Ministre de l’Économie, 16 juin 2003, n° ECOC0400082Y
MINISTRE DE L’ÉCONOMIE
Lettre
PARTIES
Demandeur :
MINISTRE DE L'ECONOMIE
Défendeur :
Conseil de la société General Electric
MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE
Maître,
Par dépôt d'un dossier dont il a été accusé réception le 15 mai 2003, vous avez notifié le projet d'acquisition par General Electric Corporation (ci-après " GE ") de l'activité de production et de commercialisation de produits silicones de Crompton Corporation (ci-après " Crompton "). Ce projet a été formalisé par un protocole d'accord signé entre les parties en date du 24 avril 2003.
I. - Les parties et l'opération
GE est un groupe diversifié qui opère dans de nombreux secteurs, tels que les moteurs d'avions, les appareils électroménagers, les systèmes industriels, les systèmes médicaux, les médias, les plastiques, les systèmes d'énergie, l'éclairage, les matières de spécialités et les systèmes de transport.
GE est actif en Europe dans le secteur des silicones par le biais de son entreprise commune avec Bayer, créée en 1998.
En 2002, GE a réalisé un chiffre d'affaires consolidé avoisinant 140 milliards d'euros, dont environ [...] milliards réalisés auprès de clients situés dans l'Union européenne. En France, le chiffre d'affaires réalisé par GE sur la période considérée s'élève à [>15 millions] d'euros.
Crompton, société de droit américain cotée à la bourse de New York, est un producteur et distributeur de produits polymères et de produits chimiques de spécialité. Son activité de production et de commercialisation de produits silicones, cible de l'opération, est principalement centrée sur la production de silanes organo-fonctionnels ainsi que de produits en silicones utilisés pour de nombreuses applications industrielles. Les sites de production de l'activité silicones de Crompton sont situés en Virginie (Etats-Unis), en Italie, en Belgique, au Mexique et au Brésil ; ses sites de développement en Chine, Indonésie, Malaisie, Corée et Thaïlande. Les ventes de ces produits sont mondiales.
Les ventes de l'activité silicones de Crompton ont généré en 2002 un chiffre d'affaires de [...] millions d'euros, dont [...] millions réalisés au niveau communautaire et [>15 millions] réalisés en France.
Aux termes du protocole d'accord précité, les parties ont arrêté les conditions d'acquisition par GE de l'ensemble des activités silicones de Crompton. GE détiendra le contrôle exclusif de ces activités. L'opération constitue donc une concentration économique au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce.
Au regard des chiffres d'affaires précités, il apparaît que les seuils communautaires ne sont pas franchis, mais qu'en revanche les seuils de chiffres d'affaires tels qu'énoncés à l'article L. 430-2 du Code de commerce sont quant à eux franchis. L'opération projetée entre donc dans le champ d'application des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce.
Par ailleurs, l'opération projetée a fait ou fera l'objet d'une notification dans les pays suivants : Allemagne, Autriche, Australie, Brésil, Colombie, Corée, Espagne, Etats-Unis, Hongrie, Irlande, Italie, Portugal, République tchèque, et Roumanie.
II. - Les marchés concernés
A. - Les marchés de produits
Les parties à la concentration sont des fabricants et des vendeurs de produits silicones. Ces produits sont utilisés par une clientèle variée dans de nombreuses industries, en raison de leurs grandes performances, tant en ce qui concerne le produit lui-même, que dans le processus de production de produits finis. Ils sont utilisés à de multiples fins, par exemple en tant que scellants, isolants pour les câbles électriques, en tant que fluides pour transformateurs électriques, en tant qu'ingrédients dans les produits cosmétiques ; ils participent de la composition de certaines pièces détachées de voiture (bougies d'allumage) ou encore de tétines de biberon...
Le secteur de la production des silicones a déjà été observé par la Commission européenne lors de l'analyse de l'opération de concentration entre General Electric et Bayer (1). L'opération consistait alors en la création d'une entreprise commune à ces deux groupes, entreprise notamment active dans le secteur de la fabrication de produits silicones. Dans cette affaire, les parties avaient regroupé les produits silicones en cinq catégories : les intermédiaires, et, plus en aval dans la chaîne de production, les fluides, les spécialités, les élastomères et les scellants. La Commission avait alors relevé que, bien qu'une distinction en fonction du type d'application des produits puisse conduire à définir plusieurs milliers de " micro-marchés ", en raison de la grande variété d'utilisation des produits en silicone, une certaine substituabilité du côté de l'offre pouvait cependant plaider en faveur d'un regroupement de ces différents " micro-marchés " au sein de catégories de produits plus vastes. La Commission avait également relevé que les cinq catégories de produits précitées étaient généralement retenues dans l'industrie pour analyser le secteur des silicones. Aussi, pour évaluer l'impact de l'opération en cause, la Commission avait-elle considéré que la délimitation proposée par les parties était suffisante, tout en laissant ouverte la question d'une définition de marché précise.
Ces mêmes éléments peuvent être retenus s'agissant de la présente opération. Il apparaît en effet que, au cas d'espèce, une définition plus précise des marchés du silicone est sans objet dans la mesure où, quelle que soit la délimitation proposée, les conclusions de l'analyse demeureront inchangées.
A la lumière de ce qui précède, seules les catégories des fluides et des spécialités sont concernées par la présente opération. L'analyse portera donc sur ces deux catégories.
B. - Le marché géographique
Dans la décision General Electric/Bayer précitée, la Commission a estimé que, " au vu de l'absence de barrières à l'entrée sur les marchés, des coûts de transport peu élevés, de l'homogénéité des prix et de l'importance des échanges intra-communautaire, le marché géographique le plus étroit envisageable est l'Union européenne ".
Pour autant, la partie notifiante se déclare dans l'incapacité de fournir une estimation des parts de marché des parties à la concentration dans la seule Union européenne. Les estimations fournies correspondent à leurs parts de marché sur une région englobant l'Espace économique européen (ci-après " EEE "), le Moyen-Orient, l'Afrique, et, s'agissant des parts de marché de la seule partie notifiante, de l'Inde et du Pakistan. S'il convient de souligner que, selon la partie notifiante, les marchés du Moyen-Orient et de l'Afrique ne représentent qu'une faible proportion dans la région considérée (moins de 10 %), les conséquences de l'opération seront observées, pour les besoins de la présente, d'une part, sur l'EEE élargi au Moyen-Orient, à l'Afrique, à l'Inde et au Pakistan, dans la mesure où les conclusions de l'analyse concurrentielle demeurent inchangées, et, d'autre part, en France.
III. - L'analyse concurrentielle
Les parties n'ont pas été en mesure de communiquer d'estimations précises de leur part de marché par pays, mais ont néanmoins établi leur meilleure estimation de la valeur totale des ventes de fluides et de spécialités en France. L'estimation des ventes de fluides et de spécialités des entreprises concernées en France correspond à une évaluation de la demande française, qui représente environ [10-20] % de la demande totale de l'EEE élargi au Moyen-Orient, à l'Afrique, à l'Inde et au Pakistan (*).
(*) Erreur matérielle : lire : " de la demande totale de l'EEE " au lieu de : " de la demande totale de l'EEE élargi au Moyen-Orient, à l'Afrique, à l'Inde et au Pakistan ".
S'agissant des fluides, l'opération projetée n'entraîne qu'un chevauchement d'activité très limité. Sur l'EEE élargi, GE réalise en 2002 [10-20] % des ventes du secteur, Crompton [0-10] %. Le nouvel ensemble demeurerait confronté à la concurrence de leaders tels que Dow Corning ([30-40] % des ventes en 2002 sur la région considérée), ou encore Wacker ([20-30] %). En France, le nouvel ensemble dispose d'une représentativité un peu plus élevée, en termes de ventes, soit [10-20] %. Il reste toutefois confronté à la concurrence des mêmes leaders, et à celle de Rhodia, qui dispose d'une représentativité équivalente.
Le chevauchement d'activité entre les parties à la concentration est plus significatif, en termes d'addition, s'agissant de la catégorie des spécialités. Pour autant, en 2002, la représentativité des ventes du nouvel ensemble dans les ventes globales du secteur, [10-20] % dans l'EEE élargi au Moyen-Orient, à l'Afrique, à l'Inde et au Pakistan et [10-20] % en France, n'est pas de nature à le soustraire à la concurrence des autres leaders du secteur que sont Dow Corning, Wacker, Degussa et Rhodia.
En outre, il convient d'ajouter que les opérateurs précités sont puissants, opèrent à un niveau mondial et ont la capacité de pénétrer les catégories de l'industrie des silicones desquelles ils sont absents.
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il convient de conclure que l'opération envisagée n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence. Je vous informe donc que j'autorise cette concentration.
Je vous prie d'agréer, Maître, l'expression de ma considération distinguée.
Nota - A la demande des parties notifiantes, des informations relatives au secret des affaires ont été occultées et la part de marché exacte remplacée par une fourchette plus générale.
Ces informations relèvent du " secret des affaires ", en application de l'article 8 du Décret n° 2002-689 du 30 avril 2002 fixant les conditions d'application du livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence.
(1) Décision du 11 juin 1998 IV/M.1162 GE/Bayer.