Ministre de l’Économie, 11 avril 2003, n° ECOC0300450Y
MINISTRE DE L’ÉCONOMIE
Lettre
PARTIES
Demandeur :
MINISTRE DE L'ECONOMIE
Défendeur :
Directeur juridique de la société ATAC
MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE
Monsieur le directeur,
Par dépôt d'un dossier déclaré complet le 7 mars 2003, vous avez notifié l'acquisition de la société Pascal SAS par la société ATAC SAS. Cette acquisition a été formalisée par une promesse de cession et d'achat d'actions signée le 6 mars 2003.
I. - Les parties et l'opération
La société Pascal est une société holding dont la filiale la société DISANTO (Distribution antonienne) exploite à Antony (92) un supermarché à l'enseigne ATAC d'une surface de vente de 1 700 m2, ainsi qu'une station-service, en vertu d'un contrat de franchise conclu avec la société ATAC le 27 février 2002. Le chiffre d'affaires réalisé au cours de l'exercice 2001-2002 par la société DISANTO s'est élevé à 25,5 millions d'euros.
La société ATAC SAS est une filiale de la société holding International Super Market Stores (ISMS), filiale du groupe Auchan, qui exploite en France un réseau de supermarchés intégrés, franchisés ou affiliés sous l'enseigne ATAC. Le groupe Auchan a réalisé en 2001 un chiffre d'affaires hors taxes consolidé mondial de plus de 26 milliards d'euros et la société ATAC SAS un chiffre d'affaires global de 3,2 milliards d'euros, entièrement réalisé en France.
L'opération consiste en l'acquisition par la société ATAC SAS, propriétaire depuis le 29 mars 2002 de 35 % des actions de la société Pascal, de 65 % du capital restant détenu par Monsieur Jacky Pinpernet (64 %) et par la société Alparfi (1 %).
La reprise par la société ATAC d'une société exploitant un magasin franchisé à son enseigne s'analyse comme une concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce. En effet, comme l'estime la Commission (1), les dispositions " typiques " d'un accord de franchise ne sont pas de nature à conférer une influence déterminante du franchiseur sur son franchisé, dans la mesure où ce dernier continue de supporter les risques commerciaux inhérents à son activité.
Compte tenu des chiffres d'affaires précités, cette opération n'est pas de dimension communautaire et est soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce relatives à la concentration économique.
II. - La définition des marchés
La jurisprudence tant communautaire que nationale en matière de distribution distingue deux catégories de marchés : ceux qui mettent en présence les entreprises du commerce de détail et les consommateurs pour la vente des biens de consommation et ceux de l'approvisionnement en ces mêmes biens.
Marchés " aval " de la vente au détail
En ce qui concerne la vente au détail des biens de consommation courante, la Commission européenne (2), le Conseil de la concurrence (3) et le ministre (4) ont distingué six marchés en utilisant plusieurs critères, notamment la taille des magasins, leurs techniques de vente, leur accessibilité, la nature du service rendu et l'ampleur des gammes de produits proposés : les hypermarchés, les supermarchés, le commerce spécialisé, le petit commerce de détail, les maxi-discompteurs, la vente par correspondance. Le Conseil de la concurrence dans un avis relatif à l'acquisition de magasins de maxi-discompte (5) a considéré ces magasins comme concurrents des autres magasins relevant du même format (généralement des supermarchés) ; il a aussi estimé qu'il peut exister une certaine concurrence entre des supermarchés ou supérettes et des hypermarchés.
La Commission européenne a constaté à plusieurs reprises que du point de vue immédiat du consommateur les marchés géographiques concernés par une concentration dans le marché du commerce de détail à dominante alimentaire étaient des marchés locaux (zones de chalandise) dans lesquels les parties exploitent leurs points de vente (6).
Il résulte tant des décisions de la Commission européenne que des avis du Conseil de la concurrence et des décisions ministérielles que les temps de déplacement en voiture généralement retenus sont compris entre 10 et 15 minutes pour les supermarchés, ces temps de déplacement étant en moyenne plus courts en zone urbaine qu'en zone rurale.
On peut noter par ailleurs que les hypermarchés, compte tenu de leur plus grande attractivité, sont susceptibles de concurrencer les supermarchés, tandis que l'inverse n'est pas vrai.
Le marché " aval " sur lequel sera analysée l'opération comprendra donc les supermarchés et formes de commerce équivalentes situés dans la même zone de chalandise que le supermarché de la société DISANTO, objet de l'opération, ainsi que les hypermarchés proches, cette zone de chalandise, approximativement circulaire, regroupant les clients pouvant accéder au magasin en voiture en 15 minutes au plus.
Marchés " amont " de l'approvisionnement
En ce qui concerne les marchés de l'approvisionnement, la Commission a retenu l'existence de marchés de dimension nationale par grands groupes de produits.
III. - Analyse concurrentielle
Marché aval de la vente au détail des biens de consommation courante en grandes surfaces à dominante alimentaire dans la zone de chalandise de la cible
La société ATAC a considéré que, étant données les caractéristiques du quartier situé en zone urbaine, le magasin de la société DISANTO rayonne sur une zone limitée à 5 minutes de temps de transport en voiture, comprenant une clientèle potentielle de 18 272 ménages. Il existe dans cette zone huit magasins appartenant à des groupes concurrents du groupe Auchan-ATAC : Ed (groupe Carrefour), LIDL, Franprix et Monoprix (Groupe Casino), Super U et Intermarché.
Le supermarché de la société DISANTO, objet du projet d'acquisition, d'une superficie de 1 700 m2, représente 18,26 % des surfaces de vente au détail des biens de consommation courante en supermarchés et dans des formes de commerce équivalentes de la zone de chalandise. La société ATAC a évalué le marché alimentaire, le marché non alimentaire et le marché essence + gaz de la zone de chalandise en recourant aux méthodes utilisées pour les demandes d'autorisation d'exploitation de magasins de commerce de détail ; il résulte de ses calculs que le magasin de la société DISANTO aurait une part de marché alimentaire de [10-20] %, une part de marché non alimentaire de [10-20] % et une part de marché essence + gaz de [20-30] %.
Si l'on élargit la zone de chalandise à 15 à 20 minutes, on constate la présence d'un hypermarché du groupe Cora, d'une superficie de plus de 12 000 m2, susceptible de concurrencer le supermarché ATAC objet de l'opération.
La station-service du supermarché de la société DISANTO comprend 6 pompes à essence ; le magasin GMS le plus proche distribuant du carburant est l'hypermarché Cora situé à la périphérie de la zone de chalandise sur la commune de Massy, équipé de 16 pompes à essence. Le magasin du groupe Auchan à l'enseigne ATAC le plus proche, situé aussi sur la commune d'Antony, mais en dehors de la zone de chalandise, ne vend pas de carburant. Les hypermarchés Auchan les plus proches distribuant du carburant sont beaucoup plus éloignés (Vélizy-Villacoublay et Villebon-sur-Yvette).
Il résulte de ces éléments que l'acquisition du supermarché DISANTO par la société ATAC ne se traduirait par aucun chevauchement d'activité entre les parties et il apparaît que les consommateurs disposent d'offres alternatives sur cette zone de chalandise.
Marchés amont de l'approvisionnement
Les entreprises concernées par l'opération sont affiliées à la centrale d'achat Auchan. La puissance d'achat de cette centrale était estimée à 12,8 % en 2002 par la société d'études de marché SECODIP. Le poids des achats du supermarché DISANTO est négligeable au plan national ; de plus, ce supermarché franchisé du groupe ATAC était déjà affilié à la centrale d'achat Auchan, si bien que l'opération notifiée est sans effet sur le marché de l'approvisionnement des biens de consommation courante à dominante alimentaire.
En conclusion, l'opération notifiée n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les différents marchés concernés. Je vous informe donc que j'autorise cette opération.
Je vous prie d'agréer, Monsieur le directeur, l'expression de mes sentiments les meilleurs.
Pour le ministre et par délégation :
Le directeur général de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes,
Benoît Parlos
Nota. - A la demande des parties notifiantes, des informations relatives au secret des affaires ont été occultées et la part de marché exacte remplacée par une fourchette plus générale.
Ces informations relèvent du " secret des affaires ", en application de l'article 8 du décret n° 2002-689 du 30 avril 2002 fixant les conditions d'application du livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence.
(1) Décision M 940 UBS/Mister Minit du 9 juillet 1997.
(2) Cf. notamment les décisions de la Commission M 946 Intermarché/Spar du 30 juin 1997, M 991 Promodès/Casino du 30 octobre 1997, M 803 Rewe/Billa du 27 août 1996, M 1221 Rewe/Meinl du 3 février 1999, M 1684 Carrefour/Promodès du 25 janvier 2000.
(3) Cf. notamment les avis du Conseil de la concurrence du 1er juillet 1997 dans l'affaire Carrefour/Cora, du 5 mai 1998 dans l'affaire Casino Franprix/Leader Price, l'avis du 21 janvier 1997 relatif à diverses questions portant sur la concentration de la distribution, l'avis du 3 mai 2000 dans l'affaire Carrefour/Promodès.
(4) Cf. notamment l'arrêté du 5 juillet 2000 dans l'affaire Carrefour/Promodès.
(5) Avis du Conseil de la concurrence du 5 mai 1998 dans l'affaire Casino Franprix/Leader Price.
(6) Décision M 991 Promodès/Casino du 30 octobre 1997.