Ministre de l’Économie, 13 décembre 2002, n° ECOC0400020Y
MINISTRE DE L’ÉCONOMIE
Lettre
PARTIES
Demandeur :
MINISTRE DE L'ECONOMIE
Défendeur :
Conseil du groupe Makhteshim-Agan Industries
MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE
Maître,
Par dépôt d'un dossier déclaré complet à la date du 20 novembre 2002, vous avez notifié le projet d'acquisition de certains actifs de la société Bayer Cropscience AG par le groupe Makhteshim-Agan Industries Ltd. Cette acquisition a été formalisée par six contrats de vente conclus les 28 octobre, 1er et 11 novembre 2002.
I. - Les parties et l'opération
Le vendeur, la société de droit allemand Bayer Cropscience AG, est présente dans l'agrochimie destinée à la protection des cultures et des semences, ainsi que dans les biotechnologies et les pesticides non agricoles (à usage industriel et domestique). Bayer Cropscience AG est une filiale à 100 % du groupe allemand Bayer AG actif principalement dans la chimie, les polymères, la santé et l'agrochimie destinée à la protection des cultures et semences. Le capital du groupe Bayer AG, coté en bourse, est disséminé dans le public de sorte qu'aucune personne physique ou morale n'en détient le contrôle.
Bayer AG a récemment acquis la société française Aventis Cropscience, filiale du groupe français Aventis SA. La Commission européenne a autorisé l'opération le 17 avril 2002 (affaire COMP/M. 2547) sous réserve que Bayer Cropscience AG procède à des cessions d'actifs dans l'agrochimie destinée à la protection des cultures et semences. La présente opération s'inscrit dans le cadre de ces désinvestissements et consiste à vendre les activités de Bayer Cropscience AG relatives à la formulation, la production et le marketing de six produits agrochimiques destinés à la protection des cultures : deux herbicides, Metamitron et Linuron, et quatre insecticides, Gusathion M, Cyflurin/Beta-Cyflurin, Metasystox, Nemacur. Ces transactions sont structurées en transferts d'actifs : formulations de produits et mixtures, produits bruts, packaging, autorisations administratives, savoir-faire, recherche et développement, marques, brevets et autres droits de propriété industrielle, contrats divers inhérents à l'activité, fichiers clients et distributeurs. Le chiffre d'affaires réalisé en France au titre de ces six produits, objet de la présente notification aux autorités françaises, s'élève en 2001 à [>15] millions d'euros.
L'acquéreur, le groupe de droit israélien Makhteshim-Agan Industries Ltd, a pour activités la production de produits agrochimiques destinés à la protection des cultures tels que les herbicides, les insecticides, les fongicides, les acaricides et les régulateurs de croissance. Ce groupe est également actif dans le développement, la production et le marketing de produits chimiques spécialisés, de produits chimiques intermédiaires et d'antioxydants naturels.
Makhteshim-Agan Industries Ltd est une filiale du groupe israélien Koor Industries Ltd qui en détient 53 % du capital et exerce sur elle un contrôle exclusif, le reste du capital de Makhteshim-Agan Industries, groupe coté à la bourse de Tel-Aviv, étant disséminé dans le public. L'activité du groupe Koor Industries Ltd consiste en la prise de participations dans des sociétés israéliennes actives dans les secteurs de l'hôtellerie, du transport aérien, des télécommunications, de l'électronique de défense et de l'agrochimie, secteur où la participation majoritaire dans Makhteshim-Agan Industries Ltd constitue sa seule activité. Le capital du groupe Koor Industries Ltd, coté en bourse, est détenu à 44 % par le public, à 35 % par le groupe Claridge et à 21 % par la banque israélienne Hapoalim, sans que ces deux actionnaires n'exercent de contrôle. Le groupe Koor Industries Ltd a réalisé en 2001 un chiffre d'affaires consolidé de 1,6 milliard de dollars (environ 1,8 milliard d'euros), dont 53 millions de dollars (environ 59 millions d'euros) en France.
L'objectif principal de cette acquisition est de permettre au groupe Makhteshim-Agan Industries Ltd de poursuivre la diversification géographique de son activité hors de son marché domestique en ayant la possibilité de se développer sur plusieurs marchés européens dont la France. Les activités acquises permettront également à Makhteshim-Agan Industries de diversifier et de compléter sa gamme de produits en y ajoutant des herbicides et des insecticides à forte notoriété, en particulier Metamitron et Linuron.
L'opération envisagée constitue une opération de concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce. Compte tenu des chiffres d'affaires précités, cette opération n'est pas de dimension communautaire et se trouve soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce relatives à la concentration économique.
II. - La définition des marchés pertinents concernés par l'opération
L'opération concerne le secteur des produits agrochimiques destinés à la protection des cultures et plus spécifiquement les insecticides et les herbicides, pour lesquels il existe des chevauchements d'activité.
1. Les marchés des insecticides
La Commission européenne a considéré à diverses reprises (1) que la définition des marchés pertinents d'insecticides doit, en premier lieu, s'effectuer en fonction du type de culture traitée plutôt que selon l'insecte visé par le produit dans la mesure où, pour la plupart des cultures, un insecticide particulier est conçu pour combattre l'ensemble des insectes affectant la culture. Par ailleurs, la Commission estime également inutile (2) de retenir une segmentation fondée sur la composition chimique de l'insecticide étant donnée que celle-ci recouvre largement, dans la pratique, la segmentation fondée sur le type de culture.
En second lieu, la Commission estime (3) nécessaire de segmenter les insecticides en fonction de leur mode d'action. En l'espèce, il est ainsi approprié de distinguer, pour une culture donnée, les insecticides foliaires, pulvérisés sur les feuilles et visant les insectes attaquant les feuilles, des insecticides de terre, traitant les insectes agissant uniquement au niveau du sol et qui sont appliqués par enfouissement du produit dans le sol. En effet, la Commission constate que ces types d'insecticides ne sont pas substituables, car leur composition chimique diffère, même pour une culture donnée, et nécessitent en outre chacun un équipement particulier pour les appliquer.
Enfin, selon la pratique décisionnelle communautaire précitée (4), la dimension géographique des différents marchés des insecticides est nationale, eu égard notamment aux contraintes administratives spécifiques à chaque pays (l'enregistrement des produits demeure national et s'effectue toujours différemment selon les pays), à l'organisation de la distribution sur une base nationale, et aux différences de prix significatives entre les marchés nationaux.
Etant donné que les actifs cédés concernent uniquement des insecticides foliaires, et qu'en tout état de cause l'acquéreur n'est pas présent, tout au moins sur le marché français, dans les insecticides de sol, l'impact de l'opération sera apprécié, dans le cadre de la pratique décisionnelle de la commission, sur les huit marchés pertinents suivants en France : les insecticides foliaires pour les betteraves, pour les céréales, pour le maïs, pour les fruits et noix, pour le raisin, pour les oléagineux, pour les pommes de terre et pour les légumes.
2. Les marchés des herbicides
La Commission estime (5) qu'il convient de différencier en premier lieu les herbicides non sélectifs des herbicides sélectifs. Les premiers détruisent indifféremment toutes les herbes et plantes, donc aussi les cultures, et sont utilisés pour nettoyer intégralement la surface cultivable avant l'ensemencement d'une nouvelle culture. Les seconds sont conçus pour supprimer uniquement les mauvaises herbes en laissant intacte la culture.
La Commission considère ensuite nécessaire de distinguer, au sein des herbicides sélectifs, selon le type de mauvaise herbe traitée par le produit (6). En effet, certains herbicides (sélectifs), les graminicides, sont actifs uniquement contre les herbes grasses, d'autres, les antilatifoliées, uniquement contre les herbes feuillues et d'autres le sont aussi bien contre les herbes grasses que feuillues. Le type de culture à protéger détermine alors le produit à utiliser car chaque culture est affectée de mauvaises herbes, grasses ou feuillues, qui peuvent être différentes. Ainsi, certaines cultures nécessitent uniquement un graminicide, d'autres uniquement un antilatifoliée, et d'autres exigent les deux produits, qui ne sont alors pas substituables. D'autres cultures enfin peuvent être traitées avec un produit mixte.
Au surplus, la commission indique qu'il existe, dans le cas de certaines cultures, un marché pertinent distinct pour les graminicides appliqués après la levée de la culture (7). Pour ces cultures en effet, la commission est parvenue à la conclusion que les graminicides pré et post-émergence ne sont pas substituables car certaines mauvaises herbes grasses se développent spécifiquement après la levée.
Enfin, la commission considère que la dimension géographique pertinente des différents marchés des herbicides est nationale pour les mêmes raisons que celles évoquées dans le cas des insecticides (8).
Les herbicides cédés dans le cadre de la présente opération sont des sélectifs antilatifoliées, pré ou post-émergence, pour les pommes de terres ou les légumes (Linuron) et les betteraves (Metamitron). Dans le cas des betteraves, la commission indique qu'il existe deux marchés pertinents distincts : celui des graminicides post-émergence et celui des autres herbicides pour betteraves, qui regroupe donc les graminicides pré-émergence et les antilatifoliées pré ou post-émergence (9). Dans le cas des pommes de terre ou des légumes, la commission évoque la possibilité d'opérer la même distinction mais conclut néanmoins à l'existence d'un seul marché global des herbicides pour les pommes de terre et d'un seul marché global des herbicides pour les légumes (10).
Etant donné que, parmi les herbicides cédés, il n'y a pas de graminicides post-émergence pour betteraves, et qu'en tout état de cause l'acquéreur n'est pas présent sur ce marché, l'impact de la présente opération sera apprécié, dans le cadre de la pratique communautaire, sur les trois marchés pertinents suivants en France : le marché résiduel des herbicides pour betteraves, le marché global des herbicides pour les pommes de terre et le marché global des herbicides pour les légumes.
III. - Analyse concurrentielle de l'opération notifiée
Le tableau ci-dessous présente, pour l'année 2001, les parts de marché des parties et des principaux concurrents sur les marchés concernés à l'issue de l'opération.
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L'acquisition des actifs cédés par Bayer Cropscience AG se traduit par une augmentation de la part de marché de Makhetshim-Agan Industries Ltd sur huit des onze marchés concernés par l'opération, l'acquéreur n'étant pas présent sur les trois autres, en l'espèce les marchés des insecticides foliaires pour les betteraves, pour le maïs et pour le raisin. Toutefois, les nouvelles parts de marché de l'acquéreur demeurent relativement faibles dans la mesure où elles sont comprises entre [0-10] et [10-20] % pour sept marchés et où sur le dernier, le marché résiduel des herbicides pour betteraves, sa part ne dépasse pas [25] %. Il n'y a donc aucun marché affecté par la présente opération. En outre, sur les trois marchés où l'acquéreur pénètre à la suite de l'opération, la part de marché qu'il acquiert est également peu importante, [10-20] et [0-10] %, selon les cas, dans le secteur des insecticides foliaires.
Au demeurant il existe sur tous les marchés concernés plusieurs opérateurs importants, Bayer Cropscience, BASF, Syngenta, dont les positions sont nettement supérieures à celles de Makhteshim-Agan Industries Ltd. Au surplus, les marchés concernés connaissent une concurrence effective, ainsi qu'en témoigne une nette tendance à la baisse des prix, notamment en raison de l'essor de produits génériques.
Par ailleurs, l'opération n'entraîne aucune conséquence sur un ou des marchés situés en amont ou en aval des marchés concernés, ni sur un ou des marchés connexes, de sorte qu'il n'existe aucun marché affecté ni concerné sur le plan vertical ou congloméral. Plus généralement, l'ensemble des marchés du secteur de la protection des cultures, en particulier les marchés proches de ceux concernés par l'opération, sont soumis à une concurrence effective.
En conclusion, l'opération notifiée n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence, notamment par création ou renforcement d'une position dominante. Je vous informe donc que j'autorise cette opération.
Je vous prie d'agréer, Maître, l'expression de mes sentiments les meilleurs.
Nota. - A la demande des parties notifiantes, des informations relatives au secret des affaires ont été occultées et la part de marché remplacé par une fourchette. Ces informations relèvent du " secret des affaires ", en application de l'article 8 du décret n° 2002-689 du 30 avril 2002 fixant les conditions d'application du livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence.
(1) Affaires COMP/M.1806, AstraZeneca/Novartis, décision 8-2 du 26 juillet 2000 ; COMP/M.1932, BASF/American Cyanamid, décision 6-1 b du 30 mai 2000 ; COMP/M 2547 Bayer/Aventis Cropscience, décision 8-2 du 17 avril 2002.
(2) Affaire M 2547.
(3) Affaire M 2547.
(4) Affaires M 1806, M 1932 et M 2547.
(5) Affaires M 1806 et M 2547.
(6) Affaires M 1806 et M 2547.
(7) Affaire M 2547.
(8) Affaires M 1809 et M 2547.
(9) Affaire M 2547.
(10) Affaire M 2547.