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Décisions

CA Bordeaux, 1re ch. B, 22 avril 2003, n° 00-01141

BORDEAUX

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Etablissements Magot et compagnie (SA)

Défendeur :

Pasquet, Bertaud, Toyota France (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Montamat

Conseillers :

MM. Crabol, Frugier

Avoués :

Mes Fournier, Le Barazer, SCP Rivel-Combeaud, SCP Boyreau, Monroux

Avocats :

Mes Bassalert, Capoul, Maille, Claude.

TGI Bergerac, du 11 janv. 2000

11 janvier 2000

La cour est saisie d'un appel régulièrement déclaré par la SA Etablissements Magot et compagnie à l'encontre d'un jugement contradictoire rendu par le Tribunal de grande instance de Bergerac le 11 janvier 2000 dans les circonstances de fait suivantes:

Mademoiselle Nathalie Pasquet a acheté, courant juin 1992, à un particulier un véhicule automobile Toyota dont la date de mise en circulation remontait au 26 août 1985. Le véhicule, qui avait un kilométrage au compteur de 104 760 kilomètres, tombait en panne le 10 septembre 1992 et la réparation était effectuée par le garage Bertaud, Agent Toyota à Bergerac. Elle s'élevait selon facture, du 28 septembre 1992, réglée par Mademoiselle Pasquet, à la somme de 927,30 euros. Le 28 décembre suivant, une nouvelle panne affectait le véhicule qui était transporté au garage de Monsieur Bechemin à Salles (Gironde) où il était immobilisé.

Mademoiselle Pasquet sollicitait à l'amiable mais en vain que Monsieur Bertaud lui rembourse le montant de la facture ou bien effectue la réparation.

Elle saisissait alors le Tribunal d'instance de Bergerac qui par jugement du 15 juin 1993 commettait Monsieur Rodière en qualité d'expert. Cette juridiction par une autre décision du 14 novembre 1995 désignait un nouvel expert, en la personne de Monsieur Schmidt. Il déposait son rapport, opposable à toutes les parties en la cause, le 15 avril 1997 et par jugement du 4 novembre 1997, le tribunal constatant que les demandes de Mademoiselle Pasquet excédaient son taux de compétence et recevant l'exception d'incompétence soulevée par Monsieur Bertaud, renvoyait ce dernier devant le Tribunal de grande instance de Bergerac.

Cette juridiction par le jugement aujourd'hui déféré a statué en ces termes:

- Homologue le rapport d'expert de Monsieur Schmidt,

- Déclare Monsieur Bertaud responsable des dommages causés à Mademoiselle Pasquet,

- Condamne Monsieur Bertaud à lui payer les sommes de:

* 927,30 euros en remboursement de la facture de réparation du 25 septembre 1992 (en fait 28 septembre),

* 4 573,47 euros à titre de dommages et intérêts pour perte de jouissance,

* 3 048,98 euros à titre de frais de gardiennage,

* 762,25 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- Dit que la SA Etablissements Magot et compagnie devra relever indemne Monsieur Bertaud de l'ensemble des condamnations à concurrence de moitié,

- Met hors de cause la SA Toyota,

- Condamne Monsieur Bertaud à payer à la SA Toyota la somme de 1 219,59 euros par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- Dit que la SA Etablissements Magot et compagnie devra relever indemne Monsieur Bertaud de cette condamnation à concurrence de la moitié,

- Déboute Mademoiselle Pasquet du surplus de ses demandes,

- Condamne Monsieur Bertaud aux dépens en ce compris les frais d'expertise et dont la SA Etablissements Magot et compagnie devra le relever indemne à concurrence de moitié.

La SA Etablissements Magot et compagnie, appelante au principal par écritures du 18 février 2003, demande à la cour de la mettre hors de cause et de condamner Monsieur Bertaud à lui payer une somme de 1 219,59 euros par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Monsieur Bertaud, intimé au principal, appelant incidemment demande à la cour, par écritures du 6 février 2003, de réformer le jugement entrepris et de dire que compte tenu de l'âge du véhicule, et du kilométrage parcouru entre la réparation et la panne, la responsabilité de Monsieur Bertaud ne peut être retenue et de condamner en conséquence Mademoiselle Pasquet à lui verser une indemnité de procédure de 1 500 euros; Subsidiairement, il demande de réduire les sommes allouées à Mademoiselle Pasquet et en toute hypothèse de condamner la SA Toyota France et la SA Etablissements Magot et compagnie à le relever indemne de l'ensemble des condamnations et de les condamner in solidum à lui verser une somme de 1 500 euros par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La SA Toyota France, par écritures signifiées le 21 février 2003 conclut à la confirmation du jugement attaqué et à la condamnation de Monsieur Bertaud à lui payer une indemnité de procédure de 1 500 euros.

Enfin Mademoiselle Pasquet par conclusions déposées le 27 mars 2001 demande la confirmation de la décision querellée et la condamnation de Monsieur Bertaud à lui payer 1 524,49 euros pour appel abusif.

La cour se réfère en ce qui concerne les faits, la procédure, les moyens et prétentions des parties au jugement et aux conclusions d'appel.

Sur ce, LA COUR:

Attendu après examen des circonstances et documents de la cause, notamment le rapport d'expertise circonstancié de Monsieur Schmidt, la note d'information de la SA Toyota France du 7 décembre 1989, et le contrat d'Agent Toyota passé entre Monsieur Magot et Monsieur Bertaud le 28 mars 1988, qu'il apparaît que la décision des premiers juges doit être approuvée quant à la responsabilité, attribuée à Monsieur Bertaud, aux dommages subis par Mademoiselle Pasquet, au fait que la SA Etablissements Magot et compagnie devra relever indemne Monsieur Bertaud à concurrence de la moitié des condamnations qui seront mises à sa charge et à la mise hors de cause la SA Toyota France; qu'en effet les critiques formulées tant par la SA Etablissements Magot et compagnie que par Monsieur Bertaud ont été déjà soumises à l'appréciation du Tribunal de grande instance de Bergerac qui les a rejetées à la suite d'une motivation à laquelle la cour se réfère expressément et qu'elle adopte en son entier;

Que, sans qu'il soit nécessaire d'entrer dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une argumentation technique, il sera néanmoins objecté aux appelants: que la panne ayant fait l'objet d'une réparation, facturée le 28 septembre 1992 par le garage Bertaud à Mademoiselle Pasquet, n'est pas en rapport avec l'âge ou l'ancienneté du véhicule - au demeurant le kilométrage de 6 055 kilomètres effectué sur trois mois étant très modéré - mais au fait que Monsieur Bertaud, professionnel de l'automobile, de surcroît Agent des Automobiles Toyota, en vertu d'un contrat du 28 mars 1988, n'a pas respecté les préconisations du constructeur qui imposaient à tout spécialiste Toyota lorsqu'il remplaçait la courroie de distribution, sur des véhicules sortis d'usine de septembre 1984 à avril 1986, donc celui de Mademoiselle Pasquet, d'échanger également, ce dont il s'est abstenu de faire,le pignon d'entraînement de pompe à huile, prescription qui était contenue dans une circulaire du 7 décembre 1999, émanant de la SA Toyota France et adressée aux concessionnaires;

Qu'à l'égard de son client, Monsieur Bertaud tenu d'une obligation de résultat ne peut alléguer que cette information ne lui a pas été communiquée, alors que le contrat le liant à la SA Etablissements Magot et compagnie précisait en son article 4 que "l'Agent devra s'approvisionner auprès de son concessionnaire des manuels d'atelier nécessaires et au minimum des fiches de réglage (SDS)";

Qu'en toute hypothèse il eut été expédient que Monsieur Bertaud se rapprochât de son concessionnaire pour obtenir de sa part aide et conseil utiles pour donner satisfaction au client de la marque, plutôt que de lui répondre que "pour des raisons techniques évidentes, je ne peux donner suite à votre demande" (cf. par courrier en date du 25 janvier 1993);

Que de même, il appartient au concessionnaire - la SA Etablissements Magot et compagnie - de diffuser auprès de ses agents toute note, circulaire émanant du constructeur que ce soit dans le cadre d'une campagne de sécurité (dite de rappel) engendrant un risque pour la sécurité du véhicule et des usagers, ou d'une campagne de service (dite technique ou après vente) comme tel était le cas en l'espèce, observation faite que la sécurité n'était pas menacée;que si l'agent doit solliciter auprès de son concessionnaire tout manuel d'atelier, ce dernier doit à son tour informer ledit agent du contenu de toute note technique nouvelle et notamment de celle du 7 décembre 1999, lors même que la SA Etablissements Magot et compagnie savait que Monsieur Bertaud avait dans son garage un outillage spécifique, courroie de distribution, dont le changement impliquait aussi celui d'un autre organe du moteur;que la SA Etablissements Magot et compagnie n'établit pas que Monsieur Bertaud a reçu cette note technique, de sorte que c'est à bon droit que sa responsabilité a été en partie retenue par le tribunal;

Qu'enfin la SA Toyota France n'a de rapports contractuels qu'avec son concessionnaire et sa responsabilité à l'endroit de l'agent à juste titre a été écartée;

Attendu dès lors que si le jugement sera confirmé quant aux responsabilités encourues, il sera en revanche infirmé quant au montant des dommages qui seront alloués à Mademoiselle Pasquet;

Que certes, Monsieur Bertaud sera condamné à lui rembourser la facture du 28 septembre 1992, mais qu'il y a lieu de réduire d'une part les frais de gardiennage qu'il ressort certes d'une facture de Monsieur Bechemin du 24 mai 1996 qu'ils s'élèvent à 3 819,56 euros toutes taxes comprises que celui-ci a accepté de ramener à la somme de 3 048,98 euros toutes taxes comprises pour la période du 2 janvier 1993 au 27 février 1996; que cependant, Mademoiselle Pasquet n'ayant consigné que le 14 juin 1994 la somme de 304,90 euros telle que fixée par le jugement du 15 juin 1993 ordonnant expert, alors qu'elle devait accomplir cette diligence dans les 15 jours du prononcé du jugement, peu important les raisons qui ont expliqué ce retard, il échet pour ne point pénaliser le garagiste Bertaud dont la responsabilité sur ce chef ne lui est pas imputable, de ramener à la somme de 2 000 euros l'indemnité au titre des frais de gardiennage devant être allouée à Mademoiselle Pasquet:

Que d'autre part le préjudice de jouissance, constitué par la privation de son automobile sera ramené, dans la mesure où la cour ne connaît pas la profession de Mademoiselle Pasquet, éventuellement liée à un usage intensif d'un véhicule, pas plus que cette dernière ne produit de facture de location d'un véhicule de remplacement, à la somme de 1 500 euros;

Attendu par ailleurs que la demande incidente de dommages et intérêts présentée par Mademoiselle Pasquet contre la SA Etablissements Magot et compagnie et Monsieur Bertaud pour appel abusif sera rejetée, faute par elle d'établir que ces derniers, par l'exercice de la voie d'appel, aient eu l'intention délibérée de lui nuire;

Attendu enfin qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge des parties que l'ont sollicitée et qui ne supportent pas les dépens, l'indemnité pour frais de procédure;

Par ces motifs: LA COUR, Réforme partiellement le jugement déféré, Condamne Monsieur Bertaud à payer à Mademoiselle Pasquet au titre des frais de gardiennage la somme de deux mille euros (2 000 euros), au titre de la perte de jouissance celle de mille cinq cent euros (1 500 euros), Confirme le jugement déféré pour le surplus de ses dispositions, Y ajoutant, Déboute Mademoiselle Pasquet de sa demande de dommages et intérêts pour appel abusif, Déboute les parties qui l'ont sollicitée de leur demande d'indemnité au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Condamne Monsieur Bertaud aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Fournier, avoué à la cour, Maître Le Barazer, avoué à la cour, et de la SCP Luc Boyreau et Raphaël Monroux, avoués associés à la cour, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.