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Décisions

CA Paris, 13e ch. B, 13 février 1998, n° 97-05314

PARIS

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Sauret

Avocat général :

Mme Auclair

Conseillers :

Mme Marie, M. Buisson

Avocat :

Me Klein

TGI Paris, 31e ch., du 25 avr. 1997

25 avril 1997

Rappel de la procédure:

Le jugement:

Le tribunal, par jugement contradictoire, a déclaré X Bernard coupable de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur, courant août 1995, à Paris, infraction prévue par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 al. 1 Code de la consommation et réprimée par les articles L. 121-6, L. 213-1 Code de la consommation,

et, en application de ces articles, l'a condamné à 200 000 F d'amende.

a ordonné la publication du jugement par extraits dans les journaux France Soir et Télé Star aux frais du condamné sans que le coût de chacune des insertions n'excède 25 000 F,

a assujetti la décision à un droit fixe de procédure de 600 F

Sur l'action civile: le tribunal a reçu Chabha Ammadj en sa constitution de partie civile et a condamné Bernard X à lui payer la somme de 90 000 F à titre de dommages-intérêts.

Les appels

Appel a été interjeté par:

Monsieur X Bernard, le 2 mai 1997, sur les dispositions pénales et civiles,

M. le Procureur de la République, le 2 mai 1997 contre Monsieur X

Décision:

Rendue contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant sur les appels régulièrement interjetés par le prévenu et le Ministère public à l'encontre du jugement déféré auquel il est fait référence pour l'exposé de la prévention;

X Bernard demande à la cour de le relaxer des fins de la poursuite, il expose à cet effet que les publicités mises en cause concernent deux jeux-concours de la société de vente par correspondance dont il était le directeur général, qu'il convient de restituer ces publicités dans leur contexte.

La particularité de ce mode de distribution qu'est la vente par correspondance obéit à un certain nombre de sujétions et de contraintes liées à l'absence de contact direct avec le consommateur:

- tous les engagements sont par écrit, ce qui constitue par rapport au commerce traditionnel une garantie pour le client,

- il est nécessaire de retenir son attention par des procédés publicitaires promotionnels.

C'est la raison pour laquelle Z comme toutes les entreprises de vente par correspondance joint à ses catalogues des offres de participation à des jeux-concours ou loteries dont la caractéristique est la gratuité.

Ces jeux-concours ne sont pas une fin en soi, mais seulement un procédé promotionnel réservé à la clientèle de l'entreprise, laquelle est donc parfaitement habituée à cette technique promotionnelle, étant rappelé par ailleurs et de façon générale la banalisation aujourd'hui acquise de ce type de messages.

L'entreprise extrait de son fichier la liste des clients auxquels va être adressé le catalogue (ou comme en l'espèce une offre spéciale) accompagné de la proposition de participation à un jeu-concours.

Les personnes ainsi sélectionnées ont d'ores et déjà sous réserve seulement du retour de leur bon de participation, vocation à recevoir un prix qui est bien évidemment de valeur symbolique compte tenu du nombre de bénéficiaires.

Un tirage au sort sous contrôle d'huissier désigne les numéros gagnants des lots principaux qui sont acquis à leurs titulaires, sous réserve qu'ils participent au jeu (faute de quoi, le tirage au sort ne peut bien évidemment sortir à cet effet à leur profit).

Une date limite de participation au jeu-concours est fixée généralement au 30/06 et 31/12 de l'année; les personnes désirant y participer doivent donc retourner leur bon avant la date de clôture indiquée, sans qu'aucune autre obligation ne pèse sur elles.

Les gagnants des lots principaux sont informés par lettre personnelle, le plus souvent par courrier recommandé.

Les lots sont distribués après la clôture, la liste des gagnants étant communiquée à toute personne qui en fait la demande.

Un extrait du règlement du jeu rappelant ses caractéristiques (date de clôture, lots mis en jeu...) est systématiquement annexé au document publicitaire.

Deux fois par an, en avril et en octobre, l'entreprise organise une cérémonie officielle dite de remise des prix du Printemps et Automne auxquelles sont conviés, aux frais de la société les gagnants des jeux clôturés le semestre précédent.

Il n'est pas contesté en l'espèce, que les jeux-concours mis en cause sont à participation gratuite et sans obligation d'achat.

L'extrait de règlement rappelle par ailleurs :

- la date de clôture au 31/12/1995, date limite de retour des bons de participation (art. 1)

- l'existence d'un tirage au sort par huissier (art. 3)

- la possibilité de participer sans passer commande (art. 6)

- le fait que les principaux gagnants seront informés par lettre RAR (art. 9)

Il ressort du procès-verbal de constat (pré-tirage effectué par huissier sur l'ensemble des numéros attribués) du 20-06-1995 que le numéro attribué à Mme Ammadj n'a pas été désigné par tirage au sort.

Cette dernière a donc reçu un chèque de 5 F réservé à tous les participants et ce dans un délai maximum de 6 mois suivant la date de clôture du jeu (art. 10)

Il s'agit également d'un second jeu diffusé en juin 1995, avec une clôture au 31/12/1995 doté de prix dont la liste est rappelée à l'article 7 de l'extrait du règlement officiel du jeu qui figure au verso du document publicitaire dont il fait partie intégrante.

L'extrait de règlement rappelle, par ailleurs:

- la date de clôture au 31/12/1995, date limite de retour des bons de participation (art. 1)

- l'existence d'un tirage au sort par huissier (art. 3)

- la possibilité de participer sans passer commande (art. 6)

- le fait que les principaux gagnants seront informés par lettre RAR (art. 9)

En conclusion:

Il ressort sans ambiguïté aucune de ces documents que:

- l'attribution des lots principaux (180 000 F et 30 000 F') dépend du tirage au sort effectué par huissier,

- sous réserve bien évidemment de faire retour de son bon de participation, chaque destinataire est certain de recevoir au moins la somme de 10 F.

Il ressort du procès-verbal de constat (pré-tirage effectué par huissier sur l'ensemble des numéros attribués) du 23/06/1995 que le numéro attribué à Mme Ammadj n'a pas été désigné par le tirage au sort.

Cette dernière a donc reçu le chèque de 10 F réservé à tous les participants.

Il soutient à cet effet que l'article 44 de la loi du 27 décembre 1973 a renversé la charge de la preuve en imposant à l'annonceur de démontrer la sincérité de la publicité en produisant les éléments de vente qu'il pouvait posséder.

Que dans son arrêt de principe du 28 octobre 1992, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a rappelé que les principes de procédure pénale s'opposent à ce que l'on impose à l'auteur présumé de l'infraction d'apporter la preuve des éléments qui permettront d'échapper à la condamnation.

Que l'article 44 de la loi du 27 décembre 1973 qui oblige l'annonceur à communiquer aux enquêteurs tous éléments et notamment tous les documents propres à établir la sincérité d'une publicité a certes pour objet de faciliter l'établissement de la preuve de l'existence du délit de publicité de nature à induire en erreur mais en aucun cas de déroger au principe fondamental rappelé par l'article 6-2 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales selon lequel, tout prévenu étant présumé innocent, c'est à la partie poursuivante d'apporter la preuve de la culpabilité.

Il conclut en conséquence que:

l'appréciation du risque d'erreur et donc en définitive du caractère licite ou illicite d'une publicité doit être fait in abstracto.

Que cette notion apparaît déjà dans la circulaire ministérielle du 01/10/1994 qui énonce que l'appréciation doit être faite au regard psychologique du consommateur moyen.

Que l'ambiguïté d'un texte publicitaire et le risque d'erreur ou d'interprétation fausse doivent être appréciés par référence au consommateur moyen normalement intelligent et attentif.

Il demande en conséquence à la cour de le renvoyer des fins de la poursuite.

Le Ministère public attire l'attention de la cour sur la gravité de cette affaire et sur son importance, elle vient devant la cour aux termes de longs débats de nombreuses affaires sur le plan civil et sur le plan pénal, elle est exemplaire en raison de la qualité du prévenu et des poursuites déjà exercées contre lui.

Madame Ammadj sollicite la confirmation du jugement entrepris ; elle demande que lui soit accordée la somme de 90 000 F de dommages-intérêts retenue par le Tribunal de grande instance de Paris.

Madame Ammadj a reçu de la société Z, dont Bernard X est président directeur général, une série de courriers publicitaires, non datés, relatifs à deux jeux avec pré-tirage, dont la date de clôture était fixée au 31 décembre 1995.

- le "Grand Jeu Master chance" doté pour son premier tour d'un prix de 20 000 F et d'un autre de 10 000 F attribués aux gagnants du pré-tirage effectué le 20 juin 1995, ainsi que d'une somme additionnelle de 20 000 F à répartir entre tous les participants qui renverraient leur formulaire avant la date de clôture, sans que leur gain puisse être inférieur à 5 F; à la même date du 20 juin était effectué le pré-tirage de l'unique gagnante du "second tour" doté d'un prix de 500 000 F payable sous la forme de 20 chèques trimestriels de 25 000 F.

- le "Grand jeu" ayant pour premier prix une Mercédès C 220 d'une valeur de 200 000 F ou un chèque de 180 000 F et pour deuxième prix un chèque de 30 000 F, attribués aux gagnants du pré-tirage effectué le 23 juin 1995, une somme additionnelle de 60 000 F devant être répartie entre tous les participants qui retourneraient leur formulaire avant la date de clôture, sans que leur gain puisse être inférieur à 10 F.

L'afflux de courrier vu l'annonce du gain étant chaque fois suivie de plusieurs lettres de rappel, reçu en quelques semaines par Mme Ammadj à propos de loteries publicitaires organisées simultanément pourvues d'une dénomination et d'un règlement très semblables rend extrêmement difficile l'identification de ces jeux, qui ne sont clairement différenciés que dans le dossier remis au tribunal par la défense, encore figure-t-il à la procédure, alors que Mme Ammadj n'a participé qu'à 3 loteries publicitaires, le règlement officiel de 5 sweepstakes: un "grand jeu" M 395-R595, un autre "grand jeu" H 295, 2 jeux "master chance" au règlement identique mais respectivement référencés R 895 et CR 95, un "grand jeu des 450 000 F MB 95-Y 95 H, ayant tous pour date de clôture le 31 décembre 1995.

Sous l'en-tête "avis de prix officiel", "avis d'attribution de gain" ou "notification officielle" ces courriers informaient la destinataire qu'elle était "le gagnant garanti d'un prix en espèces ou de la dernière Mercédès C 220" ou bien lui annonçaient : "Vous avez gagné au premier tour, désigné parmi des milliers de clients, un chèque que vous pouvez dès maintenant encaisser. Et de plus vous avez toutes les chances de recevoir les 20 chèques de 25 000 F attribués à l'occasion d'un grand prix final "Master chance".... Parmi les milliers de personnes, vous êtes la gagnante d'un prix en espèces au premier tour. C'est maintenant officiel et vérifié. De plus, Madame Ammadj, personne n'a plus de chance que vous de recevoir le grand prix final de 500 000 F les 20 chèques de 25 000 F. Attention, votre chèque du prix du premier tour EST DISPONIBLE.

Selon la défense, ces énonciations ne présentent aucun caractère mensonger; qu'en effet, il n'a jamais été allégué que Mme Ammadj avait gagné l'un des gros lots, mais seulement un prix en espèces; que tel est bien le cas, puisque tout participant ayant renvoyé son titre de participation dans les délais bénéficiait d'une fraction de la somme additionnelle mise en jeu, d'un montant minimum de 5 ou de 10 F; que la partie civile s'est vu adresser le 26 février 1996 deux chèques de 5 et 10 F représentant ses gains aux jeux R 895-CR 95 et R 595; que le libellé des messages n'est pas susceptible d'induire en erreur un consommateur moyen normalement intelligent et attentif, dès lors qu'il peut prendre connaissance d'un extrait du règlement officiel du jeu, parfaitement explicite, qui figure sur chaque envoi.

Par leur multiplicité, leur présentation, leur disposition, la taille des caractères, l'usage de la couleur, ces différents avis tendent à faire passer un double message : vous avez d'ores et déjà gagné un prix qui est à votre disposition ; vous devez nous retourner votre bulletin de participation dans les plus brefs délais pour ne pas perdre vos droits et pour préserver vos chances d'obtenir un prix supplémentaire.

Le but poursuivi par le commerçant est ainsi d'inciter le consommateur à renvoyer au plus vite son bon de participation, lequel se trouve figurer systématiquement sur le même feuillet que le bon de commande. On peut relever le caractère très ambigu de ce document; que l'avis important " Vous recevrez réellement un chèque personnel pour le gain en espèces que vous avez déjà gagné si - nous recevons votre formulaire. Votre commande constitue "automatiquement" (en lettres rouges) votre demande et entraîne votre qualification au grand prix master chance de 500 000 F" et suivi de deux mentions alternatives précédées d'une case à cocher la première dans le même corps que ce qui précède "OUI, je retourne mon formulaire sous 8 jours. Vite, envoyez-moi mon gain en espèces "; l'autre en caractères de 1 millimètre de hauteur: "NON, je ne désire rien commander. Je me conforme donc aux instructions figurant sur l'extrait de règlement du jeu (paragraphe 6) "; que ledit paragraphe 6, seul à figurer en caractères gras dans un texte compact de 23 lignes hautes de 1 millimètre, interdit au client qui réclame son prix sans commander d'utiliser l'enveloppe réponse jointe, sous peine de voir annuler sa participation au jeu; qu'au-delà de l'obligation discriminatoire qui lui est imposée d'utiliser une enveloppe personnelle, cette présentation ne peut que conforter le consommateur dans la croyance peut-être infondée mais récurrente dans toutes les enquêtes et sondages effectués sur le sujet, d'un tri pratiqué à l'arrivée entre les réponses assorties de commandes, qui valent "automatiquement" participation au jeu, et les autres qui seraient tout aussi "automatiquement" éliminées à la seule vue de leur enveloppe.

Ainsi apparaît donc compréhensible le souci, de la part de l'entreprise de vente par correspondance, d'obtenir le retour d'un maximum de bons de participation, et de, dans les plus brefs délais; que ce désir, non répréhensible en lui-même, l'a conduite à introduire dans ses messages des allégations ambiguës, voire mensongères, qui motivent les poursuites engagées contre son président directeur général.

En effet, que des mentions comminatoires figurent de manière très apparente sur chaque document adressé à Mme Ammadj, et ce dès le mois de juin 1995, l'invitant à répondre impérativement, selon les cas, sous 8 ou 10 jours, et spécifiant: " A défaut de répondre sous 8 jours, vous perdez votre prix en espèces du premier tour et tous vos droits de participation au GRAND PRIX FINAL "MASTER CHANCE" ou encore (pour le "GRAND JEU" M 395-R595): "Je dois insister sur ce point, a défaut de répondre sous 10 jours, vous perdez définitivement tous les prix auxquels vous auriez droit"; qu'en réalité, seuls les bons de participation avec commande devaient être adressés à bref délai; que le règlement du "Grand Jeu" R 595 reconnaît expressément en son article 14 la validité de tout bulletin adressé avant la date de clôture - en l'espèce le 31 décembre 1995 - le cachet de la poste faisant foi, bien que curieusement cette clause soit absente de l'extrait de règlement reproduit au verso de la lettre.

Cette prétendue obligation de réponse à bref délai avait pour corollaire une allégation plus fallacieuse encore, à savoir "Votre chèque du prix du premier tour est disponible. Vous n'avez plus qu'à le réclamer pour qu'il vous soit expédié" (Jeu Master chance). "Votre prix (espèces ou Mercédès C 220) vous sera envoyé dès que vous aurez suivi les instructions données dans le présent avis" (grand jeu) ; que bien au contraire, le règlement de chaque jeu laisse à X un délai de 6 mois maximum après la date d'expiration pour distribuer les lots, et qu'elle dispose de 90 jours après la date de clôture pour faire connaître la liste des numéros gagnants; que la conception même des sweepstakes est incompatible avec une mise à disposition immédiate du prix dès le retour du bulletin de participation puisque la somme affectée aux lots de consolation ne peut être répartie qu'une fois connu le nombre de participants, et par conséquent après la date de clôture du jeu.

Le consommateur normalement avisé à qui l'on apprend qu'il a gagné au premier tour, désigné parmi des milliers de clients, un chèque est induit à penser que le chèque pour lequel il a été ainsi distingué n'est pas du montant dérisoire de 5 F et que les "milliers de clients" entre lesquels il a été désigné ne sont pas destinataires du même courrier, bien que sémantiquement les deux sens soient possibles; si l'on ajoute qu'il a "de plus toutes les chances de recevoir les 20 chèques d'un montant total de 500 000 F attribués à l'occasion du grand prix final Master chance, avec "plan de paiement établi à l'attention personnelle de Mme Ammadj, et en précisant "Madame Ammadj personne n'a plus de chance que vous de recevoir le grand prix final de 500 000 F" la destinataire est fondée à supposer qu'elle fait à tout le moins partie d'un petit nombre de finalistes, alors que l'astucieuse formule "personne n'a plus de chance que vous" a pour corollaire caché "personne a moins de chance que vous" ; que la malhonnêteté intellectuelle d'une telle formule est particulièrement flagrante dans le cas d'un "deuxième tour" dont le gagnant est déjà connu, puisque le pré-tirage a eu lieu en même temps que celui du premier tour.

Les extraits de règlement sont systématiquement imprimés au verso du document ou à l'intérieur de l'enveloppe d'expédition, en bloc compact, sans aucun espace entre les différents paragraphes, et en petits caractères d'un millimètre environ de hauteur que seules s'y détachent, en gras, deux mentions : l'interdiction d'utiliser l'enveloppe-réponse lorsqu'on ne commande pas et l'impossibilité d'obtenir quelque renseignement que ce soit auprès de l'huissier.

En usant et en abusant de mentions très apparentes faisant croire, fût-ce au prix d'une distorsion du véritable règlement, à l'urgence de retourner son titre de participation pour ne pas perdre ses droits, en multipliant les courriers et donc la quantité de texte à lire, le prévenu dissuadait habillement le consommateur de se livrer à un examen exhaustif de ses messages, de crainte de laisser expirer le délai imparti, il ne saurait donc reprocher valablement à Madame Ammadj d'avoir fait preuve d'un défaut de vigilance.

Un groupe de travail mandaté en mars 1993 par le Conseil national de la Consommation pour examiner l'ensemble des loteries commerciales a limité son rapport, publié en décembre 1995 dans le Bulletin Officiel de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, aux seules loteries organisées par les entreprises de vente par correspondance, eu égard au nombre de remarques suscitées et à l'importance des enjeux; que ni dans ce rapport, ni dans l'avis adopté par le Conseil national de la Consommation en formation plénière, il n'a été possible de parvenir à une position commune sur tous les points entre le collège des professionnels et celui des consommateurs et usagers; que parmi les propositions de ce collège pour renforcer la protection des consommateurs figurent certaines suggestions relatives à la présentation des documents et aux termes employés notamment:

- interdiction d'utiliser le terme de "gagnant" alors qu'il ne s'agit que d'une loterie avec pré-tirage,

- information sur le pourcentage des chances pour gagner les lots annoncés,

- information sur la définition du pré-tirage et sur le nombre d'exemplaires envoyés.

Ces propositions n'ont bien entendu aucune valeur contraignante et il ne saurait être reproché au prévenu de s'en être écarté dans les courriers adressés à Mme Ammadj ; qu'elles font toutefois apparaître le caractère volontiers ambigu des messages publicitaires en matière de loterie avec pré-tirage dont se plaignent l'ensemble des consommateurs par l'intermédiaire de leurs représentants, pourtant particulièrement avertis.

Le Code de la consommation incrimine "toute publicité comportant des allégations, indications, présentations fausses ou de nature à induire en erreur" sans que le Ministère public ait à démontrer la mauvaise foi de l'annonceur;

Mais en l'espèce celle-ci résulte suffisamment de l'analyse à laquelle il a été procédé ci-dessus M. X doit être déclaré coupable du délit reproché et condamné dans les termes du dispositif selon les dispositions prévues par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6, L. 121-4, L. 213-1 du Code de la consommation.

Mme Ammadj se constitue partie civile et demande la somme de 90 000 F, représentant la moitié du gain espéré puisque le "Grand jeu" était doté d'une Mercédès C 220 ou d'un chèque de 180 000 F.

Que la publicité trompeuse lui a causé un préjudice qui est constitué par la privation du don promis et les frustrations nées de cette fausse espérance; qu'eu égard au véritable "matraquage" publicitaire dont elle a fait l'objet et à la valeur du gain escompté, il y a lieu de faire droit à sa demande.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Reçoit les appels du prévenu et du Ministère public, Confirme le jugement déféré sur la déclaration de culpabilité, L'infirme en répression, Condamne Bernard X à une amende délictuelle de 300 000 F, Ordonne la publication de l'arrêt par extraits, aux frais du condamné, dans les journaux "France Soir" et "Télé Star", Confirme le jugement déféré sur les dispositions civiles, La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure de 800 F dont est redevable le condamné.