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Décisions

Ministre de l’Économie, 10 septembre 2003, n° ECOC0400067Y

MINISTRE DE L’ÉCONOMIE

Lettre

PARTIES

Demandeur :

MINISTRE DE L'ECONOMIE

Défendeur :

Conseil de la société Experian Holding France

Ministre de l’Économie n° ECOC0400067Y

10 septembre 2003

MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE

Maître,

Par dépôt d'un dossier déclaré complet le 3 mars 2003, vous avez notifié l'acquisition par la société Experian Holding France de la totalité du capital et des droits de vote de la société Atos Investissement 4. La société Atos Investissement 4 a été créée par la société Atos Origin Services pour y loger, préalablement à ladite acquisition, sa branche d'activité du traitement industriel des documents papiers de l'entreprise. Cette acquisition a été formalisée par un protocole d'accord en date du 14 janvier 2003.

Sur le fondement de l'article L. 430-5, le ministre a saisi pour avis le Conseil de la concurrence (ci-après le " Conseil ") le 25 avril 2003. Le Conseil a rendu son avis le 25 juillet 2003.

I. - Les entreprises concernées et l'opération

Experian Holding France est à la tête des activités françaises du groupe Experian (ci-après " Experian "). Ce dernier est implanté dans plusieurs pays et exerce principalement les activités (i) de traitement industriel de documents papiers des entreprises (chèques et autres documents), (ii) de gestion de centres d'appels, (iii) de services électroniques (moyens de paiements électroniques, traitement des cartes bancaires, commerce électronique), (iv) de diffusion d'information pour les entreprises via Minitel et Internet et (v) d'aide à la décision pour les entreprises (gestion du risque, marketing, bases de données). Experian est intégré au groupe GUS (ci-après " GUS ") qui est présent dans divers secteurs économiques tels que la vente par correspondance, l'habillement et la maroquinerie haut de gamme, les services financiers. Au cours de l'année 2002, GUS a réalisé un chiffre d'affaires total consolidé de 10,4 milliards d'euros, dont 193,2 millions d'euros en France.

Les activités apportées à Atos Investissement 4 relèvent du traitement industriel des documents papier de l'entreprise. Ces activités ont généré en 2002 un chiffre d'affaires total de 60,6 millions d'euros, exclusivement en France.

L'opération notifiée constitue une concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce. Compte tenu des chiffres d'affaires précités, l'opération notifiée n'est pas de dimension communautaire et est soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce, relatives à la concentration économique.

II. - La définition des marchés

Les activités d'Atos, comme celles, en partie, d'Experian relèvent du secteur du traitement industriel des documents papiers des entreprises. Les activités de ce secteur comprennent trois grands segments, identifiés par le Conseil de la concurrence dans son avis n° 03-A-15 en date du 25 juillet 2003 : (i) le traitement des chèques pour les banques, (ii) le traitement des encaissements (chèques, TIP) pour les grandes entreprises ou les administrations et (iii) le traitement des autres documents papiers.

Experian a initialement avancé, dans la notification, que, malgré l'existence de ces trois grands segments, il convenait de ne définir qu'un seul marché de services, à savoir le marché de la sous-traitance du traitement industriel des documents papiers, notamment du fait que " les différents types de documents sont traités dans les mêmes centres, par les mêmes machines, le même personnel, font appel à la même technologie et ont un coût de traitement semblable ".

Toutefois, on constate des différences significatives entre chaque activité, ce qui conduit à s'interroger sur une délimitation plus fine des marchés pertinents.

a) Le traitement des chèques

Il ressort de l'avis susvisé du Conseil que le traitement des chèques présente plusieurs différences significatives avec les traitements des encaissements et des autres documents.

En effet, en premier lieu, comme l'observe le Conseil, " le traitement des chèques consiste à préparer l'échange interbancaire des chèques, pour permettre in fine l'imputation des flux financiers sur les comptes bancaires respectifs du tireur et du tiré. Le traitement des encaissements consiste, quant à lui, à gérer, pour le compte d'une entreprise, les paiements qu'elle reçoit sous forme de chèque, de titre interbancaire de paiement (TIP) ou de prélèvement. La clientèle, pour le segment du chèque, est exclusivement constituée des réseaux bancaires alors que, pour le traitement des encaissements elle est constituée des grands facturiers (EDF, France Télécom, etc.), d'établissements financiers (Cetelem, Finaref, Cofinoga, Trésor public, assurances, etc.) ou d'entreprises commerciales. A ce jour, les deux filières de l'encaissement et du traitement des chèques sont séparées : dans le cadre de l'encaissement, le prestataire se contente de remettre les chèques à la banque de son client. La banque bénéficiaire adressera alors les chèques à son prestataire pour qu'ils soient traités dans le cadre de l'EIC (Echange Image Chèque) ".

Le Conseil observe dans le même avis que le traitement des chèques comprend trois grandes étapes : " La phase d'acquisition (enregistrement informatique du montant du chèque, ainsi que les coordonnées du bénéficiaire du chèque), le tri des chèques physiques (pour séparer les chèques circulants, les chèques non circulants, les bordereaux de remise et les chèques hors EIC), l'archivage et les services annexes " et que " si l'on retrouve trois étapes similaires pour les encaissements, leur traitement comporte une phase de préparation des documents sensiblement plus lourde que pour les chèques ".

En deuxième lieu, le Conseil note que " la compensation des chèques est l'objet d'une réglementation spécifique.Les normes correspondantes sont approuvées par le Comité français d'organisation et de normalisation bancaires (CFONB). De plus, des normes spécifiques encadrent l'archivage des chèques. Il existe une obligation légale de conservation des chèques physiques (délai variable selon la valeur des chèques) qui implique pour le prestataire des moyens de stockage. Les chèques sont également archivés numériquement (les photographies des chèques sont stockées dans des bases de données). Les prestataires doivent être capables de répondre aux demandes de télécopies formulées par les banques tirées et d'extraire les chèques physiques pour les retourner aux remettants lors de chèques impayés et en cas de réquisitions judiciaires ".

En troisième lieu, il apparaît également, comme le mentionne l'avis du Conseil, que " le traitement des chèques est soumis à des contraintes de sécurité et de respect des délais. Il est nécessairement journalier et porte sur de forts volumes. Compte tenu de l'étape spécifique et incontournable du SIT (Système interbancaire de télécompensation), il est absolument nécessaire d'effectuer le traitement immédiatement pour que 98 % au moins des chèques émis passent en compensation le jour même. Cette contrainte de traitement immédiat ne s'impose pas en encaissement, l'objectif étant de permettre au client d'enregistrer les règlements de ses usagers, de solder leur facture et éventuellement de relancer les retardataires.Le traitement est plus cyclique et décalé selon les clients ".

Enfin, en quatrième lieu, le Conseil constate que les prix " présentent des différences substantielles suivant les types de documents. En 2002, on relève ainsi des écarts de 37 % à 77 % entre la tarification chèque et celle des encaissements ".

Eu égard à ces éléments, il convient donc, à l'instar de l'avis du Conseil, de distinguer un marché du traitement des chèques.Experian a d'ailleurs admis, dans son mémoire en réponse au rapport établi par les rapporteurs du Conseil en date du 7 juillet 2003, qu'il convenait bien de distinguer un marché du traitement des chèques.

Concernant la dimension géographique du marché, il peut être noté que les contrats relatifs au traitement des chèques sont généralement négociés au niveau national. Le Conseil note cependant que la situation est plus variable pour les banques mutualistes. Dans certains cas, la présence locale d'un centre de traitement du prestataire peut donc être considérée comme nécessaire du fait, en grande partie, des contraintes de délais et des impacts financiers y afférents qui caractérisent cette activité. Toutefois, à la suite du basculement vers le système EIC en 2002, la dimension nationale du marché du traitement de chèques est de plus en plus marquée.

En conséquence, pour les besoins de la présente analyse, il sera retenu un marché du traitement des chèques de dimension nationale.

b) Le traitement des encaissements et des autres documents

L'instruction a également mis en évidence des différences entre le traitement des encaissements et le traitement des autres documents hors chèques. Par conséquent, la question peut être posée quant à la distinction d'un marché du traitement des encaissements, d'une part, et d'un marché du traitement des autres documents, d'autre part. Toutefois, dans la mesure où, quelle que soit la définition de marché de services retenue, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeureront inchangées, il n'est pas nécessaire de trancher cette question.

Par ailleurs, dans la mesure où les contrats relatifs au traitement des encaissements et des autres documents sont généralement négociés au niveau national, il sera retenu pour les besoins de la présente analyse une dimension nationale pour ce qui concerne le traitement des encaissements et des autres documents.

III. - Analyse concurrentielle

a) Le traitement des encaissements et des autres documents

Il apparaît qu'Experian et Atos sont peu présents dans le traitement des autres documents puisqu'ils ne réalisent à eux deux que 5 % du chiffre d'affaires total généré par cette activité en France.

En revanche, en matière de traitement des encaissements Experian et Atos réalisent à eux deux un peu plus de 40 % du chiffre d'affaires total généré par cette activité en France.

Toutefois, la forte position de la nouvelle entité en matière de traitement des encaissements doit être relativisée.

En effet, d'une part, il apparaît, ainsi que le note le Conseil, que " sur le créneau particulier du traitement du TIP, qui représenterait environ 30 % du traitement des encaissements, la part de marché cumulée Experian/Atos serait de [30-40] %, les situant seulement en deuxième position derrière France TIP (filiale de La Poste) à [40-50] %, le troisième opérateur étant CETIP avec [10-20] % ".

D'autre part, le Conseil note dans le même avis que " la proximité des activités de traitements des encaissements et des autres documents relativise l'importance de la part de marché détenue par le nouvel ensemble sur le seul créneau du traitement des encaissements, les prestataires pour le traitement des autres documents étant à même de s'engager facilement et rapidement sur le traitement des encaissements. En effet, les activités de traitement des autres documents dégagent un chiffre d'affaires de près de 650 millions d'euros dont Experian/Atos assure moins de 5 % ".

En matière de traitement des encaissements, la nouvelle entité demeurera donc confrontée à la pression concurrentielle, d'une part, de concurrents significatifs déjà présents dans cette activité, et, d'autre part, de concurrents potentiels opérant dans le traitement des autres documents. En conséquence, l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence en matière de traitement des encaissements et autres documents au niveau national.

b) Le marché français du traitement des chèques

(i) Sur les parts de marché et les concurrents de la nouvelle entité :

Experian a proposé dans sa notification une évaluation du marché en volume reposant sur le nombre d'opérations effectuées sur les chèques en additionnant les opérations d'acquisition et celles de tri/archivage. Cette approche donne une estimation imparfaite et biaisée du marché car elle aboutit à des doubles-comptes.

Le Conseil a retenu une méthode fournissant l'évaluation la plus juste de la taille du marché en volume, qui consiste à se fonder sur le nombre de chèques émis et passés au tri sur une année donnée. D'après les statistiques des échanges du Système interbancaire de télécompensation (SIT) portant sur le nombre de chèques émis en 2002 et celles de la Chambre d'échange physique des chèques (CEPC) portant sur les chèques circulants ne passant pas par le SIT, le nombre total de chèques émis en 2002 est évalué par le Conseil à 4 579 millions. Une partie de ces chèques est toutefois traitée en interne par les banques ; conformément à la pratique constante des autorités de concurrence, il convient de ne retenir que la partie externalisée de l'activité. Dès lors, le marché du traitement externalisé des chèques a été estimé par le Conseil à 3 364 millions de chèques émis en 2002.

Sur cette base, la part de marché de l'entité résultant de la présente opération serait de l'ordre de [40-50] %, l'opération se traduisant par un chevauchement d'activité important entre les parties dans la mesure où Experian détient actuellement une part de marché d'environ [20-30] % et où celle d'Atos est de l'ordre de [10-20] %.

Les principaux concurrents des parties sont les opérateurs Tessi et Safig, qui détiennent actuellement des parts de marché respectives d'environ [10-20] % et [10-20] % d'après l'avis du Conseil.

Par ailleurs, concernant les autres opérateurs du marché mentionnés par Experian, le Conseil estime à 24 le nombre des autres concurrents des parties. Néanmoins, il ressort de l'instruction du dossier que la plupart de ces petits opérateurs sont présents essentiellement sur la phase d'acquisition (numérisation et vidéocodage) en matière de traitement des chèques, et marginalement sur les phases de tri et d'archivage. Il en résulte que la plupart de ces petits opérateurs ne peuvent être considérés comme de véritables concurrents des parties, car ils ne sont pas présents sur l'ensemble de la chaîne de traitement des chèques.

Concernant plus particulièrement l'opérateur EuroTVS, le Conseil présente cet opérateur dans son avis comme " une filiale du Crédit mutuel, créée pour gérer en externe une partie du traitement des chèques du groupe (50 %), mais qui prend en charge des contrats en dehors de son groupe d'origine ". Il ajoute que " en 2002, EuroTVS a traité 464 millions de chèques ". Cependant EuroTVS n'a pas répondu au test de marché des rapporteurs du Conseil ; dès lors, le volume de chèques traité qui lui est attribué est une estimation des parties et il n'a pas été corroboré par EuroTVS. L'instruction du dossier a fait finalement apparaître que le volume attribué à EuroTVS inclut vraisemblablement les volumes traités pour le groupe CIC-Crédit mutuel auquel il appartient ; or ces volumes ne peuvent être analysés comme relevant du marché externalisé. Par ailleurs, EuroTVS a indiqué à la DGCCRF que sa part de marché, sur le marché externalisé, n'excédait en aucun cas 5 %. Il convient par conséquent de relativiser le poids de cet opérateur et sa qualité de " principal concurrent " des parties qui lui est attribuée par le Conseil au point 47 de son avis.

Concernant les plus petits opérateurs identifiés tels que ICSB, IOS, C2I, Inforsud, leur poids réel ne peut être appréhendé avec certitude mais il ressort de l'instruction que leur part de marché individuelle n'excède en aucun cas 5 %. Il apparaît donc que ces opérateurs, dont certains ont encore à ce jour une taille au plus régionale, n'exercent qu'une pression concurrentielle très marginale sur les parties, Tessi et Safig.

Enfin, ainsi que l'a relevé le Conseil, les sous-traitants des parties, de Tessi et de Safig, peuvent constituer des concurrents potentiels de ces derniers. Le Conseil de la concurrence souligne que " la sous-traitance offre aussi l'opportunité à de petits opérateurs de se faire connaître des banques clientes et d'apporter la preuve de la qualité de leurs prestations, leur permettant ainsi de participer aux appels d'offres ultérieurs ", même si les exemples de contrats de sous-traitance portés au dossier montrent qu'ils ne concernent le plus souvent que la phase d'acquisition des chèques, c'est-à-dire la phase de traitement à plus faible valeur ajoutée.

Au total, il ressort que, compte tenu de leur taille et de leur faible poids actuel, les quelques petits opérateurs à même de fournir la prestation de l'ensemble du traitement des chèques (acquisition, tri, archivage) ne constituent que des concurrents résiduels des parties, de Tessi et de Safig.

(ii) Sur les caractéristiques de la demande :

Sur ce marché, la demande émane des banques, et notamment des grands réseaux bancaires actifs en France. Experian fait valoir la puissance de négociation de ses clients en matière de traitement du chèque, qui l'empêcherait de relever fortement ses marges via une hausse des prix.

Toutefois, comme cela a déjà été souligné, le traitement des chèques est soumis à de fortes contraintes de sécurité et de délai. Compte tenu notamment des enjeux financiers liés à cette activité, un critère de choix important pour les banques dans la sélection de leurs prestataires est leur fiabilité et leur capacité à traiter des volumes importants de chèques, avec un très haut niveau de qualité et dans des délais courts. Dès lors, l'expérience technique, le savoir-faire et les références du prestataire jouent un rôle primordial.

Il ressort, en premier lieu, de ces éléments que le changement de prestataire pour les banques, même s'il n'est pas impossible, s'avère délicat compte tenu des difficultés d'adaptation de la chaîne de traitement entre la banque et son nouveau prestataire liées à la nécessité de modifier significativement l'organisation des circuits et notamment l'organisation informatique.

Ainsi l'avis du Conseil fait apparaître, selon les réponses des banques, que le changement d'opérateur est une opération lourde. Il est précisé au point 65 de l'avis que : " Pour la Caisse d'épargne PACA, un changement d'opérateurs est une opération lourde, de même que pour la Société générale, qui précise que la spécificité des traitements (développements informatiques propres aux établissements, la nécessaire maîtrise de procédures spécifiques et la lourde logistique associée au transport des chèques...) rend les changements de prestataires délicats. Le Crédit lyonnais confirme que la transition prend plusieurs mois. De même, BNP-Paribas explique que la spécificité de ses logiciels l'empêche de changer facilement de prestataire : "Il nous est possible dans un délai court (moins d'une semaine) de modifier les volumes traités par l'un ou l'autre de nos prestataires ou sur l'un ou l'autre des sites de traitement de ces prestataires, sans toutefois pouvoir remplacer rapidement l'un de ces 3 prestataires par un nouveau venu compte tenu des spécificités en terme de logiciel." ".

Cette difficulté à opter pour un nouveau prestataire explique que les taux de reconduction des contrats, dont la durée est comprise entre trois et cinq ans, sont importants et que beaucoup de banques renouvellent leurs contrats de prestation du traitement des chèques par tacite reconduction. En deuxième lieu, il ressort qu'afin de sécuriser le processus de traitement des chèques les banques confient cette prestation à au moins deux, voire trois, opérateurs différents. Une telle pratique a été confirmée par les principales banques interrogées dans le cadre de l'instruction du dossier.

On pourrait toutefois faire valoir que, face à cette réduction de l'offre, les banques auraient la possibilité de reprendre en interne le traitement des chèques. Toutefois, il ressort de l'instruction que la réinternalisation de l'activité de traitement de chèque par les banques ne constitue pas une perspective crédible. En effet, d'une part, l'évolution passée démontre que la tendance est massivement à l'externalisation de la prestation par les banques, du fait notamment de l'importance des coûts du traitement en interne (coûts en ressources humaines et coûts techniques, ces derniers ayant été accrus avec le passage à l'EIC), et, d'autre part, les banques ont majoritairement indiqué dans leurs réponses aux tests de marché que l'hypothèse d'une réinternalisation de la prestation était totalement exclue.

Si certaines réinternalisations portant sur de faibles volumes ont pu être ponctuellement observées dans le passé, il n'apparaît pas pour autant que le mouvement de fond vers l'externalisation soit réversible. La menace de réinternalisation ne pourra de ce fait accroître que très marginalement l'élasticité de la demande des banques par rapport aux prix des prestataires du traitement des chèques.

L'opération ayant pour effet de réduire de quatre à trois le nombre d'opérateurs les mieux à même de répondre aux exigences des banques, et ce alors même que celles-ci cherchent à confier la prestation à au moins deux ou trois opérateurs et que la menace de réinternalisation ne peut être considérée comme suffisamment crédible, il s'en conclut que la présente opération a pour effet de réduire la puissance d'achat des banques.

(iii) Sur la dynamique du marché et la taille critique d'un nouvel opérateur :

Il ressort de l'instruction du dossier que le marché du traitement du chèque a fortement cru au cours des dernières années (1) et qu'il existe encore un volume important de chèques supplémentaires susceptible d'arriver sur ce marché au cours des prochaines années (2).

Dans un contexte d'expansion de marché, l'absence d'entrée d'un opérateur significatif amène à s'interroger sur la taille minimale nécessaire à un nouvel opérateur pour entrer sur le marché. La complexification de la procédure depuis la mise en place de l'EIC nécessite désormais des investissements techniques substantiels pour effectuer la prestation globale de traitement de chèques. Selon l'avis du Conseil, il existe des contraintes de taille pour les opérateurs liées à la nécessité de traiter des volumes importants de chèques afin d'atteindre une taille critique permettant de devenir compétitif. Néanmoins, comme l'indique le Conseil, les évolutions technologiques liées à la dématérialisation de la compensation des chèques dans le cadre de l'EIC rendent de moins en moins nécessaire la proximité géographique entre les centres de traitement et les agences bancaires et, le cas échéant, le défaut de couverture nationale pour un opérateur peut être pallié par le recours à la sous-traitance.

Il s'en conclut qu'une couverture nationale est de moins en moins nécessaire pour entrer sur ce marché, mais que l'entrée sur le marché en tant que concurrent des trois principaux opérateurs pour répondre aux appels d'offres des principales banques nécessite une taille critique qu'aucun des autres opérateurs actuels n'a atteinte.

(iv) Sur l'évolution de la structure du marché et des prix suite à l'opération :

S'agissant d'un marché d'appels d'offres, il convient de s'attacher, au-delà de l'observation du niveau des parts de marché, au nombre d'opérateurs susceptibles de répondre aux appels d'offres émis par les banques et d'exercer ainsi une pression concurrentielle à même de contraindre les prix.

L'opération conduit à réduire de quatre à trois le nombre d'opérateurs de taille significative et présents sur l'ensemble de la chaîne du traitement des chèques. A la suite de l'opération, la demande des banques se reportera, en toute vraisemblance, sur des opérateurs de dimension nationale, déjà présents, Safig, Tessi. Un tel mécanisme a d'ores et déjà pu être observé sur au moins un appel d'offres émanant d'un grand groupe bancaire et postérieur à l'annonce du rapprochement entre Experian et Atos.

Ainsi que cela a déjà été souligné, les banques font appel à deux, voire trois, prestataires par souci de sécurité. La réduction du nombre d'opérateurs sur le marché consécutive à l'opération vient donc limiter les possibilités d'arbitrage des banques lors des appels d'offres et, de ce fait, est de nature à conduire à une hausse des marges réalisées par les opérateurs précités sur les prestations de traitement de chèques.

Dans la mesure où la modification de la structure de l'offre engendrée par l'opération est de nature à induire une pression à la hausse sur l'écart entre le prix de marché et le prix concurrentiel des prestations de traitement des chèques, à tout le moins à court ou moyen terme, l'opération est de nature à porter atteinte à la concurrence sur le marché national du traitement des chèques.

Toutefois, dans une perspective dynamique, cette situation pourrait être remise en cause sous réserve que les concurrents résiduels et potentiels identifiés atteignent la taille critique leur permettant de devenir des opérateurs compétitifs, qu'ils acquièrent l'expérience technique, le savoir-faire et la renommée afin de devenir des opérateurs alternatifs crédibles pour les banques. En effet, comme mis en évidence supra, il existe une frange concurrentielle, constituée de petits opérateurs, qui pourraient dans certaines conditions exercer une pression concurrentielle sur les trois principaux opérateurs du marché.

Néanmoins, ainsi que l'a constaté le Conseil, le développement de ces opérateurs en tant qu'alternative crédible lors des appels d'offres se heurte, d'une part, à la nécessité d'un volume critique de chèques traités, et, d'autre part, à la nécessité de disposer de références susceptibles d'apporter aux banques des garanties de bonne exécution des contrats.

C'est pourquoi, par lettre en date du 20 août 2003, Experian s'est engagé à renoncer au bénéfice de la clause de non-concurrence " dans ses contrats, en cours et conclus dans les trois ans à venir, tant avec les banques qu'avec les sous-traitants, incluant les contrats qui seront transférés par Atos à Experian du fait de l'opération de concentration ". Cet engagement permet ainsi aux opérateurs sous-traitants de la nouvelle entité de répondre librement aux appels d'offres au moment des renouvellements des contrats à l'exécution desquels ils ont participé en qualité de sous-traitants.

De plus, Experian s'est engagé par courrier en date du 8 septembre 2003, modifié par le courrier en date du 10 septembre, à faire sous-traiter par des prestataires tiers indépendants du groupe GUS et agréés par le ministre les volumes minimaux suivants de chèques émis en France, en matière de tri :

- pour l'année 2004 : [20-40] millions de chèques sous-traités ;

- pour l'année 2005 : [50-70] millions de chèques sous-traités ;

- pour l'année 2006 : [80-100] millions de chèques sous-traités ;

- pour l'année 2007 : [100-120] millions de chèques sous-traités ;

- pour l'année 2008 : [140-160] millions de chèques sous-traités ;

- pour l'année 2009 : [100-120] millions de chèques sous-traités ;

- pour l'année 2010 : [80-100] millions de chèques sous-traités ;

- pour l'année 2011 : [50-70] millions de chèques sous-traités ;

- pour l'année 2012 : [20-40] millions de chèques sous-traités.

Dans le cadre de ce dispositif de sous-traitance, Experian s'est engagé dans le même courrier à " mentionner explicitement, lors de la mise en place de la sous-traitance, à la banque cliente l'identité du ou des sous-traitants, la nature des prestations effectuées par chacun d'entre eux " et à adresser " chaque année avant le 31 janvier aux banques clientes un récapitulatif comprenant l'identité du ou des sous-traitants, la nature des prestations effectuées par chacun d'entre eux ainsi que le volume de chèques triés correspondant ".

La sous-traitance d'une partie de l'activité de la nouvelle entité résultant de l'opération notifiée à des opérateurs tiers indépendants sera de nature à permettre aux sous-traitants d'acquérir la masse critique requise ainsi que le savoir-faire et la visibilité auprès des banques nécessaires pour leur permettre de répondre dans de bonnes conditions aux futurs appels d'offres et animer ainsi la concurrence sur le marché du traitement de chèques.

Ces sous-traitants pourront ensuite répondre librement aux appels d'offres au moment du renouvellement des contrats. Dans un tel dispositif, les barrières à l'entrée et les obstacles à la croissance des petits opérateurs sur le marché seront suffisamment réduits pour compenser les atteintes à la concurrence résultant de la disparition d'un des quatre principaux opérateurs du marché consécutivement à l'opération.

En conclusion, sous réserve du respect des engagements pris par Experian, l'opération notifiée n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les marchés identifiés. Je vous informe donc que j'autorise cette opération.

Je vous prie d'agréer, Maître, l'expression de ma considération distinguée.

Engagements souscrits dans le cadre de l'opération de concentration experian holding france/atos investissement 4

1. Experian Holding France confirme, conformément à son courrier en date du 6 août 2003, qu'elle renonce, dans les trois mois à compter de la réception de la décision prise par le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie autorisant l'opération d'acquisition de la société Atos Investissement 4 par la société Experian Holding France, au bénéfice de la clause de non-concurrence interdisant aux sous-traitants de contracter avec les banques clientes, pouvant figurer dans les contrats actuellement en cours conclus avec les banques clientes et les sous-traitants pour les prestations de traitement des chèques, soit par Experian, soit par la société Atos Origin Services dont les contrats seront transférés à Experian à l'issue de l'opération de concentration. Experian Holding France s'engage, à ce titre, dans le délai de trois mois susvisé, à informer par courrier les banques et les sous-traitants signataires des contrats susvisés de sa renonciation à cette clause de non-concurrence, et à leur demander de lui confirmer leur accord pour supprimer une telle clause de leur contrat.

1.1. Experian Holding France s'engage, pendant une durée de cinq années à compter de la décision prise par le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie autorisant l'opération de concentration, à ne pas inclure la clause de non-concurrence susvisée dans les nouveaux contrats qu'elle conclura avec les banques et les sous-traitants pour les prestations de traitement des chèques.

1.2. Experian Holding France adressera au directeur de la DGCCRF la copie des courriers adressés aux banques et aux sous-traitants en exécution du point 1 susvisé dans le délai maximum de quatre mois à compter de la réception de la décision prise par le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie autorisant l'opération de concentration, ainsi que la copie des contrats dans le mois de leur signature en exécution du point 1.1.

2. Au cours de l'année 2002, les sociétés Experian Holding France et Atos ont trié un volume de [...] milliards de chèques (chiffre établi au 31 décembre 2002).

2.1. Experian Holding France s'engage à faire sous-traiter par des prestataires tiers indépendants du groupe GUS les volumes minimaux suivants de chèques émis en France, en matière de tri, à corriger en fonction du volume total trié l'année concernée, selon les règles précisées aux points 2.1.1 à 2.1.4 :

- pour l'année 2004 : [20-40] millions de chèques sous-traités ;

- pour l'année 2005 : [50-70] millions de chèques sous-traités ;

- pour l'année 2006 : [80-100] millions de chèques sous-traités ;

- pour l'année 2007 : [100-120] millions de chèques sous-traités ;

- pour l'année 2008 : [140-160] millions de chèques sous-traités ;

- pour l'année 2009 : [100-120] millions de chèques sous-traités ;

- pour l'année 2010 : [80-100] millions de chèques sous-traités ;

- pour l'année 2011 : [50-70] millions de chèques sous-traités ;

- pour l'année 2012 : [20-40] millions de chèques sous-traités.

Il est précisé que le sous-traitant ou les sous-traitants devront être agréés par le ministre chargé de l'Economie.

2.1.1. Si le volume annuel de chèques effectivement triés, étant entendu que ce volume inclut les chèques dont le tri est sous-traité, était inférieur à [...] milliards de chèques triés pour une année donnée (sur la base de chiffres établis au 31 décembre de ladite année), l'engagement de volume de chèques à sous-traiter prévu au 2.1 serait réduit de 100 % pour ladite année. Dans ce cas, le volume de chèques sous-traités pendant ladite année viendrait en déduction du volume de chèques à sous-traiter pour la ou les années suivantes établi après application éventuelle des points 2.1.1 à 2.1.4.

2.1.2. Si le volume annuel de chèques effectivement triés, étant entendu que ce volume inclut les chèques dont le tri est sous-traité, était compris entre [...] et [...] milliards de chèques triés pour une année donnée (sur la base de chiffres établis au 31 décembre de ladite année), l'engagement de volume de chèques à sous-traiter prévu au point 2.1 serait réduit de 75 % pour ladite année. Dans ce cas, le surplus (différence entre le nombre de chèques sous-traités pendant ladite année et 25 % du volume prévu au point 2.1 pour ladite année) de chèques sous-traités pendant ladite année viendrait en déduction du volume de chèque à sous-traiter pour la ou les années suivantes établi après application éventuelle des points 2.1.1 à 2.1.4.

2.1.3. Si le volume annuel de chèques effectivement triés, étant entendu que ce volume inclut les chèques dont le tri est sous-traité, était compris entre [...] et [...] milliards de chèques triés pour une année donnée (sur la base de chiffres établis au 31 décembre de ladite année), l'engagement de volume de chèques à sous-traiter prévu au point 2.1 serait réduit de 50 % pour ladite année. Dans ce cas, le surplus (différence entre le nombre de chèques sous-traités pendant ladite année et 50 % du volume prévu au point 2.1 pour ladite année) de chèques sous-traités pendant ladite année viendrait en déduction du volume de chèques à sous-traiter pour la ou les années suivantes établi après application éventuelle des points 2.1.1 à 2.1.4.

2.1.4. Si le volume annuel de chèques effectivement triés, étant entendu que ce volume inclut les chèques dont le tri est sous-traité, était compris entre [...] et [...] milliards de chèques triés pour une année donnée (sur la base de chiffres établis au 31 décembre de ladite année), l'engagement de volume de chèques à sous-traiter prévu au point 2.1 serait réduit de 25 % pour ladite année. Dans ce cas, le surplus (différence entre le nombre de chèques sous-traités pendant ladite année et 75 % du volume prévu au point 2.1 pour ladite année) de chèques sous-traités pendant ladite année viendrait en déduction du volume de chèques à sous-traiter pour la ou les années suivantes établi après application éventuelle des points 2.1.1 à 2.1.4.

2.2. Experian Holding France s'engage, dans le cadre de l'exécution du point 2, à mentionner explicitement, lors de la mise en place de la sous-traitance, à la banque cliente l'identité du ou des sous-traitants, la nature des prestations effectuées par chacun d'entre eux.

Experian Holding France adressera chaque année avant le 31 janvier aux banques clientes un récapitulatif comprenant l'identité du ou des sous-traitants, la nature des prestations effectuées par chacun d'entre eux, ainsi que le volume de chèques triés correspondant.

3. Les engagements pris par Experian Holding France sont étendus à toutes les sociétés par le groupe GUS.

4. Experian Holding France rendra compte annuellement au ministre chargé de l'Economie avant le 31 janvier de l'année civile pour l'année précédente de la mise en œuvre des engagements pris aux points 2 et 3. Dans ce cadre, Experian Holding France adressera au ministre une copie, notamment, des contrats de sous-traitance passés en exécution du point 2 ainsi que des récapitulatifs annuels adressés aux banques visés au point 2.

5. La sous-traitance étant au terme des contrats soumise à l'accord préalable des banques clientes, Experian Holding France informera le ministre chargé de l'Economie des difficultés qui pourraient survenir du fait du refus de banques clientes d'accepter la sous-traitance du traitement de leurs chèques triés.

Nota. - A la demande des parties notifiantes, des informations relatives au secret des affaires ont été occultées et la part de marché exacte remplacée par une fourchette plus générale.

Ces informations relèvent du " secret des affaires ", en application de l'article 8 du décret n° 2002-689 du 30 avril 2002 fixant les conditions d'application du livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence.

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