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Décisions

CA Grenoble, 1re ch. corr., 11 décembre 2002, n° 01-01555

GRENOBLE

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Robin

Conseillers :

MM. Vigny, Beroud

Avocat :

Me Contis.

TGI Grenoble, ch. corr., du 20 nov. 2000

20 novembre 2000

LA COUR

Statuant publiquement et contradictoirement,

Par jugement en date du 20 novembre 2000, le Tribunal correctionnel de Grenoble a déclaré la SNC X représentée par son gérant, coupable d'avoir à Grenoble, du 8 au 11 janvier 1999 et du 7 au 12 janvier 1999, procédé ou fait procéder à une opération de solde en dehors des périodes autorisées, en l'espèce avant le 15 janvier 1999, date fixée par arrêté préfectoral du 27 novembre 1998,

Faits prévus et réprimés par les articles 31-11 de la loi du 5 juillet 1996, 121-2 du Code pénal, 31 par. 1 al. 1, 3°, 28 par. I, 31 par. I al. 1, al. 2 de la loi 96.603 du 5 juillet 1996, 11 du décret 96-1097 du 16 décembre 1996,

En répression l'a condamné à une amende de 25 000 F et a ordonné la publication dans les Affiches de Grenoble et du Dauphiné, d'extrait du jugement.

Il a été formé appel de cette décision part la SNC X et par le Procureur de la République.

Suivant conclusions auxquelles il est référé pour plus ample exposé des moyens et prétentions, la SNC X fait plaider sa relaxe.

Monsieur le Procureur général requiert la confirmation du jugement.

Motifs de l'arrêt:

Le 7 janvier 1999, les contrôleurs de la DGCCRD du département de l'Isère se présentaient à la boutique exploitée par la SNC X sise dans le centre commercial "Y" à Grenoble. Ils constataient la présence de panneaux publicitaires apposés en vitrine comportant la mention: "20 % - 40 % et - 30 % - 50 % - PRIX NET - du 2 janvier au 16 janvier 1999 - sur produits signalés".

A l'intérieur du magasin, ils constataient qu'un nombre important d'articles de la collection automne-hiver comportaient un double étiquetage. Etant retournés le 12 janvier 1999 dans cette boutique afin de compter les articles faisant l'objet de réductions de prix, ils constataient que 93,11 % des articles proposés à la vente comportait un double étiquetage faisant apparaître le prix initial et le prix réduit avec des proportions variant suivant les familles d'articles de 79,29 % pour les chemises et chemisiers à 100 % pour les robes et les tee-shirts.

Des constatations identiques étaient effectuées par ces mêmes contrôleurs les 7 et 11 janvier 1999 dans la boutique exploitée par la SNC X rue <adresse>à Grenoble, à la différence près que le pourcentage des articles proposés à la vente comprenant un double étiquetage était de 91,40 % avec des proportions variant de 79,19 % pour les tee-shirts à manches longues à 100 % pour les robes, les jupes et les tee-shirts à manches courtes.

Il a été demandé par LRAR adressée le 26 janvier 1999 au gérant de la SNC la communication de toutes les factures afférentes à chacun des articles figurant sur les listes jointes au courrier durant toute la saison, de tout document justifiant de la réalité des avantages annoncés dans la publicité et de tout document notamment le listing des articles permettant d'établir le pourcentage d'articles concernés par la publicité.

Le responsable du service juridique de la SNC X indiquait le 4 février 1999 que, les boutiques de Grenoble ne jouissant pas de la personnalité juridique autonome, il n'y avait aucune facture d'achats propres à ces magasins. Le 8 mars 1999, ce même service communiquait des documents informatiques intitulés "statistiques de vente par produits du 1er au 31 décembre 1998" dont la vérification permettait de déterminer que les prix de référence avaient bien été pratiqués durant les 10 jours précédant le début de la période de réduction de prix conformément aux dispositions de l'arrêté 77-105 du 2 septembre 1977.

Il s'avérait, en fait, que les directives concernant cette opération avaient été données par le directeur commercial de la SNC et validées par la direction du groupe.

La société X fait valoir que l'opération commerciale en cause était en vente promotionnelle et non comme soldes.

L'article 28 de la loi 96-603 du 5 juillet 1996 définit comme constituant des soldes, les ventes accompagnées ou précédées de publicité et annoncées comme tendant, par une réduction de prix, à l'écoulement accéléré des marchandises en stock. Ces ventes ne peuvent être réalisées qu'au cours de deux périodes par année civile d'une durée maximale de six semaines dont les dates sont fixées dans chaque département par le Préfet.

Il est constant que pour le département de l'Isère, l'arrêté préfectoral 98-8240 du 27 novembre 1998 fixait la date des soldes du 15 janvier au 26 février 1999 inclus pour la saison d'hiver et du 2 juillet au 13 août inclus pour la saison d'été.

En l'espèce il est incontestable que cette opération se situait dans les deux semaines précédant immédiatement la période des soldes d'hiver. Il est tout aussi incontestable que cette opération, décidée par la direction générale, portait sur l'ensemble des magasins implantés dans la région Rhône-Alpes, seule région à avoir différé de 13 jours la date de début des soldes.

Il résulte des constatations effectuées par les contrôleurs de la DGCCRF que les réductions étaient indiquées par des panneaux publicitaires apposés sur les vitrines et s'appliquaient, en fait, à plus de 90 % de la marchandise exposée à la vente dans les magasins concernés.

Il est également indéniable que le consommateur incité par les panneaux apposés en vitrine, à pénétrer dans le magasin, pouvait constater que la plus grande partie des vêtements ou articles présentés étaient revêtus d'un double étiquetage portant mention du prix initial et du prix réduit.

Ainsi que le relève à très juste titre le premier juge, la possibilité de réassort des articles concernés par la réduction de prix à partir du dépôt central de la société situé en région parisienne (Epinay-sur-Seine) qui approvisionne l'ensemble des points de vente X, n'est pas exclusive de la qualification de soldes attribuée à cette opération commerciale, dès lors que, comme il l'est établi en l'espèce, les différents points de vente ne disposent en propre que d'un assortiment varié mais réduit en quantité et sont constamment réapprovisionnés à partir d'un dépôt central de distribution ou d'un stock de fabrication en fonction du volume et de la répartition des ventes réalisées. En l'espèce, le réapprovisionnement incompatible avec la notion de solde serait nécessairement celui de ce dépôt central à défaut de quoi les sociétés comme la SNC X, exploitant un réseau intégré avec des points de vente multiples, organisées pour une gestion centralisée des stocks avec approvisionnement des magasins à flux tendre, seraient exonérées, au mépris du principe d'égalité et des règles de saine concurrence de l'observance de la réglementation des soldes qui ne s'imposerait alors qu'aux entreprises exploitant un point de vente unique ou gérant des stocks décentralisés sur chaque magasin.

Il ressort, en outre, des constatations effectuées par les agents de la DGCCRF que les publicités présentées sur les vitrines des deux magasins concernés n'avaient pour unique effet que de persuader le chaland de ce que les annonces de réduction de prix portaient sur la plupart des vêtements exposés à la vente et comportaient, de ce fait, l'idée nécessairement suggérée par le dispositif publicitaire, pris en son ensemble et dans sa cohérence, d'un objectif d'écoulement accéléré de ces marchandises en stock.

De plus, la mention "sur produits signalés" figurant sur les affiches publicitaires tendait à prouver que seuls les articles exposés en magasin étaient concernés en dehors de toute possibilité ou volonté de commande et que l'opération annoncée était limitée aux stocks disponibles dans le magasin.

Il est indifférent que les publicités apposées sur les vitrines n'aient pas porté le terme "soldes" dans la mesure où l'entreprise connaissait parfaitement la législation en la matière et où, de ce fait, devait nécessairement s'abstenir de ce terme tout en suggérant habilement aux consommateurs qu'il s'agissait d'une opération d'écoulement accéléré, par le jeu de réductions non négligeables, du stock.

Dans ces conditions, la réunion de ces éléments permet de qualifier cette opération de vente en soldes avant la date légale. Cette infraction aux dispositions de l'article 28 de la loi 96-603 du 5 juillet 1996, commise par l'un des organes de la société ou par l'un de ses représentants, l'a été pour le compte de la société en lui permettant de disposer de facilités commerciales illicites au détriment des entreprises concurrentes du même secteur et ainsi, d'uniformiser sa campagne nationale de soldes d'hiver au mépris de la diversité des situations réglementaire locales.

C'est donc à bon droit que le premier juge a retenu la SNC X dans les liens de la prévention en lui faisant, de surcroît, une exacte application de la loi pénale.

Toutefois, la publication ordonnée par le premier juge portera sur le présent arrêt.

Par ces motifs, LA COUR, Recevant les appels comme réguliers en la forme. Confirme en son principe et en toutes ses dispositions non contraires le jugement déféré; Dit que la publication dans le journal Les affiches de Grenoble et du Dauphiné portera sur un extrait du présent arrêt; Constate que le présent arrêt est assujetti au droit fixe de 120 euros résultant de l'article 1018 A du Code général des impôts, et dit que la contrainte par corps s'exercera conformément aux dispositions des articles 749 à 751 du Code de procédure pénale. Le tout par application des dispositions des articles susvisés.