CCE, 26 septembre 2001, n° M.2434
COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Décision
Grupo Villar Mir/EnBW/Hidroeléctrica del Cantábrico
LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,
Vu le traité instituant la Communauté européenne, vu l'accord sur l'Espace économique européen, et notamment, son article 57, paragraphe 2, point a), vu le règlement (CEE) n° 4064-89 du Conseil du 21 décembre 1989 relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises (1), modifié en dernier lieu par le règlement (CE) n° 1310-97 (2), et notamment son article 8, paragraphe 2, vu la décision de la Commission du 1er juin 2001 d'ouvrir la procédure dans la présente affaire, après avoir donné aux entreprises concernées l'occasion de faire connaître leur point de vue sur les griefs formulés par la Commission, vu l'avis du comité consultatif en matière de concentrations entre entreprises (3), considérant ce qui suit:
(1) Le 4 avril 2001, la Commission a reçu la notification d'un projet de concentration conformément à l'article 4 du règlement (CEE) n° 4064-89 (ci-après dénommé "règlement sur les concentrations"), par lequel les entreprises Grupo Villar Mir et Energie Baden-Württenberg (EnBW), cette dernière étant contrôlée conjointement par Électricité de France (EDF) et Zweckverband Oberschwäbische Electrizitätswerke (OEW), prennent le contrôle conjoint de l'entreprise espagnole Hidroeléctrica del Cantábrico SA (Hidrocantábrico) par voie d'une offre publique d'achat présentée par l'entreprise Ferroatlántica SL (Ferroatlántica). Ferroatlántica fait partie du Groupe Villar Mir et, à l'issue de l'opération, sera placée sous le contrôle conjoint de ce groupe et d'EnBW.
(2) La notification a été déclarée incomplète le 6 avril 2001. Le 10 avril 2001, les parties notifiantes ont fourni à la Commission les renseignements complémentaires demandés. La notification aux fins de l'article 10, paragraphe 1, du règlement sur les concentrations a pris fin à cette date.
(3) Après examen de la notification, la Commission a conclu que l'opération notifiée relevait du champ d'application du règlement sur les concentrations.
(4) Par lettre du 14 mai 2001, les autorités espagnoles ont informé la Commission, conformément à l'article 9 du règlement sur les concentrations, que l'opération proposée créerait ou renforcerait une position dominante collective et entraverait donc considérablement la concurrence effective sur le marché de la production d'électricité en Espagne. Dans le même temps, la concentration affecterait également le marché de la distribution et de la commercialisation de l'électricité dans la Communauté autonome des Asturies, qui réunirait toutes les caractéristiques d'un marché indépendant et ne constituerait pas une partie substantielle du Marché commun. Par conséquent, les autorités espagnoles ont demandé le renvoi de la concentration proposée en application de l'article 9 du règlement sur les concentrations.
(5) À l'issue de son premier examen du dossier, la Commission a conclu que la concentration soulevait des doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le Marché commun, en ce qu'elle était susceptible de créer ou de renforcer une position dominante, qui aurait comme conséquence d'entraver de manière significative la concurrence effective sur le Marché commun ou une partie substantielle de celui-ci. En conséquence, le 1er juin 2001, la Commission a décidé d'engager la procédure prévue à l'article 6, paragraphe 1, point c), du règlement sur les concentrations.
(6) Le comité consultatif a examiné le projet de décision le 13 septembre 2001.
I. LES PARTIES ET L'OPÉRATION
(7) Le groupe Villar Mir, dont la société mère est la Inmobiliaria Espacio SA, est un groupe d'entreprises aux intérêts divers dans les secteurs suivants: immobilier, engrais, construction, concessions d'infrastructures et de services et gestion de placements financiers.
(8) EnBW, qui est placée sous le contrôle conjoint d'EDF et d'OEW, est une entreprise d'électricité verticalement intégrée, dont la principale activité est la production, le transport, la distribution, la commercialisation et la fourniture d'électricité, principalement dans le Sud-Ouest de l'Allemagne.
(9) EDF est une entreprise publique dont les principales activités sont la production, le transport, la distribution et la commercialisation de l'électricité en France. EDF/RTE, une division créée au sein d'EDF, gère le réseau national de transport d'électricité et les interconnexions avec les pays limitrophes. Par l'intermédiaire de sa filiale EDF International (EDFI), une société holding, EDF possède des participations dans des compagnies d'électricité de plusieurs pays européens, comme l'Autriche, l'Italie, la Suède et le Royaume-Uni. Par ailleurs, EDF est active dans le secteur de la construction et de la maintenance des centrales électriques et des réseaux de transport et fournit des services de recyclage et d'éclairage urbain.
(10) Ferroatlántica est une entreprise qui se consacre à la production, à la distribution et à la commercialisation, tant sur le marché national qu'à l'exportation, de différents types de métaux et d'alliages ferreux produits dans des fours électriques, ainsi qu'à la production d'énergie hydroélectrique. Elle appartient à hauteur de 100 % au groupe Villar Mir et, après l'opération proposée, sera placée sous le contrôle conjoint de ce groupe et d'EnBW, qui détiendra 50 % de son capital.
(11) Hidrocantábrico produit, distribue et commercialise de l'électricité et se classe actuellement au quatrième rang des compagnies d'électricité espagnoles. Outre le secteur électrique, l'entreprise concentre ses activités sur la distribution et la commercialisation de gaz et sur les télécommunications dans la Communauté autonome des Asturies.
(12) L'opération proposée consiste en l'acquisition du contrôle conjoint de Hidrocantábrico par le groupe Villar Mir et EnBW par le biais de l'entrée d'EnBW dans le capital de Ferroatlántica (avec une participation de 50 %), cette entreprise étant le vecteur nécessaire pour acquérir ledit contrôle. À cette fin, les parties concluront une série d'accords. Le 28 septembre 2000, Ferroatlántica, avec l'appui d'EnBW, a présenté une première offre publique d'achat, autorisée par la Comisión Nacional del Mercado de Valores (CNMV ou commission nationale de contrôle du marché des titres) le 17 janvier 2001, concernant 25 % du capital de Hidrocantábrico. Ensuite, deux autres offres publiques ont été présentées en vue d'acquérir la totalité du capital social de Hidrocantábrico, l'une par le groupe constitué par la Caja de Ahorros de Asturias (Cajastur), la compagnie électrique portugaise Electricidade de Portugal SA (EDP), la Caja de Seguros Reunidos et la Compañía de Seguros y Reaseguros SA (Caser), et l'autre par le groupe allemand RWE. RWE a par la suite retiré son offre. De son côté, Ferroatlántica, la première entreprise à avoir présenté une offre publique, a modifié son offre initiale pour la faire passer à 100 % du capital et améliorer les conditions économiques des offres précédentes. Après la liquidation de cette dernière offre, le groupe constitué par Cajastur, EDP et Caser contrôlait 35 % des actions de Hidrocantábrico, tandis que Ferroatlántica détenait 59,66 % du capital social de cette entreprise.
II. CONCENTRATION
(13) Aux termes des accords conclus par le groupe Villar Mir et EnBW, chacune de ces entreprises détiendra une participation de 50 % dans Ferroatlántica (instrument de l'acquisition du contrôle de Hidrocantábrico). Grâce à cette participation, le groupe Villar Mir et EnBW contrôleront ensemble Hidrocantábrico.
(14) À la suite de ces offres publiques d'achat successives, Ferroatlántica a acquis une participation de 59,66 % dans Hidrocantábrico. Selon les parties notifiantes, conformément aux statuts de Hidrocántabrico, dans la version arrêtée lors de l'assemblée générale des actionnaires du 22 mai 2000, l'acquisition d'une participation clairement majoritaire dans le capital de Hidrocantábrico, à l'issue de la présentation d'une offre publique d'achat de 100 % des actions à un prix égal ou supérieur à 24 euros, confère aux parties notifiantes le contrôle exclusif de Hidrocantábrico. Ferroatlántica détiendrait en effet la majorité absolue des droits de vote ainsi que le droit de désigner la majorité des membres du conseil d'administration.
(15) En ce qui concerne l'évaluation du contrôle collectif, la présente décision est adoptée sur la base des renseignements fournis par les parties et ne préjuge pas des droits et obligations des différents groupes d'actionnaires en vertu de la législation espagnole.
(16) Eu égard aux moyens exposés, l'opération notifiée constitue une opération de concentration au sens de l'article 3, paragraphe 1, point b), du règlement sur les concentrations.
III. DIMENSION COMMUNAUTAIRE
(17) Les entreprises participant à l'opération proposée (Groupe Villar Mir, EnBW et Hidrocantábrico) réalisent, à l'échelle mondiale, un chiffre d'affaires conjoint supérieur à 5 milliards d'euros [Groupe Villar Mir: 918 millions d'euros; EnBW: 38 milliards d'euros (4) et Hidrocantábrico: 890 millions d'euros]. Chacune d'elles réalise, dans la Communauté, un chiffre d'affaires supérieur à 250 millions d'euros (Groupe Villar Mir: 843 millions d'euros; EnBW; 36 milliards d'euros et Hidrocantábrico: 890 millions d'euros) et ne réalise pas plus des deux tiers de son chiffre d'affaires communautaire dans un même État membre. L'opération proposée a donc une dimension communautaire.
IV. MARCHÉS EN CAUSE
A. MARCHÉS DE PRODUIT EN CAUSE
(18) Ainsi que l'indiquait la décision de la Commission dans l'affaire COMP/M.1853 - EDF/EnBW, les marchés de produit en cause dans le secteur de l'électricité doivent être définis en tenant compte de leur degré de libéralisation. La fourniture d'électricité à des clients selon un tarif donné est un monopole légal et il n'existe pas de concurrence sur ce marché. Par conséquent, le marché de produit en cause s'inscrit dans le contexte du segment libéralisé du marché.
(19) Selon la définition du Tribunal de Defensa de la Competencia espagnol, "il convient de définir le marché de produit en cause comme celui de la production d'énergie électrique achetée et vendue par l'intermédiaire du pool ou marché de gros. À l'intérieur de ce marché, se livrent concurrence, du côté de l'offre, l'énergie électrique proposée par le régime ordinaire (5), par le régime spécial de plus de 50 MW et l'énergie électrique importée et, du côté de la demande, les distributeurs [qui vendent l'énergie à des clients selon un tarif]* (*), les sociétés de commercialisation [qui vendent l'énergie à des clients qualifiés]* et les clients qualifiés (gros clients). Sera également affecté le marché de l'énergie relevant de contrats bilatéraux [souscrits entre des producteurs et des clients qualifiés]*, dans la mesure où ils sont conclus dans un régime de libre concurrence" (6). Jusqu'en 2003, les entreprises espagnoles de production électrique ne peuvent pas conclure de contrats directs avec des sociétés de commercialisation (elles ne peuvent vendre l'électricité qu'à l'intérieur du pool ou à des clients qualifiés) (7). Les opérateurs étrangers peuvent également conclure des contrats avec des sociétés de commercialisation espagnoles.
(20) Les clients qualifiés du marché espagnol sont tous les consommateurs, indépendamment de leur niveau de consommation, dont l'approvisionnement s'effectue à une tension nominale de plus de 1 000 volts (8). À partir du 1er janvier 2003, tous les consommateurs d'électricité, sans distinction d'aucune sorte, seront considérés comme des clients qualifiés, même si l'électricité continuera à être proposée sur le marché tarifé jusqu'au 1er janvier 2007 (9). En Espagne, les clients qualifiés qui souhaitent acheter de l'électricité dans le cadre du système libéralisé ont le choix entre trois options: a) passer par le pool; b) conclure des "contrats bilatéraux" avec des producteurs ou des opérateurs étrangers, et c) conclure des contrats avec des sociétés de commercialisation. Le marché des clients qualifiés représente potentiellement 54 % de la consommation en Espagne, mais les clients qui ont choisi d'acheter leur électricité sur le marché libéralisé (c'est-à-dire directement en passant par le pool, sur la base de contrats bilatéraux ou à des sociétés de commercialisation) représentent 35 à 38 % de la consommation totale. En d'autres termes, entre 62 et 65 % de l'électricité achetée sur le marché de gros est prise par les distributeurs en vue de sa fourniture ultérieure aux clients relevant du tarif.
(21) Le pool fonctionne comme suit: i) le marché journalier, qui représente plus de 90 % de l'électricité totale vendue sur le marché de gros, avec un prix unique fixé par heure, le prix marginal par heure; ii) le marché intrajournalier (près de 6 % de l'électricité totale vendue sur le marché de gros) dans lequel peut se vendre l'électricité qui n'a pas été vendue sur le marché journalier. Quant aux contrats bilatéraux, ils représentent moins de 3 % des ventes totales sur le marché de gros.
(22) En ce qui concerne le marché journalier, il s'agit d'un marché équilibré: l'énergie vendue est égale à l'énergie achetée. Les droits de rémunération de chaque vendeur sont calculés sur la base du produit de l'énergie vendue par le prix marginal et, de la même manière, les obligations de paiement de chaque acheteur sont calculées sur la base du produit des achats réalisés par le même prix marginal. Le marché journalier a pour objet de réaliser les transactions d'énergie électrique pour le lendemain en présentant des offres d'achat et de vente. Ces offres sont présentées à l'opérateur du marché (OMEL) et seront intégrées dans une procédure de conciliation produisant des effets pour l'horizon journalier du programme correspondant au lendemain de la séance et comprenant 24 périodes horaires consécutives. L'opérateur du marché procédera à la conciliation des offres d'achat et de vente d'électricité en recourant à la méthode de conciliation simple, c'est-à-dire celle qui permet d'obtenir indépendamment le prix marginal et le volume d'électricité adapté pour chaque unité de production et d'achat pour chaque période horaire de programmation. On obtient ainsi, pour chaque période horaire, le prix marginal correspondant à l'offre de vente d'électricité proposée par le titulaire de la dernière unité de production dont l'entrée dans le système a été nécessaire pour répondre à la demande d'électricité.
(23) Il découle de ce qui précède que, pour ce qui est des marchés d'électricité libéralisés en Espagne, il convient d'opérer une distinction entre l'électricité proposée par l'intermédiaire du marché de gros (le pool, y compris les contrats bilatéraux des clients qualifiés avec les producteurs) et celle proposée ensuite par les sociétés de commercialisation aux clients qualifiés (marché de détail). Cependant, seul le premier, le marché de gros, et en particulier le pool (10), et plus précisément le marché journalier, qui représente un peu plus de 90 % de l'électricité vendue sur le marché de gros, sera analysé dans la présente décision.
B. MARCHÉ GÉOGRAPHIQUE EN CAUSE
(24) Habituellement, la Commission considère que le marché géographique en cause pour la fourniture d'énergie sur le marché libéralisé ne dépasse pas le marché national (11). Dans le cas de l'Espagne, cela a été confirmé par deux décisions récentes de la Commission (12) et coïncide avec l'analyse des autorités espagnoles de défense de la concurrence (13).
(25) Les importations vers le marché espagnol sont restreintes (et le resteront encore pendant un certain temps) en raison de la capacité d'interconnexion limitée existant actuellement. Selon les informations disponibles, la capacité commerciale théorique d'interconnexion entre l'Espagne et ses voisins représente entre 1 900 et 2 000 MW (1 000 à 1 100 avec la France, 600 à 650 avec le Portugal et 300 à 350 avec le Maroc). Si l'on compare ces chiffres avec la capacité nécessaire durant les heures de pointe de la demande, ils n'en représentent que 6,6 % (14). En outre, les effets de chevauchement des flux d'importations et d'exportations lorsque l'électricité circule simultanément dans les deux sens ne se produisent qu'avec le Portugal. Les exportations du Maroc vers l'Espagne sont très rares et les exportations de l'Espagne vers la France n'ont lieu qu'en périodes de précipitations (comme durant l'hiver 2001). Toutefois, l'étude de marché a montré que, bien que ces exportations entre la France et l'Espagne soient possibles, elles n'ont pas lieu parce que la capacité disponible correspondant à ces flux n'a pas été attribuée.
(26) Par conséquent, le marché géographique en cause pour la vente en gros d'électricité est le territoire de la péninsule espagnole.
V. COMPATIBILITÉ AVEC LE MARCHÉ COMMUN
INTRODUCTION
(27) De l'avis de la Commission et pour les motifs exposés plus haut, l'opération est susceptible de renforcer la position dominante collective qui existe actuellement sur le marché de gros de l'électricité en Espagne.
(28) Les activités des parties notifiantes dans le segment libéralisé du secteur électrique espagnol sont relativement limitées. Les ventes sur le marché journalier passant par le pool de Hidrocantábrico ont représenté [5 à 10]* % en 2000 et [5 à 7]* % au cours des cinq premiers mois de 2001 (15). EnBW n'a offert que [800 à 1 000]* MW au pool en 2000 et le groupe Villar Mir n'a pas proposé d'électricité au marché de gros espagnol. L'électricité exportée par EDF, qui contrôle conjointement EnBW, représente [< 5]* % environ des ventes sur le marché journalier (y compris le contrat à long terme conclu avec REE). En conclusion, l'opération proposée entraîne des chevauchements horizontaux relativement limités sur le marché de gros espagnol.
(29) Cependant, l'opération proposée doit être analysée à la lumière du degré particulièrement élevé de concentration qui caractérise le marché espagnol de l'électricité ainsi que de son caractère "d'île électrique" en raison de la rareté des interconnexions avec d'autres réseaux. Il convient donc de tenir compte de la position particulière d'EDF qui, étant le principal exportateur d'électricité vers le marché espagnol, est également, pour diverses raisons qui seront examinées plus avant, le principal concurrent potentiel des entreprises espagnoles de production électrique, tandis que EDF-RTE contrôle les interconnecteurs et le réseau de transmission par lesquels doivent passer toutes les exportations provenant d'autres pays européens et destinées au marché de l'électricité de la péninsule ibérique.
(30) Dans sa réponse à la communication des griefs, EnBW affirme que celle-ci part de l'hypothèse que l'opérateur concerné par la concentration proposée est EnBW et non EDF. Selon EnBW, "cette approche ne tient pas compte du fait que EnBW est une entreprise autonome de plein droit qui poursuit des objectifs de politique commerciale qui lui sont propres... Cela est indéniablement pertinent dans la mesure où la réglementation communautaire relative au contrôle des opérations de concentration accepte expressément qu'une entreprise se trouvant dans la position d'EnBW puisse être à la fois partie notifiante et entreprise concernée par la concentration... La Commission se contente d'évaluer la concentration comme si elle avait été inspirée et devait être mise en œuvre par EDF ... En conséquence, la communication des griefs ne tient pas compte de la situation réelle d'EnBW et confond les rôles respectifs d'EDF et d'EnBW dans la concentration".
(31) Devant de tels arguments, la Commission ne peut que rappeler qu'à aucun moment de la procédure elle n'a méconnu le rôle d'EnBW dans l'opération, en sa qualité, notamment, de partie notifiante, tout comme elle n'a pas méconnu la nature d'entreprise de plein droit d'EnBW. Il convient toutefois de garder à l'esprit, lors de l'évaluation de l'effet d'une opération de concentration sur la concurrence, que la Commission a toujours pris en considération les activités de toutes les entreprises faisant partie du même groupe (16) (en l'espèce, il s'agirait, d'une part, d'EDF et de ses filiales et divisions-et autres entreprises contrôlées directement ou indirectement par celle-ci - et, d'autre part, du groupe Villar Mir, de sa société mère et de ses filiales), étant donné que toutes les entreprises d'un groupe constituent une entité économique unique. Á plus forte raison, dans le cas d'espèce, on peut affirmer que la stratégie commerciale d'EnBW est définie par EDF, ainsi que la Commission a eu l'occasion de l'indiquer dans une décision antérieure (17).
A. LE MARCHÉ DE GROS DE L'ÉLECTRICITÉ EN ESPAGNE
1. Le marché espagnol se caractérise par l'existence d'une position dominante détenue par un duopole
a) Les deux principales entreprises espagnoles d'électricité fixent les prix et dominent ensemble le marché de gros
(32) Selon le Tribunal de defensa de la competencia espagnol, qui a récemment examiné les opérations associant Endesa/Iberdrola (18) et Unión Eléctrica Fenosa/Hidrocantábrico (19), le marché espagnol de l'électricité se caractérise par l'existence d'une position dominante duopolistique des opérateurs espagnols. En réalité, deux entreprises sont dominantes, Endesa et Iberdrola, qui détenaient en l'an 2000 des parts du marché journalier de 47 % et de 27 %, respectivement. Durant un nombre élevé de périodes horaires, leur production est donc essentielle pour satisfaire la demande et, partant, elles sont en mesure de fixer le prix de l'électricité.
(33) Les conclusions des autorités espagnoles ont été confirmées par l'étude de la Commission, qui a pu vérifier que la situation décrite ci-dessus est encore fondamentalement la même. Par conséquent, ces derniers mois, aucun changement structurel, qui aurait modifié fondamentalement la situation de position dominante duopolistique sur le marché espagnol de l'électricité, telle que l'avaient définie les autorités espagnoles, n'est intervenu.
(34) En particulier, les deux principaux opérateurs électriques espagnols, Endesa et Iberdrola, continuent à détenir une grande puissance sur le marché qui se traduit tant 1) dans leurs pourcentages respectifs de la capacité totale installée de production d'électricité et 2) dans leur participation aux ventes sur le marché de gros ou dans le pool que 3) dans leur capacité de fixer les prix sur ledit marché de gros de l'électricité.
(35) En ce qui concerne tout d'abord la capacité totale installée de production d'énergie électrique des entreprises de production établies en Espagne, le tableau 1 suivant montre qu'Endesa et Iberdrola contrôlent ensemble quelque 83 % de celle-ci, loin devant les autres opérateurs que sont Unión Fenosa (12 %) et Hidrocantábrico (5 %).
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(36) Le tableau 2, quant à lui, présente les parts de marché relatives aux ventes sur le marché journalier durant les exercices postérieurs à ceux analysés dans les rapports précités du Tribunal de defensa de la competencia. Une fois de plus, il apparaît que la part cumulée d'Endesa et d'Iberdrola représente entre 74 et 78 % du total.
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(37) La puissance sur le marché des deux principaux opérateurs d'électricité espagnols se traduit en outre par leur capacité de fixer les prix sur le marché de gros. Le tableau suivant le montre.
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(38) Cette capacité de fixation des prix marginaux sur le marché de gros dont disposent Endesa et Iberdrola ne s'explique pas uniquement par l'importante puissance installée de production électrique de ces deux opérateurs par rapport à la capacité espagnole totale. Il faut également tenir compte de la composition de leurs parcs technologiques ou du mix de production respectifs. En effet, ainsi que l'a souligné le Tribunal de defensa de la competencia espagnol, "la fixation de prix d'offre dans le pool pour les différentes périodes horaires dépend dans une large mesure des différences entre les diverses technologies de production utilisées par les centrales qui constituent la puissance installée du réseau. En règle générale et du fait des caractéristiques de ces différentes technologies de production, les centrales au charbon fixent surtout les prix durant les périodes creuses de la demande, tandis que les centrales hydroélectriques de régulation dominent durant les heures de pointe. En conséquence, et étant donné qu'Endesa fournit près de 57 % de l'électricité produite par les centrales au charbon et qu'Iberdrola est clairement dominante dans la production hydraulique adaptable, ces deux groupes déterminent généralement la fixation des prix marginaux sur le marché" (22).
(39) En définitive, Endesa et Iberdrola, jouent le rôle d'entreprises "pivot" sur le marché de gros espagnol. Leur capacité est au moins égale à l'offre excédentaire qui existe sur le marché, en particulier en période de pointe de la demande. Il en résulte que l'offre conjointe des autres générateurs est insuffisante pour satisfaire la demande et que les pivots peuvent augmenter leurs prix en fonction de cette demande sans être généralement écartés du marché.
(40) De plus, il existe des liens divers entre les opérateurs présents sur le marché de l'électricité. Ces liens sont soit juridiques (propriété partagée de certaines centrales comme Trillo, participation dans le capital des opérateurs du marché et du réseau), soit structurels. Diverses caractéristiques structurelles du marché permettent notamment la coordination stratégique des opérateurs, comme le fait qu'il s'agit d'un marché de produit homogène et relativement transparent, sur lequel les écarts de prix sont presque immédiatement détectés.
(41) Enfin, outre les observations qui précèdent sur la puissance sur le marché des deux principaux opérateurs espagnols d'électricité, il y a également lieu de tenir compte du fait que le marché espagnol de la production peut être considéré comme peu accessible en raison de l'existence d'une série de barrières à l'entrée telles que: 1) l'accès à des installations potentielles de production et à des ressources hydroélectriques et en combustibles; 2) les coûts d'installation; 3) la diversification nécessaire du parc de production, et en particulier, 4) la faible capacité d'interconnexion avec la France voisine, dont dépendent nécessairement les exportations vers le marché espagnol en provenance d'autres pays européens non péninsulaires.
b) Les entreprises de production électrique de taille plus réduite et les opérateurs étrangers, considérés dans leur ensemble, ne sont pas en mesure de fixer les prix pour la plupart des périodes horaires
(42) Outre Endesa et Iberdrola, les autres entreprises espagnoles de production d'électricité, à savoir Unión Fenosa et Hidrocantábrico, ont obtenu pour la plupart des périodes horaires les prix fixés par les deux opérateurs dominants. Ainsi que cela a déjà été indiqué (voir tableau 3), l'un des deux principaux opérateurs espagnols que sont Endesa et Iberdrola a fixé les prix de 60 à 80 % environ des offres présentées. Étant donné que les quantités proposées au-dessus du prix marginal ne se vendent pas sur le marché journalier, les autres opérateurs, conscients du fait que les offres d'Endesa et d'Iberdrola sont nécessaires pour satisfaire la demande pendant presque toutes les périodes horaires, ont tendance à faire des offres à prix zéro, puisqu'ils savent que toute l'électricité qu'ils proposent sera vendue sur le marché journalier au prix marginal fixé au sein du pool (et non au prix auquel l'électricité a été proposée). Par conséquent, les deux principaux opérateurs peuvent utiliser leur important mix de production pour présenter des offres flexibles en fonction des prévisions de l'offre et de la demande. Par contre, les petits opérateurs, comme Unión Fenosa et Hidrocantábrico, dont le mix de production est réduit, sont moins en mesure de présenter des offres concurrentielles suffisamment flexibles. Pour ces opérateurs, l'option d'offrir leur production à prix zéro, alors qu'ils savent qu'Endesa et Iberdrola réclameront des prix élevés, est la manière la plus facile de vendre le plus possible.
De plus, REE, en vertu du contrat à long terme conclu avec EDF, propose l'électricité au pool à un prix connu de tous. Ainsi, même durant les heures dites "creuses" pendant lesquelles les offres d'Endesa et d'Iberdrola pourraient ne pas être indispensables pour satisfaire l'ensemble de la demande, si l'offre de REE est nécessaire, les autres opérateurs espagnols sont assurés de recevoir le prix proposé par REE. Ce prix (environ [< 5]* eurocents par KW/h) est actuellement entre 30 et 40 % plus cher que les prix moyens proposés par EDF aux clients qualifiés sur le marché français.
c) En dépit de la position dominante collective actuelle, le niveau des prix sur le marché espagnol est affecté par l'augmentation de la quantité d'énergie à bas prix proposée au pool
(43) Entre novembre 2000 et mars 2001, des précipitations exceptionnellement élevées ont entraîné une hausse significative de la production d'électricité des centrales hydroélectriques. Les prix moyens ont chuté spectaculairement en Espagne (entre 30 et 40 % par rapport aux prix moyens pour la même période de l'an 2000). Cependant, en dépit de cette période de pluies intenses, les prix ont rapidement retrouvé leur niveau antérieur.
(44) Cette chute des prix aurait pu être un indice de l'affaiblissement de la position dominante collective. Or, les résultats de l'étude de marché menée par la Commission montrent que, dans une large mesure, cette situation est strictement conjoncturelle et ne modifie pas significativement la structure duopolistique du marché en cause ni l'évaluation de la puissance sur le marché de ses deux principaux opérateurs, ainsi que la situation commode d'acceptation des prix dans laquelle se trouvent les petits opérateurs.
(45) Il convient de tenir compte du fait que l'un des grands opérateurs, Iberdrola, est celui qui a le plus contribué, durant cette période, à fournir de l'électricité produite à bas prix dans ses centrales hydroélectriques (23). Le deuxième opérateur, disposant d'une grande capacité de production hydroélectrique, est Endesa (24). Il est intéressant de souligner que, selon les autorités espagnoles et certains tiers concurrents, un grand nombre de ces installations hydroélectriques ont dû être utilisées pour produire de l'électricité afin de soulager les barrages et d'être prêts à freiner les crues. Comme, d'une manière générale, les prix sont fixés avec une marge étroite, au point d'équilibre entre l'offre et la demande, durant cette saison, les deux principaux opérateurs, qui ont dû décider de proposer de grandes quantités d'énergie à prix zéro pour être sûrs de la vendre, ont eu moins de succès dans l'élaboration d'offres destinées à maintenir un niveau de prix élevé. Néanmoins, une fois libérés de l'obligation d'écouler une grande quantité d'énergie hydroélectrique, leurs offres sont redevenues plus aptes à combiner ce type d'électricité et celle produite à un coût plus élevé. En conséquence, les prix ont grimpé jusqu'à retrouver leur niveau précédent.
(46) Ainsi que cela a déjà été mentionné plus haut, la situation décrite ici est néanmoins totalement conjoncturelle, dans la mesure où elle s'explique par des précipitations absolument exceptionnelles. En effet, la production hydraulique durant la période mai 2000-juin 2001 a constitué un record historique, puisqu'elle a été de 64 % supérieure à celle des douze mois précédents. Selon les calculs des autorités espagnoles, la probabilité que ce régime de production hydraulique soit égalé ou dépassé n'est que de 7 %. Il s'agit donc d'une situation atypique et ponctuelle qui ne saurait être interprétée comme la conséquence d'un changement structurel intervenu sur le marché espagnol de l'électricité, qui aurait affecté fondamentalement la position dominante collective des deux principaux producteurs.
(47) En tout état de cause, l'influence que l'électricité bon marché a exercée sur les prix du pool durant la période concernée permet de conclure qu'en règle générale la fourniture d'une quantité relativement importante d'électricité à bas prix entraîne une baisse des prix moyens. Étant donné que l'énergie importée joue le jeu de la concurrence au sein du pool de la même manière que l'énergie générée par le système, comme cela sera expliqué plus avant, on peut en conclure qu'une hausse des importations d'électricité (bon marché) sur le marché espagnol irait de pair avec une baisse proportionnelle du niveau des prix, car elle déplacerait la fixation du prix marginal vers des offres plus élevées. Cette conclusion se confirme particulièrement dans le cas des heures où la demande est basse et moyenne, si, du fait de l'augmentation des importations, les offres d'Endesa et d'Iberdrola n'étaient plus indispensables pour satisfaire la demande. Par ailleurs, il en va de même de l'énergie supplémentaire proposée sur le marché espagnol dans le cadre de contrats bilatéraux. Il en résulterait, en définitive, une augmentation de la concurrence sur le marché espagnol et un affaiblissement de la position dominante collective qui y existe actuellement.
(48) D'autre part, l'éventualité de la soumission simultanée d'offres à prix réduit est accrue tant par l'excédent de capacité et le mix technologique de certains opérateurs (en particulier, EDF et son excédent de production d'énergie d'origine nucléaire) que par l'écart de prix entre l'Espagne et d'autres pays d'Europe. Néanmoins, les limitations dues à la capacité actuelle d'interconnexion constituent une importante barrière à l'entrée sur le marché espagnol et facilitent le maintien et la consolidation du statu quo actuel, ainsi qu'on le verra plus loin.
2. La capacité (extrêmement) limitée d'importation librement disponible chez l'interconnecteur francoespagnol a favorisé la position dominante collective des producteurs espagnols
a) La situation actuelle de l'interconnexion entre la France et l'Espagne
(49) Le réseau électrique de la péninsule ibérique est relié est au réseau français par des interconnecteurs situés à la frontière entre les deux pays. La capacité installée actuelle, qui peut, en théorie, faire l'objet d'une exploitation commerciale, représente au plus 1 100 MW dans le sens France-Espagne et 1 000 MW dans le sens inverse (25).
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(50) Cette capacité d'interconnexion représente environ 3,5 % de la capacité nécessaire pour satisfaire la demande espagnole aux heures de pointe. Cependant, il convient de considérer que les chiffres mentionnés ne se rapportent pas à la capacité commerciale "réelle", c'est-à-dire à la capacité effectivement utile, mais bien à la capacité commerciale "prévisible". À titre d'exemple, en juillet/août 2000, la capacité commerciale "réelle" d'interconnexion entre la France et l'Espagne était d'environ 800 à 900 MW et, dans l'autre sens, de 400 à 700 MW(26). De plus, la capacité maximale d'interconnexion garantie n'est que de 550 MW(27) dans les deux sens. Enfin, il est également à noter que la capacité commerciale disponible est calculée indépendamment par les opérateurs des deux réseaux, la valeur utilisée étant la plus basse des deux.
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(51) L'insuffisance de l'interconnexion avec la France, qui convertit le marché espagnol en "île électrique", est mise en évidence par les ratios de capacité (29) et de capacité d'interconnexion par rapport à la demande en heures de pointe, qui atteignent pour l'Espagne des valeurs de 5 % et 6,6 %, respectivement. On peut dès lors conclure que les importations sont extrêmement limitées en raison de cette faible capacité commerciale d'interconnexion. Une comparaison de la capacité d'interconnexion installée entre d'autres États européens montre que l'Espagne enregistre le taux le plus bas par rapport à la capacité dont elle a besoin durant les périodes de pointe de la demande.
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(52) En somme, sur la base des chiffres présentés, on peut estimer que la moyenne communautaire se situe entre 15 et 20 %.
(53) Pour revenir au cas espagnol, entre 80 et 90 % des importations proviennent des interconnecteurs francoespagnols (qui représentent quelque 60 % de la capacité commerciale prévisible totale d'interconnexion en Espagne). En outre, [40 à 60]* % de la capacité commerciale prévisible d'interconnexion franco-espagnole sont réservés au contrat liant EDF et REE. Le contrat, consacré dans la neuvième disposition transitoire de la loi n° 54-1997 du 27 novembre 1997 sur le secteur électrique (30), prévoit la fourniture d'électricité pendant vingt années, dont une dizaine se sont déjà écoulées. Ce contrat a pour objet d'assurer l'approvisionnement électrique de REE en Espagne. Si l'on tient compte de ce contrat, l'interconnecteur dispose d'une réserve permanente de capacité de [500 à 600]* MW, ce qui équivaut à [80 à 100]* % de la capacité commerciale totale garantie. Les fournitures au pool se font donc à des prix connus des autres concurrents.
(54) Enfin, il importe de souligner que le niveau de saturation de cet interconnecteur a dépassé ces derniers temps les 90 %, ce qui signifie que l'interconnecteur a été presque entièrement utilisé pour les importations d'électricité en Espagne.
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(55) En plus du contrat à long terme avec REE et selon les chiffres fournis par les autorités espagnoles chargées de la concurrence, EDF utilise ordinairement [200 à 300]* MW supplémentaires de la capacité de l'interconnecteur. Par conséquent, le pourcentage total de la capacité commerciale prévisible d'interconnexion utilisée par EDF se situe aux alentours de [70 à 80]* %.
b) Possibilités d'augmentation de la capacité d'interconnexion dans un avenir proche
(56) Au début de 1990, EDF, propriétaire du réseau français et des interconnecteurs et responsable de leur bon fonctionnement, a décidé d'augmenter sensiblement la capacité d'interconnexion entre la France et l'Espagne. En 1996, des progrès considérables ont été enregistrés dans la planification de ces projets, de sorte que toutes les autorisations nécessaires à leur réalisation avaient été obtenues.
(57) La ligne prévue Aragón-Cazaril, résultant de ces contacts, devait apporter une capacité commerciale garantie d'environ 1 100 MW et la capacité commerciale prévisible totale découlant de l'application de ce plan aurait atteint 2 300 MW. Cependant, en 1996, le Gouvernement français a décidé de geler ces projets pour des raisons sociales (opposition locale) et écologiques (zones protégées) et EDF a dû indemniser l'opérateur du réseau espagnol, REE.
(58) En 1997, un nouvel accord a été signé. Les parties s'engageaient à augmenter la capacité commerciale d'interconnexion au travers des Pyrénées pour 2006, de préférence en utilisant la ligne Aragón-Cazaril, afin qu'elle entre en service avant cette date. Aux termes du contrat, les parties étaient responsables et devaient verser une indemnisation si la capacité d'interconnexion n'avait pas augmenté avant le 1er janvier 1997 (pour des raisons qui leur étaient imputables, s'entend). Au cas où elles n'obtiendraient pas les autorisations légales correspondantes (c'est-à- dire pour des raisons échappant à leur contrôle), la responsabilité des parties ne serait pas engagée. Cependant, d'autres lignes possibles de renforcement et d'augmentation de la capacité existante devaient être prévues. Il est à noter que la circonstance qu'aucune responsabilité ne soit prévue (dans l'hypothèse où les autorisations légales correspondantes ne seraient pas accordées) n'implique nullement l'absence d'intérêt économique d'EDF. L'accord a effectivement été signé par le producteur français (ainsi qu'il ressort des pièces dont dispose la Commission) et il s'agit donc d'un engagement crédible.
(59) Comme tant RTE que REE reconnaissent la nécessité d'accroître l'interconnexion entre la France et l'Espagne, elles ont conclu un accord pour améliorer la ligne Hernani-Cantegrit. De son côté, REE améliore l'interconnecteur de Vic qui alimente la ligne Vic-Baixas. À la suite de ces travaux et conformément aux informations fournies par l'opérateur de réseau espagnol, vers la mi 2002, la capacité commerciale prévisible d'interconnexion entre l'Espagne et la France devrait avoir augmenté de 500 MW, pour atteindre une capacité prévisible totale de 1 600 MW. Par conséquent, selon les engagements pris par EDF/RTE dans le cadre de l'accord de 1997 (création de la ligne Aragón-Cazaril ou autre solution de 1 200 MW), la capacité d'interconnexion devrait atteindre au moins 2 800 MW en 2006.
(60) REE et EDF-RTE ont récemment présenté à leurs gouvernements respectifs une étude conjointe relative à des tracés de rechange, dans laquelle elles évaluent des aspects écologiques et économiques. La décision finale n'a pas encore été prise par les autorités. En principe, EDF semble réticente à l'idée d'accepter la ligne qui traverse les Pyrénées centrales (Aragón-Cazaril) et préférerait passer par les Pyrénées orientales (le trajet du train à grande vitesse). Cette autre solution ne correspond pas à celle qui avait été négociée initialement (Aragón-Cazaril).
(61) La recherche d'autres tracés possibles par les deux opérateurs de réseau ne fait que confirmer un fait sur lequel nous reviendrons plus loin: l'existence d'incitations économiques d'EDF afin d'accroître considérablement le niveau de la capacité d'interconnexion entre la France et l'Espagne. En effet, la recherche de nouveaux tracés tend précisément à éviter que l'histoire de 1996 ne se répète. En définitive, les acteurs concernés n'ont rien fait d'autre qu'anticiper des difficultés hypothétiques (sociales ou écologiques), en essayant de dégager des solutions assurant la viabilité effective de l'augmentation prévue de la capacité d'interconnexion.
c) La capacité librement disponible actuelle est trop peu élevée pour pouvoir influencer significativement le marché espagnol de gros
(62) À la lumière du contrat à long terme conclu entre EDF et REE, qui occupe la majeure partie de l'interconnecteur franco-espagnol, la capacité restant théoriquement disponible pour les importateurs s'élève à environ [500 à 600]* MW, ce qui représente plus ou moins [1,5 à 2,5]* % de la capacité nécessaire pour satisfaire la demande espagnole aux heures de pointe.
(63) Les concurrents étrangers qui exportent de l'électricité vers l'Espagne se heurtent à d'importantes barrières à l'entrée sur le marché. Les quantités importées provenant d'entreprises autres que EDF sont très faibles (25 % environ, dont la majorité est fournie par Electrabel). En outre, [5 à 10]* % de l'ensemble des exportations provenant de France sont destinées aux opérateurs espagnols traditionnels et non au pool ou aux opérateurs étrangers indépendants. En d'autres termes, toutes les ventes d'électricité en Espagne ne concurrencent pas les offres des grands opérateurs.
(64) En fait, ainsi que l'ont indiqué les autorités espagnoles au cours de l'étude, l'isolement dû à la capacité d'interconnexion restreinte est un élément clé de la position dominante collective occupée par les deux principaux opérateurs du marché.
d) Le déficit d'électricité qui se fait actuellement sentir dans le Sud et l'Est de l'Espagne n'a aucune raison d'entraîner un effondrement du réseau en cas d'augmentation de la capacité d'interconnexion entre la France et l'Espagne durant les prochaines années
(65) Par ailleurs, EnBW affirme qu'en raison du déficit d'électricité actuel dans le Sud et l'Est de l'Espagne, qui oblige REE à mettre en service des centrales moins efficaces pour éviter un effondrement du réseau, une fourniture supplémentaire d'importance dans le nord, grâce à l'augmentation de la capacité de transport avec la France, pourrait aggraver la situation actuelle, en raison de l'état du réseau et compte tenu des difficultés que rencontre REE pour atteindre les zones où la demande n'est pas satisfaite.
(66) Cependant, il convient de tenir compte du fait qu'une grande partie des projets visant à créer une nouvelle capacité de production, auxquels EnBW fait elle-même allusion dans ses observations, se situeront dans le Sud et l'Est de l'Espagne, ce qui rend à tout le moins douteux que l'augmentation de la capacité d'interconnexion soit susceptible d'entraîner un effondrement du réseau (31). Il ne faut pas oublier non plus que c'est dans le nord de l'Espagne que se situent certains des principaux centres de consommation d'électricité du pays.
B. RENFORCEMENT DE LA POSITION DOMINANTE ACTUELLE SUR LE MARCHÉ ESPAGNOL
(67) Ainsi que cela sera détaillé plus loin, la Commission considère que l'opération notifiée se traduira par un renforcement de la position dominante du duopole existant sur le marché de gros de l'électricité en Espagne. En particulier, après la concentration, EDF perdra les incitations dont elle disposait auparavant pour accroître sensiblement ses exportations d'électricité vers le marché espagnol, après l'augmentation de la capacité d'interconnexion entre la France et l'Espagne. Cela se traduira à la fois par l'élimination du principal concurrent potentiel indépendant des producteurs espagnols actuels et par le renforcement de l'isolement du marché électrique espagnol par rapport à d'autres réseaux électriques européens non péninsulaires. Dans les deux cas, le résultat sera le renforcement de la position dominante collective actuelle sur le marché espagnol de l'électricité, qui sera protégé de la concurrence potentielle d'opérateurs établis dans d'autres États européens non péninsulaires par la barrière à l'entrée sur le marché que constituerait une capacité d'interconnexion internationale limitée et sans possibilités réelles de se développer significativement à l'avenir.
(68) Dans leurs réponses respectives à la communication des griefs, EnBW et le groupe Villar Mir soutiennent que le règlement sur les concentrations ne permet pas de déclarer une concentration incompatible avec le Marché commun dans le cas d'un renforcement de la position dominante collective occupée par des tiers autres que les parties concernées par la concentration et citent, à l'appui de ce moyen, divers arrêts des tribunaux communautaires et plusieurs décisions de la Commission (32).
(69) Néanmoins et ainsi que l'indiquent les parties dans leurs moyens, il existe un précédent dans la pratique de la Commission, la décision Exxon/Mobil (33), dans laquelle le renforcement d'une position dominante occupée par des tiers autres que les parties à l'opération de concentration examinée a été appréciée. Les parties allèguent toutefois que, dans cette affaire, il existait différents liens structurels entre l'entreprise concernée par la concentration et l'entreprise en situation de position dominante, tandis que, selon EnBW, dans l'opération notifiée, Hidrocantábrico n'a aucun lien structurel ou autre avec les membres du duopole.
(70) L'étude et, plus précisément, les renseignements fournis par les autorités ministérielles espagnoles ont toutefois révélé que, dans le cas d'espèce, il existait également divers liens structurels entre les parties notifiantes (et EDF, en tant qu'entreprise détenant le contrôle conjoint de l'une d'elles) et les membres du duopole en cause. Il s'agit notamment et précisément des liens suivants:
- propriété partagée de centrales comme celle de Trillo,
- présence dans l'actionnariat de l'opérateur Elcogas, SA, dans lequel Hidrocantábrico détient [3 à 5]* % du capital, Endesa et Iberdrola détenant respectivement 37,93 % et 11,10 % et EDF [25 à 30]* %,
- présence des quatre principaux producteurs espagnols dans l'actionnariat de OMEL à hauteur de 5,71 % du capital, respectivement,
- présence des quatre principaux producteurs espagnols dans l'actionnariat de REE, à hauteur de 10 % du capital, respectivement.
(71) Indépendamment de ce qui a déjà été dit, il convient également d'ajouter que, contrairement aux allégations des parties, il n'est pas indispensable, dans le cas d'une concentration impliquant le renforcement d'une position dominante de tiers qui ne sont pas parties à la concentration, que lesdits tiers aient des liens structurels étroits avec les entreprises notifiantes. Les parties déduisent l'existence de cette exigence de la décision Exxon/Mobil précitée. Or, cette décision énonce le principe selon lequel l'application du règlement sur les concentrations s'étend au renforcement d'une position dominante à laquelle ne participent pas les parties à la concentration, sans le soumettre à aucune condition particulière (34). En effet, l'article 2, paragraphe 3, du règlement sur les concentrations dispose que "les opérations de concentration qui créent ou renforcent une position dominante ayant comme conséquence qu'une concurrence effective serait entravée de manière significative dans le Marché commun ou une partie substantielle de celui-ci doivent être déclarées incompatibles avec le Marché commun". Cette disposition établit un lien de causalité entre la concentration en cause et (la création ou) le renforcement d'une position dominante. Rien dans le libellé de cette disposition ne permet de conclure que les parties notifiantes doivent nécessairement faire partie de celles qui détiennent une position dominante ni qu'elles doivent avoir des liens substantiels ou significatifs avec les tiers qui occupent cette position. On peut dès lors conclure, dans le droit fil du paragraphe précédent, qu'il ressort du texte de ce paragraphe de l'article que les concentrations susceptibles de renforcer une position dominante ayant pour effet d'entraver une concurrence effective sont incompatibles avec le Marché commun, indépendamment du fait que cette position dominante soit occupée par les entreprises parties à la concentration, par des entreprises liées structurellement avec celles-ci ou par des entreprises tierces.
(72) Enfin, EnBW soutient qu'il existe dans la législation espagnole et communautaire en matière de concurrence des dispositions autres que le contrôle communautaire des opérations de concentration qui permettent d'éviter d'éventuels abus des membres d'un duopole. Toutefois, ainsi que la Commission a eu l'occasion de l'indiquer précédemment (35), le règlement sur les concentrations instaure un système de contrôle structurel, destiné à éviter la création ou le renforcement d'une position dominante, et non un système de contrôle d'abus éventuels.
1. Il existe des incitations pour que les entreprises établies dans d'autres États membres entrent sur le marché de gros espagnol
(73) Ainsi que cela a été indiqué précédemment, le marché de gros de l'électricité en Espagne propose des prix intéressants pour les opérateurs établis dans d'autres États. En effet, le niveau de prix facturés aux clients qualifiés est, en règle générale, de plus de 30 % supérieur à celui pratiqué dans d'autres pays européens comme la France et l'Allemagne.
(74) Par ailleurs, il convient de relever que l'Espagne est traditionnellement importateur net d'électricité. Cela s'explique, tout d'abord, par la capacité de production installée et la combinaison de sources de production d'électricité dans le pays (le mix de production). Ensuite, la demande d'électricité a fortement augmenté ces dernières années, le taux de croissance moyen se situant aux alentours de 5 à 7 %. La création d'une nouvelle capacité de production n'a pas suffi à faire face à la hausse de la demande susvisée. L'étude a en outre révélé que la demande continuera à augmenter au cours des prochaines années à un rythme supérieur à 3 % (36).
(75) La législation actuellement en vigueur en Espagne permet aux fournisseurs étrangers de vendre de l'électricité directement au pool ou, subsidiairement, à des clients qualifiés et à des entreprises de production ou de commercialisation. Le système du pool dans sa configuration actuelle permet notamment aux opérateurs intéressés de développer leurs ventes en Espagne sans devoir au préalable acquérir une capacité de production dans ce pays.
(76) L'étude de marché réalisée par les services de la Commission a pleinement confirmé l'existence d'incitations à entrer sur le marché espagnol pour les opérateurs établis de l'autre côté des Pyrénées. Cette étude montre également qu'en dépit de ces incitations, les opérateurs se heurtent aux difficultés dues à la pénurie de capacité d'interconnexion existant entre l'Espagne et ses voisins, en particulier la France, un aspect qui sera examiné plus loin. En tout état de cause, il suffit d'indiquer pour l'instant, ainsi que le montrent tant les incitations des opérateurs que les difficultés liées à la faible capacité d'interconnexion, que la demande journalière des compagnies électriques européennes situées en dehors de la péninsule ibérique pour l'adjudication d'une capacité d'interconnexion avec l'Espagne est sept fois supérieure à la capacité physique d'interconnexion actuellement disponible.
2. EDF est le principal concurrent potentiel des producteurs espagnols
(77) EDF, dans sa situation actuelle d'opérateur étranger, est le principal concurrent potentiel des producteurs d'électricité espagnols. Tout d'abord, EDF dispose d'une capacité élevée de production d'énergie électrique en France, qui se caractérise par des coûts variables faibles, dus très largement à sa capacité de production d'énergie nucléaire. EDF est en mesure de fournir de l'énergie au marché de gros espagnol en périodes de demande moyenne et creuse. Ce type de capacité de production est particulièrement adapté lorsqu'il faut un approvisionnement continu et à long terme. En outre, cette entreprise dispose de moyens financiers très importants, ce qui lui permet d'être active sur des marchés situés en dehors de son marché domestique sans devoir s'y établir.
(78) Ces dernières années, EDF a élaboré une politique d'exportations d'électricité vers d'autres pays européens. Il y a également lieu de garder à l'esprit que la France occupe une position stratégique sur le marché européen libéralisé en raison de ses interconnexions avec le Royaume-Uni, la Belgique, l'Allemagne, la Suisse et l'Italie. Tout autre producteur établi dans l'un des pays cités ou au-delà des frontières de ceux-ci et désireux d'exporter de l'électricité en Espagne devra le faire en passant par le réseau de transmission et les interconnecteurs français, ce qui les place dans une situation moins avantageuse, stratégiquement parlant.
(79) À l'heure actuelle, EDF réalise des ventes représentant approximativement [< 5]* % des ventes totales au pool espagnol (y compris le contrat à long terme conclu entre EDF et REE), tandis que le total des importations et des échanges internationaux s'élève à environ 5 % des ventes totales sur le marché de gros. Le fait que EDF représente traditionnellement une part très importante de la capacité d'interconnexion à la frontière franco-espagnole a contribué d'une manière déterminante à ce niveau de vente, ainsi que cela a déjà été mis en évidence. Ce phénomène a contribué à garantir un flux continu d'électricité à prix constant.
(80) Enfin, soulignons encore que la proximité géographique entre le marché domestique d'EDF et l'Espagne représente un avantage considérable pour cette entreprise. EDF jouit d'une situation de quasi monopole en France en ce qui concerne la capacité de production. À l'intérieur du marché français, il est peu probable que les concurrents étrangers puissent acheter de l'électricité à EDF. En conséquence, ceux-ci doivent l'acheter dans d'autres pays et, ensuite, effectuer les démarches nécessaires pour assurer son transport par le réseau électrique français jusqu'à la frontière franco-espagnole. Ainsi que l'ont mis en évidence les réponses des concurrents dans le cadre de l'étude réalisée par les services de la Commission, il semble qu'il y ait fréquemment des problèmes de connexion dans le sud de la France, raison pour laquelle RTE applique fréquemment des tarifs ou des surtaxes d'encombrement aux usagers du réseau de transmission. Les fournisseurs étrangers doivent donc tenir compte de ces coûts dans leurs offres, ce qui est particulièrement complexe lorsque l'on conclut des contrats d'approvisionnement avec plusieurs mois d'avance. Ce facteur réduit la rentabilité des exportations d'électricité de ces opérateurs. Pour EDF, en revanche, la situation est plus favorable, dans la mesure où elle dispose d'un avantage comparatif sur le plan de l'accès à l'information et de sa dynamique de production, ce qui lui permet d'éviter ou de réduire au minimum les surtaxes d'encombrement et de présenter des offres à prix plus bas et plus prévisibles.
3. Avant la concentration proposée, EDF bénéficiait d'incitations claires pour accroître ses exportations vers l'Espagne et donc encourager l'augmentation de la capacité d'interconnexion
(81) Les activités d'EDF dans le passé traduisent sa volonté d'accroître sa présence sur le marché espagnol. En effet, l'étude a montré que la compagnie française avait donné des preuves manifestes de sa volonté d'augmenter l'interconnexion entre la France et l'Espagne afin de faciliter le développement de ses exportations vers la péninsule ibérique. Il ne faut pas oublier que la signature de l'accord initial Aragón - Cazaril révèle que figurait parmi les objectifs stratégiques d'EDF le projet de construction d'une troisième ligne d'interconnexion de 1 200 MW. EDF a ainsi contribué audit projet en apportant des ressources humaines et financières considérables durant ses différentes phases (planification, ingénierie, procédures d'autorisation) pendant près de dix ans. Le gel du projet en 1996 ne signifie pas pour autant que EDF n'ait plus d'intérêt économique à accroître sensiblement la capacité d'interconnexion avec l'Espagne. Les caractéristiques du marché espagnol et d'EDF, tout comme sa position sur le marché français, nourrissaient cet intérêt. Les raisons du gel, déjà évoquées, n'avaient rien à voir avec la volonté du producteur français, mais étaient liées à certains facteurs ne dépendant pas de lui et qui ont poussé le Gouvernement français à suspendre le projet. Enfin, et de surcroît, la signature d'un nouvel accord en 1997 a confirmé la volonté d'EDF de parvenir à une augmentation importante de la capacité d'interconnexion entre la France et l'Espagne et, partant, d'améliorer sa position sur le marché espagnol grâce à la hausse significative de ses exportations. En outre, EDF-RTE s'est engagée à renforcer la ligne Hernani - Cantegrit de 300 MW et étudie avec RTE la viabilité d'une nouvelle augmentation de 1 200 MW. Tout cela, conjugué au renforcement de l'interconnecteur espagnol de Vic que réalise REE (ce qui donnera 200 MW supplémentaires) pourrait aboutir à une capacité d'interconnexion totale (pour autant qu'une volonté politique et économique suffisante existe) de 3 800 à 4 000 MW en 2007. L'étude de marché réalisée par la Commission a, par ailleurs, confirmé que REE était extrêmement intéressée par une augmentation de la capacité commerciale d'interconnexion espagnole pouvant atteindre jusqu'à 6 000 MW.
(82) Il a été mis en évidence dans les sections qui précèdent que les opérateurs non établis en Espagne souhaitaient exporter de l'électricité vers le marché espagnol. Par ailleurs, il en ressort que EDF occupe une place particulièrement privilégiée qui en fait, en tant qu'exportateur étranger, le principal concurrent potentiel des entreprises espagnoles de production d'électricité.
(83) Ainsi qu'on le verra, EDF dispose non seulement du potentiel nécessaire pour accroître ses exportations vers l'Espagne, mais aussi, si l'opération de concentration proposée n'aboutissait pas, d'incitations puissantes pour accroître effectivement ses exportations et donc renforcer sa position sur le marché espagnol.
(84) Tout d'abord, les prix de l'électricité sont plus élevés en Espagne qu'en France et EDF dispose d'une capacité de production excédentaire. Une comparaison entre le niveau des prix espagnols et français ces dernières années fait apparaître que les prix appliqués aux consommateurs espagnols qualifiés sont, en général, de plus de 30 % supérieurs à ceux pratiqués en France. Ce n'est que durant les périodes de précipitations exceptionnellement abondantes, comme au cours des premiers mois de 2001, que les prix en Espagne se rapprochent de ceux du marché français. Si l'on ajoute à cela l'excédent de capacité de production d'EDF, il semble évident qu'il est intéressant pour cette entreprise de développer sensiblement ses exportations d'électricité vers le marché espagnol.
(85) Par ailleurs, la stratégie paneuropéenne d'EDF l'oblige à être capable d'approvisionner les clients internationaux établis en Espagne. En effet, dans la décision EDF/EnBW (37), la Commission faisait déjà allusion à la stratégie adoptée par cette entreprise ces dernières années, qui la place dans une situation unique pour offrir un approvisionnement véritablement paneuropéen à ses clients industriels et commerciaux. Cette stratégie passe, entre autres, par le renforcement de sa position sur le marché espagnol.
(86) En ce qui concerne la capacité d'interconnexion actuelle restreinte entre la France et l'Espagne, il est évident que EDF ne peut augmenter significativement ses exportations vers le marché espagnol sans accroître au préalable la capacité d'interconnexion existante. En effet, même dans le cadre du système d'adjudication actuel de la capacité, qui permet à EDF d'utiliser la majeure partie de la capacité commerciale disponible (environ [70 à 80]* %), EDF ne peut conquérir de position significative sur le marché espagnol en tant qu'exportateur étranger que si la capacité d'interconnexion entre la France et l'Espagne augmente considérablement.
(87) Comme cela a déjà été dit, EDF a fait la preuve dans le passé de son intention d'augmenter l'interconnexion entre les deux pays non seulement en s'appuyant sur le renforcement des lignes existantes, mais également en faisant figurer parmi ses objectifs stratégiques le projet de ligne Aragón - Cazaril. Par ailleurs, même s'il est vrai que les premiers travaux de ce projet ont débuté avant la libéralisation du marché de l'électricité, les incitations justifiant la stratégie d'EDF d'étendre ses activités d'exportateur d'électricité en Espagne n'ont pas diminué, bien au contraire, ainsi que cela a déjà été indiqué.
4. Une hausse substantielle des exportations vers l'Espagne après avoir augmenté la capacité d'interconnexion renforcerait la concurrence sur le marché espagnol de l'électricité et affaiblirait la position dominante collective existante
(88) Compte tenu des difficultés rencontrées pour construire une nouvelle capacité de production en Espagne, qui servirait de solution de rechange à celle qui est contrôlée par les quatre principaux producteurs espagnols (38), le premier moyen d'accroître la concurrence sur le marché oligopolistique espagnol consiste à augmenter considérablement les exportations d'électricité provenant d'autres pays européens et destinées au marché espagnol.
(89) Cette conclusion coïncide avec les résultats de l'analyse réalisée par le Tribunal de defensa de la competencia lors de son examen de l'opération de concentration entre Unión Eléctrica Fenosa et Hidroeléctrica del Cantábrico: "le mode de fonctionnement de la production d'énergie électrique repose sur le fait de pouvoir faire des offres au pool, par l'intermédiaire du mécanisme de la libre concurrence. Les soumissionnaires peuvent faire leurs enchères pour de l'énergie provenant d'unités de production situées sur le territoire espagnol ou provenant de l'étranger par le biais d'importations. L'énergie importée est mise en concurrence dans le pool de la même manière que l'énergie produite par le réseau. En résumé, la concurrence aux opérateurs déjà présents dans le système espagnol pourrait venir non seulement de nouveaux producteurs, mais aussi des importateurs. Cette solution permettrait en outre d'accélérer l'introduction de la concurrence, puisqu'il ne faudrait pas attendre plusieurs années comme dans le cas des nouvelles centrales" (39) (soulignement ajouté). On peut dès lors conclure des observations dudit Tribunal que les exportations d'électricité vers le marché espagnol constituent un instrument particulièrement adapté pour accroître le degré de concurrence sur ce marché. Cela contredit les allégations des parties notifiantes en ce qui concerne l'importance exagérée que, selon elles, la communication des griefs accorde au rôle que doivent jouer les exportations, en particulier celles provenant d'EDF.
(90) À l'heure actuelle, néanmoins, les limitations dues à la faiblesse de la capacité d'interconnexion entre l'Espagne et les autres pays d'Europe non péninsulaires empêchent les exportations vers le marché espagnol de jouer un rôle actif dans le renforcement de la concurrence sur le marché espagnol de l'électricité. En particulier, le pourcentage de la demande totale d'électricité en Espagne couvert par des importations provenant de la frontière franco-espagnole ne représente que 3,5 à 4 % (quelque 8 000 GWh). Toutefois, les choses pourraient changer en raison de l'intérêt stratégique pour EDF et d'autres opérateurs européens d'accroître sensiblement leurs exportations vers l'Espagne.
(91) En effet, une augmentation relativement importante des exportations d'électricité vers l'Espagne aurait des effets marqués tant sur le niveau des prix pratiqués sur le marché de gros espagnol que sur la situation actuelle de statu quo oligopolistique sur ce marché. Les opérateurs étrangers pourraient ainsi entrer plus facilement sur le marché organisé et accéder plus aisément à des contrats bilatéraux directs, en même temps que l'offre d'électricité augmenterait sur le marché espagnol de l'électricité. Tout cela réduirait l'isolement du marché espagnol, encouragerait sensiblement la pression de la concurrence à l'intérieur de celui-ci et ferait baisser les prix de l'électricité.
(92) Cette augmentation de l'offre sur le marché de gros entraînerait non seulement une réduction relative des parts de marché des deux principaux opérateurs espagnols, mais, surtout, une diminution de leur capacité respective de fixer les prix du pool. En effet, si les exportations vers le marché de gros espagnol concernent de l'électricité bon marché (par exemple, de l'énergie d'origine nucléaire en provenance de France), ces exportations feraient perdre de l'importance à d'autres offres plus chères dans la formation du prix marginal, en introduisant une pression concurrentielle sur le marché. Le phénomène décrit plus haut, selon lequel les ventes des opérateurs étrangers entraînent une baisse des prix, soit directement (en fixant le prix marginal), soit indirectement (en obligeant les principaux opérateurs à soumissionner plus bas) sera d'autant plus net que le volume des exportations vers le marché espagnol sera élevé.
(93) L'étude révèle que l'évolution récente du marché de l'électricité corrobore l'analyse ci-dessus. Ainsi, la baisse des prix intervenue sur le marché espagnol en 2000 et 2001 sous l'effet de l'augmentation du niveau hydraulique illustre bien les effets d'une augmentation de l'énergie bon marché proposée au pool. En effet, la hausse marquée de la production d'énergie hydroélectrique enregistrée en Espagne entre novembre 2000 et mars 2001 a provoqué une baisse sensible du prix de l'électricité, ayant atteint 42 % (40). Sur une période de référence plus longue, si l'on considère deux périodes de 13 mois consécutives (de mars 1999 à mars 2000 et de mars 2000 à mars 2001), une hausse de l'offre de production d'hydroélectricité de 22 811 GWh a entraîné une baisse des prix de l'électricité légèrement supérieure à 30 % au cours des périodes considérées.
(94) L'augmentation de l'offre d'électricité est quantitativement et qualitativement comparable à celle qui découlerait d'une hausse substantielle de la capacité d'interconnexion entre la France et l'Espagne. Premièrement, et comme avec la capacité actuelle (1 100 MW), les exportations provenant de France s'élèvent à 8 TW/h, un accroissement supplémentaire de 3 000 MW, c'est-à-dire une capacité commerciale d'interconnexion totale de 4 000 MW, ferait passer l'offre de 20 à 24 TW/h annuelles environ. Deuxièmement, au point de vue qualitatif, l'énergie exportée vers l'Espagne serait probablement composée d'électricité produite dans des installations à faibles coûts marginaux qui pourrait ainsi arriver sur le marché de gros espagnol à des prix inférieurs à ceux qui y sont traditionnellement pratiqués.
(95) La dynamique observée dans l'évolution récente du marché espagnol et, notamment, le parallélisme avec l'augmentation de la production hydraulique permettent de conclure qu'une augmentation de l'interconnexion, avec la hausse consécutive des exportations d'électricité vers l'Espagne, favoriserait sensiblement une formation correcte des prix sur le marché organisé (en particulier durant les périodes de demande faible et moyenne, lorsque l'offre d'Endesa et d'Iberdrola n'est pas indispensable pour satisfaire la demande) et au niveau des contrats bilatéraux et entraînerait notamment une baisse sensible des prix du marché de gros espagnol, en renforçant sa capacité de réaction, en intensifiant la concurrence et en affaiblissant la position dominante actuelle du duopole. En fin de compte, l'augmentation de l'interconnexion serait un facteur important de réserve de capacité, c'est-à-dire d'offre excédentaire par rapport à la demande, à l'intérieur d'un réseau électrique où l'on négocie une marchandise que l'on ne peut pas stocker.
(96) Dans leurs réponses respectives à la communication des griefs, les parties prétendent que cette analyse est exagérément simpliste. Cependant, elles n'avancent aucune donnée fiable permettant de conclure que l'augmentation de l'interconnexion n'irait pas de pair avec une baisse des prix sur le marché espagnol, comme cela a été le cas dans la situation analysée plus haut, EnBW se bornant à affirmer qu'il n'existe aucun rapport entre le ratio de capacité et les prix de l'électricité. Cette affirmation n'est en tout état de cause absolument pas avérée puisque, selon les données fournies par EnBW elle-même au sujet des prévisions de prix pour 2002, si l'on excepte la Belgique et les Pays-Bas, dans les pays où les niveaux de capacité d'interconnexion par rapport à la demande aux heures de pointe sont inférieurs à 15 % (Italie, Portugal et Espagne), les prix sont plus élevés que dans les pays où les niveaux sont supérieurs à 15 % (Allemagne, Suisse, France et Autriche) (41).
5. L'opération ne peut avoir d'effets favorables sur la concurrence si la capacité d'interconnexion entre l'Espagne et la France n'est pas développée
(97) En réponse à la communication des griefs, les parties notifiantes affirment que l'opération analysée favorise la concurrence par rapport à Endesa et Iberdrola. EnBW, notamment, allègue qu'à l'issue de l'opération de concentration, "la position dominante des membres du duopole sera affaiblie et la concurrence par les prix se développera " du fait, essentiellement, que EnBW peut apporter son savoir-faire technique à Hidrocantábrico et qu'en tant que membre du groupe EDF, Hidrocantábrico bénéficiera du soutien financier et de meilleurs ratios de crédit et pourra ainsi acheter ou construire d'autres centrales.
(98) À cet égard, la Commission rappelle que, ainsi qu'elle l'a déjà démontré plus haut, le niveau de prix du marché espagnol est influencé par l'augmentation des fournitures d'énergie bon marché proposée au pool. Le transfert de propriété prévu d'une centrale comme celle de Viesgo, qui appartient à Endesa, dotée d'une capacité correspondant à 5 % de la capacité de production espagnole (+ 2 500 MW) ne s'accompagne ni d'une augmentation de l'énergie bon marché proposée au pool ni d'une baisse substantielle de la part de marché d'Endesa. En outre, il convient de se rappeler que (si la capacité d'interconnexion n'augmente pas), la création d'un lien structurel de contrôle entre EDF et Hidrocantábrico signifie la disparition de la principale source de concurrence étrangère sur le marché espagnol. Ces points seront développés plus en détail ci- dessous.
6. L'augmentation prévue de la capacité de production espagnole ne fera pas disparaître le duopole Endesa-Iberdrola
(99) S'il est vrai, comme on l'a vu, que la capacité de production de Hidrocantábrico peut se développer au cours des prochaines années (améliorant ainsi sa position sur le marché espagnol), il convient de se rappeler que, malgré le délai légal, rappelé par EnBW, qui empêche les membres du duopole d'investir provisoirement dans de nouvelles capacités (42), ces deux entreprises ont également prévu de mettre prochainement en service des centrales de nouvelle génération. À titre d'exemple, on peut citer San Roque (Endesa), dotée d'une puissance installée de 400 MW, dont la mise en service est prévue en 2002, Besós (Endesa et Gas Natural), d'une puissance installée de 800 MW, dont la mise en service est prévue en 2002, Castellón (Iberdrola, Repsol et BP), d'une puissance installée de 800 MW, dont la mise en service est prévue en 2002, Castejón (Iberdrola), d'une puissance installée de 400 MW, dont la mise en service est prévue en 2002, etc. Les parts de production prévues pour Endesa et Iberdrola ne s'écarteront probablement pas fondamentalement de leurs parts actuelles au cours des prochaines années, du moins pas au point de mettre en péril, par ce seul facteur, le duopole existant.
(100) Enfin, en dépit du fait que les nouvelles centrales programmées entraîneront, selon les chiffres dont dispose la Commission (43), une augmentation de la capacité de production de 10 à 15 % d'ici 2005, compte tenu de la hausse prévisible de la demande et du coût de l'énergie produite (très supérieur à celle produite en France et dans d'autres pays européens), on ne s'attend pas à ce que l'augmentation de l'énergie proposée au pool en provenance des nouvelles centrales ait un effet sur les prix (44) ou sur la capacité de fixation de ceux-ci par Endesa et Iberdrola. Il ne faut pas oublier que l'énergie provenant des centrales à cycle combiné (d'où viendra la majeure partie de l'énergie supplémentaire fournie au pool au cours des prochaines années) a des coûts de production très supérieurs à l'énergie nucléaire produite par EDF et que, ainsi que cela a déjà été dit, une partie importante des nouvelles centrales à cycle combiné qui devraient entrer en fonction d'ici 2005 seront totalement ou partiellement aux mains d'Endesa et d'Iberdrola.
(101) En conséquence, même si l'augmentation de capacité de production prévue, en particulier celle découlant de l'arrivée de nouveaux opérateurs sur le marché de gros de l'électricité en Espagne, peut y renforcer la concurrence, certes dans une mesure limitée, elle ne devrait pas aboutir à la disparition du duopole Endesa/Iberdrola. L'entrée d'EDF sur le marché espagnol par l'intermédiaire de Hidrocantábrico, accompagnée du gel de l'augmentation de la capacité d'interconnexion entre la France et l'Espagne, renforcerait donc, en tout état de cause, le duopole (actuel et futur).
7. À l'issue de la concentration proposée, l'intérêt d'EDF à accroître sensiblement la capacité d'interconnexion entre la France et l'Espagne disparaîtra
(102) Une fois consommée la concentration proposée, il est à prévoir que la situation stratégique d'EDF par rapport au marché espagnol sera fondamentalement modifiée et marquée par un changement notable des objectifs commerciaux à moyen et long terme.
a) EDF acquiert une capacité de production importante en Espagne et, de ce fait, occupe une position de poids sur le marché espagnol de l'électricité
(103) À l'issue de l'opération, EDF acquiert le contrôle conjoint de Hidrocantábrico, qui dispose d'une part de production en Espagne représentant environ 5 % de la capacité totale installée dans ce pays. En outre, Hidrocantábrico est traditionnellement vendeur net sur le marché de gros. En particulier, la part de cette entreprise dans les ventes sur le marché journalier du pool s'est élevée à plus de [5 à 10]* % en 2000. Il faut ajouter à cela l'activité d'EDF en tant qu'opérateur étranger, c'est-à-dire ses exportations vers le marché espagnol, qui ont représenté environ [< 5]* % des ventes sur le marché journalier au cours de la même période.
(104) Après la concentration, EDF contrôlera, directement, collectivement ou indirectement une quantité d'énergie se situant aux alentours de [9 à 12]* % des ventes sur le marché journalier du marché de gros de l'électricité en Espagne. Cela représente une présence de poids sur le marché espagnol de l'électricité, légèrement inférieure à celle du troisième opérateur (Unión Fenosa), mais encore loin derrière celles des deux opérateurs dominants (Endesa et Iberdrola).
(105) Par ailleurs, la position d'EDF sur le marché espagnol pourrait se renforcer, quoique dans une mesure limitée, car Hidrocantábrico acquerra davantage de poids sur le marché de la production, que ce soit par la construction de nouvelles centrales (45) (en mettant à profit les restrictions imposées par la loi à Endesa et Iberdrola en ce qui concerne la construction d'une nouvelle capacité) ou par une politique de rachat de capacités de production. En tout état de cause, la marge d'extension ne devrait pas mettre EDF en situation de faire disparaître le duopole constitué par les deux principaux opérateurs existants. Par ailleurs et ainsi qu'il sera précisé plus avant, on ne saurait prédire si EDF disposera d'incitations économiques et commerciales pour mener des actions susceptibles d'entraîner une baisse importante du niveau actuel des prix sur le marché de gros espagnol.
La participation financière d'EDF dans Hidrocantábrico
(106) Durant l'étude, les parties ont fait valoir que, s'il est indiscutable qu'à l'issue de l'opération, EDF contrôlera conjointement Hidrocantábrico, sa participation financière dans cette dernière reste néanmoins limitée, car EDF détient 34,5 % d'EnBW, qui elle-même possède 50 % de Ferroatlántica, laquelle détient près de 60 % de Hidrocantábrico. Elles en déduisent que la participation qu'aura EDF dans l'exploitation de Hidrocantábrico sera peu significative, ce qui influencera la prise des décisions stratégiques visées dans la présente décision.
(107) Premièrement, il convient d'insister sur le fait que EDF contrôlera, quoique collectivement et indirectement, Hidrocantábrico. Cela signifie qu'outre les incitations financières concrètes, la participation d'EDF dans une entreprise présente dans le même secteur d'activité sur un marché extrêmement attrayant pour l'opérateur français vise à atteindre divers objectifs stratégiques et industriels (participation dans le capital de REE (46), et donc les informations supplémentaires sur la gestion du réseau espagnol de transmission; positionnement en tant que fournisseur paneuropéen; possibilités d'exporter vers le Maroc et le Portugal sans devoir augmenter l'interconnexion franco-espagnole).
(108) Outre cette vérification initiale et sous un angle dynamique, l'étude révèle que la participation financière d'EDF dans Hidrocantábrico peut non seulement s'accroître dans un avenir proche, mais qu'il est hautement probable qu'il en sera ainsi. Cette augmentation peut revêtir diverses formes et se traduire, par exemple, par une participation financière plus importante de Ferroatlántica dans Hidrocantábrico ou par l'achat direct d'actions de cette dernière par EnBW ou EDF et EnBW, voire par une participation financière accrue d'EnBW dans Ferroatlántica ou d'EDF dans EnBW. En particulier, en ce qui concerne l'actionnariat de Hidrocantábrico qui n'a pas été racheté par Ferroatlántica dans le cadre de l'opération notifiée, il est bon de souligner que cette opération s'est déroulée à un moment où jusqu'à trois offres publiques d'achat destinées à prendre le contrôle de cette entreprise ont été présentées (bien que l'une d'elles ait ensuite été retirée). Les intérêts des autres actionnaires de Hidrocantábrico pourraient donc changer après la consolidation de la situation de contrôle résultant de l'opération notifiée, ce qui pourrait permettre à EDF d'accroître (directement ou indirectement) sa participation dans Hidrocantábrico. Par ailleurs, l'étude révèle qu'EDF dispose d'incitations stratégiques, économiques et financières claires pour accroître sa participation dans Hidrocantábrico. Une participation financière accrue d'EDF dans Hidrocantábrico se traduira par une augmentation de sa participation aux bénéfices d'exploitation de cette entreprise, augmentation qui sera supérieure, ainsi qu'on le verra, aux bénéfices qu'EDF pourrait retirer d'un accroissement de la capacité d'interconnexion.
(109) En tout état de cause, l'étude montre, ainsi qu'on le verra, que, même dans une situation de contrôle collectif de Hidrocantábrico par EDF avec une participation financière indirecte avoisinant les 10 %, l'intérêt de l'entreprise française à augmenter la capacité d'interconnexion est moindre qu'avant la concentration, lorsque EDF ne disposait pas d'une capacité de production en Espagne.
b) Le renforcement important de la position d'EDF sur le marché espagnol a lieu sans qu'augmente l'offre d'énergie en Espagne
(110) Ainsi que cela a déjà été dit, à l'issue de l'opération, EDF détiendra le contrôle conjoint de Hidrocantábrico, dont la capacité de production d'électricité avoisine les 2 175 MW. Cette capacité peut d'ailleurs être développée, comme cela a déjà été mentionné.
(111) Pour obtenir une quantité d'électricité supplémentaire équivalente en tant qu'exportateur étranger, c'est-à-dire en exportant depuis la France, EDF devrait au préalable obtenir un accroissement sensible de la capacité d'interconnexion entre ce pays et l'Espagne. En supposant même que la situation actuelle, dans laquelle EDF utilise en règle générale [70 à 80]* % de la capacité commerciale d'interconnexion existante, demeure inchangée, l'interconnecteur actuel devrait être renforcé d'au moins 3 000 MW, ce qui porterait la capacité commerciale totale d'interconnexion à plus de 4 000 MW. En tout état de cause, ce chiffre est une estimation prudente, car si l'on prend en considération un niveau d'utilisation inférieur de l'interconnecteur et un développement donné de la capacité de Hidrocantábrico, la capacité d'interconnexion nécessaire serait sensiblement supérieure.
(112) Cet accroissement de la capacité d'interconnexion et, partant, des exportations vers l'Espagne, devrait avoir des répercussions sur les prix du marché de gros espagnol, ainsi que cela a déjà été expliqué. Par ailleurs, l'augmentation de la capacité d'interconnexion favoriserait non seulement EDF, mais également d'autres opérateurs européens désireux d'exporter vers le marché espagnol.
(113) Grâce à l'opération proposée, EDF détiendra, en revanche, une position significative sur le marché espagnol, sans augmenter pour autant le volume d'énergie proposée au pool ni menacer la position dominante collective actuelle et le niveau élevé des prix en vigueur en Espagne.
c) EDF sera vraisemblablement intéressée par le maintien d'un isolement relatif du marché espagnol de l'électricité afin d'empêcher de nouveaux concurrents de remettre en cause le niveau actuel des prix
(114) EDF cesse d'être un simple exportateur étranger pour contrôler conjointement un des opérateurs du marché espagnol. La combinaison du contrôle (conjoint) d'une importante capacité domestique de production sur le marché espagnol, fruit de l'opération proposée, et d'une utilisation majoritaire de la capacité d'interconnexion existante entraînera vraisemblablement un changement qualitatif des intérêts stratégiques d'EDF.
(115) EDF unit donc ses intérêts à ceux d'un opérateur déjà établi sur le marché espagnol et doté de sa propre capacité de production. Par ailleurs, les caractéristiques particulières du parc de production de l'entreprise espagnole (production d'énergie essentiellement thermique) semblent compléter parfaitement celles d'EDF (production d'énergie d'origine essentiellement nucléaire).
(116) L'étude montre qu'à l'issue de la concentration, EDF sera logiquement plus intéressée à profiter de sa situation confortable sur le marché oligopolistique espagnol, en profitant des prix extrêmement concurrentiels pratiqués par le pool, qu'à augmenter les exportations vers celui-ci en augmentant la capacité d'interconnexion. En effet, une augmentation importante de la capacité d'interconnexion et l'accroissement consécutif des importations dans le pool vont de pair avec une chute sensible des prix de celui-ci, ainsi que cela a déjà été exposé. Cette chute des prix aura des répercussions sur les bénéfices de Hidrocantábrico (et, indirectement, sur ceux d'EDF). Eu égard au mix de production de Hidrocantábrico, cette baisse des prix auxquels cette entreprise vendra son électricité s'accompagnera vraisemblablement d'une réduction relative de la quantité effectivement vendue, notamment de l'énergie produite aux coûts marginaux les plus élevés. Ces réductions des quantités vendues par Hidrocantábrico et des prix du pool entraîneront, en fin de compte, une baisse du bénéfice que EDF tirera de l'exploitation de l'entreprise espagnole et, ainsi que l'étude l'a montré, elles ne seront pas compensées par une hausse des exportations d'EDF vers le marché espagnol, qui seront également payées au prix marginal inférieur résultant de l'ouverture du marché provoquée par l'accroissement considérable de la capacité d'interconnexion.
(117) Tout compte fait, du point de vue d'EDF, il est intéressant de maintenir le statu quo, avec des prix élevés lui permettant de maximaliser les profits et d'amortir ses investissements. Du fait de son contrôle conjoint sur EnBW, EDF a un intérêt certain à ce que les actifs acquis par l'opération de concentration produisent des bénéfices qui compensent les coûts d'investissement, ce qui lui est garanti si le niveau élevé des prix du pool est maintenu. Par conséquent, la stratégie permettant à EDF de maximaliser ses profits passe, pour les raisons déjà évoquées, non pas par un accroissement substantiel de la capacité d'interconnexion, mais bien par un développement relativement limité de la capacité de production de Hidrocantábrico et des ventes de cette entreprise sur le marché espagnol, qui ne mette pas en danger le niveau actuel des prix du pool.
(118) En effet, en développant la capacité de production de Hidrocantábrico en Espagne, EDF garde la maîtrise totale des effets de sa décision sur la structure de la capacité sur le marché espagnol, alors que, comme cela a été dit plus haut, l'accroissement de la capacité d'interconnexion profite non seulement à EDF, mais également aux autres opérateurs établis en dehors de la péninsule ibérique, avec lesquels EDF devra concourir pour obtenir une utilisation substantielle de la nouvelle capacité d'interconnexion (en particulier, dans un système de mise aux enchères pour en obtenir l'accès. En somme, une fois qu'elle sera bien implantée en Espagne, EDF aura intérêt à maintenir la barrière à l'entrée que constitue une capacité d'interconnexion clairement insuffisante et donc à éviter que d'autres opérateurs établis dans des États membres non péninsulaires puissent accroître leurs exportations vers le marché espagnol, avec l'effet que cela pourrait avoir sur les prix dudit marché. La décision de s'opposer au développement de l'interconnexion - il est bon d'insister sur ce point - ne supprime pas les autres possibilités stratégiques de croissance d'EDF sur le marché espagnol, qui passent par le développement de la capacité de production de Hidrocantábrico, comme cela a été dit. En d'autres termes, le fait de ne pas développer la capacité d'interconnexion maintient les barrières à l'entrée pour les exportations vers l'Espagne pour les opérateurs non établis dans ce pays, sans toutefois affecter d'une manière significative les autres choix stratégiques possibles d'EDF.
(119) On peut conclure des éléments développés plus haut que la stratégie la plus avantageuse pour EDF, une fois la concentration réalisée, consistera à adapter sa stratégie commerciale à celle des autres compagnies espagnoles d'électricité, dans le cadre du duopole existant. Les bénéfices d'EDF, tout comme ceux des autres producteurs, seront élevés dans la mesure où les prix du pool demeureront élevés. En outre, en sa qualité d'exportateur étranger, EDF continuera à bénéficier du niveau des prix espagnols, supérieurs à ceux qui sont pratiqués en France.
(120) En effet, dans le cadre du système actuel d'attribution de la capacité, EDF continuera à profiter de la possibilité d'utiliser la majeure partie de la capacité d'interconnexion pour ses exportations vers le marché espagnol. Même si le changement convenu de système d'attribution devait se produire prochainement (ce qui n'affectera en principe par les quantités visées par le contrat entre EDF et REE), il semble prudent de supposer que EDF continuera à bénéficier d'une part importante de la capacité d'interconnexion, qu'elle pourra utiliser pour réaliser des bénéfices considérables sur les quantités d'électricité exportées vers l'Espagne. Par contre, la capacité actuelle d'interconnexion empêchera le développement d'une concurrence effective sur le marché de gros en Espagne avec des opérateurs établis à l'étranger qui, EDF mise à part, ne jouent actuellement qu'un rôle mineur sur le marché espagnol. Si la capacité d'interconnexion n'est pas augmentée sensiblement au cours des prochaines années, le rôle des opérateurs non établis en Espagne demeurera marginal, ce qui permettra aux opérateurs espagnols, et maintenant à EDF, de continuer à vendre leur produit dans une relative tranquillité sur le marché espagnol sans être soumis à une concurrence effective des premiers.
(121) Il est dès lors très improbable que d'autres concurrents non établis en Espagne puissent concurrencer avec succès les opérateurs présents sur le marché espagnol en raison de la capacité limitée d'interconnexion et ce, même si le nouveau mécanisme d'attribution de la capacité les autorise à l'utiliser davantage. Sur la base des chiffres cités plus haut, la capacité commerciale disponible de l'interconnecteur reliant la France à l'Espagne correspond environ à [500 à 600]* MW (résultat de la soustraction de la capacité commerciale totale de 1 100 MW du contrat à long terme conclu entre EDF et REE, qui occupe [500 à 600]* MW). En outre, il convient de rappeler qu'il n'y a pas de garantie de capacité commerciale d'interconnexion pour des opérateurs tiers puisque la capacité d'interconnexion commerciale garantie est réservée au contrat EDF/REE. En supposant même que le mécanisme de répartition soit modifié de manière à ce que les fournisseurs étrangers aient accès à une capacité d'interconnexion accrue, la quantité totale d'électricité qui serait proposée sur le marché de gros espagnol représenterait moins de [< 5]* %. Vu leur faible importance, ces offres ne pourraient influencer significativement les prix du pool.
(122) Dans leurs réponses respectives à la communication des griefs, les parties notifiantes soutiennent que la Commission n'a pas démontré que, par l'acquisition de Hidrocantábrico, EDF ne serait pas incitée à jouer le jeu de la concurrence au niveau des importations, le groupe Villar Mir allant jusqu'à affirmer que "comme EDF n'achèterait qu'une participation minime dans Hidrocantábrico, il serait surprenant que la rentabilité des actions de celle-ci puisse indemniser EDF du manque à gagner dû à l'abandon de la possibilité d'importer de l'électricité". En réponse à ces moyens, la Commission renvoie, tout d'abord, au considérant précédent, dans lequel elle analyse la question de la participation financière (indirecte) d'EDF dans Hidrocantábrico, ainsi que les incitations relatives à une augmentation future de cette participation. Par ailleurs, à aucun moment, la Commission n'a affirmé qu'EDF allait cesser d'exporter vers l'Espagne. En revanche, ce qu'elle met en doute, c'est l'existence au sein d'EDF, après la concentration, d'un intérêt à promouvoir un accroissement sensible de la capacité d'interconnexion qui, d'une part, pourrait entraîner une chute des prix sur le marché espagnol et, de l'autre, pourrait également être utilisée par d'autres opérateurs que EDF (opérateurs ne disposant pas d'une capacité significative de production propre en Espagne et poursuivant dès lors des objectifs commerciaux différents).
8. EDF/RTE est en mesure d'éviter un accroissement sensible de la capacité d'interconnexion entre la France et l'Espagne
(123) Durant l'étude, EDF et EDF/RTE ont indiqué que, selon la réglementation française, il appartenait à cette dernière, en sa qualité d'opérateur du réseau de transmission d'électricité en France, d'arrêter toute mesure destinée à accroître, du côté français, la capacité d'interconnexion avec l'Espagne. Ces deux entités ont souligné l'indépendance financière et de gestion d'EDF/RTE par rapport à EDF et les obligations qu'impose la réglementation à la première quant à la gestion du réseau français. En fin de compte, EDF n'aurait aucun pouvoir de décision en ce qui concerne l'augmentation ou non de la capacité d'interconnexion.
(124) EDF/RTE est effectivement chargée de la fonction d'opérateur du réseau électrique français, ce qui englobe les questions relatives à l'attribution et à l'augmentation de la capacité d'interconnexion entre la France et l'Espagne par l'amélioration des lignes existantes ou le tracé de nouvelles lignes. EDF/RTE affirme jouir d'une autonomie de fonctionnement et d'une indépendance de gestion et disposer de toutes les ressources nécessaires pour atteindre ces objectifs.
(125) Il convient toutefois de préciser que sur le plan juridique et organique, EDF/RTE est une division d'EDF et n'est pas dotée d'une personnalité juridique distincte (47). En outre, son directeur est nommé par le ministre français de l'Energie parmi une liste de candidats proposés par le président d'EDF. En tout état de cause et même en admettant l'efficacité des mesures prévues pour assurer l'indépendance d'EDF/RTE par rapport à EDF, ces deux entités font toujours partie d'une unité économique unique, un groupe industriel appartenant à l'État français, qui contrôle finalement aussi bien EDF qu'EDF/RTE. C'est pourquoi la prise de décisions clés ou de tout autre type de décisions stratégiques pour le fonctionnement d'EDF/RTE dépend de toute évidence des autorités publiques françaises, et notamment du ministère de l'énergie, sans préjudice des pouvoirs conférés à l'autorité qui réglemente le secteur de l'énergie, à savoir la Commission de régulation de l'électricité (CRE).
(126) Concrètement, c'est l'État français qui est responsable en dernier recours des décisions en matière d'interconnexion. EDF/RTE doit notamment soumettre à l'approbation du ministre de l'énergie, au moins tous les deux ans, le plan de développement du réseau public de transport (48). Ce plan doit être approuvé par le ministre, sur avis de la CRE. C'est donc le propriétaire d'EDF, c'est-à-dire l'État français, qui est l'instance ultime de décision en ce qui concerne l'augmentation de la capacité d'interconnexion, une décision qui, ainsi que cela a déjà été dit, affecte directement les intérêts stratégiques d'EDF.
(127) Il n'est donc pas audacieux de conclure, sans nier pour autant l'autonomie de fonctionnement et l'indépendance de gestion d'EDF/RTE, qu'aucun accroissement sensible de la capacité d'interconnexion entre la France et l'Espagne n'aura lieu s'il risque de léser les intérêts d'EDF et donc ceux de l'État français, propriétaire de l'entreprise et détenteur du pouvoir final de décision en la matière.
VI. ENGAGEMENTS PRIS PAR EDF ET EDF/RTE
(128) EDF/RTE et EDF ont pris des engagements afin de résoudre les problèmes de concurrence mis en évidence par la Commission. Ces engagements, qui jouissent de l'appui explicite du Gouvernement français, sont joints, respectivement, en annexes I et II à la présente décision. Ces engagements peuvent être résumés comme suit.
ENGAGEMENTS D'EDF/RTE
(129) EDF/RTE s'engage à prendre les mesures et à effectuer les travaux nécessaires pour accroître la capacité commerciale d'interconnexion entre la France et l'Espagne selon le plan suivant:
- 300 MW supplémentaires provenant de l'amélioration technique des lignes existantes avant la fin de 2002,
- 1 200 MW supplémentaires provenant de la construction d'une nouvelle ligne [..]*; cette capacité supplémentaire pourra être augmentée [..]* après contrôle de la viabilité technique et économique par rapport à l'augmentation de cette quantité,
- 1 200 MW supplémentaires provenant de la construction d'une autre ligne, du dédoublement d'une ligne existante ou du renforcement des lignes françaises, à moyen terme, si les études de faisabilité technique et économique qui devront être réalisées avant la fin de 2002 justifient ces travaux.
(130) L'augmentation de la capacité commerciale devra engendrer une capacité disponible équivalant à 75 % de l'augmentation supplémentaire durant 85 % des heures de l'année.
(131) Les délais susvisés pourront être prorogés si les travaux n'ont pu être terminés pour des raisons échappant au contrôle d'EDF/RTE. Par ailleurs, la Commission tient à préciser qu'en ce qui concerne le troisième volet de l'accroissement de la capacité d'interconnexion et sans préjudice du fait que la fixation précise du calendrier des travaux doit découler des études de viabilité susvisées, les engagements prévoient néanmoins un délai de référence (la construction doit avoir lieu "à moyen terme"). Ce délai de référence devra être déterminé en fonction du projet à réaliser (construction d'une nouvelle ligne, dédoublement ou renforcement de lignes existantes). Par conséquent et conformément à l'étude réalisée par la Commission, le délai de référence doit être interprété comme compris entre quatre et huit ans après la conclusion desdites études.
(132) Un ou plusieurs tiers seront chargés de vérifier le respect des engagements et leur nomination devra être approuvée par la Commission. Le tiers devra notamment recevoir d'EDF/RTE toutes les informations et toute l'assistance nécessaires pour mener à bien sa mission et informera régulièrement la Commission de l'état d'avancement des engagements précités. Il pourra lui proposer toutes les mesures qu'il juge nécessaires pour garantir leur respect, comme la réalisation d'autres études de viabilité, d'études complémentaires ou des deux types s'ajoutant à celles suivant présentées par EDF/RTE. Le tiers devra tenir compte, dans l'accomplissement de sa mission, de toutes les informations ou études provenant de tiers intéressés, et notamment de la Commission nationale espagnole pour l'énergie ou de REE.
ENGAGEMENTS PRIS PAR EDF
(133) Afin de résoudre les problèmes de concurrence posés par sa prise de contrôle de Hidrocantábrico, EDF s'engage à soutenir l'accroissement de l'interconnexion entre la France et l'Espagne, et notamment les engagements susvisés d'EDF/RTE selon le plan décrit plus haut.
(134) À cette fin, EDF s'engage à prendre part aux travaux du groupe d'usagers créé par EDF/RTE et à fournir à RTE les informations dont elle dispose et qui pourraient être utiles à la réalisation des études techniques et économiques sur la construction de nouvelles lignes ou d'autres moyens de renforcer l'interconnexion entre la France et l'Espagne.
(135) De plus, EDF s'engage à rémunérer (si nécessaire) le ou les tiers chargés de contrôler le respect des engagements pris par EDF/RTE.
APPRÉCIATION
(136) Les engagements susvisés réduiront l'isolement du marché espagnol de l'électricité en renforçant significativement la possibilité pour les opérateurs établis de l'autre côté des Pyrénées d'être actifs sur ce marché. L'accroissement des niveaux d'interconnexion permettra d'augmenter les exportations d'électricité vers l'Espagne, ce qui aura un effet positif sur le niveau des prix du pool et sur la capacité des membres du duopole actuel de les fixer.
(137) Par conséquent, les engagements pris par EDF/RTE et par EDF devraient permettre d'éviter le renforcement de la position dominante d'Endesa et d'Iberdrola qui découlerait, à l'issue de la concentration, du maintien prévisible de la capacité actuelle d'interconnexion, nettement insuffisante, entre la France et l'Espagne.
(138) Enfin, la Commission tient à préciser que, contrairement aux affirmations d'EDF/RTE dans son mémoire (en particulier, dans sa déclaration liminaire), EDF/RTE est une entreprise concernée au sens de l'article 8, paragraphe 2, du règlement sur les concentrations, donc capable d'assumer des engagements destinés à rendre l'opération notifiée compatible avec le Marché commun. Cela découle, sans préjudice de l'indépendance alléguée d'EDF/RTE par rapport à EDF, de l'appartenance de ces deux entités à un même groupe d'entreprises appartenant à l'État français, ainsi que cela a été exposé plus haut.
VII. CONCLUSION
(139) Eu égard aux observations qui précèdent, la concentration proposée, pour autant que soient pleinement respectés les engagements visés dans les annexes à la présente, ne créera ni ne renforcera une position dominante susceptible d'entraver une concurrence effective dans une partie substantielle du Marché commun. Par conséquent, l'opération est déclarée compatible avec le Marché commun et avec le fonctionnement de l'EEE, conformément à l'article 8, paragraphe 2, du règlement sur les concentrations, à condition que les parties respectent les engagements suivants:
a) accroissement de la capacité d'interconnexion selon les dispositions de l'annexe I, paragraphe 2, (qui peuvent faire l'objet d'une révision par la Commission, en application de l'annexe I, paragraphe 4);
b) le respect de toute mesure imposée par la Commission sur recommandation du ou des administrateurs chargés de contrôler l'exécution des engagements, afin de faire respecter lesdits engagements par les parties conformément à l'annexe I, alinéa 9, paragraphe 3.
(140) Les éléments susvisés des engagements constituent des conditions, car seule leur exécution (sous réserve d'un changement quelconque découlant des dispositions de l'annexe I, paragraphe 4) peut entraîner un changement structurel sur le marché de gros de l'électricité en Espagne. Les autres aspects de l'engagement constituent des charges, car ils concernent les étapes de la mise en œuvre qui sont nécessaires à la réalisation du changement structurel visé. Il s'agit notamment des dispositions relatives à l'administrateur ou aux administrateurs chargés de contrôler l'exécution des engagements [annexe I, paragraphe 3, à l'exception des précisions apportées au considérant 139, point b)].
A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:
Article premier
L'opération notifiée, par laquelle le groupe espagnol Villar Mir et la société allemande Energie Baden-Württemberg, sous contrôle de l'entreprise française Électricité de France et de l'entreprise allemande Zweckverband Oberschwäbische Elektrizitätswerke, prennent le contrôle conjoint de Hidroeléctrica del Cantábrico SA, est déclarée compatible avec le Marché commun et avec le fonctionnement de l'accord EEE, sous réserve du respect total des engagements énoncés aux annexes I et II de la présente.
Article 2
Les entreprises
Ferroatlántica, SL
Po de la Castellana, 86, 7a
E-28046 Madrid
Energie Baden-Württemberg AG (EnBW)
Durlacher Alle 93
D-76131 Karlsruhe
sont destinataires de la présente décision.
Notes
(a) Voir le rapport final du conseiller-auditeur dans le JO C 42 du 18.2.2004.
(1) JO L 395 du 30.12.1989, p. 1. Rectificatif (JO L 257 du 21.9.1990, p. 13).
(2) JO L 180 du 9.7.1997, p. 1.
(3) JO C 42 du 18.2.2004.
(*) Les informations confidentielles sont supprimées; les passages correspondants, entre crochets, sont signalés par un astérisque.
(4) Ces chiffres incluent le chiffre d'affaires d'OEW et d'EDF afin de calculer le chiffre d'affaires de référence conformément au règlement sur les concentrations.
(5) Endesa, Iberdrola, Unión Fenosa, Hidrocantábrico et d'autres petits producteurs d'électricité.
(6) Rapport C-60-00. Dossier de concentration économique Endesa/Iberdrola.
(7) Article 21 du décret-loi royal n° 6-2000 du 23 juin 2000 sur les mesures urgentes d'intensification de la concurrence sur les marchés des biens et des services (BOE n° 151 du 24.6.2000, p. 22440). Cette disposition n'implique toutefois en aucun manière la disparition du pool. L'article 21 du décret-loi royal n° 6-2000 conclut, en prévoyant la possibilité que les entreprises de commercialisation achètent l'énergie électrique auprès des producteurs nationaux en régime ordinaire (à partir de 2003), que cette énergie "pourra se vendre aux consommateurs qualifiés ou entrer sur les marchés journaliers ou intrajournaliers existants" (c'est-à-dire dans le pool).
(8) Article 6 du décret-loi royal n° 6-1999 du 16 avril 1999 sur les mesures urgentes de libéralisation et d'accroissement de la concurrence (BOE n° 92 du 17.4.1999, p. 14350).
(9) Article 19 du décret-loi royal n° 6-2000.
(10) Les contrats bilatéraux représentent moins de 5 % du total de l'énergie vendue sur le marché de gros.
(11) Affaire IV/M-1659 - Preussen Elektra/EZH; affaire IV/M.1557 - EDF/Louis Dreyfus; affaire COMP/M.1673 - VEBA/VIAG; affaire COMP/M.1803 - Electrabel/Eon; et affaire COMP/M.1853 - EDF/EnBW.
(12) Affaire COMP/M.2353 - RWE/Hidroeléctrica del Cantábrico et affaire COMP/M.2340 - EDP/Cajastur/Caser/Hidroeléctrica del Cantábrico.
(13) Les autorités espagnoles considèrent qu'en ce qui concerne l'énergie proposée au pool (marché de gros) en régime de libre concurrence et la demande au pool, la délimitation géographique se limite au territoire de l'Espagne péninsulaire. Cependant, dans le cas du marché défini comme la fourniture d'énergie électrique aux consommateurs finals (marché de détail), les autorités espagnoles sont d'avis que, même s'il fallait, en principe, limiter le marché géographique au marché national, le marché géographique en cause dans le cas de la fourniture aux consommateurs finals a une portée régionale, voire locale. Néanmoins, selon l'étude réalisée par la Commission, le marché de l'électricité au détail semble également avoir une dimension nationale. Aux fins de la présente communication des griefs, toutefois, il n'est pas nécessaire de procéder à une définition précise du marché au détail de l'électricité destinée aux clients qualifiés, car l'analyse se limitera au marché de gros ou pool.
(14) Source: Comisión Nacional de la Energía.
(15) La réduction de la part de marché de Hidrocantábrico en 2001 est due au fait que cette année a été particulièrement pluvieuse et que des quantités considérables d'électricité produite par des centrales hydroélectriques ont été commercialisées. Il convient donc de préciser que 18 % seulement de la capacité de production de Hidrocantábrico provient de centrales hydroélectriques.
(16) Le règlement sur les concentrations ne définit pas le concept de groupe d'une manière abstraite, mais tente d'établir si les sociétés ont le droit de diriger (comme dans le cas d'EDF sur EnBW) les activités de l'entreprise.
(17) La Commission a indiqué dans la décision relative à l'affaire COMP M.1853 EDF/EnBW que "conformément à l'accord entre les actionnaires [conclu entre EDF et OEW]*, EDF est le seul associé industriel, tandis que OEW sera l'associé régional. [confidentiel]** Bien que les intérêts régionaux d'OEW et ses bénéfices soient suffisamment respectés, il semble très peu probable que OEW ait intérêt à s'opposer activement à la stratégie d'entreprise que choisira de suivre EDF au sein d'EnBW."
(18) Rapport C-60-0. Dossier de concentration économique Endesa/Iberdrola.
(19) Rapport C-54-00. Dossier de concentration économique Unión Eléctrica Fenosa/Hidroeléctrica del Cantábrico.
(20) Le tableau ne comprend pas la puissance installée du régime spécial, qui représentait 8 695 MW le 31 décembre 2000.
(21) Le tableau indique le pourcentage d'électricité, par rapport à la quantité totale d'électricité mise sur le marché, qui a été vendue au prix marginal correspondant à celui proposé par chaque opérateur ou simultanément par deux opérateurs ou plus.
(22) Rapport C-54-00. Dossier de concentration économique Unión Eléctrica Fenosa/Hidroeléctrica del Cantábrico.
(23) La capacité de production hydroélectrique d'Iberdrola représente environ 50 % de son parc de production.
(24) La capacité de production hydroélectrique d'Endesa représente environ 36 % de son parc de production.
(25) Pour des raisons notamment de sécurité du réseau électrique et de capacité physique totale, seule est effectivement utile pour les échanges la capacité dite "commerciale". En fait, la capacité commerciale entre réseaux n'est pas la somme des capacités de transport associées aux différents éléments du réseau (lignes) qui composent l'interconnexion; elle lui est sensiblement inférieure du fait que l'exploitation de réseaux électriques interconnectés requiert la prise en compte de certaines conditions de fonctionnement et de marges de sécurité. L'opérateur de réseau détermine la capacité commerciale disponible à différents horizons, d'un an à quinze ans ou d'un jour à l'autre, en déterminant très précisément les ressources utilisables en fonction de la disponibilité et de la programmation des éléments du réseau.
(26) Source: Red Eléctrica.
(27) En d'autres termes, en tout état de cause, la capacité commerciale d'interconnexion ne sera jamais inférieure à 550 MW, quoi qu'il advienne au réseau.
(28) Les limitations de la capacité commerciale sont dues aux restrictions structurelles du réseau de transport dans la zone frontalière, tandis que la fluctuation des valeurs de la capacité commerciale est essentiellement due au changement de capacité thermique saisonnière des lignes (été/hiver). La structure de la production à différentes périodes de l'année, ainsi que les valeurs de la demande dans les zones proches des frontières qui peuvent, dans certains cas, amener à saturation les réseaux internes, influencent ces deux éléments.
(29) Ratio de capacité = capacité théorique d'interconnexion internationale/puissance installée (hors régime spécial).
(30) BOE n° 285 du 28.11.1997, p. 35097.
(31) Comme les nouvelles centrales de San Roque, Castellón, Escombreras, etc.
(32) Le groupe Villar Mir affirme que chaque fois que la Commission ou les juges communautaires ont accepté la création d'une position dominante collective comme un critère valable pour interdire une concentration, les parties notifiantes faisaient partie de l'oligopole ou du duopole occupant la position dominante (affaires Gencor/Lonrho, Nestlé/Perrier, Kali + Salz) et qu'en dépit du fait que la Commission ait décidé, dans des affaires précédentes, qu'une concentration pose des problèmes de concurrence en raison de la réduction du nombre d'opérateurs présents sur le marché (Nestlé/Perrier), jamais la position sur le marché de tiers n'a constitué un critère permettant de conclure à l'interdiction d'une concentration. Pour sa part, EnBW soutient qu'il ressort de l'article 8, paragraphe 3, et de l'article 2, paragraphe 3, du règlement sur les concentrations que ledit règlement ne doit pas s'appliquer aux concentrations qui renforcent (prétendument) la position dominante collective de tiers autres que les parties à la concentration.
(33) Affaire IV M. 1383 Exxon/Mobil.
(34) Voir le considérant 225 de la décision visée ou le considérant 228, où il est dit littéralement: "The Commission considers that the creation or reinforcement of a dominant position by a third party is not excluded from the scope of application of Article 2(3) of the Merger Regulation, In addition, it should be borne in mind that Gasunie [le tiers occupant une position dominante]* is a JV in which one of the parties to the concentration has a substantial interest" (accent ajouté).
(35) Décision Exxon/Mobil, citée.
(36) Selon les données de la Commission nationale espagnole pour l'énergie, entre 2001 et 2005, la consommation d'énergie devrait augmenter de plus de 12 % en Espagne.
(37) Affaire COMP/M.1853 - EDF/EnBW.
(38) Rapport C-60-00. Dossier de concentration économique Endesa/Iberdrola. Rapport C-54-00. Dossier de concentration économique Unión Eléctrica Fenosa/Hidroeléctrica del Cantábrico.
(39) Rapport C-54-00. Dossier de concentration économique Unión Eléctrica Fenosa/Hidroeléctrica del Cantábrico.
(40) Le prix moyen de l'électricité sur le marché de la production est passé de 7,46 pesetas espagnoles (ESP)/KWh (0,04 euro) en mars 2000 à 4,31 PTS (0,03 euro) en mars 2001.
(41) Entre 37,5 % (la Suisse et l'Autriche par rapport à l'Espagne et au Portugal) et 90 % (la France par rapport à l'Italie).
(42) L'article 16 du décret-loi royal n° 6-200 prévoit précisément que "les producteurs d'énergie électrique dont la puissance électrique installée en régime ordinaire sur l'ensemble du territoire de la péninsule, lors de l'entrée en vigueur du présent décret-loi, excède 40 pour 100 du total [Endesa]*, ne pourront augmenter leur puissance installée durant cinq ans. Si la participation à cette puissance installée est inférieure à 40 pour 100, mais supérieure à 20 pour 100 [Iberdrola]*, le délai est ramené à trois ans". Hidrocantábrico pourrait profiter des restrictions mentionnées pour conquérir des parts de marché supplémentaires, en particulier dans la mesure où, selon les données de la Commission nationale espagnole pour l'énergie, il est prévu que la consommation d'énergie électrique progresse d'environ 12 % au total entre 2001 et 2005.
(43) Source: Ministère de l'économie.
(44) Dans la réponse à la communication des griefs, EnBW affirme que 7 500 MW de capacité de production supplémentaires devraient déjà être opérationnels en 2003. Selon les chiffres dont dispose la Commission, la capacité installée et opérationnelle supplémentaire par rapport à la situation actuelle n'atteindrait pas 5 000 MW en 2003.
(45) Hidrocantábrico a notamment reçu l'autorisation de construire une centrale en Navarre, d'une puissance installée de 400 MW.
(46) Endesa, Iberdrola, Unión Fenosa et Hidrocantábrico détiennent, chacune, 10 % du capital de REE.
(47) La loi n° 2000-108, du 10 février 2000, dispose en son article 12 que: "Au sein d'Électricité de France, le service gestionnaire du réseau public de transport d'électricité exerce ses missions..." (soulignement ajouté).
(48) Article 14 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000.