Ministre de l’Économie, 27 juin 2003, n° ECOC0400070Y
MINISTRE DE L’ÉCONOMIE
Lettre
PARTIES
Demandeur :
MINISTRE DE L'ECONOMIE
Défendeur :
Conseils de la société Natexis Industrie
MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE
Maîtres,
Par dépôt d'un dossier dont il a été accusé réception le 12 juin 2003, vous avez notifié deux projets d'acquisition par Natexis Industrie concernant, d'une part, la totalité du capital de la société Hydra SA et, d'autre part, 95,18 % du capital de la société Cecep.
L'acquisition relative à Hydra SA a été formalisée par un protocole d'accord signé le 20 mars 2003 par plusieurs membres de la famille Riethmann, propriétaires des actions objets de la cession, et par Natexis Industrie. L'acquisition relative à Cecep a, quant à elle, été formalisée par une promesse de vente signée le 31 mars 2003 par le FCPR Parvalind, propriétaire des actions objets de la cession, et par Natexis Industrie.
L'acquisition de Cecep est conditionnée à ce que Cecep soit en mesure d'acquérir, le 30 juin 2003 au plus tard, le contrôle de la société Hydra SA, par substitution aux droits de Natexis Industrie. Par lettre datée du 28 mai 2003, Natexis Industrie a informé le représentant des vendeurs d'Hydra SA qu'elle se substituait Cecep pour l'acquisition d'Hydra SA.
I. - Les entreprises concernées et les deux opérations
Hydra SA est une société de droit français à la tête d'un groupe (ci-aLawLex20040000667JBJprès " Hydra ") présent dans la fabrication et la commercialisation d'articles d'hygiène et de soins à base de coton. Au cours de l'exercice 2002, Hydra a réalisé un chiffre d'affaires total consolidé de 41,8 millions d'euros, dont 30,7 millions dans l'Union européenne et 26,2 millions en France.
Cecep est une société holding de droit français à la tête d'un groupe (ci-après " Cecep ") composé des sociétés Tetra et Mefra, présent dans la fabrication et la commercialisation de produits d'hygiène et de soins, et plus particulièrement de produits de soins médicaux et chirurgicaux à usage unique (compresses, pansements, bandes adhésives élastiques, etc.). Au cours de l'exercice 2002, Cecep a réalisé un chiffre d'affaires total consolidé de 34,6 millions d'euros, dont 31,7 millions dans l'Union européenne et 29,7 millions en France.
Natexis Industrie est une société de capital-risques, détenue à plus de 99 % par Natexis Private Equity (ci-après " NPE ") qui constitue la tête du pôle fonds propres du groupe Natexis Banques Populaires. Natexis Industrie est gérée par la société de gestion Natexis Industrie Management, dont le capital est détenu à 98,76 % par NPE. Au cours de l'exercice 2002, le groupe Natexis Banques Populaires a réalisé en France un chiffre d'affaires largement supérieur à 150 millions d'euros (1).
A l'issue des deux opérations notifiées, Cecep sera la tête de groupe des sociétés Tetra, Mefra et Hydra SA.
L'acquisition de Hydra SA par Natexis Industrie constitue une concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce.
En revanche, la question peut se poser de savoir si l'achat de Cecep, transaction effectuée entre deux sociétés dont le capital est détenu quasi exclusivement par NPE, constitue une concentration. En effet, cette acquisition est réalisée auprès du fonds Parvalind. Ce dernier est géré par la société de gestion Parvalind Gérance, dont le capital est détenu à 99,98 % par NPE. NPE est par ailleurs investisseur du fonds [...] à hauteur de [...] %.
En tant que sociétés de gestion agréées par la Commission des opérations de bourse (ci-après " COB "), Parvalind Gérance et Natexis Industrie Management doivent respecter le règlement n° 96-03 de la COB, relatif aux règles de bonne conduite. Ce règlement impose notamment à la société de gestion : 1° de " prévenir les conflits d'intérêts et, le cas échéant, [de] les résoudre équitablement dans l'intérêt des mandants ou des porteurs de parts ou d'actions ", ainsi que de " prendre toutes les dispositions nécessaires, notamment en matière de séparation des métiers et des fonctions, pour garantir l'autonomie de la gestion " (art. 3 du règlement COB précité) ; 2° que " le choix des investissements, ainsi que celui des intermédiaires, s'effectue de manière indépendante dans l'intérêt des mandats ou des porteurs de parts ou d'actions " (art. 7 du règlement COB précité) ; 3° doit " adopter une organisation réduisant les risques de conflits d'intérêt. Les fonctions susceptibles d'entraîner des conflits d'intérêt doivent être strictement séparées. L'indépendance de l'activité de gestion pour compte de tiers doit être assurée par rapport aux autres fonctions exercées, notamment la gestion pour compte propre du prestataire " (art. 14 du règlement COB précité).
On peut noter que NPE a mis en place un Code de déontologie qui vise à respecter ces règles de bonne conduite, et qui intègre également le Code de déontologie de l'Association française des investisseurs en capital (ci-après " AFIC "). Le Code de déontologie de l'AFIC contient un ensemble de règles visant notamment à ce que les membres : 1° " privilégient l'intérêt des investisseurs et les traitent équitablement " ; 2° " identifient, préviennent dans toute la mesure du possible, et traitent au mieux des intérêts des investisseurs toute situation de conflit d'intérêt " ; 3° " exercent leur activité de gestion de façon autonome, en toute indépendance et transparence dans le principe de séparation des métiers et des fonctions. "
Il ressort des éléments communiqués par Natexis Industrie que les équipes de direction et de gestion des portefeuilles d'investissement des deux sociétés de gestion, Parvalind Gérance et Natexis Industrie Management, sont indépendantes l'une de l'autre. En conséquence, Parvalind Gérance et Natexis Industrie ne peuvent être considérées comme formant une seule et même unité économique.
Il apparaît également qu'une telle indépendance existe vis-à-vis de NPE pour ce qui concerne Parvalind Gérance.
Il peut donc s'en conclure que l'acquisition de Cecep par Natexis Industrie constitue une concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce.
Compte tenu des chiffres d'affaires précités, aucune des deux opérations ne revêt une dimension communautaire et chacune est soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce relatifs à la concentration économique.
Malgré le Code de déontologie mis en place par NPE, il apparaît que la question de l'indépendance de Natexis Management Industrie vis-à-vis de NPE peut cependant se poser. En effet, Natexis Industrie est financée à 100 % par NPE. De ce fait, il découle du règlement COB et du Code de déontologie de NPE que Natexis Industrie Management ne devra prendre ses décisions qu'en traitant au mieux les intérêts de NPE seul. Toutefois, au cas particulier, il n'apparaît pas nécessaire, pour les besoins de la présente décision, de trancher cette question, dans la mesure où aucun véhicule d'investissement du pôle NPE ne détient de participation susceptible de lui conférer le contrôle d'entités présentes soit dans le secteur d'activité d'Hydra et de Cecep, soit en amont ou en aval de ce secteur, soit dans une activité directement connexe aux activités d'Hydra et de Cecep.
En conséquence, pour les besoins de la présente décision, l'analyse concurrentielle pourra se restreindre au périmètre des entités contrôlées par la société de gestion Natexis Industrie Management.
II. - Marchés concernés
Hydra et Cecep sont tous les deux présents dans la fabrication et la commercialisation de produits d'hygiène et de soins. Hydra est essentiellement présent dans la fabrication et la commercialisation de coton, alors que la principale activité de Cecep consiste surtout, au travers de Tetra, à produire et à vendre des compresses et des pansements (plus de [70-80] % du chiffre d'affaires en 2002).
En ce qui concerne le coton vendu par les fabricants, le ministre a eu l'occasion, dans une décision datée du 29 juin 1999 (affaire Fort James Corporation/Demak'up/Happy Bébé [2]), de distinguer deux marchés : d'une part, le marché du coton en vrac et, d'autre part, le marché du coton-format. Le coton en vrac est traditionnellement conditionné sous la forme d'une seule bande pliée en zigzag dans un sachet, alors que le coton-format se présente sous la forme de boule, disque ou carré. Dans l'affaire précitée, le ministre avait fondé la distinction de deux marchés séparés par le fait que " le coton en vrac est plutôt réservé à un usage médical (soins des plaies, application de compresses), tandis que le coton-format, d'une grande facilité d'usage, est destiné au démaquillage ou au nettoyage de la peau. Ils diffèrent en outre sensiblement par leur présentation. Les carrés de coton pour bébé sont, quant à eux, inclus dans le marché du coton-format : ils se distinguent seulement des cotons à démaquiller par leur taille et leur épaisseur ". En outre, le ministre avait noté, entre ces deux catégories de coton, des écarts de prix importants et des procédés de fabrication différents. Les opérateurs interrogés dans le cadre de l'instruction de la présente opération ont confirmé qu'il convenait de distinguer le coton en vrac du coton-format.
Par ailleurs, en matière de produits de soins médicaux vendus par les fabricants, la Commission européenne (ci-après " la Commission ") a estimé dans une décision de 2001 (JV 54 Smith & Nephew + Beiersdorf/JV du 30 janvier 2001) qu'il convenait de distinguer, d'une part, les produits destinés aux professionnels de la santé tels que les hôpitaux, et, d'autre part, les produits destinés aux particuliers. Cette distinction se fonde sur l'existence de différences significatives en termes notamment (i) de conditionnements, (ii) de variétés de tailles, (iii) de prix et (iv) de réseaux de distribution. Dans le cadre de cette même décision, la Commission a défini un marché des pansements (" surgical dressings ") comprenant l'ensemble des produits destinés aux soins et à la couverture des plaies.
On peut noter que la Commission semble inclure le coton dans le marché des pansements qu'elle a défini (3). Dès lors que le coton en vrac est plutôt réservé à un usage médical, la question peut en effet être posée quant à savoir s'il convient de l'intégrer dans un marché plus large des pansements. Toutefois, une telle question n'a pas besoin d'être tranchée, dans la mesure où, quelle que soit la définition de marché de produit retenue, les conclusions de l'analyse demeureront inchangées.
En ce qui concerne les pansements et le coton (en vrac ou format) destinés à la consommation finale des particuliers, ces produits sont distribués soit par les pharmacies soit par les grandes et moyennes surfaces (ci-après " GMS "). Natexis Industrie estime qu'il n'y a pas lieu de distinguer les ventes selon qu'elles sont réalisées auprès des pharmacies ou auprès des GMS. Toutefois, il ressort de l'instruction du dossier, et notamment des réponses des concurrents interrogés, que les ventes faites à ces deux canaux de distribution présentent des différences significatives en termes de prix, de marques et de qualité. A cet égard, on peut constater par exemple que [80-90] % du chiffre d'affaires réalisé par Hydra auprès des GMS concerne des produits sous marque de distributeur (MDD) ; a contrario, [10-20] % du chiffre d'affaires réalisé par Hydra auprès des pharmacies concerne des produits sous MDD. Par ailleurs, Hydra produit deux marques nationales, dont l'une n'est distribuée qu'en pharmacie (Hydra) et dont l'autre n'est distribuée qu'en GMS (Bocoton).
La Commission a estimé que le marché des pansements avait une dimension nationale car (i) les fabricants s'appuient sur un réseau de distribution national, (ii) les échanges transfrontaliers sont peu importants, et (iii) les spécificités des produits concernés ont encore un caractère national, du fait des pratiques et des habitudes médicales qui différent d'un pays à l'autre.
Le ministre a estimé que, pour les deux marchés de coton qu'il avait définis, " les habitudes de consommation et la présence de marques nationales conduisent à définir des marchés de taille nationale, ce qui est confirmé par la plupart des opérateurs ".
Les opérateurs interrogés dans le cadre de la présente instruction n'ont pas remis en cause cette dimension nationale.
S'agissant des autres produits d'hygiène et de soins que les pansements et le coton, il n'est pas nécessaire de définir et d'examiner les marchés concernés, car Cecep en est quasiment absent.
De même, s'agissant des produits destinés aux professionnels (hôpitaux, cliniques), il n'est pas besoin de définir et d'examiner les marchés concernés, dans la mesure où Hydra en est absent.
En conséquence, pour les besoins de la présente analyse, il sera retenu au total six marchés de la vente des fabricants aux distributeurs : les ventes : 1° de coton en vrac, 2° de coton-format, 3° des pansements hors coton, en distinguant pour chacune de ces trois catégories de produits (i) les ventes réalisées auprès des pharmacies et (ii) les ventes réalisées auprès des GMS. Eu égard à ce qui précède, il sera retenu une dimension nationale pour chacun de ces marchés.
III. - Analyse concurrentielle
Natexis Industrie Management ne contrôle aucune entité présente, d'une part, dans le secteur d'activité d'Hydra et de Cecep, et, d'autre part, en amont ou en aval de ce secteur.
Les parts de marché, en valeur, d'Hydra et de Cecep sont les suivantes pour l'année 2002 :
[object Object]
L'opération entraîne des chevauchements sur les trois marchés de la pharmacie ainsi que sur le marché des pansements vendus aux GMS. Ces chevauchements sont toutefois peu importants et il existe sur ces quatre marchés des concurrents significatifs, parmi lesquels, notamment, Hartmann, Urgo, Molnlycke et Polive, avec des parts de marché semblables ou supérieures à celles de la nouvelle entité.
En outre, eu égard aux parts de marché d'Hydra et de Cecep sur les six marchés analysés, la nouvelle entité ne sera pas en mesure de bénéficier d'un effet de gamme susceptible de lui conférer un avantage concurrentiel sur l'un de ces six marchés.
On peut enfin noter que les concurrents interrogés n'ont pas manifesté d'inquiétude quant à ces deux opérations de concentration.
Il ressort de ces éléments que les deux opérations notifiées ne sont pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les différents marchés concernés. Je vous informe donc que j'autorise ces deux concentrations.
Je vous prie d'agréer, Maîtres, l'expression de mes sentiments les meilleurs.
Nota. - A la demande des parties notifiantes, des informations relatives au secret des affaires ont été occultées et la part de marché exacte remplacée par une fourchette plus générale.
Ces informations relèvent du " secret des affaires ", en application de l'article 8 du Décret n° 2002-689 du 30 avril 2002 fxant les conditions d'application du livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence.
(1) Chiffre d'affaires calculé conformément à l'article 5 (et notamment son point 3) du règlement du Conseil n° 4064-89 du 21 décembre 1989 relatif au contrôle des concentrations entre entreprises, auquel renvoie l'article 2 du Décret n° 2002-689 du 30 avril 2002 fixant les conditions d'application du livre IV du Code de commerce.
(2) Lettre du ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie en date du 29 juin 1999 relative à une concentration dans le secteur des produits en coton (BOCCRF n° 1 du 23 janvier 2001).
(3) " The term "surgical dressing" is a widely used term for a range of most textile-based wound care products, consisting primarily of swabs, cotton wool, dressing pads, sterile dressing pads etc. Surgical dressings are used for swabbing and cleaning wounds and absorbing exudate (wound fluid). Secured with a fixation product some surgical dressings can also be used to cover a wound." (§ 38 de la décision.)