CA Riom, ch. corr., 22 mai 1986, n° 59-86
RIOM
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Jubien
Substitut de Mme le Procureur Général :
M. Bouricat
Conseillers :
MM. Delorme, Combescure
Avoué :
Me Tixier
Avocats :
Mes Merle, Bellut, Schott
Par jugement contradictoire du 19 novembre 1985 le Tribunal correctionnel du Puy a condamné Marius G à une peine d'un mois d'emprisonnement avec sursis et 10 000 F d'amende pour avoir à Pont Salomon le 29 août 1984, ayant vendu à Mr Chamard une automobile Renault 5 TL n° 9227 HQ 43, trompé son contractant sur les qualités substantielles et l'aptitude à l'emploi de cette voiture en ne lui révélant pas son état exact (corrosion et endommagement des longerons avant et de tout le soubassement) et le remplacement de son moteur par un moteur plus puissant sans qu'aient été adaptés les organes de sécurité.
Cette même décision a donné acte aux consort Chamard de leur constitution de partie civile et de ce qu'ils n'entendaient pas solliciter réparation de leur préjudice devant la juridiction pénale, condamné Marius G à payer à la Confédération Syndicale du Cadre de Vie la somme de 2 000 F à titre de dommages intérêts et dit n'y avoir lieu à application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.
Le prévenu, le Ministère public et la Confédération Syndicale du Cadre de Vie en ont régulièrement et successivement interjeté appel.
Marius G, qui renvoie au dossier et conclusions déposés devant le tribunal de grande instance pour l'exposé du litige, avance qu'il n'est pas un vendeur professionnel et qu'il appartient au Ministère public de rapporter la preuve dans l'intention frauduleuse du prévenu se prévaut d'attestations d'où il ressortirait qu'il n'aurait vendu le véhicule litigieux que sur l'insistance de Jean Pierre Chamard à qui il aurait remis toutes les factures concernant les accessoires et après que celui-ci eut essayé cette voiture à plusieurs reprises, développe que pour se rendre compte de l'état des longerons il avait été nécessaire de mettre le véhicule sur un pont élévateur et que le moteur 7 chevaux TS avait été monté par Chamard mais non par lui et conclut à sa relaxe aux motifs que la preuve ne serait pas rapportée de l'intention frauduleuse et qu'un doute subsisterait dans tous les cas.
Le Ministère public se prévaut du rapport d'expertise de Roger Perrot édifié au Puy le 22 février 1984 en suite d'une ordonnance de référé du 12 décembre 1984 et requiert la confirmation du jugement attaqué.
La Confédération Syndicale du Cadre de Vie intervenant dans le cadre de l'article 46 de la loi du 27 décembre 1973, conclut également en ce sens pour ce qui la concerne et réclame la somme de 1 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.
Jean Pierre Chamard et sa mère Suzanne Moulin veuve Chamard concluent au maintien de la décision entreprise et à l'allocation d'une indemnité de 1 500 F sur le fonde ment de l'article ci-dessus.
Attendu que des circonstances du jugement attaqué il ressort que Marius G, chauffeur routier, a vendu le 29 août 1984 pour le prix de 30 000 F à Jean Pierre Chamard, étudiant demeurant chez sa mère, une voiture Renault type R5 dont il était propriétaire depuis le 3 août 1982 et à laquelle il avait apporté de très nombreuses modifications en matière automobile ; que la première immatriculation remontait à 1974 mais que le véhicule présentait un très bel aspect extérieur car des nombreux accessoires lui donnaient un aspect sportif : ailes retouchées et élargies quatre roues équipées de jantes spéciales et chaussées de pneumatiques larges et très bas, sièges, planche de bord et revêtements de sol changés ; que d'après la carte grise le moteur avait une puissance fiscale de cinq chevaux.
Attendu nue dès le 26 octobre 1984 Jean Pierre Chamard faisait changer le moteur par un nouveau moteur d'occasion ; que le moteur déposé et le moteur posé en remplacement étaient d'une puissance fiscale de 7 chevaux ; que le garagiste qui avait procédé au changement, Roger Joumard à Pont Salomon, indiquait à Jean Pierre Chamard, que ce véhicule présentait un tel état de vétusté qu'il était dangereux ; qu'il était procédé d'une expertise le 7 novembre 1984 par le cabinet Delanoe-Babola pratiquant à Saint Etienne qui concluait à une transformation ayant rendu le véhicule non conforme aux certificats délivrés par le service des Mines ; qu'il soulignait que ce véhicule équipé d'un moteur 5 chevaux avait été ensuite équipé d'un moteur de 7 chevaux, que le système de freinage n'avait pas été modifié en conséquence, que les longerons étaient en très mauvais état et nue le prix de vente ne correspondait absolument pas à la qualité de la chose vendue.
Attendu que Roger Perrot, expert judiciairement commis, aboutit aux-mêmes constatations et conclusion en son rapport édifié le 22 février 1985 , indiquant que les soubassements de la caisse étaient rongés par la rouille ainsi nue les longerons qui supportent le train avant et pour partie le moteur, que le longeron avant droit est percé par la corrosion sur une dizaine de centimètres au droit du point d'ancrage des bras inférieurs du train avant que le longeron avant gauche est également fortement corrodé et que le véhicule avait été dès avant la vente équipé d'un moteur de 7 chevaux.
Attendu qu'il en résulte que les pièces essentielles à la tenue du véhicule sur la route étaient à ce point en mauvais état qu'une rupture du train avant pouvait à tout moment se produire et que le changement de moteur, s'il avait accru les performances du véhicule, constituait cependant un réel danger les éléments assurant la sécurité (suspension et freinage) n'ayant été ni modifiés ni même remplacés.
Attendu qu'en deux années de propriétés et d'utilisation le prévenu, qui aime à bricoler, ne pouvait ignorer l'état réel de cette voiture ;que la loi du 1er aout 1905 en son article 1° vise quiconque ... aura trompé qu'il importe donc peu que le prévenu ne soit pas un "professionnel" et que le plaignant ait insisté pour acquérir cette voiture extérieurement séduisante ;que Marius G avait obligation de révéler à son acheteur l'état de vétusté des pièces essentielles, la non conformité de ses transformations qui n'avaient pas été portées à la connaissance du service des Mines et en outre, de livrer pour le prix qu'il exigeait un véhicule de qualité loyale et marchande ;qu'en s'en abstenant il a fait preuve de mauvaise foi et a commis l'infraction qui lui est reprochée ;que les premiers juges ont prononcé une sanction bien proportionnée à la gravité des faits et bien adaptée à la personnalité de l'intéressé.
Attendu que les dispositions civiles du jugement déférer doivent être confirmées intégralement.
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement ; Reçoit les appels comme réguliers en la forme ; Au fond, confirme en toutes ses dispositions pénales et civiles le jugement entrepris. Donne aux consorts Chamard acte de ce qu'ils sollicitent l'indemnisation de leur préjudice devant le Tribunal de grande instance du Puy. Dit n'y avoir lieu à application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale. Condamne Marius G aux dépens de l'action publique et fixe la durée de la contrainte par corps, s'il y a lieu de l'exercer, conformément aux dispositions légales. Le condamne aux dépens des actions civiles qui comprendront les émoluments et frais de Me Tixier, Avoué, de qui la présence dans la procédure a été constatée. Le tout en application de l'article 1er de la loi du 1er aout 1905, 424, 473, 477, 734 à 737, 749, 750 du Code de procédure pénale.