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Décisions

CA Bordeaux, 1re ch. A, 31 mai 2001, n° 98-04392

BORDEAUX

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Maison française de distribution (SA)

Défendeur :

Guérin

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bizot

Conseillers :

Mme Gounot, M. Cheminade

Avoués :

SCP Henri & Luc Boyreau, SCP Fonrouge & Gautier & Fonrouge

Avocats :

SCP Lebas, Mes Allain, Lief

TI Bordeaux, du 10 juill. 1998

10 juillet 1998

Vu le jugement rendu le 10 juillet 1998 par le Tribunal d'instance de Bordeaux, greffe permanent de Pessac, qui a condamné solidairement la société MFD et Maître Baillet, huissier de justice à Drap, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, à payer à Monsieur Guérin une somme de 30 000 F en réparation de son préjudice, avec intérêts au taux légal depuis le 15 octobre 1996, date de la mise en demeure outre 3 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Vu la déclaration d'appel de la SA MFD et de Maître Baillet du 5 août 1998.

Vu les conclusions des appelants déposées et signifiées le 3 décembre 1998.

Vu les conclusions de l'intimé déposées et signifiées le 13 juin 2000.

Vu l'ordonnance de clôture du 12 avril 2001.

Motifs:

Attendu qu'aux termes de l'article 1382 du Code civil tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute auquel il est arrivé à la réparer; que spécialement, lorsqu'il ressort de documents diffusés par une société de vente par correspondance et se rapportant aux conditions de participation et de gain à une loterie, que la présentation de ces documents, destinée explicitement à provoquer dans l'esprit du destinataire désigné comme gagnant d'un lot important, l'euphorie propice à l'engagement simultané d'une commande sur catalogue, est de nature à persuader le gagnant que son numéro tiré au sort lui a permis de se voir attribuer une somme conséquente, alors que le gain réel est dérisoire, cette présentation volontairement ambiguë peut constituer une faute causant au destinataire un dommage moral résultant de la désillusion et du sentiment de tromperie.

Attendu qu'en l'espèce, en des motifs pertinents que la cour fait siens, le premier juge a fait une exacte et complète application des données de la cause, notamment de la présentation volontairement ambiguë des documents de loterie et de commande adressés par la société MFD à Monsieur Guérin, avec la garantie de l'huissier de justice Maître Baillet, pour retenir à bon droit d'une part, que la société MFD, a commis, du fait de cette présentation, une faute quasi-délictuelle à l'origine du préjudice subi par Monsieur Guérin, persuadé par ce moyen d'un gain de 35 000 F, pour un gain réel de 5 F, d'autre part qu'en prêtant son concours par signature et apposition répétée de son cachet, l'huissier de justice a également commis une faute engageant sa responsabilité quasi-délictuelle.

Attendu qu'en effet, si l'article 6 du règlement du "Grand Jeu MFD", imprimé à l'intérieur même de l'enveloppe, précise que la somme de 35 000 F sera répartie entre tous les participants, sans que le chèque reçu puisse être inférieur à un lot de consolation de 4 F, l'article 6 du règlement du "tirage d'avril 1996", situé quant à lui au dos du document annonçant le gain du plus gros lot au "Grand Jeu MFD", comporte les termes suivants:

"présentation des lots: un chèque de 35 000 F (trente cinq mille francs), 10 chèques d'achat de 100 F (cent francs);

Attendu que la société MFD a ainsi entretenu délibérément une confusion entre deux jeux distincts et volontairement induit en erreur Monsieur Guérin, la seule mention en caractères minuscules figurant sur le bon de demande de prix "grand jeu MFD" "jeu gratuit sans obligation d'achat, n'omettez pas de lire le règlement à l'intérieur de l'enveloppe", n'étant pas de nature à attirer l'attention du réceptionnaire sur la nécessité de découper l'enveloppe contenant le document, pour y découvrir un second règlement différent de celui figurant au dos de la lettre reçue.

Attendu que c'est également vainement que la société MFD fait valoir la différence de couleur des bulletins de participation aux deux jeux, le mélange des couleurs rouge et blanc se retrouvant tant en ce qui concerne" le Grand Jeu MFD" que "le tirage d'avril 1996".

Attendu qu'en outre, et contrairement aux allégations de la société MFD, il n'existait pas deux bons de participation séparés pour chacun des jeux, dans les documents adressés, mais un seul bon de participation, correspondant à la fois participation au "tirage d'avril 1996" et demande du prix gagné au "grand jeu MFD".

Attendu que par cette présentation fallacieuse, destinée à induire en erreur le destinataire du courrier, présentation dont l'ambiguïté n'a pu échapper à Maître Baillet, la société MFD et l'huissier de justice ont causé à Monsieur Guérin un préjudice résultant de la désillusion subie face à l'annonce d'un gain de 35 000 F; que la décision sera confirmée en ce qu'elle a condamné la société MFD et Maître Baillet à payer une somme de 30 000 F à Monsieur Guérin; qu'elle sera cependant réformée sur le point de départ des intérêts légaux qui courront que du jour du jugement déféré, constitutif de droits, s'agissant d'une créance indemnitaire et non du jour de la mise en demeure.

Attendu qu'en application de l'article 1154 du Code civil, et conformément à la demande de Monsieur Guérin en appel, ces intérêts seront capitalisés par année entière à compter du 10 juillet 1998, soit pour la première fois le 10 juillet 1999.

Attendu que la société MFD et Maître Baillet qui échouent en leur appel supporteront les entiers dépens; qu'il sera fait application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile en faveur de Monsieur Guérin.

Par ces motifs, LA COUR, Recevant en la forme l'appel de la société MFD et de Maître Baillet. Vu l'article 1382 du Code civil. Confirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société MFD et Maître Baillet à payer à Maître Guérin une somme de 30 000 F à titre de dommages et intérêts et une somme de 3 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les dépens de première instance. Réformant pour le surplus, statuant à nouveau et ajoutant au jugement. Dit que la somme de 30 000 F portera intérêts au taux légal depuis le 10 juillet 1998 et que ces intérêts seront capitalisés par année entière, pour la première fois le 10 juillet 1999. Condamne in solidum la société MFD et Maître Baillet aux dépens d'appel, ainsi qu'à verser à Monsieur Guérin une somme de 5 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.