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Décisions

CA Rennes, 3e ch. corr., 3 avril 2003, n° 02-01298

RENNES

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chauvin

Avocat général :

Mme Fiasella-Le Braz

Conseillers :

Mme Pigeau, M. Lourdelle

Avocat :

Me de La Villartay.

TGI Rennes, ch. corr., du 14 févr. 2002

14 février 2002

Rappel de la procédure:

Le jugement:

Le Tribunal correctionnel de Rennes par jugement contradictoire en date du 14 février 2002, pour :

tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise

a condamné Y Safar à l'amende de 1 500 euros.

Sur l'action civile:

a condamné X représentée par Y Safar à payer à Pivot Dominique la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts

Les appels:

Appel a été interjeté par:

Monsieur Y Safar, le 22 février 2002 à titre principal sur les dispositions pénales et civiles

M. le Procureur de la République, le 22 février 2002 à titre incident sur les dispositions pénales

La prévention:

Considérant qu'il est fait grief au prévenu:

- d'avoir à Rennes le 26 juin 1998, trompé Dominique Pivot sur les qualités substantielles d'un véhicule Renault Espace diesel gravement accidenté sans en avoir informé les acheteurs;

Faits prévus par l'article L. 213-1 du Code de la consommation et réprimés par les articles L. 216-2, L. 216-3 du Code de la consommation.

En la forme:

Les appels du prévenu et du Ministère public sont réguliers et recevables en la forme.

Au fond:

Il ressort du dossier et des débats les éléments suivants:

M. Safar Y, quoique installé en Allemagne, possède un établissement à Rennes où il pratique sa profession de négociant de voitures d'occasion. Ayant acquis, le 18 octobre 1997, outre-Rhin, une Renault espace turbo diesel datant de 1988, il l'a importée en France et mise en vente à Rennes dans ses locaux de "X".

Les époux Guérin l'ont achetée, en décembre 1997, pour la somme de 49 000 F.

Mécontents de ce véhicule, ces premiers acheteurs, avec l'aval de Safar Y, l'ont fait reprendre le 20 février 1998, par lui, pour le prix qu'ils avaient réglé.

Sans qu'il soit procédé à une quelconque transformation, ni investigation supplémentaire, la même automobile a été de nouveau cédée à un particulier, M. Dominique Pivot.

Initialement proposée au prix de 49 000 F, la vente s'est conclue pour un montant de 45 900 F et un kilométrage de 141 000 km, l'Espace étant présentée comme "conforme à l'origine" (D21).

Le certificat de contrôle technique, s'il mentionnait des défauts, n'en présentait qu'un seul qui nécessitait une contre-visite.

Désireux de céder ce véhicule, ancien mais de haut de gamme, 18 mois plus tard, en décembre 1999, Dominique Pivot s'est entendu annoncer que celui-ci avait été gravement accidenté.

Il n'a d'ailleurs pas pu le céder à titre onéreux, à un quelconque repreneur, nonobstant un kilométrage de 160 000 km.

Plainte a alors été déposée, qui a abouti à la présente poursuite.

A l'audience, Dominique Pivot, valablement cité, ne comparaît pas et n'est pas représenté.

Mme l'Avocat général requiert la confirmation du jugement.

Safar Y, assisté de son conseil et d'un interprète, qui serment prêté a traduit les déclarations des intervenants devant la cour, sollicite sa relaxe. Il fait valoir que les éléments constitutifs de la tromperie ne sont pas réunis, tant s'agissant de la matérialité des "qualités substantielles" du produit à propos desquelles Dominique Pivot aurait été trompé que de l'élément intentionnel, qui ne se présume pas. Subsidiairement, il conclut au débouté de la partie civile.

Sur quoi:

Il est constant que même s'il n'est pas mécanicien, Safar Y est un professionnel de la vente d'automobile.

Il n'est pas plus contestable que Dominique Pivot, particulier, a acquis ce véhicule pour ses besoins personnels.

Aucune pièce du dossier, si l'on excepte la déclaration du salarié de Safar Y à l'époque des faits, n'établit que la qualité d'employé d'une entreprise "d'équipements pour camions frigorifiques" ait donné à la victime une compétence particulière en carrosserie automobile.

Aucun écrit remis lors de la vente ne permet de contrecarrer la déclaration du même qui dit n'avoir pas été au courant d'un accident antérieur du véhicule vendu, le taux de la remise consentie (8 %) se situant dans la fourchette commune d'un simple geste commercial.

Si le véhicule était ancien, son faible kilométrage justifiait un prix de vente somme toute élevé et l'acquéreur, 18 mois plus tard, était en droit d'attendre un prix correct d'une reprise pour le même bien dont le compteur n'affichait que 160 000 km alors que les automobiles diesel sont réputées pouvoir franchir sans peine le cap des 200 000 km.

Il ressort des pièces fournies par le plaignant qu'il a été dans l'incapacité de revendre sa voiture.

L'accident antérieur à l'acquisition, ce qui n'est pas contesté, a altéré la valeur vénale du bien de Dominique Pivot qui ignorait cette avanie.

L'investissement économique apparaît, au travers des écritures de la partie civile comme ayant été déterminant dans le choix d'acheter ce type particulier d'automobile.

L'élément matériel de la tromperie est donc établi.

Si l'intention coupable ne se présume pas elle revêt, selon la qualité des contractants et des circonstances de la commission des infractions, des degrés différents.

Professionnel contractant avec un particulier, Safar Y lui a proposé, au même prix, un véhicule dont une première cession avait été annulée, Auteur de l'autorisation de reprise de l'Espace auprès des époux Guérin, Safar Y, de son propre aveu, n'a effectué aucun investigation, ni aucune vérification avant de le vendre à nouveau à Dominique Pivot, alors qu'il savait que le bien était entaché d'un vice suffisamment grave pour justifier une annulation de vente.

Il ressort de ce qui précède que le délit de tromperie est constitué en toutes ses dispositions.

Le jugement sera confirmé sur la qualification des faits et la déclaration de culpabilité.

Compte tenu de la gravité des faits mais aussi de la personnalité du prévenu, qui n'est pas un délinquant d'habitude, il convient de le condamner à une peine d'amende de 1 500 euros avec sursis.

L'infraction a causé un préjudice à la victime. Celui-ci, justement arbitré par les premiers juges au regard des éléments fournis, sera confirmé dans son quantum.

Par ces motifs, LA COUR, Après en avoir délibéré conformément à la loi, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire à l'égard de Y Safar, et par défaut à l'égard de Pivot Dominique; En la forme: Reçoit les appels; Au fond: Sur l'action publique, Confirme le jugement sur la qualification des faits et la déclaration de culpabilité, Le réformant sur la peine, Condamne Safar Y à une peine d'amende de 1 500 euros avec sursis, Constate que l'avertissement prévu à l'article 132-29 du Code pénal n'a pu être donné au prévenu absent lors du prononcé de l'arrêt, La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 120 euros dont est redevable le condamné, Le tout en application des articles susvisés, 800-1 du Code de procédure pénale. Sur l'action civile: Confirme le jugement déféré.