement économique (ci-après: "le régime d'aide") que l'Allemagne envisage de mettre à exécution constituent une aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE.
Article 2
Dans la mesure où les aides prévues dans le cadre du régime d'aide constituent des aides au fonctionnement, elles sont incompatibles avec le Marché commun. Pour ce motif, ces aides ne peuvent être octroyées.
Article 3
Dans la mesure où les aides prévues dans le cadre du régime d'aide constituent des aides à l'investissement initial, elles sont compatibles avec le Marché commun jusqu'au 31 décembre 2006, sous réserve des conditions et restrictions énoncées au paragraphe 2. L'Allemagne respecte les dispositions des lignes directrices "aides régionales" ou du règlement (CE) n° 70-2001 relatives aux intensités d'aide, au cumul, à l'exclusion des secteurs sensibles, à l'apport des bénéficiaires et au maintien des investissements sur une période de cinq ans.
Article 4
L'Allemagne informe la Commission, dans les deux mois suivant la notification de la présente décision, des mesures qu'elle a prises pour s'y conformer.
Article 5
La République fédérale d'Allemagne est destinataire de la présente décision.
(1) JO C 340 du 27.11.1999, p. 64.
(2) Voir note 1 de bas de page.
(3) JO L 83 du 27.3.1999, p. 1.
(4) Pour plus de précision, voir considérant 4 de la présente décision (observations de l'Allemagne).
(5) Communication de l'Allemagne du 14 décembre 1998, paragraphe
(6) La décision d'ouverture est erronée, car elle indique comme date d'expiration du régime "fin 2006".
(7) Décision 87-573-CEE de la Commission (JO L 347 du 11.12.1987, p. 64), titre IV, paragraphe 1.
(8) Au moment de l'ouverture de la procédure, la communication de la Commission relative aux aides de minimis était en vigueur (JO C 68 du 6.3.1996, p. 9).
(9) JO C 74 du 10.3.1998, p. 9.
(10) Recommandation de la Commission concernant la définition des petites et moyennes entreprises (JO L 107 du 30.4.1996, p. 4) et encadrement communautaire des aide d'États aux petites et moyennes entreprises (JO C 213 du 23.7.1996, p. 4).
(11) Voir décision dans l'affaire N 613-96.
(12) En vertu des décisions adoptées dans les affaires N 195-99, C 47-99 et N 641-2002, la ville de Berlin ainsi que sa partie située dans le Land de Brandebourg qui, ensemble, constituent le bassin d'emploi de Berlin, est, de 2000 jusqu'à la fin de 2006, une région relevant de l'article 87, paragraphe 3, point c), avec un plafond d'aide autorisé de 20 % net. Ce plafond d'aide peut être majoré de 10 % brut pour les PME. Pour les années à partir de 2007, les régions assistées et les plafonds autorisés pour les aides régionales ne sont pas encore fixés.
(13) Paragraphe 4.17 des lignes directrices "aides régionales".
(14) Paragraphe 4.15 des lignes directrices "aides régionales".
(15) Rec. 1998, p. II-717.
(16) Rec. 1995, p. II-1675.
(17) En ce qui concerne les droits accordés par le droit public et les prestations supplémentaires, voir le tableau communiqué par l'Allemagne pour le régime d'aide et reproduit au considérant 35.
(18) Contrats de location ou de gérance d'une durée de moins de deux ans, c'est-à-dire la catégorie 3 du tableau reproduit au considérant 35.
(19) Voir considérant 39.
(20) Décision 87-573-CEE de la Commission (JO L 347 du 11.12.1987, p. 64), titre IV, paragraphe 1.
(21) JO 10 du 13.1.2001, p. 30.
(22) Voir arrêt du Tribunal du 15 décembre 1999 dans les affaires T-132-96 et T-143-96, Freistaat Sachsen, Volkswagen AG et Volkswagen Sachsen GmbH contre Commission, Rec. 1999, p. II-3663.
(23) Sur ce point, voir note 5 des lignes directrices "aides régionales". [Pour les secteurs des fibres synthétiques, de l'automobile et de la sidérurgie, les dispositions particulières de l'encadrement multisectoriel des aides à finalité régionale en faveur des grands projets d'investissement sont entrées en vigueur en 2002 (JO C 70 du 19.3.2002, p. 4). Quant au secteur de la construction navale, il fait l'objet du règlement (CE) n° 1540-98 du Conseil (JO L 202 du 18.7.1998, p. 1) jusqu'au 31 décembre 2003.]
(24) Voir note 12.
(25) Sur ce point, voir les arrêts cités au considérant 38.
(26) JO L 10 du 13.1.2001, p. 33.
(27) Voir note 23.
(28) Voir considérant 69.