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Décisions

CA Paris, 13e ch. B, 24 septembre 2003, n° 03-02506

PARIS

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Barbarin

Avocat général :

M. Woirhaye

Conseillers :

Mme Fouquet, M. Waechter

Avocat :

Me Attias.

TGI Paris, 31e ch., du 15 janv. 2003

15 janvier 2003

Rappel de la procédure:

La prévention:

X Alain est poursuivi pour avoir à Urimesnil, le 13 mai 2000, effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur les prix et les conditions de ventes de biens, en l'espèce:

1°) en distribuant à 30 000 exemplaires un prospectus présentant 66 modèles de vêtements en cuir et mentionnant systématiquement l'indication "un cuir acheté = un cuir offert", alors que sur le lieu de vente, cette offre ne concernait que 8 modèles sur les 35 modèles offerts à la vente;

2°) en mentionnant cette indication "un cuir acheté = un cuir offert" sur des modèles pour lesquels le prix unitaire était fixé à un niveau correspondant à un coefficient multiplicateur par rapport au prix d'achat égal au double de celui des autres modèles;

3°) en mentionnant l'indication "reprise 500 F de votre ancien cuir" sur 4 modèles pour lesquels il ne pouvait justifier que le prix de vente était fixé à un niveau correspondant à un coefficient multiplicateur par rapport au prix d'achat supérieur de l'ordre de 500 F à celui des autres modèles;

4°) en indiquant sur le prospectus distribué à 30 000 exemplaires qu'un cadeau de bienvenue serait offert sur simple présentation du catalogue alors que sur le lieu de vente aucun cadeau n'était disponible et ce en état de récidive légale, pour avoir été déjà condamné le 4 novembre 1998 par le Tribunal correctionnel de Châteauroux pour des faits identiques

Le jugement:

Le tribunal, par jugement contradictoire, a déclaré X Alain

coupable de récidive de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur, faits commis le 13-05-2000, à Urimesnil, infraction prévue par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 al. 1 du Code de la consommation, art. 132-10 et 132-11 du Code pénal et réprimée par les articles L. 121-6, L. 121-4, L. 213-1 du Code de la consommation, art. 132-10 et 132-11 du Code pénal

et, en application de ces articles,

l'a condamné à 3 000 euro d'amende

a ordonné la publication dans le journal L'Est Républicain à ses frais, du communiqué suivant:

"Par jugement prononcé le 15 janvier 2003 par la 31e chambre du Tribunal de grande instance de Paris, Alain X, PDG de la SA Y a été condamné à une amende de 3 000 euro pour avoir, en état de récidive légale, effectué à Urimesnil le 13 mai 2000 une publicité comportant des indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur les prix et les conditions de vente de vêtements en cuir, en l'espèce:

1°) en distribuant à 3 000 exemplaires un prospectus présentant 66 modèles de vêtements en cuir et mentionnant systématiquement l'indication "un cuir acheté = un cuir offert" alors que, sur le lieu de vente, cette offre ne concernait que 8 modèles sur les 35 offerts à la vente,

2°) en indiquant sur le prospectus distribué à 3 000 exemplaires qu'un cadeau de bienvenue serait offert sur simple présentation du catalogue alors que, sur le lieu de vente, aucun cadeau n'était disponible";

a dit que cette décision est assujettie au droit fixe de procédure de 90 euro dont est redevable le condamné.

Les appels:

Appel a été interjeté par:

- Monsieur X Alain, le 20 janvier 2003,

- M. le Procureur de la République, le 20 janvier 2003 contre Monsieur X Alain.

Décision:

Rendue contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant sur les appels du prévenu et du Ministère public, interjetés à l'encontre du jugement entrepris.

Demandes

Le Ministère public, précisant que son appel n'est qu'incident et ne remet pas en cause le jugement déféré en ce qu'il n'a pas retenu la culpabilité du prévenu pour publicité mensongère, du chef de l'offre de reprise de l'ancien vêtement pour 500 F, ni en ce qui concerne l'argumentation relative aux prix de référence et à la non-application de l'arrêté du 2 septembre 1997, requiert la confirmation du jugement, sous réserve de l'application de la loi d'amnistie, quant au premier terme de la récidive visée à la prévention;

Alain X comparaît, assisté de son avocat et demande à la cour, par voie de conclusions, de confirmer la décision en ce qu'elle a retenu sa thèse, tant en ce qui concerne l'offre de reprise de l'ancien vêtement pour 500 F, que l'argumentation relative aux prix de référence et à la non-application de l'arrêté du 2 septembre 1997;

Il sollicite de la cour qu'elle constate qu'il justifie du paiement de l'amende mise à sa charge par le jugement du 6-04-1994, et que dès lors, en application de la loi d'amnistie, la récidive ne peut être retenue à son encontre; il admet sa responsabilité en raison de l'absence sur les lieux de vente du cadeau annoncé mais, faisant état de sa bonne foi et du fait qu'il a immédiatement adressé aux clients l'objet oublié, il sollicite une dispense de peine;

Pour le surplus, il soutient que non seulement la promotion "un cuir acheté = un cuir offert" était réelle, mais que la publicité faisait expressément mention d'une signalisation particulière pour ces produits promotionnels, signalisation effective sur les lieux de vente, et qu'un consommateur moyen ne pouvait être trompé à la lecture du prospectus; il requiert donc l'infirmation du jugement sur ce point et sa relaxe;

Sur ce

Alain X, président directeur général de la SA Y, dont le siège est à Paris (11e), <adresse>, grossiste-détaillant en vêtements de cuir, a obtenu le 28 janvier 2000, par arrêté du maire d'Urimesnil (Vosges) l'autorisation d'organiser dans la salle polyvalente de la commune une vente au "déballage" de vêtements de cuir les 12, 13 et 14 mai 2000;

Préalablement à cette vente, il a fait diffuser par la Poste, dans cinquante sept communes rurales, 30 000 exemplaires d'une plaquette publicitaire, conçue par lui, dont le coût total s'est élevé à 13 431,21 F;

Sur ce catalogue de quatre pages étaient présentés soixante six modèles de vêtements en cuir; pour trente trois d'entre eux, était indiqué le prix de vente unitaire, inscrit dans un ovale rouge avec la mention "stop affaire"; sur chaque page figurait un encadré violet: "règlement quatre fois sans frais", mention suivie de deux astérisques et en outre, sur la première page, en encadré, les mentions suivantes:

- "un cadeau de bienvenue vous sera offert sur simple présentation de ce catalogue (sans obligation d'achat)",

- " reprise 500 F de votre ancien cuir ", suivie d'une mention en petits caractères pour l'achat d'un article signalé d'un point vert",

- "1 cuir acheté = 1 cuir offert", en très gros caractères, dans un encadré de couleur, suivie d'un astérisque, et sous le bandeau, en très petits caractères, "Pour l'achat d'un blouson, veste ou trois quart signalé par une étiquette "1 cuir acheté = 1 cuir offert", "choisissez-en un identique";

La mention "1 cuir acheté = 1 cuir offert" était reprise cinquante-cinq fois, sous forme de frise encadrant les deux pages de couverture et la double page intérieure;

Sur la première page, l'astérisque unique renvoyait à la mention en tout petits caractères placée sous l'encadré correspondant, alors que les deux astérisques renvoyaient à une mention proposée dans le sens vertical, sur le bord droit de la feuille: "voir conditions en dernière page"; et en dernière page trois renvois précédés d'astérisques étaient alignés le long du bord droit de la feuille, dans le sens vertical: faisant référence aux conditions éventuelles de remplacement en cas de rupture de stocks et aux conditions privilégiées de paiement;

La Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes des Vosges a diligenté un contrôle sur le lieu de vente le 13 mai 2000, suite à la plainte d'un consommateur désirant rester anonyme, qui avait acheté une veste et un pantalon sans bénéficier de l'offre "un cuir acheté = un cuir offert";

L'inspecteur a constaté, en présence du vendeur Philippe Z, que sept cent soixante-et-onze articles en cuir - soit trente-cinq références - étaient exposés avec les étiquettes réglementaires cousues, indiquant la composition, et une étiquette individuelle indiquant le prix; que tous les vêtements présentés dans le catalogue étaient disponibles à la vente; que sur ces sept cent soixante et onze vêtements, le slogan "un cuir acheté = un cuir offert" concernait cent huit vêtements, identifiés au moyen d'un point rouge; que parmi les huit références sur trente-cinq concernées par cette promotion, trois étaient représentées sur le catalogue publicitaire sans indication de prix; que ces trois modèles étaient vendus respectivement 3 490 F, 4 990 F et 2 990 F, alors que les trente-trois prix indiqués sur le catalogue s'échelonnaient de 590 à 2 990 F;

Le Ministère public ne conteste pas l'argumentation retenue par le jugement déféré, tant en ce qui concerne l'offre de reprise de l'ancien vêtement pour 500 F, que l'argumentation relative aux prix de référence et à la non-application de l'arrêté du 2 septembre 1997; la cour, adoptant les motifs des premiers juges confirmera la décision sur ces points;

Le prévenu a reconnu que le cadeau prévu par le dépliant publicitaire, était, quelles qu'en soient les raisons, indisponible sur les lieux de la vente; le fait qu'il ait, par la suite, adressé cet objet aux clients, n'a pas pour conséquence, ainsi que l'a relevé à bon droit le jugement querellé, de faire disparaître l'infraction de publicité mensongère;

C'est de même par de justes motifs, que la cour adopte pour le surplus de son argumentation, que les premiers juges ont retenu que la mention "un cuir acheté = un cuir offert", était reproduite sous forme d'une frise encadrant les deux pages de couverture et la double page intérieure, ainsi que sur une ligne médiane; qu'elle était donc constamment dans le champ de vision de celui qui regardait les modèles présentés;

Que le fait que chaque mention de cette offre promotionnelle ait été assortie d'un astérisque, lequel renvoyait à la mention en première page, d'une offre limitée aux modèles signalés par une étiquette "un cuir acheté = un cuir offert", alors que le consommateur pouvait avoir son attention attirée par les autres renvois précédés d'un astérisque, figurant sur la dernière page, était de nature à induire en erreur, un consommateur moyen, dans un état de vigilance normale, qui en outre pouvait ne pas remarquer l'inscription en très petits caractères figurant sous l'encadré alors que cette offre promotionnelle ne concernait en réalité que huit modèles sur les trente-cinq offerts à la vente;

La cour constate qu'Alain X justifie du paiement, le 18 mai 1999, de l'amende de 5 000 F mise à sa charge par le jugement prononcé par le Tribunal correctionnel de Châteauroux, le 4-11-1998, et que, dès lors, en toute hypothèse la récidive ne peut être retenue, aux termes des dispositions de la loi du 6 août 2002;

La cour réformera donc partiellement le jugement querellé, et retiendra Alain X dans les liens de la prévention pour avoir à Urimesnil, le 13 mai 2000 effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur les prix et les conditions de vente de biens, en l'espèce:

1° en distribuant à 30 000 exemplaires un prospectus présentant 66 modèles de vêtements en cuir et mentionnant systématiquement l'indication "1 cuir acheté = 1 cuir offert", alors que, sur le lieu de vente, cette offre ne concernait que 8 modèles sur les 35 modèles offerts à la vente

2° en indiquant, sur le prospectus distribué à 30 000 exemplaires, qu'un cadeau de bienvenue serait offert sur simple présentation du catalogue, alors que, sur le lieu de vente, aucun cadeau n'était disponible; et le condamnera à une amende de 3 000 euro;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Reçoit les appels du prévenu et du ministère public Infirmant le jugement entrepris, Déclare Alain X coupable d'avoir à Urimesnil, le 13 mai 2000 effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur, sur les prix et les conditions de vente de biens, en l'espèce: - 1° en distribuant à 30 000 exemplaires un prospectus présentant 66 modèles de vêtements en cuir et mentionnant systématiquement l'indication "1 cuir acheté = 1 cuir offert", alors que, sur le lieu de vente, cette offre ne concernait que 8 modèles sur les 35 modèles offerts à la vente - 2° en indiquant, sur le prospectus distribué à 30 000 exemplaires, qu'un cadeau de bienvenue serait offert sur simple présentation du catalogue, En répression, Le condamne à une amende de 3 000 euro; Dit que cette décision est assujettie au droit fixe de procédure de 120 euro dont est redevable le condamné.