CA Amiens, ch. com., 29 mars 2002, n° 01-04143
AMIENS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Prodim (SAS), Logidis (SAS)
Défendeur :
Soinne (ès qual.)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Chapuis de Montaunet
Conseillers :
Mme Rohart-Messager, M. Roche
Avocats :
SCP can Maris, Mes Bednarski, Bouly, Engueleguele
LA COUR statue sur le contredit régulièrement formé par la SNC Prodim et la SAS Logidis d'un jugement du Tribunal de commerce d'Abbeville du 23 novembre 2001 qui, notamment, s'est déclaré compétent pour statuer sur la demande formée par Me Soinne ès qualités de liquidateur de la société Evolys.
Vu les conclusions des appelantes du 19 février 2002 par lesquelles elles prient la cour de:
- infirmer le jugement,
- se déclarer incompétent au profit du tribunal arbitral prévu aux articles 12 et 13 des contrats de franchise et approvisionnement signés par la société Evolys,
- débouter Me Soinne, ès qualités, de ses demandes,
- le condamner au paiement de la somme de 1 524,39 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Vu les conclusions du 18 février 2002 de Me Soinne, ès qualités, par lesquelles il prie la cour de:
- déclarer les sociétés Prodim et Logidis irrecevables et mal fondées en leur contredit,
- dire que le Tribunal de commerce d'Abbeville est seul compétent pour statuer sur sa demande,
- condamner les appelantes à lui payer la somme de 1 524,49 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- les condamner aux dépens.
Le contredit ayant fait l'objet de deux enrôlements par le greffe il convient de prononcer la jonction des procédures.
Sur ce, LA COUR
Attendu que par acte sous seing privé du 3 août 1998 un contrat de franchise était conclu entre la société Prodim franchiseur et la société Evolys, franchisée pour l'exploitation sous l'enseigne Shopi d'un fonds de commerce sis Avenue du Général Leclerc 80460 Ault; que le même jour était conclu entre les parties un contrat d'approvisionnement portant sur l'approvisionnement du magasin ainsi qu'un contrat de location-gérance;
Que suite à un traité d'apport partiel, la société Logidis venait aux droits de la société Prodim;
Que l'exécution du contrat connaissait des difficultés et qu'ainsi le 19 août 1999 la société Evolys se reconnaissait débitrice de 531 920,65 F correspondant à des marchandises impayées livrées par la société Logidis; que les parties convenaient alors d'un plan de remboursement;
Que de nouveaux prélèvements étaient impayés et que c'est dans ce contexte que le 18 février 2000 la société Prodim informait la société Evolys de la cessation du contrat de location-gérance portant sur le fonds de commerce Shopi avec effet un mois plus tard;
Que le 28 avril 2000 le Tribunal de commerce d'Abbeville prononçait la liquidation judiciaire de la société Evolys et désignait Me Soinne en qualité de liquidateur;
Que par acte du 21 juillet 2000 Me Soinne, ès qualités, assignait la société Prodim en soutenant que celle-ci aurait abusivement et de façon injustifiée soutenu la société Evolys et que ce soutien abusif aurait causé un préjudice aux créanciers dont il demandait réparation.
Attendu que les sociétés Prodim et Logidis soutiennent que le Tribunal de commerce d'Abbeville n'était pas compétent pour connaître du litige au motif que tant le contrat de franchise que le contrat d'approvisionnement conclus avec la société Evolys contenaient une clause compromissoire aux termes de laquelle "toutes contestations auxquelles pourrait donner lieu l'exécution ou l'interprétation du présent contrat seront soumises à trois arbitres"; que cette clause compromissoire contenait un mécanisme de désignation des arbitres.
Mais attendu qu'aux termes de l'article 174 du 1er décret du 27 décembre 1985: "sans préjudice des pouvoirs attribués en premier ressort au juge commissaire, le tribunal saisi d'une procédure de redressement judiciaire connaît de tout ce qui concerne le redressement et la liquidation judiciaires, la faillite personnelle ou autres sanctions prévues par la loi du 25 janvier 1985, à l'exception des actions en responsabilité civile exercées à l'encontre de l'administrateur, du représentant des créanciers, du commissaire à l'exécution du plan ou du liquidateur qui sont de la compétence du tribunal de grande instance";
Qu'il résulte de ce texte d'ordre public que le tribunal saisi d'une procédure de liquidation judiciaire est seul compétent pour connaître des contestations nées de la procédure collective ou sur lesquelles celle-ci exerce une influence juridique;
Qu'en l'espèce le liquidateur invoque un dommage subi par la collectivité de créanciers consistant en l'ouverture même de la procédure collective en raison du soutien abusif apporté par la société Prodim à la société Evolys, de son immixtion dans la gestion de celle-ci, du maintien d'une politique tarifaire préjudiciable et de la poursuite des livraisons malgré l'accumulation des dettes;
Que même si les faits sont nés de l'exécution d'un contrat antérieur à l'ouverture de la procédure collective, le préjudice invoqué étant la procédure collective, celle-ci exerce nécessairement une influence sur le litige;qu'il y a lieu dès lors, en application de l'article 174 du décret susmentionné, de confirmer le jugement qui a déclaré le Tribunal de commerce d'Abbeville seul compétent pour connaître du litige;que les sociétés Prodim et Logidis seront donc déboutées de leur contredit.
Attendu que les sociétés Prodim et Logidis, condamnées aux dépens verseront à Me Soinne ès qualités la somme de 1 000 euros pour frais hors dépens.
Par ces motifs, LA COUR; Statuant publiquement et contradictoirement; Prononce la jonction des procédures n° 01-04143 et 01-04193 et dit que la procédure sera suivie, sous le seul n° 01-04143; Déclare les sociétés Prodim et Logidis recevables en leur contredit et les en débouter; Renvoie la cause et les parties devant le Tribunal de commerce d'Abbeville; Condamne les sociétés Logidis et Prodim aux dépens du contredit ainsi qu'à payer à Me Soinne ès qualités, la somme de 1 000 euros au titre des frais hors dépens.