Cass. com., 11 mars 1981, n° 79-12.532
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Brasserie Haag (Sté)
Défendeur :
Gunemann
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Vienne
Rapporteur :
M. Gigault de Crisenoy
Avocat général :
M. Cochard
Avocat :
SCP Boré Capron Xavier.
LA COUR: - Sur le moyen unique, pris en ses deux branches: - Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué (Metz, 19 décembre 1978) qu'en vertu d'un contrat du 14 mai 1947 conclu entre la société Brasserie Haag et Latz, auteur des époux Rapp, ceux-ci, propriétaires exploitants d'un fonds de commerce à usage de café-restaurant, se sont engagés à s'approvisionner exclusivement en bière et limonade auprès de cette brasserie, que ce contrat avait été conclu pour une durée de quatorze années, qu'un nouveau contrat du 17 juillet 1957 a renouvelé cette exclusivité pour une durée de dix ans à compter du 15 mai 1961, qu'il avait été prévu dans ce contrat que l'engagement pris par les époux Rapp devait être imposé, en cas de cession du fonds, à l'acquéreur, que, par un acte du 28 décembre 1962, les époux Rapp ont cédé leur fonds à dame Gunemann, sans inclure dans le contrat cette obligation, que dame Gunemann ayant cessé de s'approvisionner auprès de la société Brasserie Haag, cette dernière a assigné dame Gunemann, devenue veuve, en réparation du préjudice que lui causait cette violation du contrat, que dame Rapp a appelé en garantie Perrault et Berthold, exploitants de l'agence immobilière et commerciale de Saint-Rémy, qui s'étaient chargés de la rédaction de l'acte du 28 décembre 1962;
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir fait droit à cette demande de garantie alors, selon le pourvoi, que, d'une part, l'arrêt constate que le second contrat passé le 17 juillet 1957 ne devait, d'après ses propres dispositions, prendre effet que le 14 mai 1961: que cette dernière date avait été fixée par suite de la croyance dans laquelle les parties étaient que le précédent contrat du 14 mai 1947 devait s'exécuter comme il le stipulait irrégulièrement pendant une période de quatorze années; qu'il s'ensuit que le second contrat a eu pour effet de prolonger l'obligation d'exclusivité au-delà de son terme légal, dès lors que ce contrat, comme le subséquent, tombait sous l'emprise de la loi du 14 octobre 1943, dont l'arrêt attaqué a méconnu les dispositions impératives et d'ordre public, alors que, d'autre part et de surcroît, étant constant que les parties avaient subordonné l'entrée en vigueur du second contrat à l'accomplissement de la durée totale du premier (quatorze années), la nullité de cette stipulation déclarée par l'arrêt entraînait nécessairement celle du second contrat, dont l'entrée en vigueur aurait ainsi été suspendue à une condition illégale; qu'en déclarant, pour tenter de surmonter un tel obstacle, que le contrat du 17 juillet 1957 était entré en vigueur immédiatement et ce, bien que les parties en eussent fixé la prise d'effet au "14 mai 1961", la cour d'appel a entaché son arrêt d'une contradiction de motifs ainsi que d'un refus de tirer de ses propres constatations les conséquences qui s'imposaient légalement;
Mais attendu, en premier lieu qu'ayant relevé que le premier contrat, conclu le 14 mai 1947, était venu à expiration le 14 mai 1957 par application de la loi du 14 octobre 1943 limitant à dix ans la durée maximale de la validité de toute clause d'exclusivité par laquelle l'acheteur, cessionnaire ou locataire de biens meubles s'engage vis-à-vis de son vendeur, cédant ou bailleur, à ne pas faire usage d'objets semblables ou complémentaires en provenance d'un autre fournisseur, la cour d'appel en a déduit à bon droit qu'au 17 juillet 1957, les parties pouvaient valablement conclure une convention contenant une clause d'exclusivité de même nature;
Attendu en second lieu, que l'agence immobilière et commerciale de Saint-Rémy, Perrault et Berthold ont soutenu, dans leurs écritures devant la cour d'appel, que le second contrat n'avait pu rester valable jusqu'au 15 mai 1971; qu'en critiquant l'arrêt pour avoir fixé au 17 juillet 1957 le point de départ de ce contrat, décision ayant eu pour effet d'avancer la date de son expiration, ils formulent un grief incomparable avec les prétentions par eux exprimées devant les juges du fond; d'où il suit que le moyen, pour partie irrecevable et pour partie mal fondé, doit être rejeté;
Par ces motifs: Rejette le pourvoi.