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Décisions

CA Paris, 5e ch. A, 5 mars 2003, n° 2001-10665

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

France Télécom (Sté)

Défendeur :

Segard (ès qual.), Riffier (ès qual.), Onetel (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Riffault-Silk

Conseillers :

Mme Percheron, M. Picque

Avoués :

Me Teytaud, SCP Fisselier-Chiloux-Boulay

Avocats :

SCP Foucaud Tchekhoff Pochet, Cabinet Bird & Bird.

CA Paris n° 2001-10665

5 mars 2003

La société Onetel a lancé en septembre 2000 une campagne publicitaire par radio, télévision et affichage mettant en avant la compétitivité de ses tarifs et comparant au moyen de deux compteurs les prix d'une communication au tarif Onetel et au tarif France Télécom. Le 16 octobre 2000, la société Onetel a diffusé une nouvelle version de son message publicitaire retenant sur un seul compteur le tarif Onetel pour une minute de communication en national.

Estimant que ces diffusions constituaient des publicités illicites, comparatives et dénigrantes, la société France Télécom a saisi le 4 décembre 2000 le juge des référés, puis ayant été invitée à mieux se pourvoir au fond, a assigné le 23 janvier 2001 la société Onetel devant le Tribunal de commerce de Paris aux fins de voir condamner la société Onetel à lui payer 2 000 000 F (304 898 euros) en réparation du préjudice subi, sollicitant la diffusion de messages radiophoniques et télévisuels à une heure de grande écoute et par voie d'affichage pour un montant de 15 000 000 F (2 286 735 euros) faisant état de cette condamnation. La société Onetel a conclu au débouté des prétentions de son adversaire, demandant 100 000 F (15 244,90 euros) de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Par jugement contradictoire du 23 mai 2001, le Tribunal de commerce de Paris a débouté la société France Télécom de toutes ses demandes, et l'a condamnée à payer à la société Onetel 100 000 F de dommages-intérêts pour procédure abusive et 50 000 F pour ses frais irrépétibles.

Appelante, la société France Télécom prie la cour, par conclusions déposées le 8 août 2002,

- vu les articles 1382 du Code civil, L. 121-8 et suivants du Code de la consommation, 455 du nouveau Code de procédure civile,

- d'infirmer dans toutes ses dispositions le jugement déféré,

- de dire illicites, dénigrantes et mensongères les publicités comparatives diffusées par la société Onetel,

- de fixer à un euro sa créance en réparation du préjudice subi,

- d'ordonner ou d'autoriser la diffusion de messages radiophoniques et télévisuels à une heure de grande écoute et par voie d'affichage dans un ou plusieurs journaux au choix de France Télécom et notamment dans le journal " Les Echos ", informant les consommateurs de la décision à intervenir dans une mesure suffisante à réparer le préjudice subi par France Télécom et ce aux frais de la société Onetel,

- de dire non abusive la procédure engagée par elle-même contre cette dernière et en conséquence de déclarer non fondée la condamnation à payer 15 244,90 euros de dommages-intérêts à la société Onetel,

- de condamner Maître Didier Segard ès-qualités d'administrateur à lui payer 7 622,45 euros pour ses frais irrépétibles, ainsi qu'aux dépens.

Poursuivant la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions, la société Onetel, Maître Didier Segard ès-qualités d'administrateur et Maître Laurence Riffier ès-qualités de représentant des créanciers de cette société déclarée en redressement judiciaire, sollicitent la condamnation de la société France Télécom à leur verser 20 000 euros pour leurs frais irrépétibles, ainsi qu'aux dépens.

Sur ce,

Considérant que la société France Télécom fait valoir que la seconde série de spots publicitaires diffusés par la société Onetel est indissociable de la première où elle-même était nommément visée, et que ces spots qui annoncent une facturation des communications " en national " de 0,19 F à la minute, constituent des publicités comparatives illicites, déloyales et dénigrantes en ce qu'elles ne comparent pas des produits identiques, le mode de facturation utilisé par la société Onetel étant en réalité très différent du sien propre; qu'elle expose que le tarif affiché par sa concurrente, soit 0,19 F par minute, passe sous silence le coût de connexion facturé par la société Onetel à chaque appel, soit 0,70 F, la première minute de communication ayant un coût réel de 0,89 F; qu'elle ajoute qu'il n'est fait mention ni du crédit-temps de 39 secondes mis en œuvre par France Télécom pour chaque appel téléphonique, ni du fait qu'elle pratique une facturation à la seconde beaucoup plus avantageuse pour le consommateur que la " minute indivisible " facturée par la société Onetel;

Mais considérant que n'est pas illicite une publicité qui se borne à la comparaison des prix auxquels des produits identiques sont vendus, dans les mêmes conditions, par des commerçants différents, contribuant ainsi à assurer la transparence d'un marché soumis à la concurrence; que la première série de messages publicitaires diffusés par la société Onetel en septembre 2000, qui met en scène deux compteurs séparés sur lesquels défilent les chiffres correspondant aux tarifs pratiqués respectivement par la société France Télécom et par la société Onetel pour une conversation téléphonique d'une durée de quinze minutes, a été régulièrement communiquée au préalable à la société France Télécom conformément aux dispositions de l'article L. 121-8 du Code de la consommation ce que l'appelante ne conteste pas, n'émettant pas de critique particulière sur le contenu de cette première campagne publicitaire; qu'au demeurant il résulte des pièces versées aux débats que ce premier spot publicitaire prenait également en compte l'ensemble des éléments cités par la société France Télécom, soit l'existence d'un coût de connexion et celle du "crédit-temps" pratiqué par l'appelante, la facturation de France Télécom " à la seconde " n'ayant pas d'incidence compte tenu de la durée de 15 minutes choisie par l'annonceur;

Que la seconde série de messages diffusée à partir du mois d'octobre 2000 ne peut être considérée comme une publicité " comparative " et a fortiori " dénigrante " pour la société France Télécom puisque cette dernière n'y figure pas; qu'il n'est pas possible, compte tenu de cette différence essentielle, de dire que ces deux séries de messages constituent une seule et même campagne implicitement dirigée contre la société France Télécom;qu'à cet égard, le fait que les éléments de fond d'écran et de compteur sont identiques dans les deux cas et que ces deux campagnes publicitaires se sont succédé dans un bref laps de temps, comme la position occupée sur le marché des télécommunications par la société France Télécom ne sauraient impliquer, à eux seuls, une telle association dans l'esprit des consommateurs;qu'enfin le message publicitaire en lui-même, selon lequel " avec Onetel la minute en national vous coûte 19 centimes 24 H/24H et 7j/7 " n'est pas trompeur, dès lors qu'il n'occulte pas la pratique d'une facturation à la minute et que le coût de connexion de 0,70 F, en lui-même distinct, est mentionné sur le message écrit qui défile lisiblement à l'écran pendant le déroulement de ce spot publicitaire;

Considérant qu'il y a lieu de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté la société France Télécom de toutes ses demandes;

Considérant que la société Onetel et ses mandataires n'établissent pas que la société France Télécom ait abusé de son droit d'agir en justice, ni qu'il en soit résulté pour la société Onetel un préjudice quelconque; qu'il y a lieu de les débouter de leur demande de dommages-intérêts pour procédure abusive;

Qu'il n'est pas inéquitable que chaque partie conserve la charge de ses frais irrépétibles;

Par ces motifs: Confirme la décision entreprise en ce qu'elle a débouté la société France Télécom de toutes ses demandes, Et réformant, Déboute la société Onetel assistée de Maître Didier Segard et de Maître Laurence Riffier ès-qualités, de sa demande de dommages-intérêts, Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Condamne la société France Télécom aux dépens, Admet la SCP Fisselier Chiloux Boulay, avoué, à bénéficier des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.