CA Orléans, ch. com., 6 février 2003, n° 01-03298
ORLÉANS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Vallois (SA)
Défendeur :
Office français des assurés réunis (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Remery
Conseillers :
Mme Magdeleine, M. Garnier
Avoués :
SCP Laval-Lueger, Me Bordier
Avocats :
SCP Chas-Brillatz-Gazzeri-Carvalho, Me Dinety
La SARL Office français des assurés réunis, OFAR société de courtage d'assurances, propose aux acquéreurs de motos de marque Yamaha un produit d'assurance spécifique intitulé "Assurance des valeurs sûres" (AVS). S'estimant victime de concurrence déloyale, pour publicité comparative illicite, de la part de la société Vallois à la suite, d'une part, de la diffusion par celle-ci, auprès des concessionnaires Yamaha d'un document publicitaire comportant une comparaison des tarifs respectifs des deux courtiers, et, d'autre part, d'une campagne de relance téléphonique auprès de ces mêmes concessionnaires, la société OFAR a fait assigner la société Vallois en dommages-intérêts et en condamnation à lui remettre la liste des destinataires de la publicité litigieuse et à faire publier la décision à intervenir.
Par jugement du 7 septembre 2001, le Tribunal de commerce de Tours a dit que la société Vallois était l'auteur d'une publicité comparative illicite au détriment de la société OFAR et l'a condamnée à payer à cette dernière la somme de 70 000 F (10 671,43 euro) à titre de dommages-intérêts, outre celle de 10 000 F (1 524,49 euro) pour frais de procédure, mais a rejeté les autres demandes.
La société Vallois a relevé appel.
Par conclusions signifiées le 25 mars 2002, poursuivant l'infirmation de la décision entreprise, elle fait valoir que la comparaison contestée portait sur des prix relatifs à deux primes d'assurances annuelles tous risques de motos Yamaha, et que la franchise, différente dans les deux polices, ne constitue pas un élément intrinsèque du prix et n'est qu'une modalité d'exécution du contrat d'assurance qui ne modifie pas la nature du produit en lui-même, de sorte que la publicité était parfaitement licite. En ce qui concerne le défaut de communication de la publicité litigieuse à son concurrent (article L. 121-12 du Code de la consommation), elle indique que cette omission a été involontaire, la Direction Générale de la Concurrence et de la Répression des Fraudes, consultée par ses soins, n'ayant pas fait état de cette disposition. Elle soutient que l'application de ce texte aux professionnels est discutée et qu'en tout état de cause, son non-respect n'ouvre pas droit à réparation dès lors qu'il n'est pas justifié d'un préjudice réel. Subsidiairement, elle affirme que l'intimée ne rapporte pas la preuve de la baisse alléguée de son activité en 1999, ni du lien de causalité entre cette baisse et la publicité incriminée. Elle sollicite enfin l'allocation de la somme de 2 000 euro en remboursement de ses frais de procédure.
Par ses écritures du 25 juin 2002, la société OFAR entend démontrer que la publicité comparative était illicite au regard de l'article L. 121-8 du Code de la consommation, en ce que le montant de la franchise est un élément déterminant du prix de l'assurance, et que l'on ne peut comparer des tarifs que si l'ensemble des éléments essentiels du produit est identique. Elle relève que l'article L. 121-12 du même Code s'applique aux professionnels et que la société Vallois a bien engagé sa responsabilité à son égard conformément aux dispositions de l'article 1382 du Code civil. Elle évalue son préjudice, par référence à l'évolution du marché des motos Yamaha et à celle de son propre chiffre d'affaires, à la somme de 15 000 euro. Elle prie également la cour de condamner la société Vallois à lui remettre, sous astreinte de 1 500 euro par jour de retard, la liste des destinataires de la publicité litigieuse, d'ordonner la publication de l'arrêt à intervenir, aux frais de l'appelante, dans la revue "L'Officiel du Cycle et de la Moto", et de lui allouer la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Sur quoi
Attendu que constitue une publicité comparative celle qui identifie un concurrent ou des biens ou services offerts par un concurrent;
Qu'en application de l'article L. 121-8 du Code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 23 août 2001, la publicité comparative n'est autorisée que si elle est loyale, véridique et qu'elle n'est pas de nature à induire en erreur le consommateur; que lorsque la comparaison porte sur les prix, elle doit concerner des produits identiques vendus dans les mêmes conditions; qu'en vertu de l'article L. 121-12 du même Code, il incombe à l'annonceur pour le compte duquel une telle publicité est diffusée, de communiquer, avant toute diffusion, l'annonce comparative aux professionnels visés; que cette réglementation ne distingue pas selon que le destinataire de la publicité est un professionnel ou non;
Qu'il résulte des pièces du dossier que la société Vallois a diffusé auprès des concessionnaires Yamaha un document comportant un tableau de comparaison des tarifs "AMT" (Vallois) et "AVS" (OFAR) pour une garantie tous risques, franchise 20 %, usage privé et professionnel, qu'il n'est pas contesté par les parties que la garantie proposée par la SARL OFAR est assortie d'une franchise limitée à 10 % avec un minimum variable en fonction de la cylindrée de la moto;
Que selon l'article L. 121-1 du Code des assurances, l'assurance relative aux biens est un contrat d'indemnité, cette indemnité étant limitée à la valeur de la chose assurée; que dans le contrat d'assurance automobile, en ce qui concerne les dommages causés au véhicule, les franchises autorisées par le texte susvisées ont nécessairement une incidence sur le risque de l'assureur et donc sur la tarification pratiquée; que la comparaison ainsi effectuée n'est donc ni loyale, ni véridique,et qu'en réalisant cette publicité illicite, la société Vallois a engagé sa responsabilité pour concurrence déloyale;
Que, par ailleurs, l'appelante reconnaît ne pas avoir satisfait à l'obligation d'information préalable de sa concurrente; que l'argument selon lequel la Direction Générale de la Concurrence et de la Répression des Fraudes n'aurait pas attiré son attention sur cette obligation est inopérant dès lors que le document communiqué par elle-même comme émanant de cette Administration reprend les dispositions de l'article L. 121-12 du Code de la consommation, en indiquant que "cette condition est souvent une des principales raisons du contentieux, l'annonceur ne tenant pas à dévoiler à ses concurrents, avant le lancement de sa campagne publicitaire, le contenu du message publicitaire et ainsi faciliter leur riposte";
Que la violation de ce texte a pour objet d'empêcher la société visée de s'opposer à une annonce inexacte, laquelle la présentant défavorablement, lui cause un préjudice et s'analyse en une faute au sens de l'article 1382 du Code civil;
Attendu que le dénigrement commis par la société Vallois au moyen de la publicité comparative illicite constitutive de concurrence déloyale a causé un trouble commercial à sa concurrente, générateur d'un préjudice; que le tribunal de commerce, en pondérant les chiffres avancés par la société OFAR en fonction du nombre des concessionnaires démarchés par l'appelante, et en limitant l'indemnisation à 10 671,43 euro, a exactement apprécié le montant des dommages-intérêts dus;
Et attendu que les premiers juges ont retenu, à juste titre, que la société OFAR disposait déjà de la liste des concessionnaires Yamaha susceptibles d'avoir été concernés par la publicité litigieuse et qu'il n'y avait pas lieu à ordonner la production sous astreinte d'un tel document, et que l'intéressée avait toute latitude et opportunité pour intervenir sur ce réseau sans qu'il soit nécessaire de procéder à une publication dans une revue spécialisée;
Qu'il résulte de tout ce qui précède que le jugement entrepris sera confirmé en toutes ses dispositions;
Attendu que la SA Vallois supportera les dépens d'appel, et à ce titre versera une indemnité de 3 000 euro à la société OFAR, par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Par ces motifs, Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort; Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions; Condamne la société Vallois aux dépens d'appel, et à payer à la société OFAR la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Accorde à Maître Bordier, avoué, le droit reconnu par l'article 699 du même Code.