Ministre de l’Économie, 10 janvier 2003, n° ECOC0400014Y
MINISTRE DE L’ÉCONOMIE
Lettre
PARTIES
Demandeur :
MINISTRE DE L'ECONOMIE
Défendeur :
Conseil de la société Cofigéo
MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE
Messieurs,
Par dépôt d'un dossier dont il a été accusé réception le 6 décembre 2002, vous avez notifié le projet d'acquisition, par COFIGÉO SA (ci-après " Cofigéo "), de l'activité de fabrication de plats cuisinés italiens et exotiques appertisés de Nestlé France. Ce projet d'acquisition a été formalisé par un contrat signé le 20 novembre 2002.
I. - Les parties et l'opération
Nestlé France, entreprise cédante, s'est engagée à transférer, au profit de Cofigéo, son activité de fabrication de plats cuisinés appertisés actuellement commercialisés sous les marques Buitoni et Maggi-Saveurs du monde : l'opération portera ainsi sur l'usine de production de Camaret, qui sera transférée avec ses actifs, son personnel et sa clientèle. L'ensemble des actifs de l'usine, objet de la cession, est actuellement détenu par Nestlé France, filiale à 100 % de la société de droit suisse Nestlé SA. La présente opération n'emporte pas transfert de propriété des marques précitées et Nestlé SA en conserve la pleine propriété. Ces marques continueront d'ailleurs d'être utilisées pour la commercialisation d'autres produits alimentaires. Cependant, afin de permettre à Cofigéo de préserver et de développer dans les meilleures conditions la valeur des actifs cédés, celui-ci s'est vu octroyer, par Nestlé, une licence temporaire d'utilisation des marques Buitoni et Maggi-Saveurs du Monde, limitée à [...] ans (1).
Les produits fabriqués par l'usine de Camaret, objet de la cession, sont d'une part (i) des plats cuisinés italiens appertisés, essentiellement des pâtes (ravioli, cannelloni, spaghetti), commercialisés principalement sous marque " Buitoni ", et plus accessoirement sous marque distributeur, et d'autre part (ii) des plats cuisinés exotiques appertisés principalement vendus sous la marque " Maggi-Saveurs du monde " (taboulé, salade crétoise pour les produits froids ; couscous, paella, Chili con carne, tajine et volaille à l'indienne pour les produits chauds).
Les produits concernés par l'opération sont essentiellement commercialisés en France et destinés à la consommation à domicile, via, principalement, la grande distribution, et de manière plus accessoire par l'intermédiaire des prestataires de services de restauration hors foyer (environ 5 %) et des clients implantés à l'étranger (environ 5 % des ventes).
Nestlé France, qui employait à la fin de l'année 2001 plus de 270 personnes sur le site objet de la cession, a réalisé, via l'activité cédée, un chiffre d'affaires s'élevant à [...] millions d'euros (*) (dont plus de [>15] millions en France).
Cofigéo, entité acquérante, est une société anonyme cotée en bourse, dont le capital est réparti de la manière suivante : MPF (2) (33,33 %), HELOVAL (10,62 %), IDIA (3,86 %), autocontrôle (1,5 %), le reste (50,69 %) étant détenu par le public. Le groupe Cofigéo a réalisé en 2001 un chiffre d'affaire mondial de 115 millions d'euros (*) (dont plus de 110 millions en France).
Cofigéo est la société holding d'un groupe composé de trois sociétés industrielles et commerciales qu'elle contrôle exclusivement, actives dans le secteur de la fabrication et de la commercialisation de produits alimentaires. Les trois filiales de Cofigéo sont :
Boizet SA, qui fabrique des produits de charcuterie sèche et emploie plus de 80 personnes et a réalisé 15 % du chiffre d'affaires du groupe (14 millions d'euros) ;
Entracte SA, qui produit des sandwichs frais dans son usine implantée à Courcouronnes, emploie 180 personnes et a réalisé près de 23 % du chiffre d'affaires du groupe (20 millions d'euros) ;
Raynal & Roquelaure SA, qui constitue l'entité principale du groupe (plus de 60 % du chiffre d'affaires total avec plus de 56 millions d'euros, essentiellement en France), fabrique (3) et commercialise une gamme étendue de conserves alimentaires appertisées correspondant à des recettes " françaises " (4) vendues sous la marque " Raynal & Roquelaure ". Cette entreprise, qui emploie plus de 300 personnes, est organisée autour de deux pôles : un pôle " marques nationales " (Raynal & Roquelaure, positionnée sur le segment supérieur), qui représente plus de 70 % du chiffre d'affaire total de la société ; un pôle " marques de distributeur ", regroupant les activités marques de distributeur, hard discount et premiers prix (plus de 20 % du chiffre d'affaires) (5).
En vertu de l'accord précité, Nestlé France, le vendeur, et Cofigéo, l'acheteur, se sont engagés, de manière irrévocable, à transférer les activités de production de plats cuisinés appertisés exotiques et italiens fabriqués dans l'usine de Camaret. L'opération constitue ainsi une opération de concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce en ce qu'elle entraîne le transfert partiel d'actifs du groupe Nestlé France au profit exclusif de Cofigéo (6).
Compte tenu des chiffres d'affaires précités, réalisés lors du dernier exercice clos par Cofigéo et par Nestlé via les actifs cédés, l'opération ne revêt pas une dimension communautaire et est soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce relatifs à la concentration économique.
II. - Marchés concernés
La présente opération concerne principalement le secteur de la fabrication et de la commercialisation de plats cuisinés appertisés, unique secteur sur lequel l'opération entraîne des chevauchements d'activités.
La Commission européenne, qui a eu l'occasion de se prononcer sur le secteur des plats cuisinés, notamment dans l'affaire n° IV/M.445 - BSN/Euralim du 7 juin 1994, opère tout d'abord une première segmentation au sein des plats cuisinés, fondée sur la technologie de fabrication utilisée. Cette première segmentation permet de distinguer les quatre catégories de produits suivantes : les plats déshydratés, les plats appertisés (ou plats en conserve), les plats surgelés et les produits frais. Dans la mesure où, tel qu'il ressort de la présente instruction, aucune évolution majeure n'est intervenue ces dernières années dans ce secteur, l'adoption d'une segmentation identique apparaît justifiée.
Il subsiste en effet des différences significatives entre ces quatre catégories de produits, permettant de circonscrire la présente analyse au seul segment des plats cuisinés appertisés (7). Du côté de l'offre tout d'abord, on constate que les chaînes de fabrication ne sont ni identiques, ni adaptables rapidement et à faible coût. On peut relever en outre que, de ces différences en termes de technologies de fabrication, découlent des différences notables, d'une part en termes de conditionnement, de stockage et de transport (8), et d'autre part en termes d'utilisation par le consommateur final (9). L'instruction a enfin permis de confirmer le constat formulé par la Commission lors de l'opération précitée s'agissant des écarts de prix significatifs entre les diverses catégories de produits. Ainsi, selon l'étude Xerfi de juin 2002 relative au " marché des plats cuisinés ", le prix moyen au kilo des trois principales catégories de plats préparés (10) est de 2,9 Euro pour les plats appertisés (+ 4,1 % de croissance entre 2000 et 2001), de 5,53 Euro pour les plats surgelés (+ 0,6 %), et de 8,96 Euro pour les plats cuisinés frais (+ 2,6 %) (11). Les plats appertisés restent ainsi sensiblement moins onéreux que les autres types de plats cuisinés, et ce, malgré une croissance relativement forte de leur prix en 2001. Grâce à leurs avantages de praticité, de conservation et de prix, les produits appertisés demeurent, avec 61,5 % de ventes en volume contre 28,3 % pour les surgelés et 10,2 % pour les produits frais, les plats cuisinés les plus consommés (12).
Compte tenu de ces éléments, les parties considèrent que le marché pertinent est, en l'espèce, le marché des plats cuisinés appertisés.
Cependant, il est possible de s'interroger sur une segmentation plus fine de ce marché en fonction, d'une part, du canal de commercialisation et, d'autre part, des recettes utilisées, distinctions opérées par la Commission dans la décision précitée.
Les plats cuisinés appertisés sont en effet vendus via deux principaux canaux de commercialisation : la consommation à domicile et la restauration hors foyer (ci-après " RHF "). Ces circuits de distribution constituent souvent des critères décisifs de segmentation dans la pratique communautaire et nationale du contrôle des concentrations pour ce qui est des produits de l'industrie agroalimentaire.
En l'espèce, il n'est pas nécessaire de trancher la question de savoir si ces deux canaux de distribution constituent ou non deux marchés distincts dans la mesure où, quelle que soit la définition adoptée, les conclusions de l'analyse demeureront inchangées. En conséquence, et compte tenu de la très faible activité des parties sur la partie RHF, qui représente d'ailleurs une proportion assez marginale du secteur de l'appertisé (13), et du fait que les dirigeants de Raynal & Roquelaure n'envisageant pas de poursuivre, à l'avenir, cette partie de l'activité (14), l'analyse sera circonscrite, en l'espèce, au segment plus étroit des plats cuisinés appertisés destinés à la consommation à domicile, essentiellement vendus via la distribution de masse, sur lequel les chevauchements d'activité sont les plus significatifs.
On distingue enfin habituellement, au sein des plats cuisinés appertisés, ainsi que le suggèrent les parties, et conformément à la décision de la Commission précitée, trois grandes familles de recettes, correspondant, chacune, à une détermination géographique : (i) les plats cuisinés appertisés français ; (ii) les plats cuisinés appertisés italiens ; et (iii) les plats cuisinés appertisés exotiques.
Ces trois catégories de produits correspondent en effet, d'une part, aux pratiques des producteurs, qui ne sont pas forcément actifs sur l'ensemble des segments de l'appertisé, et qui ne positionnent jamais une marque importante sur plusieurs segments de l'appertisé, et, d'autre part, à celles des distributeurs, dans l'organisation de leurs linéaires. On constate en outre que les prix moyens varient de manière importante d'un segment à l'autre.
Il existe donc des indices importants permettant de considérer que ces trois familles de recettes constituent des marchés distincts. Toutefois, il n'est pas nécessaire, en l'espèce, de trancher la question de savoir si ces trois familles de produits constituent des marchés distincts ou si au contraire elles font partie d'un seul et même marché, dans la mesure où les conclusions de l'analyse demeureront inchangées. Bien que les parties considèrent que le marché pertinent est le marché global des plats appertisés, les deux approches seront successivement analysées.
Par ailleurs, la question peut être posée quant à une délimitation plus fine du ou des marchés, en adoptant une segmentation encore plus étroite entre les différentes recettes ou en distinguant certaines matières premières. La Commission a ainsi eu l'occasion, par exemple, de se prononcer sur le marché néerlandais de la vente au détail de légumes non périssables appertisés et en bocaux en verre, dans sa décision du 23 février 2001 relative à l'affaire n° IV/M.2302 - Heinz/CSM. En l'espèce cependant, une telle segmentation ne serait pas pertinente, et ne serait pas, en tout état de cause, de nature à modifier les conclusions de l'analyse concurrentielle.
On peut noter enfin que les plats cuisinés appertisés sont vendus principalement sous marque de fabricant (ci-après " MDF ") (15), et plus accessoirement sous marque de distributeur (ci-après " MDD "). La pratique communautaire (16) et nationale (17) du contrôle des concentrations envisage parfois une segmentation des marchés en distinguant les produits MDF et MDD. En l'espèce, une telle segmentation n'apparaît pas justifiée, dans la mesure où, sur ce secteur relatif à des produits de consommation courante, il apparaît que ces deux catégories de produits sont en concurrence directe. En effet, bien que des différences de prix puissent être constatées, il apparaît qu'aux yeux du consommateur les MDD et les MDF sont, pour ce type de produits, très largement substituables. On peut en outre relever que, même si, souvent, ces produits appartiennent à des gammes différentes (plutôt " haut de gamme " pour les MDF, plutôt moyenne ou entrée de gamme pour les MDD), les boîtes de conserves sont généralement d'une qualité relativement comparable, et sont d'ailleurs parfois produites via les mêmes chaînes de fabrication. On constate enfin que les principaux fabricants de plats cuisinés appertisés, détenteurs de marques reconnues, sont par ailleurs les principaux fournisseurs de plats cuisinés appertisés MDD.
En conséquence, il n'apparaît pas nécessaire, à ce stade, de distinguer les MDD des MDF.
S'agissant de la définition géographique, les parties considèrent qu'il convient d'adopter, tant au niveau de la production que de la commercialisation, et conformément à la pratique communautaire (18), une approche essentiellement nationale. En effet, du côté du consommateur final tout d'abord, les plats cuisinés sont encore fortement liés aux différences de goûts et d'habitudes alimentaires. On constate en outre qu'il existe de très fortes disparités de parts de marché entre les principaux concurrents, d'un pays à l'autre (19). La forte présence de MDD ou de produits sans marque est, enfin, de nature à conforter cette conclusion.
En définitive, compte tenu de ces différents éléments, l'analyse portera sur les effets de la concentration d'une part sur le marché global des plats cuisinés appertisés en France, tel qu'il est défini par les parties, et d'autre part sur chacun des trois marchés nationaux des plats cuisinés appertisés français, italiens, et exotiques ci-dessus identifiés.
III. - Analyse concurrentielle
D'un point de vue général, l'opération devrait permettre à Cofigéo d'effectuer des économies d'échelle notables via une répartition du coût des services communs de Raynal & Roquelaure(commercial, marketing, administratif et informatique), sur l'ensemble des activités.
L'opération devrait permettre aussi à Cofigéo de renforcer de manière sensible son pouvoir de négociation face, notamment, aux acteurs de la grande distribution.
Si l'on considère le marché global des plats cuisinés appertisés en France, l'opération renforce significativement la position de Cofigéo, dont la part de marché (en cumulé) passe de [0-10] % à [10-20] % en volume (contre [30-40] % pour le groupe CCA (20), qui possède les marques William Saurin, Garbit et Panzani), et de [0-10] % à [10-20] % en valeur (contre [30-40] % pour CCA) (21). Il convient de noter cependant que cette évaluation sous-estime la position exacte de Cofigéo et de son principal concurrent qu'est CCA, leader du marché avec une part de marché plus de deux fois supérieure à celle de Cofigéo. En effet, il conviendrait, pour apprécier la position exacte des acteurs du marché, de leur attribuer les ventes qu'ils réalisent sous MDD (qui représentent plus de 29 % des ventes en volume, et plus de 23 % en valeur). Si l'on attribue à Cofigéo ces ventes réalisées sous MDD, la part de marché ne dépassera pas, quoi qu'il en soit, 20 %, et les conclusions de l'analyse en demeureront inchangées. Cofigéo devient ainsi le deuxième opérateur du marché derrière CCA.
Si l'on adopte une définition plus étroite du marché en fonction des trois grandes familles de recettes, l'opération permet à Cofigéo d'élargir et de compléter sa gamme, en acquérant les chaînes de fabrication de plats cuisinés exotiques et italiens, qu'elle ne produisait pas auparavant. Cofigéo disposera ainsi, à l'issue de l'opération, et à l'image de son principal concurrent, CCA, leader sur le marché global, d'une gamme complète de plats cuisinés appertisés.
Concrètement, la position de la nouvelle entité sera, sur les trois marchés définis de manière plus étroite, la suivante :
Sur le marché des plats cuisinés français appertisés : Cofigéo reste le deuxième intervenant du marché (avec [0-10] % en volume en 2001 et [10-20] % en valeur) (22), loin derrière le leader du marché, CCA, qui dispose d'une part de marché de [30-40] % en volume.
Sur le marché des plats cuisinés italiens appertisés : Nestlé France constituait le leader du marché avec plus de [30-40] % des ventes en volume (devant CCA, [30-40] %), mais le deuxième opérateur en valeur avec [30-40] % de parts de marché (derrière CCA, [30-40] %) (23). Sur ce marché, les deux seules MDF sont Buitoni (Nestlé France) et Panzani (CCA). Les ventes MDD représentent 22,4 % en volume et 18,5 % en valeur. Les parts de marché de Nestlé France, qui est aussi fournisseur de MDD, tout comme CCA (24), seraient légèrement supérieures, si l'on ajoutait les ventes MDD.
Sur le marché des plats cuisinés exotiques appertisés : Nestlé France (via Maggi-Saveurs du Monde), était le deuxième intervenant avec [20-30] % de parts de marché en volume (derrière CCA qui, avec Garbit, représentait [30-40] %), et [20-30] % de parts de marché en valeur (derrière CCA, [30-40] %) (25). Les ventes MDD représentent sur ce marché 27,6 % des ventes en volume (plus de quatre points de progression en 3 ans), et 22,4 % des ventes en valeur (plus de 3 points de progression). Nestlé France étant un fournisseur de MDD, ses parts de marché réelles sont, sur ce marché, légèrement supérieures.
L'opération, qui permet à Cofigéo de se renforcer significativement sur le marché global des plats cuisinés appertisés, et de compléter sa gamme en lui permettant un accès rapide aux marchés plus étroits des plats exotiques et italiens, n'est pas pour autant de nature à lui octroyer un pouvoir de marché.
Le marché des plats cuisinés appertisés, qui concerne des produits arrivés à maturité, a subi une diminution significative des ventes en raison de la crise liée à la viande bovine (26).
L'opération, qui supprime un acteur significatif du marché (Nestlé France), laisse cependant subsister un nombre suffisant de concurrents crédibles, dont notamment CCA, qui possède une puissance financière et commerciale sans commune mesure avec celle de Cofigéo, et qui dispose des marques les plus réputées, et un ensemble de petites et moyennes entreprises actives principalement via les ventes en MDD, telles que COVI (plats exotiques et italiens), Conserves de France (plats italiens), CECAB (plats français), Christ (plats français), Spanghero (plats français), et Stephan (plats français).
On peut en outre souligner la forte élasticité-prix des produits appertisés, qui font l'objet de fréquentes promotions (27), qui conduirait très vraisemblablement, en cas de hausse des prix des plats cuisinés appertisés MDF à un report de la demande sur les MDD (généralement, lorsque le différentiel de prix entre MDF et MDD s'accentue, la part de marché des MDD progresse) ou éventuellement sur les plats cuisinés frais et surgelés, qui bénéficieraient alors d'un rapport qualité/prix plus favorable.
Il semble en outre difficile que Cofigéo puisse, à l'issue de l'opération, augmenter significativement ses prix, en raison notamment de la puissance de négociation de la grande distribution.En effet, bien que l'opération renforce le pouvoir de négociation de Cofigéo en lui permettant de disposer d'une gamme complète sur le marché des plats cuisinés appertisés, la pression concurrentielle exercée par les distributeurs, très concentrés et centralisant leurs achats, est de nature à contre-balancer la relative puissance de Cofigéo en s'appuyant sur les autres opérateurs du marché, qui demeurent très significatifs. La pression concurrentielle des distributeurs (et notamment des " GMS "), s'exerce en effet à deux niveaux : en amont, au stade de la négociation commerciale généralement annuelle, et en aval, au stade de la commercialisation des produits MDD.
L'opération n'est pas de nature en outre à conférer à Cofigéo un avantage concurrentiel, par la mise en œuvre d'un effet de levier, en s'appuyant sur sa position dominante sur un des marchés pour imposer l'ensemble de sa gamme de produits (au sein des plats appertisés, ou encore les autres produits qu'il fabrique, charcuterie ou sandwichs). En effet, Cofigéo ne bénéficie pas d'une position suffisamment incontournable (il n'est d'ailleurs pas référencé par toutes les enseignes de la grande distribution) pour pouvoir faire jouer un quelconque effet de levier, d'autant que ses concurrents offrent des gammes soit identiques soit suffisamment étoffées.
On peut relever par ailleurs, ainsi que l'a souligné la Commission dans la décision BSN/Euralim précitée, que les barrières à l'entrée ne sont pas insurmontables : les contraintes réglementaires sont relativement faibles, les matières premières sont aisément disponibles, les coûts fixes irrécupérables, en termes notamment de dépenses de recherche et développement (28), de mise en place d'un système de distribution ou de dépenses en publicité et promotion, ne sont pas très importants pour des opérateurs déjà présents sur des marchés de produits ou géographiques proches de ceux concernés par l'opération.
Bien que la détention de marques notoires soit un élément important de l'accès sur les marchés concernés par la présente opération et de nature à conférer à leur titulaire un avantage concurrentiel significatif, cela n'est pas pour autant de nature à lui octroyer une rente de situation. On peut en effet constater que les MDF subissent une érosion lente, mais régulière, de leurs parts de marché au profit des MDD. De plus, il convient de souligner qu'en l'espèce, les marques Buitoni et Maggi-Saveurs du monde ne sont pas transférées à Cofigéo. Dès lors, si l'analyse aurait pu être différente en cas de transfert de marque, au cas d'espèce, compte tenu de la notoriété des marques Buitoni et Maggi-Saveurs du monde, la migration des produits fabriqués par Cofigéo sous ces marques vers une nouvelle marque, en raison du caractère temporaire de la licence d'exploitation, devrait entraîner une diminution [...] des volumes de plats italiens et exotiques actuellement vendus sous ces marques. Cofigéo a d'ailleurs intégré, dans son plan d'investissement, les coûts liés au financement du lancement d'une nouvelle marque et [...] (29).
On peut noter enfin qu'il existe des concurrents potentiels puissants, présents, à l'étranger, sur les mêmes marchés de produits, ou présents sur des marchés de produits relativement proches ou situés en amont (30).Ces concurrents potentiels, dont certains, tels que Unilever (31), Uniq (32) ou Heinz (33), disposent d'une capacité financière pour investir sans commune mesure avec celle de Cofigéo, pourraient notamment bénéficier de la notoriété de leurs propres marques sur d'autres marchés de produits, pour rapidement et efficacement venir concurrencer les acteurs actuellement présents sur le marché français des plats cuisinés appertisés, par un procédé d'extension de marque.
Compte tenu des différents éléments ci-dessus relevés, la présente opération n'est pas de nature à soulever des doutes sérieux en termes de concurrence sur les différents marchés concernés, notamment par création ou renforcement d'une position dominante au profit de Cofigéo ou d'une position dominante collective avec CCA ou, enfin, par la disparition d'un concurrent potentiel.
Les parties à l'opération ont enfin conclu, de manière complémentaire à l'accord principal de cession d'actifs, un accord d'utilisation temporaire des marques Buitoni et Maggi-Saveurs du monde au profit de Cofigéo. D'après les parties, cet accord est directement lié à la présente opération et est strictement nécessaire à sa réalisation, dans la mesure où il permet à Cofigéo de préserver et développer la valeur des actifs cédés et de bénéficier d'une période suffisamment longue pour pouvoir lancer sa propre marque. Cet accord est en conformité avec les principes généraux de la communication de la Commission relative aux restrictions directement liées et nécessaires à la réalisation des opérations de concentration en matière d'accords de licences et de marques (34). La présente conclusion est toutefois sans préjudice d'un examen éventuel des effets de cet accord au titre de l'article L. 420-1 du Code de commerce.
Il ressort de ces éléments que l'opération notifiée n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les différents marchés concernés. Je vous informe donc que j'autorise cette concentration.
Je vous prie d'agréer, Messieurs, l'expression de mes sentiments les meilleurs.
Nota. - A la demande des parties notifiantes, des informations relatives au secret des affaires ont été occultées et la part de marché exacte remplacée par une fourchette plus générale.
Ces informations relèvent du " secret des affaires ", en application de l'article 8 du décret n° 2002-689 du 30 avril 2002 fixant les conditions d'application du livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence.
(*) La somme de ces chiffres d'affaires excède 150 millions d'euros.
(1) Les parties ont conclu de manière complémentaire un contrat de sous-traitance au profit de Cofigéo pour la fabrication des sauces tomate Buitoni en boîte métal, dans la mesure où celles-ci sont actuellement fabriquées sur le site de Camaret, mais ne font pas partie du transfert d'activité.
(2) MPF est une société familiale dirigée par M. Hubert Foucault (**), Président-directeur général de Cofigéo, qui n'a pas d'autre participation que celle qu'elle détient dans Cofigéo.
(3) La société possède deux sociétés implantées à Capdenac-Gare (plus de 170 salariés) et à Sainte-Livrade-sur-Lot (plus de 130 salariés).
(4) On peut notamment citer, parmi les plats commercialisés, les produits suivants : des plats traditionnels tels que le cassoulet, la choucroute ; les saucisses aux lentilles cuisinées ; des spécialités régionales (petit salé à l'Auvergnate, bouf bourguignon aux carottes, potée à l'Auvergnate, tripes à la mode de Caen, blanquette de veau à la Normande, coq au vin, pot au feu à la Lyonnaise) ; une large gamme de " sautés " (mouton, poulet, canard, porc, agneau, pintade, lapin, bouf et veau...) ; des légumes cuisinés (notamment lentilles, haricots et flageolets) ; des purées (carottes, épinards, pois cassés...) ; des garnitures pour bouchées à la reine ; des quenelles ; du pâté ; et enfin une gamme étendue de barquettes individuelles.
(5) Le reste, qui représente un peu plus de 5 % des ventes, concerne l'exportation.
(6) Concrètement, Cofigéo achètera les actifs de l'usine de Camaret, lesquels auront préalablement été apportés par Nestlé à une nouvelle société créée ad hoc, la " SAS Conserverie du Vaucluse " (***), qui sera acquise par Cofigéo, et gérée par les dirigeants de Raynal & Roquelaure.
(7) La technologie alimentaire de l'appertisation constitue un procédé traditionnel de conservation par la chaleur : aseptisés à haute température, les plats sont ensuite conditionnés dans un emballage hermétique (conserves ou bocaux).
(8) Les plats appertisés se caractérisent par une grande facilité de transport et de stockage.
(9) Les plats appertisés sont simples et rapides d'utilisation, et bénéficient d'une très longue durabilité.
(10) Abstraction faite des produits déshydratés, qui constituent une partie marginale des plats cuisinés.
(11) Source : IRI-SECODIP, fin mars 2001. Les hausses de prix des plats appertisés découlent notamment des stratégies de montée en gamme et de la répercussion de la hausse des prix des approvisionnements.
(12) En valeur, cette répartition est différente compte tenu des prix plus bas des plats appertisés.
(13) A titre d'illustration, la RHF représente environ 5 % des ventes de plats cuisinés italiens.
(14) Ceux-ci considèrent en effet que l'activité RHF (tout comme l'activité " export ") ne correspond pas à leur savoir-faire en termes de logistique et de suivi.
(15) Les MDF représentent en moyenne 75 % du total des ventes de plats appertisés.
(16) Voir notamment les décisions Masterfood/Royal Canin, Swedish Match/Kav, Kimberly Clark/Scott, ou Sara Lee/Courtaulds dans lesquelles la Commission considère qu'il n'est pas justifié de procéder à une telle distinction ; voir la décision Guinness/Grand Met, dans laquelle la Commission procède à une telle distinction.
(17) Voir notamment la décision EURIDEP/KALON (lettre du 3 mai 1995, BOCCRF du 18 mai 1995), dans laquelle le ministre de l'économie, des finances, et de l'industrie considère qu'il n'est pas opportun de procéder à une telle segmentation.
(18) Voir les deux décisions communautaires précitées : BSN/EURALIM, et Heinz/CSM.
(19) Cofigéo est par exemple quasiment absent à l'étranger, alors qu'il constitue l'un des principaux acteurs du marché de l'appertisé en France.
(20) CCA, le Comptoir commercial et alimentaire, qui a réalisé un chiffre d'affaires supérieur à 183 millions d'euros en 2001, a racheté, en 2001, William Saurin auprès de Paribas Affaires industrielles (qui lui-même l'avait racheté à Danone en 1997), ce qui lui permet d'atteindre un chiffre d'affaires consolidé supérieur à 400 millions d'euros. CCA bénéficie par ailleurs d'une licence lui permettant d'exploiter la marque Panzani pour les plats cuisinés italiens (marque conservée par PAI, filiale de la BNP Paribas). CCA est enfin actif sur d'autres secteurs (salaisons, foie gras, biscuiterie).
(21) Source : étude Xerfi du 5 juin 2002 précitée.
(22) Si l'on ajoute les ventes MDD, la part de marché augmente très légèrement (Cofigéo représente environ [0-10] % des ventes MDD, alors que CECAB représente plus de 40 % de ces mêmes ventes et CCA plus de 20 %).
(23) Source : Fiac ; parts de marché sans prise en compte des ventes effectuées en MDD. La part de marché en valeur de Nestlé France (marque Buitoni) a baissé de trois points depuis 1999, alors que dans le même temps celle de CCA progressait de quatre points.
(24) Les autres principaux fournisseurs de MDD sont Conserves de France et Covi.
(25) Source Fiac.
(26) Concernant les fabrications, les chiffres sont en baisse entre l'année 2000 et l'année 2001 de plus de 4 %.
(27) En 2001, 16,9% des ventes en volume ont été achetées sous formats promotionnels dans des hypermarchés.
(28) Le secteur n'a subi aucune innovation technologique majeure, mis à part quelques évolutions dans le domaine du conditionnement.
(29) [...].
(30) On citera notamment les entreprises spécialisées dans la découpe et la transformation de viande et de volaille qui ont progressivement intégré tous les maillons de la filière pour se positionner sur les marchés des plats cuisinés.
(31) Unilever, avec un chiffre d'affaires supérieur à 53 milliards d'euros en 2001, est un groupe mondial présent dans des secteurs très divers (thé, glaces, plats cuisinés surgelés avec Cogesal Miko, et sa marque Iglo).
(32) Uniq, entreprise britannique qui a réalisé un chiffre d'affaires consolidé en 2001 de 2,87 milliards d'euros et qui constitue le leader au niveau européen sur l'activité globale de fabrication de plats cuisinés, a racheté en 1999 Marie Surgelés France à Danone.
(33) Heinz, groupe américain qui a réalisé un chiffre d'affaires de 10,6 milliards d'euros en 2001, est présent sur des secteurs très diversifiés (sauces tomates, plats cuisinés minceur, salades, légumes appertisés, plats cuisinés surgelés...).
(34) Communication de la Commission relative aux restrictions directement liées et nécessaires à la réalisation des opérations de concentration, 2001-C 188-03, JOCE du 4 juillet 2001.
(**) Erreur matérielle : lire : " Edouard Foucault ", au lieu de : " Hubert Foucault. "
(***) Erreur matérielle : lire : " SAS Avenir ", au lieu de : " SAS Conserverie du Vaucluse ".