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Décisions

CA Paris, 5e ch. A, 28 novembre 2001, n° 2000-18880

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Lebreton (ès qual.), Coutherut (Epoux)

Défendeur :

Intexal (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Renard-Payen

Conseillers :

Mmes Jaubert, Percheron

Avoués :

Me Kieffer-Joly, SCP Duboscq-Pellerin

Avocats :

Mes Ben Soussen, Olivier.

T. com. Paris, 18e ch., du 4 mai 1994

4 mai 1994

Vu l'appel interjeté par Madame Coutherut à l'encontre du jugement rendu le 4 mai 1994 par le Tribunal de commerce de Paris qui a:

- débouté Madame Coutherut de sa demande d'annulation du contrat de franchise,

- dit la présentation de prévisions exagérément optimiste en passant sous silence les difficultés du précédent franchisé constitutive d'une faute engageant la responsabilité de la société Intexal,

- condamné la société Intexal à payer à Madame Coutherut la somme de 536 297 F à titre de dommages et intérêts,

- condamné Madame Coutherut à payer à la société Intexal la somme de 719 314,20 F au titre des marchandises commandées et livrées,

- ordonné la compensation entre les créances respectives des parties,

- débouté la société Intexal de ses demandes à l'encontre de Monsieur Coutherut,

- mis les dépens pour moitié à la charge de parties

Vu les écritures du 22 mai 2001 par lesquelles Madame Lebreton, ès qualité de liquidateur judiciaire de Madame Coutherut et de Monsieur Coutherut, poursuivant la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté la société Intexal de sa demande contre Monsieur Coutherut et son infirmation pour le surplus, demande, en substance, à la cour de:

à titre principal:

- prononcer la nullité du contrat sur le fondement des articles 1108, 1110, 1116 et suivants du Code civil ainsi que sur celui des articles 7, 8 et 34 de l'ordonnance du 1er décembre 1986,

- condamner la société Intexal à lui payer, ès qualité, les sommes de 65 000 F, 287 725,58 F et 644 610 F respectivement au titre du droit d'entrée, de la marge bénéficiaire et de la marge brute sur les livraisons intervenues et payées, ainsi que la somme de 1 856 839,97 F à titre de dommages et intérêts,

- à titre subsidiaire, désigner un expert aux fins de déterminer le montant de la marge brute devant être restituée,

sur la demande reconventionnelle de la société Intexal

- ordonner la production d'attestations comptables certifiées conformes établissant sa marge bénéficiaire sur les marchandises livrées et fixer sa créance à la somme obtenue après déduction de cette marge,

- à défaut, fixer sa créance à la somme de 431 588,51 F,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Intexal de sa demande au titre de la clause pénale et en tout état de cause, la débouter de cette demande,

à titre subsidiaire

- prononcer la résolution du contrat aux torts de la société Intexal et condamner celle-ci à lui payer les sommes ci-dessus réclamées,

sur la demande reconventionnelle de la société Intexal,

- faire droit aux réclamations ci-dessus exposées, en tout état de cause

- rejeter la demande de compensation,

- condamner la société Intexal à l'indemniser de ses frais

Vu les écritures du 21 septembre 2001 par lesquelles la société Intexal poursuivant la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a débouté Madame Coutherut de sa demande tendant à l'annulation du contrat et a fixé le solde des marchandises restant dues à 719 314,21 F et sa réformation pour le surplus, prie la cour de débouter Madame Coutherut de toutes ses demandes et de fixer sa créance au passif de celle-ci de la manière suivante:

- 719 314,21 F augmentés des intérêts au taux légal à compter du 6 avril 1992, capitalisés,

- 71 931,41 F au titre de la clause pénale,

- 70 000 F à titre de dommages et intérêts,

- 90 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile

Considérant qu'il convient de rappeler que Madame Coutherut a signé avec la société Intexal, le 15 octobre 1988, un contrat de franchise, pour l'exploitation d'une boutique de prêt-à-porter féminin Rodier située dans le centre commerciale "Espace Saint-Pierre" à Montluçon;

Que Madame Coutherut qui prétendait rencontrer de graves difficultés depuis l'ouverture de son magasin et avoir appris qu'une précédente franchisée Rodier de Montluçon avait dû cesser son activité en 1988 et qui se plaignait de ce que son chiffre d'affaires était très inférieur aux chiffres figurant aux comptes d'exploitation prévisionnels d'Intexal, a saisi, le 11 mai 1992, le Tribunal de commerce de Paris pour voir prononcer l'annulation du contrat sur le fondement du dol, de l'absence de cause et de l'indétermination du prix et subsidiairement sa résolution et obtenir le paiement par Intexal de diverses sommes;

Que c'est dans ces conditions, la défenderesse ayant résisté à cette action, assigné en intervention forcée Monsieur Coutherut et sollicité le paiement de ses factures, qu'a été rendu le jugement déféré à la cour;

Considérant qu'au cours de la procédure d'appel, tant Madame que Monsieur Coutherut ont été placés en liquidation judiciaire, la société Intexal qui n'avait pas été informée de la situation de Monsieur Coutherut n'a pas produit au passif de celui-ci et ne formule plus de demandes à son encontre;

Considérant que devant la cour, Madame Lebreton, ès qualité de liquidateur judiciaire de Madame Coutherut, poursuit la nullité du contrat pour dol, erreur et pour pratique de prix imposés en se prévalant du prévisionnel gravement erroné remis par la société Intexal lors de la conclusion du contrat et de ses mensonges sur les résultats du précédent franchisé;

Considérant qu'aux termes des comptes prévisionnels remis par la société Intexal, il était prévu un chiffre d'affaires pour les 12 premiers mois de 1 500 000 F TTC, pour les 2e et 3e années de 1 650 000 F et de 1 800 000 F, que figurait également à ce document l'indication qu'une précédente franchise Rodier avait existé antérieurement dans la ville de Montluçon, à savoir Madame Lemeur qui avait exercé son activité de février 1986 à août 1988 et dont les derniers chiffres d'affaires avaient été de: femmes/884 000 F et hommes/284 000 F;

Considérant qu'il est établi que le chiffre d'affaires réalisé par Madame Coutherut pour le premier exercice 1989 a été de 931 592 F TTC, pour l'exercice 1990 de 1 198 646 F TTC et pour l'exercice 1992 de 1 225 899 F TTC;

Considérant qu'il n'est nullement démontré alors que Monsieur Coutherut souhaitait conclure un contrat de franchise, que les prévisions de chiffre d'affaires établies par Intexal auraient été délibérément mensongères et constitutives d'un dol ou même d'une erreur; que par suite, Madame Lebreton sera déboutée de sa demande tendant à l'annulation du contrat;

Considérant toutefois, qu'Intexal en remettant à Madame Coutherut une étude prévisionnelle exagérément optimiste sans faire référence aux difficultés financières du précédent franchisé, a commis une faute qui engage sa responsabilité envers sa franchisée;

Qu'en effet, si le chiffre d'affaires réalisé par le précédent franchisé était conforme à la réalité, il avait été omis les résultats de celui-ci à savoir, un déficit de 477 525 F;

Considérant que c'est à juste titre par des motifs pertinents que la cour adopte que le tribunal a évalué le montant du préjudice subi par Madame Coutherut à 536 297 F correspondant aux pertes effectivement subies sur les deux premiers exercices;

Considérant que l'appelante prétend sans en rapporter la preuve que la société Intexal imposait leur prix de revente à ses franchisés; qu'au contraire, ces allégations sont contredites par les documents versés aux débats desquels il ressort que les prix de revente aux consommateurs n'étaient mentionnés qu'à titre indicatif;

Considérant, sur la demande reconventionnelle d'Intexal, que celle-ci a procédé à une déclaration de créance à hauteur de 709 944,95 F au titre des factures impayées, de 70 000 F au titre de la clause pénale de 10 % et de 70 000 F à titre de dommages et intérêts;

Que la société Intexal est fondée à réclamer le montant de ses factures impayées à concurrence du montant déclaré, assorti des intérêts au taux légal ayant couru de la mise en demeure du 6 avril 1992, jusqu'à la date du jugement d'ouverture, la demande de capitalisation des intérêts ayant été formulée postérieurement à ce jugement, elle sera déclarée irrecevable;

Qu'elle ne peut solliciter eu égard à ses propres manquements, le montant de la clause pénale, ni l'allocation de dommages et intérêts; qu'elle ne peut demander faute d'avoir fait une déclaration à ce titre, l'indemnisation de ses frais irrépétibles d'appel;

Considérant que les créances réciproques des parties étant connexes pour résulter du même contrat de franchise, il convient d'en ordonner la compensation par application du premier alinéa de l'article L. 621-24 du Code de commerce, que le jugement sera également confirmé de ce chef;

Considérant que Madame Lebreton qui succombe en son recours ne peut prétendre être indemnisée au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement dont appel en ses dispositions non contraires au présent arrêt, le réforme en ce qu'il a prononcé une condamnation au paiement de sommes d'argent contre Madame Coutherut et statuant à nouveau de ce chef: Fixe la créance à titre chirographaire de la société Intexal au passif de Madame Coutherut à hauteur de 709 944,95 F assortis des intérêts au taux légal ayant couru du 6 avril 1992 jusqu'à la date du jugement d'ouverture, Déboute les parties du surplus de leurs demandes; Dit que chaque partie supportera la charge de ses dépens d'appel.