CCE, 17 décembre 2002, n° 2004-206
COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Décision
Exhausteurs de goût
LA COMMISSION DES COMMUNAUTES EUROPEENNES,
Vu le traité instituant la Communauté européenne, Vu l'accord sur l'Espace économique européen, Vu le règlement n° 17 du Conseil du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (1), modifié en dernier lieu par le règlement (CE) n° 1-2003 (2), et notamment ses articles 3 et 15, Vu la décision de la Commission du 10 juillet 2002 d'ouvrir la procédure dans la présente affaire, Après avoir donné aux entreprises concernées l'occasion de faire connaître leur point de vue au sujet des griefs retenus par la Commission, conformément à l'article 19, paragraphe 1, du règlement n° 17 et au règlement (CE) n° 2842-98 de la Commission du 22 décembre 1998 relatif à l'audition dans certaines procédures fondées sur les articles 85 et 86 du traité CE (3), Après consultation du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes, Vu le rapport du conseiller-auditeur dans la présente affaire (4), Considérant ce qui suit:
PARTIE 1 - LES FAITS
A. RÉSUMÉ DE L'INFRACTION
(1) Sont destinataires de la présente décision:
- Ajinomoto Company Incorporated,
- Takeda Chemical Industries Limited,
- Daesang Corporation, et
- Cheil Jedang Corporation.
(2) L'infraction consiste dans la participation de ces producteurs de nucléotides à une entente continue, contraire à l'article 81, paragraphe 1, du traité et à l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE couvrant le territoire de la Communauté et de l'EEE, par laquelle ils ont fixé les prix des nucléotides, appliqué des hausses de prix, alloué des clients et mis en place un mécanisme de contrôle de l'application de leurs accords.
(3) Les entreprises ont participé à cette infraction de novembre 1988 à juin 1998 (5).
B. LE SECTEUR DES NUCLÉOTIDES
1. LE PRODUIT
(4) L'acide nucléique ou nucléotide est fabriqué à partir du glucose selon un processus de fermentation, de séparation, de cristallisation et de filtration.
(5) Deux nucléotides sont utilisés comme exhausteurs de goût, à savoir le Disodium 5'- Inosinate (IMP) et le Disodium 5'- Guanylate (GMP). Ils sont également vendus sous forme de mélanges, tels que l'I + G, qui contient 50 % d'IMP et 50 % de GMP.
(6) On a découvert en premier que l'IMP permettait de rehausser le goût de certains aliments. On a ensuite découvert que le GMP avait les mêmes propriétés. Ces deux produits ne sont utilisés qu'en petites quantités. Ils n'intensifient le goût des aliments qu'en présence d'un glutamate, que celui-ci soit ajouté, comme le glutamate monosodique (MSG), ou qu'il soit naturel, comme le glutamate contenu dans les tomates. Entre autres applications, l'IMP et le GMP sont efficaces dans les préparations pauvres en sodium. Les nucléotides exhausteurs de goût sont utilisés par les grandes entreprises agroalimentaires pour donner plus de goût aux aliments, soit seuls (lorsque l'aliment contient du glutamate naturel), soit - ce qui est le plus fréquent - avec du MSG.
(7) Ils sont principalement utilisés pour remplacer les extraits de boeuf, pour rehausser les goûts sucrés et de viande, pour "masquer" certains goûts dans les préparations alimentaires et pour enlever l'amertume.
2. LES PRODUCTEURS
a) AJINOMOTO COMPANY INC. (JAPON)
(8) Ajinomoto Company Inc. ("Ajinomoto") est la société de tête d'un groupe d'entreprises qui fabriquent des produits chimiques, y compris des nucléotides, ainsi que des produits alimentaires. Fort de ses capacités technologiques dans le domaine des acides aminés, ce groupe développe et fabrique également des produits pharmaceutiques. Les activités d'Ajinomoto s'appuient sur un réseau de production et de commercialisation qui couvre 21 pays.
(9) Elle exploite des usines de production de nucléotides au Japon.
(10) Ses entreprises associées en Europe sont Ajinomoto Europe Sales GmbH (Hambourg, Allemagne), Ajinomoto Eurolysine (Paris, France), OmniChem (Louvain-la-Neuve, Belgique) et Forum Holdings Ltd (Royaume-Uni).
(11) En 2001, l'ensemble des entreprises du groupe Ajinomoto ont réalisé un chiffre d'affaires total au niveau mondial de 8 680 millions d'euros.
b) TAKEDA CHEMICAL INDUSTRIES LIMITED (JAPON)
(12) Takeda Chemical Industries Ltd ("Takeda") est la société de tête d'un groupe d'entreprises qui fabriquent des produits pharmaceutiques, des produits chimiques, des vitamines en vrac, des produits phytopharmaceutiques, ainsi que des additifs alimentaires tels que les nucléotides.
(13) La distribution des nucléotides sur les marchés de l'EEE est organisée par Mitsui & Co. (Japon). Il existe cependant plusieurs filiales de vente locales en Europe: Mitsui & Co. Deutschland GmbH (pour les ventes destinées à l'Europe occidentale (y compris l'Allemagne, les Pays-Bas, le Portugal et la Suisse), à l'Europe du Nord, à l'Europe orientale et à la Turquie), Mitsui & Co. UK Plc (pour les ventes destinées au Royaume-Uni et à l'Irlande) et Mitsui &Co. France SA (pour les ventes destinées à la France).
(14) Au cours de l'exercice allant du 1er avril 2001 jusqu'au 31 mars 2002, Takeda a réalisé un chiffre d'affaires total au niveau mondial de 9 247 millions d'euros (6).
c) DAESANG CORPORATION (CORÉE DU SUD)
(15) Daesang Corporation ("Daesang") est la société de tête d'un groupe exerçant ses activités au niveau mondial. La fabrication de condiments, d'aliments pour animaux et d'acides aminés compte parmi ses activités. Elle est le résultat de la fusion de Daesang Industrial Limited et de Miwon Corporation Limited, qui s'est produite en novembre 1997. Daesang Industrial Limited était auparavant connue sous le nom de Sewon Corporation Limited et celui de Miwon Foods Corporation Limited (ci-après dénommées collectivement "Daesang" ou "Miwon").
(16) Depuis septembre 1994, Daesang Europe BV est la filiale de vente européenne de Daesang Corporation pour les nucléotides. Elle vend principalement des nucléotides à des distributeurs indépendants de l'EEE.
(17) En 2001, Daesang a enregistré un chiffre d'affaires mondial de 1 382 millions d'euros (7).
d) CHEIL JEDANG CORPORATION (CORÉE DU SUD)
(18) Cheil Jedang Corporation ("Cheil") est la société de tête d'un groupe d'entreprises établies et exerçant leurs activités dans le monde entier. Le groupe sud-coréen Samsung l'avait créée en 1953 pour en faire sa première filiale de production. Cheil est devenue indépendante en 1993. Il s'agit d'une société diversifiée, présente notamment sur les marchés des produits pharmaceutiques et des denrées alimentaires. Elle est entrée sur le marché des nucléotides en 1977.
(19) Elle exerce ses activités dans l'EEE par l'intermédiaire de sa filiale à 100 % CJ Europe GmbH et de différents distributeurs indépendants.
(20) En 2001, les entreprises du groupe Cheil ont réalisé un chiffre d'affaires total de 1 976 millions d'euros (8).
3. LE MARCHÉ
a) L'OFFRE
1. Production
(21) Les quatre principaux producteurs de nucléotides sont Ajinomoto, Takeda, Cheil et Daesang. Pendant la durée de l'infraction, les autres producteurs étaient Kyowa Hakko Kogyo Co. Ltd ("Kyowa", Japon) (9) et Yamasa Corporation ("Yamasa", Japon) (10).
(22) En 1997, les capacités mondiales de production de nucléotides s'élevaient au total à quelque 10 700 tonnes métriques, contre environ 6 660 tonnes métriques en 1992.
(23) Aucun des producteurs japonais ou coréens de nucléotides ne possède d'installations de production dans la Communauté. Cheil possède une usine de production en Indonésie et Kyowa en a récemment construit une aux États-Unis d'Amérique.
2. Distribution
(24) Les producteurs japonais et sud-coréens précités vendent des nucléotides sur le marché de l'EEE par l'intermédiaire de filiales de vente et de distributeurs indépendants établis dans différents États membres.
(25) Depuis septembre 1994, Daesang vend des nucléotides en Europe par l'intermédiaire de sa filiale à 100% Daesang Europe BV, qui importe des nucléotides d'Asie et les vend principalement à des distributeurs indépendants de l'EEE.
(26) Ajinomoto vend des nucléotides dans l'EEE par l'intermédiaire de sa filiale de vente Ajinomoto Europe Sales GmbH, qui est établie à Hambourg, en Allemagne, et de distributeurs indépendants.
(27) Cheil s'appuie, quant à elle, sur sa filiale à 100% CJ Europe GmbH et des distributeurs indépendants pour vendre des nucléotides dans l'EEE.
(28) Enfin, Takeda recourt à un distributeur indépendant, qui assure la distribution des nucléotides dans l'EEE par l'intermédiaire de ses filiales établies en Allemagne, en France et au Royaume-Uni.
b) LA DEMANDE
(29) La demande de nucléotides est directement liée à l'industrie agroalimentaire. Comme cela a été indiqué précédemment, les nucléotides sont principalement utilisés par les grandes entreprises agroalimentaires pour rehausser le goût des aliments.
(30) Entre 1992 et 1999, le marché des nucléotides a connu une croissance rapide: alors que la consommation mondiale était toujours d'environ 4 465 tonnes métriques en 1992, elle était largement supérieure à 9 000 tonnes métriques en 1999. Au cours de cette période, on estime que la consommation de nucléotides de la Communauté est passée de quelque 200 tonnes métriques à plus de 500 tonnes métriques.
(31) Selon les estimations de la Commission, le marché total de l'EEE représentait 12 millions d'euros en 1997 et environ 7,5 millions d'euros en 2000.
(32) On estime que les trois principaux clients en Europe, [...]* (*), [...]* (y compris [...]*, qui est passé sous le contrôle de [...]* dans les années 90) et [...]*, représentent entre 45 et 55 % de l'ensemble des nucléotides qui sont vendus chaque année en Europe. Individuellement, [...]* achète environ 20 % et [...]* 15 % de l'ensemble des nucléotides qui sont importés en Europe.
c) INFORMATIONS SUR LE MARCHÉ
(33) Le marché des nucléotides est essentiellement mondial. Les principaux producteurs sont de grandes sociétés multinationales établies au Japon et en Corée du Sud. Bien que la production soit principalement située en Asie, les ventes sont mondiales (essentiellement dans trois grandes zones géographiques: l'Amérique du Nord, l'Europe et l'Asie). Il y a donc lieu de considérer le marché géographique en cause comme mondial.
(34) Tous les nucléotides vendus dans l'EEE sont importés.
(35) Les producteurs sud-coréens ont bénéficié d'un régime communautaire de préférences tarifaires jusqu'au 30 avril 1998 (11).
(36) La souche sur laquelle la production de nucléotides destinés à la vente est essentiellement fondée, ainsi que le procédé de production lui-même, ont été brevetés. Parmi les facteurs qui peuvent influencer le choix du fournisseur effectué par le client, les parties ont cité la qualité du produit, le prix, la livraison et l'assistance technique.
(37) Du début de l'année 1988 à la fin de l'année 1997, le prix mensuel moyen des nucléotides dans l'EEE est resté assez stable (de l'ordre de 22 à 27 euros/kg). Leur prix a ensuite commencé à chuter fortement (la fourchette était estimée à environ 12-16 euros en 1999 et à 8-12 euros en 2000).
d) COMMERCE ENTRE ÉTATS MEMBRES
(38) Au cours de la période considérée dans la présente décision, le marché des nucléotides s'est caractérisé par des flux importants entre les États membres actuels ainsi qu'entre les parties contractantes à l'accord EEE.
(39) Toutes les entreprises ont commercialisé ce produit dans la quasi-totalité des États membres, que ce soit par l'intermédiaire de filiales de vente ou de distributeurs établis dans la Communauté.
(40) Daesang, par exemple, vend des nucléotides dans toute la Communauté par l'intermédiaire de Daesang Europe BV, qui est établie aux Pays-Bas. Cheil et Ajinomoto ont également recours à leurs filiales. Takeda, en revanche, commercialise ses nucléotides par l'intermédiaire d'un distributeur indépendant, qui possède des filiales de vente en Allemagne, au Royaume-Uni et en France. Son point de vente allemand couvre presque tout le territoire de la Communauté, à l'exception de la France, du Royaume-Uni et de l'Irlande, où sont établies d'autres filiales.
(41) Une partie substantielle des ventes de nucléotides réalisées dans la Communauté ont donc représenté des échanges entre États membres.
(42) Pendant la durée de l'infraction et depuis la création de l'EEE, des ventes à des utilisateurs de nucléotides établis dans l'EEE ont également eu lieu, principalement par l'intermédiaire de filiales de vente et de distributeurs déjà établis dans la Communauté.
C. PROCÉDURE
a) PROCÉDURE ENGAGÉE PAR LA COMMISSION
(43) Le 9 septembre 1999, comme le prévoit la communication de la Commission concernant la non-imposition d'amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (12) ("communication sur la clémence"), l'entreprise japonaise Takeda a cherché à bénéficier d'un traitement favorable en informant la Commission de l'existence d'une entente dans le secteur des nucléotides et de son intention de coopérer pleinement avec elle. Le 14 septembre 1999, elle lui a remis un dossier contenant des documents relatifs à cette entente.
(44) Le 1er février 2000, Daesang a confirmé à la Commission l'existence d'une entente dans le secteur des nucléotides et l'a informée de son intention de coopérer pleinement à son enquête.
(45) Le 21 février 2000, la Commission a adressé une demande de renseignements à Ajinomoto, à Cheil, à Daesang et à Kyowa en vue d'obtenir des précisions sur les contacts que les concurrents avaient eus entre eux de 1992 à 1999.
(46) Il est ressorti des renseignements reçus en 2000 que l'entente existait déjà avant 1992, et la Commission a envoyé, le 11 juin 2001, une nouvelle demande de renseignements à Takeda, à Ajinomoto, à Daesang et à Cheil au sujet de la période allant de 1988 jusqu'à 1992.
(47) Dans ses réponses à la première demande de renseignements de la Commission (des 3 et 21 avril 2000), Daesang a admis avoir participé à des réunions entre concurrents et a fourni des documents précisant l'objet et la date de plusieurs réunions, ainsi que l'identité des participants. Elle a présenté des observations complémentaires le 10 mai 2001.
(48) Ajinomoto a répondu à la demande de renseignements de la Commission les 3 avril 2000 et 5 mai 2000. Elle lui a remis des documents relatifs aux réunions et a manifesté son intention de coopérer pleinement à la procédure engagée par la Commission. Dans sa réponse à la demande de renseignements de la Commission qui a été reçue le 17 avril 2000, Cheil a reconnu avoir participé à des réunions entre concurrents et a fourni des précisions et des documents relatifs à ces réunions. Elle a affiché également son intention de coopérer pleinement à l'enquête. Le 4 mai 2000, Kyowa a répondu à la demande de renseignements de la Commission par une déclaration dans laquelle elle admet avoir participé à des réunions entre concurrents jusqu'à la fin de 1993 et manifeste également son intention de coopérer pleinement à l'enquête. Elle a aussi démontré qu'elle avait cessé de vendre en Europe des nucléotides utilisés comme exhausteurs de goût depuis 1992.
(49) Le 20 octobre 2000, Takeda a adressé à la Commission une déclaration relative à certaines pratiques anticoncurrentielles auxquelles elle aurait pris part dans la Communauté, complétant ainsi les documents qu'elle lui avait remis le 14 septembre 1999. Dans cette déclaration, elle a donné des précisions sur l'entente, sa structure et ses règles de base, ainsi que sur les réunions entre concurrents.
(50) Comme cela a déjà été mentionné, la Commission a adressé, le 11 juin 2001, une seconde demande de renseignements au sujet de la période 1988-1992. Dans sa réponse du 20 juillet 2001, Takeda a fourni des informations complémentaires concernant le fonctionnement de l'entente avant 1992.
(51) En revanche, Ajinomoto a indiqué dans sa réponse du 30 juillet 2001 qu'elle n'avait rien trouvé au sujet des réunions qui auraient eu lieu entre les producteurs de nucléotides entre 1988 et 1991. Elle a admis néanmoins que ce type de réunions a dû avoir lieu de temps en temps.
(52) Daesang a répondu le 23 juillet 2001 et confirmé sa participation à l'entente à partir d'octobre 1988.
(53) Dans sa réponse du 14 août 2001, Cheil a déclaré que les réunions qui s'étaient tenues entre 1988 et 1991 n'avaient pas porté sur le marché européen.
(54) Les 24 octobre et 20 décembre 2001, la Commission a adressé une demande de renseignements à Yamasa. Dans sa réponse du 17 janvier 2002, cette dernière a démontré qu'elle avait cessé de vendre en Europe des nucléotides utilisés comme exhausteurs de goût depuis juillet 1994.
(55) Les 24 octobre 2001 et 31 janvier 2002, des représentants d'Ajinomoto ont rencontré les services de la Commission pour parler de leur coopération et présenter deux notes complémentaires, respectivement du 17 décembre 2001 et du 31 janvier 2002.
(56) Le 10 juillet 2002, la Commission a établi une communication des griefs adressée à Ajinomoto, Takeda, Daesang et Cheil.
D. DESCRIPTION DES EVENEMENTS
1. PARTICIPANTS ET ORGANISATION
(57) Les réunions se tenaient généralement au niveau le plus élevé (c'est-à-dire au niveau des directeurs généraux et des directeurs), comme l'attestent les éléments de preuve contenus dans le dossier concernant la date et le lieu de la plupart des réunions collusoires ainsi que l'identité des participants (13).
(58) Kyowa Yamasa a mis fin à ses ventes en dehors du Japon respectivement en 1992 et en 1994, laissant ainsi le champ libre à Ajinomoto, Takeda, Cheil et Daesang dans le reste du monde (sur les marchés situés en dehors du Japon). Par conséquent, et comme l'ont attesté les éléments de preuve contenus dans le dossier de la Commission, les réunions se sont limitées à Takeda, Ajinomoto, Cheil et Daesang à compter d'octobre 1994 (14).
(59) Les participants se réunissaient habituellement au cours de la seconde moitié d'août ou en septembre, avant l'envoi des propositions annuelles de prix aux trois (initialement quatre) gros utilisateurs commerciaux européens de nucléotides, [...]*, [...]*, [...]* (ainsi que [...]*, qui est passé sous le contrôle de [...]* dans les années 90). Ces prix leur servaient ensuite de référence pour fixer les prix de vente à appliquer aux autres clients (15) et pour se répartir ces clients entre eux.
(60) Habituellement, les producteurs convoquaient une réunion entre les mois de janvier et mars suivants pour contrôler les résultats de la négociation des contrats annuels avec les trois gros clients et examiner les prix généralement applicables sur le marché (16).
(61) Les participants organisaient également des réunions bilatérales au cours desquelles ils préparaient les réunions multilatérales ou contrôlaient la mise en œuvre des accords, concernant par exemple des clients précis.
2. LES CARACTÉRISTIQUES ESSENTIELLES DE L'ENTENTE
PRINCIPES DE BASE
(62) La structure, l'organisation et le fonctionnement de l'entente reposaient sur une appréciation commune du marché. Comme cela a été mentionné plus haut, les producteurs ont reconnu qu'en Europe le marché se composait essentiellement de trois gros utilisateurs commerciaux de nucléotides: [...]*, [...]* (qui a pris le contrôle de [...]* dans les années 90) et [...]*. À eux seuls, ils achetaient chaque année de 45 à 55 % de l'ensemble des nucléotides vendus en Europe.
(63) Les réunions collusoires avaient pour objet l'examen des tendances générales sur le marché des nucléotides, l'échange d'informations sur les prix et la répartition, entre les producteurs, des contrats de vente annuels conclus avec les trois principaux utilisateurs industriels de nucléotides de la Communauté précités. Les prix auxquels les nucléotides étaient vendus à ces trois entreprises devaient ensuite servir de référence pour fixer les prix de vente à appliquer aux autres clients (17).
(64) Dans le cadre de l'entente, les producteurs japonais achetaient des nucléotides aux producteurs coréens, qui en contrepartie limitaient leurs ventes sur certains marchés ainsi qu'auprès de certains clients ("accords d'achats compensatoires "). En effet, Takeda était chargé des achats compensatoires auprès de Cheil, tandis qu'Ajinomoto avait des accords similaires avec Daesang (18).
(65) Les principes de base de l'entente sont très clairement exposés dans le compte rendu qu'a fait Takeda d'une réunion qui s'était tenue le 25 juillet 1997 entre Ajinomoto et elle-même (19) et lors de laquelle le nouveau [...]* d'Ajinomoto avait été présenté. Selon les propres termes de Takeda, il avait alors été expliqué à ce dernier que les réunions régulières entre concurrents visaient à a) stabiliser ou modifier les prix du marché mondial; b) à respecter les marchés des uns et des autres, et c) à répartir les gros clients européens entre les producteurs.
a) Fixation des prix
(66) Les membres de l'entente convenaient de prix "minima" et "cibles" à appliquer. Ils fixaient d'abord les prix de vente pour les trois gros clients européens, qui leur servaient ensuite de référence pour arrêter les prix à appliquer aux autres clients. Chaque année, ils débattaient le prix cible à appliquer l'année suivante à leurs trois principaux clients (20) (voir, par exemple, les considérants 80, 87, 92, 94, 98, 108, 112 et 113, 118 à 120, 124, 127 à 129 et 141).
(67) Sur le marché européen, le mark allemand (DEM) servait généralement de devise de référence. Les prix étaient ensuite convertis dans la monnaie du pays concerné pour être annoncés et appliqués aux clients nationaux.
b) Répartition des clients (et partage des marchés)
(68) [ ]* et [...]* étaient traditionnellement approvisionnés par Takeda, tandis que [...]* était approvisionnée par Ajinomoto (21). Selon Daesang, il existait un accord entre Takeda et Ajinomoto selon lequel Takeda ne pouvait pas vendre de nucléotides aux clients d'Ajinomoto et vice versa (22).
(69) Afin de protéger leurs ventes auprès de ces gros utilisateurs européens de nucléotides, Takeda et Ajinomoto ont également conclu des accords avec leurs principaux concurrents. Aux termes de ces accords, Takeda et Ajinomoto achetaient des nucléotides à leurs concurrents, qui en contrepartie limitaient leurs ventes auprès de ces gros utilisateurs (23). Comme l'explique Cheil (24), "Les entreprises japonaises (Takeda et Ajinomoto) devaient acheter des nucléotides respectivement à Cheil et à Miwon (Daesang). En contrepartie, les producteurs coréens étaient censés ne pas vendre leurs produits aux "trois grands" en Europe et devaient limiter leurs ventes au Japon" (voir, par exemple, les considérants 78, 81, 84, 86, 100 à 102, 108,111 et 112, 114, 116 et 117,122 et 123).
(70) Ce mécanisme de compensation, complémentaire du système de répartition des clients, aboutissait également dans les faits à une répartition des marchés au niveau mondial, comme le confirme Cheil (25). Pour compenser le fait que les producteurs coréens n'approvisionnaient pas certains clients, les entreprises japonaises leur achetaient une partie de leur production (26). Étant donné que ces clients étaient situés sur des marchés distincts de ceux où étaient réalisées les ventes compensatoires, cela aboutissait effectivement à une répartition des marchés entre les producteurs (voir, par exemple, les considérants 81 et 82, 85, 94 et 95, 100 à 102, 110, 122, 124 et 134).
(71) Takeda confirme que "la répartition entre les producteurs des contrats de vente annuels conclus avec les trois gros utilisateurs commerciaux de nucléotides de la Communauté, à savoir [...]*, [...]* et [...]*" faisait partie intégrante des accords collusoires.
MISE EN OEUVRE
(72) La tenue de réunions régulières et fréquentes entre les destinataires de la présente décision constituait un élément essentiel de l'organisation de l'entente. De 1989 à 1998, plus de vingt réunions multilatérales (en présence de tous les membres de l'entente) ont été recensées. De plus, les parties ont tenu des réunions bilatérales régulières au cours de cette période (plus de 35 réunions de ce type ont été recensées). Ces réunions permettaient, par exemple, aux entreprises de préparer leurs positions respectives en vue des réunions multilatérales. En outre, elles prenaient ponctuellement contact entre elles par téléphone (environ dix conversations téléphoniques ont été recensées).
(73) Les réunions collusoires étaient généralement convoquées peu de temps avant la négociation des contrats annuels avec les trois "gros clients européens" afin de convenir des prix cibles à leur proposer ainsi que de la répartition de ces contrats (27). Les parties organisaient également des réunions pour contrôler la mise en œuvre des prix cibles au cours des négociations (28), même si l'examen des anciens prix cibles et celui des nouveaux prix cibles à appliquer faisaient souvent l'objet d'une seule et même réunion (voir, par exemple, les considérants 93 et 94, 96, 103, 109, 118, 125 et 126, 130 et 131 et 141).
(74) Les participants échangeaient aussi des informations sur leurs prix et leurs volumes de vente. Ces informations leur servaient ensuite de base pour fixer les prix cibles (29) (voir, par exemple, les considérants 80, 96, 98, 103, 115 et 133).
3. PREMIÈRES PRISES DE CONTACT
(75) Cheil admet que certaines réunions entre concurrents ont eu lieu dès juillet 1988, bien qu'elle ait initialement déclaré que les réunions organisées entre 1988 et 1991 ne semblaient pas concerner l'EEE, portant essentiellement sur les marchés japonais et asiatiques (30).
(76) Un rapport de Cheil relatif à un voyage d'affaires, daté du 16-28 juillet 1988 et joint à sa déclaration de 2001 (annexe 5), indique que "Takeda a déclaré qu'elle organisait une réunion P (31) pour les nucléotides afin de prévenir le renforcement de la concurrence qui découlerait de l'entrée de Miwon [Daesang] et nous a demandé de la soutenir en participant à cette réunion".
(77) Takeda, quant à elle, situe le début des réunions entre concurrents autour de 1989 (32).
(78) Kyowa, en revanche, a déclaré que les réunions entre les producteurs japonais de nucléotides avaient au moins débuté en 1986, mais "[...] il est probable qu'elles aient même commencé plus tôt" (33). Kyowa ajoute que selon elle, "les principaux acteurs derrière ces réunions étaient Takeda et Ajinomoto, la première traitant avec Cheil et la seconde avec [Daesang]. Takeda était également le coordinateur du groupe" (34).
(79) Ajinomoto reconnaît avoir rencontré de temps en temps Cheil, Takeda, Kyowa et Yamasa à partir de 1988. Alors qu'elle avait initialement prétendu ne pas avoir pu recueillir d'informations au sujet des réunions qui se seraient tenues entre 1988 et 1991 (35), elle a ensuite joint à sa note complémentaire du 17 décembre 2001 divers documents internes relatifs aux rencontres intervenues au cours de cette période (36).
(80) Une note interne d'Ajinomoto révèle que des représentants des producteurs japonais de nucléotides (Takeda, Ajinomoto, Kyowa et Yamasa) se sont réunis les 8 et 10 novembre 1988. En ce qui concerne le marché européen, ils ont échangé des informations sur les prix appliqués par chaque entreprise aux trois gros utilisateurs finals en Europe, c'est-à-dire [...]*, [...]* et [...]*, et examiné et/ou fixé les prix à leur appliquer pendant l'année civile 1989. Ils ont procédé de même pour les prix cibles sur le marché général en Europe (les clients autres que les "trois grands") (37).
(81) Daesang indique (38) qu'elle a été en premier lieu contactée par les producteurs japonais, peu de temps après qu'elle a commencé à produire des nucléotides en 1987: une réunion a été organisée entre les producteurs japonais (Daesang parle de l'"Association" des producteurs japonais) et les représentants de Miwon (devenue Daesang) à Tokyo le 5 octobre 1988. Cette réunion avait pour objet de limiter la pénétration de Miwon sur le marché japonais et d'examiner les possibilités de coopération avec les producteurs coréens. Ces discussions ont abouti à la conclusion, le 19 décembre 1988, d'un "accord d'achats compensatoires " entre Ajinomoto et Miwon. Bien que présenté comme un "contrat de fourniture", Daesang admet que cet accord était subordonné à la condition verbale que Miwon n'accroisse pas ses ventes au Japon ni ne fasse échec à la coopération des producteurs japonais au niveau des prix mondiaux (39).
(82) Cela est confirmé par une télécopie interne de Miwon du 9 novembre 1988, dans laquelle il est fait référence à la négociation de ce contrat de fourniture avec Ajinomoto: "ce contrat contient une clause interdisant de nouvelles ventes". Daesang explique que cela signifiait qu'Ajinomoto n'était disposée à acheter des nucléotides à Miwon qu'à la condition que cette dernière n'accroisse pas ses ventes au Japon (40).
(83) Elle ajoute qu'à la réunion du 5 octobre 1988, précitée, Ajinomoto avait clairement indiqué qu'elle réaliserait les achats compensatoires auprès de Miwon tandis que Cheil effectuerait les achats compensatoires auprès de Takeda. Ajinomoto achetait les produits de Miwon par l'intermédiaire du distributeur de Takeda, qui lui servait ainsi de couverture (41).
(84) À cet égard, Daesang précise que ce sont les producteurs japonais qui étaient à l'origine de cet accord (42), ce qui confirme les déclarations précitées de Kyowa ["les principaux acteurs derrière ces réunions étaient Takeda et Ajinomoto. [...] Takeda était également le coordinateur du groupe" (43)]. Cheil partage également l'avis selon lequel l'entente était dirigée par les producteurs japonais: "le contexte commercial général des événements exposés est que l'un des acteurs en position dominante cherchait à protéger un duopole de fait contre de nouveaux concurrents" (44).
(85) Ajinomoto fait valoir (45) sur ce point que son rôle doit être considéré comme subordonné à celui de Takeda, qui aurait été à l'origine des activités de l'entente et qui les aurait orchestrées: "Faute de réseau de vente bien organisé dans l'EEE [...] et face à l'arrivée de nouveaux concurrents coréens, c'est Takeda qui a voulu protéger sa position de tête vis-à-vis de [...]* et de [...]* en répartissant les clients entre les producteurs et en fixant les prix. C'est [un représentant de Takeda]* qui a instauré les réunions entre concurrents [...]. [Un représentant de Takeda]* les présidait et prononçait les discours d'ouverture et de clôture. Au cours de ces réunions, il menait les discussions et dessinait des graphiques sur un tableau blanc. Takeda protestait énergiquement chaque fois qu'elle apprenait que d'autres entreprises avaient appliqué des prix inférieurs à [...]* et [...]*." (46).
(86) Daesang prétend qu'un autre contrat d'achats compensatoires aurait été conclu entre Takeda et Miwon au début du mois de mars 1989. Ce contrat aurait été négocié par Ajinomoto pour le compte de Miwon. La Commission relève qu'Ajinomoto nie, dans sa réponse à la communication des griefs, avoir négocié un contrat avec Takeda pour le compte de Miwon. Les conditions du contrat conclu avec Takeda étaient que Miwon (devenue Daesang) ne devait pas accroître ses ventes au Japon, devait coopérer avec les producteurs japonais en vue d'augmenter le prix des nucléotides au niveau mondial et devait coopérer en s'abstenant de vendre des produits aux "trois grands" ([...]*, [...]* et [...]*).
4. FONCTIONNEMENT DE L'ENTENTE
(87) D'après un rapport relatif à un voyage d'affaires (47), une réunion de producteurs de nucléotides (à laquelle Cheil a participé) a eu lieu entre le 7 et le 23 mars 1989. Ledit rapport indique que les participants seraient convenus de se réunir de nouveau à Kyungju, en Corée, le 7 juin 1989 (selon Daesang, il s'agit de la réunion où les prix cibles auraient été fixés pour 1989).
(88) Une télécopie interne de Miwon Japan à Mitra (48) du 30 mai 1989 (49) mentionne, outre la fourniture de produits à Ajinomoto, la tenue prochaine d'une réunion sur les nucléotides avec les concurrents les 6 et 7 juin 1989 à Kyongju, en Corée, à laquelle devaient assister les représentants de Takeda, d'Ajinomoto, de Miwon ainsi que de deux autres producteurs.
(89) Daesang est d'avis que les prix cibles de 1989 ont été fixés lors de cette réunion des producteurs des 6 et 7 juin 1989 (50).
(90) Une télécopie interne d'Ajinomoto du 9 juin 1989 confirme la tenue de cette réunion: "lors d'une réunion qui a eu lieu il y a deux jours en Corée, Takeda a informé les Coréens qu'[...]* lui avait demandé de ramener son prix caf de 27,50 USD au prix du marché" (51).
(91) Une télécopie interne d'Ajinomoto du 13 juillet 1989 indique qu'il a été demandé à son bureau européen des ventes d'effectuer des recherches et de confirmer les informations en sa possession sur le prix de vente appliqué par Takeda à [...]* et [...]* et certaines informations sur le prix de vente peu élevé et les volumes de vente de Takeda et d'autres producteurs en Allemagne de l'Ouest, en France, au Royaume-Uni, en Suisse et en Espagne, en vue d'une prochaine réunion avec des producteurs de nucléotides, quatre Japonais et deux Coréens, prévue le 7 août 1989 à Taïwan. La Commission ne dispose d'aucune autre information permettant d'établir si cette réunion a effectivement eu lieu ou non.
(92) Le 5 octobre 1989, des représentants de Takeda, d'Ajinomoto, de Cheil et de Miwon, ainsi que de deux autres producteurs se sont réunis à l'hôtel ANA de Tokyo afin d'examiner les prix dans la perspective des négociations à venir avec les gros clients, y compris le marché européen pour 1990, et de contrôler la mise en œuvre des accords de fixation de prix de 1989 (52).
(93) Daesang fait toutefois observer que cette réunion du 5 octobre 1989 a en fait consisté en plusieurs réunions. Les prix 1989 et 1990 applicables aux clients européens ont fait l'objet de discussions bilatérales, d'une part, entre Takeda et Miwon et, d'autre part, entre Takeda et Cheil. Takeda a informé Miwon que "fondamentalement, Cheil coopère, ce qui indique que Takeda avait déjà rencontré Cheil" (53). Une réunion finale s'est tenue à 17 heures le même jour, mais a essentiellement porté sur les questions relatives au marché [...]*.
(94) Il a été conclu qu'il existait un écart considérable entre le prix cible et le prix réel des nucléotides. Les prix cibles (y compris pour l'Europe) relatifs à 1990 ont été examinés sur la base des "recommandations pour la fixation des prix sur le marché européen en 1990", qui avaient été présentées par Takeda et prévoyaient trois prix cibles différents en fonction du volume commandé par le client (gros client, client moyen ou petit client). De plus, Daesang précise que dans la perspective de la venue probable en Corée d'un acheteur d'[...]*, Takeda avait chargé Miwon d'offrir à [...]* un prix conforme aux recommandations (ces recommandations sont reproduites ci-après).
A) Marché européen - Recommandations proposées pour 1990
EMPLACEMENT TABLEAU
(95) Au cours de la réunion du 5 octobre 1989, Takeda a également déclaré que l'"Europe est le territoire de Takeda" (55).
(96) L'annexe M aux observations complémentaires de Daesang (56) est une télécopie interne de Miwon faisant suite à la réunion du 5 octobre 1989 et indiquant que la position du siège (de Miwon) consiste à essayer de respecter le cadre de base des entreprises japonaises en matière de coopération. Il est ensuite indiqué que les "producteurs japonais ont vendu leurs produits (en 1989) à un prix nettement inférieur au prix cible sur le marché européen [...]. Par conséquent, on peut se demander si les entreprises japonaises respecteront les recommandations précitées en matière de prix pour les contrats applicables en 1990".
(97) Les recommandations, précitées, sont confirmées par une télécopie interne d'Ajinomoto du 6 octobre 1989, qui précise qu'elles ont été communiquées aux producteurs coréens. Cependant, une autre série de recommandations concernant les prix à appliquer en 1990, mais destinée aux producteurs japonais, a également été diffusée: 28 USD/kg (52,20 DEM/kg) pour les gros utilisateurs et 30 USD/kg (55,80 DEM/kg) pour les autres clients (gros clients du marché général) (57).
(98) Une télécopie interne d'Ajinomoto du 19 décembre 1989 rend compte d'une réunion qui s'était tenue le même jour entre les producteurs japonais au sujet des prix à appliquer en Europe en 1990. D'après ce document, Takeda aurait déclaré avoir entamé les négociations avec [...]* et [...]* lors de deux récents voyages en Europe, mais ces deux clients n'auraient pas accepté les prix proposés. Takeda aurait fait une offre à [...]* à 27,50 USD/kg, mais aurait ensuite voulu la revoir à la baisse (26 USD/kg). Ses négociations avec [...]* auraient toujours été en cours (58).
(99) Comme cela a déjà été mentionné, les membres de l'entente avaient aussi, ponctuellement, des contacts bilatéraux entre eux. Les documents annexés aux observations complémentaires de Daesang (annexes N et O) en sont de bons exemples.
(100) L'annexe N (59) consiste dans une télécopie interne de Mitra à Miwon Japan du 22 novembre 1989, qui indique expressément que Takeda avait proposé un arrangement: si Miwon acceptait de limiter ses ventes auprès de [...]* et d'[...]*, Taheda accepterait des produits de moins bonne qualité de sa part dans le cadre de leur accord d'achats compensatoires.
(101) L'annexe O (60) concerne un télex de Takeda, du 28 novembre 1989, qui n'avait été reçu que quelques jours plus tard par Miwon et qui dressait la liste des conditions d'achat de Takeda auprès d'elle en 1990. Elle lui demandait, par ailleurs, d'offrir un certain prix à [...]* et à [...]* et de lui confirmer ensuite qu'elle avait bien obtempéré.
(102) Daesang prétend qu'elle n'était disposée à coopérer en 1991, c'est-à-dire à appliquer un certain prix à [...]* et à [...]*, qu'à la condition que Takeda accepte de lui acheter au moins 20 tonnes de nucléotides, et elle n'appliquerait un certain prix à [...]* que moyennant l'achat d'un volume total de 40 tonnes. Dans sa télécopie du 10 novembre 1990 (61), il est indiqué que cette question a été abordée avec [...]* de Takeda lors de sa visite dans les locaux de Mitra du 7 novembre 1990. Il est expliqué que "Mitra accepte pleinement de coopérer afin d'augmenter le prix du marché [mondial]". "Cependant, à l'avenir, [parce qu'elle] exporte en Europe librement avec certains clients, elle n'aimerait coopérer en 1991 qu'en ce qui concerne [...]* et [...]*". "En outre, [...]* et d'autres clients continuent actuellement de demander des offres et cherchent si possible à confirmer des contrats. Si nous [continuons] de faire ce que Takeda nous demande et proposons un prix plus élevé, il est certain que nous ne pourrons obtenir [aucun] contrat". Une télécopie interne du 19 novembre 1990 (62) concerne la même question. Les modalités précises des accords d'achats compensatoires ont également fait l'objet d'une réunion entre Ajinomoto, le distributeur de Takeda et Miwon qui s'est tenue à Tokyo le 1er mai 1991 (63).
(103) D'après la déclaration de Kyowa (64), [...]* de Takeda lui a annoncé les prix appliqués par son entreprise à [...]* et [...]* lors d'une réunion de janvier 1991, après avoir appelé son homologue de Kyowa pour l'informer que Takeda souhaitait porter ses prix un certain niveau à compter d'octobre 1991.
(104) Ajinomoto a présenté une note interne sur l'état d'avancement des négociations de Takeda pour 1992. Celle-ci a vraisemblablement été rédigée le 21 novembre 1991. Selon cette note, Takeda a informé Ajinomoto, au sujet du contrat 1992, du fait qu'elle "[Takeda] essayait de relever son prix de 2 USD (pour atteindre 28,50 USD), mais que les négociations étaient très difficiles parce que cette hausse de prix serait très sensible en monnaie locale en raison du taux de change". En outre, Takeda a déploré le fait qu'[...]* fasse des offres plus avantageuses qu'elle à Nestlé (17,20 USD contre 17,70 USD pour Takeda) et lui a demandé de faire une offre à 18 USD pour 1992, ce qui serait supérieur à son prix (65).
(105) Parfois, pour limiter le risque d'être démasqués, les concurrents restreignaient le nombre de participants aux réunions, les entreprises intervenant pour le compte d'autres concurrents. Par exemple, Daesang avance (66) qu'une réunion de haut niveau de deux jours a été organisée les 27 et 28 avril 1992 entre les présidents de Daesang, de Cheil et d'Ajinomoto, qui représentaient également d'autres producteurs japonais, car - comme Ajinomoto l'a déclaré - "si tous les producteurs japonais s'étaient rendus ensemble en Corée, cela aurait paru suspect".
(106) Cette réunion a notamment porté sur la coopération relative aux nucléotides. Daesang estime qu'Ajinomoto a assisté à cette réunion également au nom d'autres producteurs japonais, dont, entre autres, Takeda (67).
(107) Elle précise que des représentants de Miwon ont assisté à une réunion en Corée, le 30 juin 1992, avec des représentants de Takeda. Cependant, aucune information n'est donnée concernant l'objet de cette réunion (68).
(108) Les prix cibles de 1993 ont été examinés dans le cadre d'une réunion organisée à Tokyo le 20 août 1992. D'après la déclaration de Daesang, l'ordre du jour de cette réunion concernait la coopération aux fins de la fixation du prix des nucléotides sur le marché mondial, les "achats compensatoires " et la limitation des ventes sur le marché [...]*. L'objectif final, tel qu'exprimé par Takeda, était de parvenir à un prix mondial unique, y compris le marché japonais, les producteurs japonais achetant une part importante de la production coréenne. Le prix cible mondial ([...]*) présenté à cette réunion était compris entre 30 et 32 USD. Après une suspension de la réunion, les participants se sont mis d'accord sur le prix cible mondial. Selon Daesang, "il était clair que les entreprises japonaises avaient examiné toutes les questions entre elles avant la réunion et étaient convenues d'une position commune " (69). À l'appui de cette affirmation, Daesang a fourni une copie de la liste de prix cibles établie par Takeda en vue de cette réunion du 20 août 1992. Cette liste contient les prix cibles suivants pour l'Europe: 48 DEM/kg et 45 DEM/kg pour les trois gros clients (70). D'après Cheil, les producteurs japonais ont demandé lors de cette réunion à pouvoir ne proposer leurs prix européens que dans la monnaie locale (71).
(109) Le 28 janvier 1993, les participants se sont de nouveau réunis à Tokyo afin d'examiner les efforts accomplis pour atteindre le prix cible fixé le 20 août 1992. Au cours de cette réunion, les parties se sont demandées si le prix cible fixé en 1992 devait être ajusté et ont envisagé différentes possibilités. Daesang explique qu'il était trop difficile pour les deux producteurs coréens d'augmenter leurs prix et qu'ils ont demandé aux producteurs japonais l'autorisation d'appliquer un prix moins élevé. Ces derniers ont refusé au motif, notamment, que les Coréens pouvaient déjà vendre leurs produits à un prix plus bas en Europe, car ils étaient exemptés de droits de douane au titre du régime communautaire de préférences tarifaires (SPG ou système de préférences généralisé). Même si les parties n'étaient apparemment pas parvenues à un consensus sur la manière d'atteindre ce prix cible, celui-ci a été réaffirmé par chacune d'elles (72).
(110) En outre, les prix régionaux ont été examinés afin de vérifier que les entreprises se conformaient bien au prix cible mondial convenu lors de la réunion du 20 août 1992. En particulier, l'attention s'est portée sur les prix pratiqués [...]*, [...]* et en Europe. La coopération à l'égard des trois gros clients européens en général a également fait l'objet d'une discussion (73).
(111) Ajinomoto, Takeda, Miwon et Cheil se sont de nouveau réunies à Fukuoka (Japon) le 2 mars 1993. Lors de cette réunion, les prix cibles à appliquer aux différentes régions en 1993 ont été ajustés. De plus, des discussions ont eu pour objet de clarifier les modalités des accords d'achats compensatoires, car la coopération n'avait pas toujours fonctionné aussi bien que les producteurs japonais l'auraient souhaité. Cheil fait observer que la tentative de fixation du prix de la zone communautaire, opérée lors de cette réunion, a échoué parce que les producteurs coréens voulaient proposer un autre prix, étant donné qu'ils bénéficiaient du SPG. Cette entreprise conclut qu'"en fait, c'est le comportement des entreprises coréennes qui a empêché un fonctionnement plus efficace des accords" (74).
(112) Le compte rendu que Daesang a fait de cette réunion (75) donne cependant plus de détails sur ces événements. Selon elle, cette réunion avait initialement été menée par le vice-directeur général d'Ajinomoto. Ce dernier avait menacé de mettre un terme aux accords d'achats compensatoires si les entreprises coréennes continuaient de prendre du retard dans la coopération à l'égard des trois gros clients, le maintien du prix mondial convenu et la limitation de leurs ventes au Japon. Cheil et Daesang ont estimé que les achats compensatoires devaient être maintenus et ont donc accepté de faire plus d'efforts en matière de coopération. Daesang déclare qu'elle a accepté de coopérer à l'égard des "trois grands", mais qu'elle souhaitait qu'Ajinomoto et Takeda augmentent la quantité de nucléotides qu'elles lui achetaient. Enfin, une discussion a porté sur la manière dont la coopération pourrait être mise en œuvre, régie et contrôlée.
(113) Jusqu'à la fin de l'année 1993, Miwon a reçu plusieurs autres visites de représentants de Takeda et d'Ajinomoto. Au cours de ces visites, les mêmes questions ont été abordées, c'est-à-dire la coopération concernant les "trois grands" et les prix du marché mondial (76).
(114) D'autres réunions ont été organisées à Séoul et à Tokyo et les parties ont eu des contacts téléphoniques réguliers (c'est-à-dire des réunions entre Takeda et Cheil les 7 et 26 mai, ainsi que le 30 août 1993; une réunion entre Ajinomoto, Takeda, Cheil et Miwon le 7 juillet 1993). La plupart de ces contacts concernaient soit l'exécution des accords d'achats compensatoires (c'est-à-dire les prix et les quantités), soit des plaintes liées au non-respect des prix cibles par l'un des participants (coréens).
(115) Les prix à appliquer à certains clients faisaient également l'objet de ces contacts: le 13 septembre 1993, par exemple, Takeda a appelé Cheil pour l'informer des prix à proposer aux trois gros clients européens ([...]*, [...]* et [...]*). Il a en outre été question du rapport entre les prix de l'IMP, du GMP et de l'I + G (voir la déclaration de Cheil).
(116) Le 25 janvier 1994, Cheil et Takeda se sont réunies pour prolonger leur contrat d'achats compensatoires. Elles sont convenues de conserver la même quantité et le même prix qu'en 1993. Cheil prétend que Takeda lui aurait reproché de ne pas s'être conformée aux accords existants pour l'Europe, [...]* et [...]*. Par exemple, Takeda lui aurait reproché d'avoir proposé à [...]* un prix de 16,5 USD/kg pour l'IMP, à la suite de quoi [...]* aurait demandé à Takeda de ramener son prix à ce niveau.
(117) Cheil fait valoir qu'il ressort clairement de son compte rendu de cette réunion que les producteurs japonais en place y ont joué le premier rôle. À la suite des discussions entre Cheil et Takeda au sujet des "achats compensatoires" des producteurs japonais, Takeda aurait déclaré qu'une décision définitive serait prise à cet égard lors d'une réunion entre Ajinomoto et elle-même (77).
(118) Le 25 août 1994 (78), une réunion a eu lieu à Tokyo. Les comptes rendus de cette réunion de Cheil et de Miwon montrent qu'elle a porté sur les prix mondiaux et les prix de vente des nucléotides. Les parties ont échangé leurs points de vue sur les nouveaux prix cibles à proposer aux clients. Les Japonais souhaitaient augmenter les prix mondiaux. D'après le compte rendu de cette réunion de Cheil (79), Takeda a proposé que les parties portent le prix d'un seul coup à 30 USD/kg, tandis que les autres ont proposé de l'augmenter progressivement par tranche de 1-2 USD/kg. Cheil indique que les Japonais ont déploré le manque de discipline des entreprises coréennes.
(119) Enfin, les parties se sont entretenues de leur coopération en ce qui concerne les trois gros clients européens. En particulier, Ajinomoto a demandé à Cheil et à Daesang de ne pas vendre leurs produits à [...]*. En conclusion de cette réunion, les participants sont convenus de convoquer une autre réunion à Séoul, à la mi-septembre 1994, dont l'ordre du jour serait le suivant: "a) hausse de prix: fixation du prix cible à 30 USD/kg; b) Cheil et Miwon définiraient leur attitude vis-à-vis des "trois grands" (en particulier [...]*) (80)".
(120) Auparavant, les 7 et 8 juillet 1994, les producteurs japonais et coréens s'étaient réunis pour examiner les prix à proposer en Europe en 1995. Il ressort du compte rendu de cette réunion rédigé par Cheil que les producteurs japonais avaient fortement insisté pour augmenter les prix en 1995. Les producteurs coréens devaient offrir un prix inférieur de 2 USD/kg à celui des produits japonais. Le compte rendu se poursuit avec une note interne contenant un message on ne peut plus clair: "Veuillez essayer d'augmenter le prix en profitant de la production insuffisante des fabricants coréens et de l'appréciation du yen" (81).
(121) Cheil indique qu'une autre réunion s'est tenue le 6 octobre 1994 entre Ajinomoto, Takeda et elle-même à l'hôtel Lotte, à Séoul, et qu'elle a porté sur la coopération des Coréens en Europe à l'égard des "trois grands". La coopération coréenne sur le marché [...]* et un aperçu du marché [...]* (y compris les ventes de Cheil à un client [...]*, qui avaient déjà été à l'origine de différends entre Cheil et les producteurs japonais) figuraient également à l'ordre du jour de cette réunion. Cheil précise qu'elle n'a fait aucune observation lors de cette réunion, prétextant l'absence de Miwon (82).
(122) Une télécopie interne d'Ajinomoto du 17 octobre 1994 fait état d'une conversation téléphonique qu'elle a eue avec Miwon et Cheil et lors de laquelle elle a demandé à cette dernière de faire une offre à [...]* Europe une semaine avant qu'elle fasse la sienne. Cheil a répondu qu'elle accepterait si Miwon acceptait. En ce qui concerne l'offre de prix, Cheil a déclaré qu'elle demanderait à son personnel de proposer de vendre à 49,50 DEM/kg, mais a refusé de faire une offre à 50 DEM/kg. Miwon a déclaré, quant à elle, qu'elle accepterait de proposer un prix élevé à [...]* comme l'exigeait Ajinomoto, à condition que cette dernière lui achète une plus grande quantité de nucléotides.
(123) Takeda et Miwon se sont réunies à Séoul le 6 février 1995 (83) pour examiner les prix mondiaux des nucléotides ainsi que les conditions dont les achats compensatoires étaient assortis.
(124) Les 16 et 17 octobre 1995, une réunion s'est tenue au siège de Takeda à Tokyo. Ajinomoto, Takeda, Cheil et Daesang y ont assisté. Cette dernière indique que les marchés mondiaux des nucléotides et la situation relative aux "trois grands" ont fait l'objet de cette réunion. Les participants ont examiné les prix appliqués dans différents pays et différentes régions (y compris l'Europe) afin d'établir si les prix cibles étaient atteints ou devaient être ajustés. Ajinomoto a indiqué les prix que les autres producteurs devaient offrir à [...]* et ceux-ci les ont acceptés. De même, Takeda aurait indiqué les prix à appliquer à [...]* et à [...]* et les autres producteurs, y compris Ajinomoto, les auraient acceptés (84).
(125) Avant cette réunion, plusieurs autres réunions avaient eu lieu entre les parties, soit bilatéralement, soit entre les quatre producteurs. Daesang déclare avoir assisté, entre avril et le 16 octobre 1995, à environ trois ou quatre réunions avec Ajinomoto au siège de MITRA à Séoul et à environ une ou deux réunions avec Takeda dans les mêmes bureaux. Environ deux ou trois réunions ont eu lieu dans une salle de conférences de l'hôtel Lotte en présence des quatre producteurs. À chacune de ces réunions, les parties ont examiné les prix appliqués dans différentes régions afin de déterminer si les prix cibles convenus antérieurement étaient atteints ou devaient être maintenus ou revus à la baisse ou à la hausse. Certains prix cibles ont été revus à la hausse [c'est-à-dire que le prix cible [...]* (initialement exprimé en USD/kg) a été maintenu bien qu'il ait été converti en USD/lb]. Les parties ont également examiné la possibilité de relever les prix du marché dans différentes régions en vue d'augmenter le prix appliqué aux trois gros clients européens et ont décidé de procéder ainsi (85).
(126) Les membres de l'entente se sont réunis à Séoul au mois de décembre pour faire le point sur la coopération mise en œuvre en 1995. D'après le compte rendu de cette réunion (86), Ajinomoto a mené les discussions et remercié tous les participants pour leur coopération en 1995, qui avait abouti à la mise en œuvre effective des hausses de prix. Elle leur a demandé de poursuivre leur coopération en 1996 de manière à relever encore le prix des nucléotides. M. C. H. Kim, de Daesang, aurait déclaré qu'il continuerait de coopérer, et les autres participants "ont exprimé leur accord par un signe de tête ou quelques mots".
(127) Selon la déclaration de Daesang (87), les quatre producteurs (Takeda, Ajinomoto, Daesang et Cheil) se sont réunis le 7mars 1996 à Séoul afin de fixer le prix cible à appliquer aux "trois grands" en 1996. Ajinomoto a proposé un prix cible mondial de 35 USD/kg. Pour ce qui est du marché européen en général, Takeda a suggéré l'application d'un nouveau prix pour la fin du mois d'août 1996. Ajinomoto a proposé de fixer ce prix à 51 DEM/kg. Takeda a fourni à la Commission une copie du compte rendu qu'elle avait fait de cette réunion (88).
(128) D'après ce compte rendu, les participants étaient tous favorables à une hausse des prix en 1996. Toutes les entreprises ont confirmé qu'elles continueraient de fournir la même quantité de nucléotides et se sont ralliées au point de vue qu'une hausse des prix serait la priorité. Il ressort du compte rendu que les participants ont examiné la politique d'augmentation des prix à mener en 1996, en ayant à l'esprit les prix à appliquer en 1997 aux trois gros clients (européens). Ils sont convenus que le prix cible applicable aux "trois grands" serait de 35 USD/kg (soit une augmentation d'environ 10 %). Les producteurs de nucléotides programmeraient des hausses de prix sur le marché général de manière à atteindre ce prix en septembre/octobre [1996].
(129) Le 21 mai 1996, Miwon et Ajinomoto se sont réunies à la demande de cette dernière. Cette réunion a porté sur les ventes à bas prix de Miwon en Europe. Ajinomoto l'a informée qu'elle était en train de négocier avec les clients européens le prix qui leur serait appliqué au second semestre de 1996, mais qu'une hausse de prix en Allemagne et en Espagne serait très difficile. Elle a constaté que le niveau de prix en Espagne était de 44-45 DEM/kg, mais qu'il devrait être de 49 DEM/kg sur la base du prix de 1995. Il a été convenu d'appliquer un prix cible européen de 50 DEM/kg à partir de juin 1996, à l'exception des ventes aux "trois grands" (89).
(130) Le même jour, Ajinomoto a également rencontré Cheil afin d'examiner la mise en œuvre des hausses de prix convenues. Cheil aurait déclaré que ces hausses de prix ne seraient pas possibles en Europe avant juillet 1996. Ajinomoto a insisté pour qu'elles soient mises en ouvre pour la fin août 1996 (90).
(131) D'après les observations complémentaires de Daesang (91), les discussions concernant les prix à appliquer aux "trois grands" en 1997 ont débuté lors d'une réunion qui s'est tenue le 3 juillet 1996. Au cours de cette réunion, Takeda a proposé un nouveau prix cible pour l'Europe et les autres parties ont présenté leurs observations sur cette proposition.
(132) Miwon et Takeda se sont de nouveau réunies le 9 juillet 1996 dans l'État du New Jersey, aux États-Unis, et se sont entretenues du prix des nucléotides au niveau mondial. Takeda a demandé à Daesang de coopérer en matière de fixation des prix (92).
(133) Au cours de l'été 1996, Ajinomoto, Takeda, Miwon et Cheil se sont réunies une nouvelle fois afin de faire le point sur la situation des marchés des nucléotides, y compris l'Europe, et d'échanger des informations relatives aux prix de vente (93).
(134) Lors d'une réunion convoquée à Séoul le 29 août 1996, Takeda a informé les autres participants (94) du prix qu'elle prévoyait d'offrir à [...]* Europe en 1997 et leur a demandé de lui faire une offre supérieure (54 DEM/kg). Elle leur a également demandé de la prévenir dans le cas où [...]* leur demanderait une offre de prix. Elle leur a aussi indiqué différents motifs pouvant être invoqués auprès de la clientèle pour justifier une hausse de prix (95).
(135) Il convient en outre de souligner que les réunions bilatérales servaient également à influencer l'issue des réunions "générales" entre concurrents. Par exemple, Ajinomoto et Miwon se sont réunies le 28 août 1996, soit un jour avant la réunion effective des concurrents au cours de laquelle Ajinomoto a préconisé une hausse du prix à appliquer à [...]* en 1997. Daesang considère qu'Ajinomoto voulait s'assurer au préalable du soutien de Miwon (96).
(136) Takeda fait observer sur ce point que, en raison de l'enquête ouverte aux États-Unis à l'égard de la participation présumée d'Ajinomoto à un cartel mondial de la lysine, cette dernière a évité d'assister aux réunions quadripartites avec les autres producteurs de nucléotides (à partir d'août 1996), bien qu'elle ait dans les faits continué de prendre part aux accords relatifs à ce produit. En revanche, elle a maintenu ses contacts bilatéraux directs avec Takeda, généralement avant ou après ces réunions. Takeda explique qu'Ajinomoto entendait s'appuyer sur les informations transmises pour négocier avec les producteurs coréens (97). Dans sa réponse à la communication des griefs, Ajinomoto souligne que ces allégations sont inexactes et ne sont corroborées par aucun élément de preuve. La durée de la participation d'Ajinomoto aux accords collusoires est examinée de manière plus précise à la section "durée".
(137) Daesang prétend avoir été informée par Takeda que toutes les parties étaient parvenues à un accord sur les prix à appliquer aux "trois grands" lors d'un cours de golf organisé entre les représentants de Miwon et de Takeda, dans l'État du New Jersey, le 10 septembre 1996.
(138) D'après un compte rendu de réunion fourni par Takeda, cette dernière a rencontré Cheil et Daesang en mars 1997. Elles sont alors convenues d'un prix cible de 30 USD (98).
(139) Les prix cibles fixés pour 1997 ont semblé difficiles à maintenir. Une réunion a été organisée à Séoul entre le 26 et le 28 mai 1997. Selon le compte rendu de cette réunion rédigé par Takeda (99), les participants ont décidé de fixer le prix à appliquer en dehors de l'Asie en 1997 à 25 USD/kg, soit "un peu moins du prix de 30 USD convenu à la réunion de mars 1997". Ce compte rendu indique que "partant de l'idée qu'il convient d'augmenter les prix avant que les contrats de l'année prochaine ne soient négociés avec les principaux clients européens à l'automne, nous avons échangé nos points de vue avec les deux entreprises (Cheil et Daesang) sur l'importance de la hausse de prix à appliquer et sur sa programmation (calendrier)".
(140) Enfin, ils sont convenus de porter les prix à 29-31 USD/kg l'année suivante. Ils sont également parvenus à un accord sur le prix à appliquer à [...]*, l'un des clients européens. D'après le compte rendu de cette réunion établi par Takeda (100), le prix contractuel convenu pour [...]* pour 1997 était de 48 DEM/kg ou 32 USD/kg. Une hausse d'environ 6 % (51 DEM/kg) avait été envisagée, mais Takeda avait reconnu qu'une telle hausse serait difficile à appliquer.
(141) Takeda et Miwon se sont réunies à Amsterdam le 3 juin 1997. Cette réunion a porté sur le marché des nucléotides en Europe, les ventes de Miwon à [...]*, [...]* et [...]* et l'échange d'informations sur les prix pratiqués en Europe et sur les hausses de prix possibles. Une réunion similaire s'est tenue entre Takeda et Cheil à Francfort le 9 juin 1997. Elles ont également échangé des informations sur les prix pratiqués en Europe et sur la possibilité d'améliorer ces prix (101).
(142) Takeda a de nouveau rencontré Miwon dans l'État du New Jersey, aux États-Unis, les 10 juillet et 16 septembre 1997, afin d'examiner le marché des nucléotides en général (102).
(143) D'après la déclaration de Takeda, son [...]* a rencontré pour la première fois son nouvel homologue d'Ajinomoto le 25 juillet 1997. Lors de cette réunion qui a eu lieu dans un restaurant de Tokyo, ils ont examiné la manière dont le marché des nucléotides avait été organisé entre les producteurs au cours des années précédentes et ont échangé les points de vue de leurs entreprises respectives sur la stratégie à appliquer en matière de prix. Par ailleurs, Ajinomoto affirme qu'à sa connaissance "ni les prix cibles ni les clients européens" n'ont fait l'objet de cette réunion et des réunions suivantes.
(144) Les informations fournies par Takeda au sujet de cette réunion et de celle de septembre 1997 démentent cette affirmation. En effet, le compte rendu de cette réunion établi par Takeda (103) indique clairement, entre autres, qu'Ajinomoto l'a informée "qu'elle avait déjà proposé à ses distributeurs une hausse de 10 % du prix exprimé en DEM (environ 51 DEM?) pour l'année prochaine [...]". Takeda a précisé à Ajinomoto qu'"elle avait compris son augmentation du prix en DEM comme une augmentation du prix en USD, mais cela est lié à la manière dont cette hausse a été communiquée aux autres entreprises, Takeda, Cheil et Miwon". Elle l'a également informée qu'elle fixerait le prix à appliquer à [...]* et à [...]* sur la base de l'étude du marché européen prévue pour début octobre (104).
(145) Environ un mois plus tard, Takeda a rencontré des représentants de Cheil et de Miwon séparément, dans le cadre de réunions bilatérales qui ont eu lieu du 27 au 29 août 1997. Selon les déclarations de Takeda, ces réunions ont essentiellement porté sur les accords d'achats compensatoires, mais il est possible que les entreprises aient également mentionné la négociation des contrats annuels à venir avec les trois gros clients. Daesang affirme avoir également rencontré Takeda aux États-Unis les 10 juillet et 16 septembre 1997 et avoir examiné avec elle le marché des nucléotides en général (105).
(146) En septembre 1997, Takeda et Ajinomoto se sont de nouveau réunies. Takeda déclare qu'Ajinomoto l'a alors informée de son intention d'appliquer en 1998 une hausse de prix de 15 % ou, au minimum, de 10 % (106). Un document de l'époque fourni par Takeda et concernant cette réunion (107) indique que "le siège de chaque entreprise semble avoir décidé [du] prix qu'il proposera à [...]* (cela vaut pour A[jinomoto], C[heil] et MW (Miwon/Daesang) ou à [...]* et [...]* (cela vaut pour T[akeda]) lors de la négociation des contrats de l'année prochaine. Nous supposons que les produits de C [heil] et de MW (Miwon) bénéficieront du SPG en Europe" (108).
(147) Daesang avance que Miwon et Takeda se sont réunies en octobre 1997 à Séoul, où elles ont eu une discussion générale sur la baisse du prix des nucléotides sur le marché mondial (109).
(148) Cheil déclare avoir rencontré Takeda les 24 et 26 mars 1998 à Séoul. Lors de ces rencontres (110), elles se sont entretenues du marché mondial et de la production mondiale de nucléotides. Il a été établi que ces deux entreprises se sont également réunies le 2 juin 1998. Cheil indique que cette réunion a porté sur la baisse du prix des nucléotides et sur ses ventes à bas prix sur le marché japonais.
(149) L'organisation d'aucune autre réunion collusoire n'a été établie.
PARTIE II - APPRÉCIATION JURIDIQUE
A. COMPÉTENCE (APPLICATION DU TRAITÉ ET DE l'ACCORD EEE)
1. RELATION ENTRE LE TRAITÉ ET L'ACCORD EEE
(150) Les accords décrits ci-dessus s'appliquaient dans la plupart des États membres et des pays de l'EEE (la Norvège et, avant son adhésion à la Communauté, l'Autriche).
(151) L'accord EEE, qui comprend des dispositions en matière de concurrence analogues au traité, est entré en vigueur le 1er janvier 1994. La présente décision tient donc compte de l'applicabilité de ces règles (principalement l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE) à partir de cette date aux accords à l'égard desquels les griefs sont formulés.
(152) Dans la mesure où ces arrangements ont affecté la concurrence ainsi que le commerce entre États membres, l'article 81 du traité est applicable. Dans la mesure où les opérations de l'entente ont eu un effet sur le commerce entre les pays de la Communauté et ceux de l'AELE ou entre les pays de l'AELE qui étaient membres de l'EEE, l'article 53 de l'accord EEE est applicable.
(153) Si un accord ou une pratique n'affecte que le commerce entre États membres, la Commission reste compétente et applique l'article 81, paragraphe 1, du traité. Si un accord n'affecte que le commerce entre les États de l'AELE/EEE, l'autorité de surveillance AELE est seule compétente et applique les règles de concurrence de l'EEE, notamment l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE (111).
(154) Dans la présente affaire, l'autorité qui doit appliquer tant l'article 81, paragraphe 1, du traité que l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE sur la base de l'article 56 dudit accord est la Commission, étant donné que l'entente a affecté sensiblement le commerce entre les États membres (112).
B. APPLICATION DE L'ARTICLE 81 DU TRAITÉ ET DE L'ARTICLE 53 DE L'ACCORD EEE
1. ARTICLE 81, PARAGRAPHE 1, DU TRAITÉ ET ARTICLE 53, PARAGRAPHE 1, DE L'ACCORD EEE
(155) En vertu de l'article 81, paragraphe 1, du traité, sont incompatibles avec le marché commun et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d'associations d'entreprises et toutes pratiques concertées, qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun, et notamment ceux qui consistent à fixer, de façon directe ou indirecte, les prix d'achat ou de vente ou d'autres conditions de transaction, à limiter ou contrôler la production, les débouchés, ou à répartir les marchés ou les sources d'approvisionnement.
(156) L'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE (qui est libellé sur le modèle de l'article 81, paragraphe 1, du traité) contient une interdiction similaire des accords, des décisions d'associations et des pratiques concertées, mais les références au commerce "entre États membres" et à la concurrence "à l'intérieur du marché commun" y sont remplacées respectivement par des références au commerce "entre les parties contractantes" (dans ce contexte, on entend par "parties contractantes" les États membres de la Communauté européenne et les différents États qui faisaient à l'époque partie de l'AELE) et à la concurrence "à l'intérieur du territoire couvert par le présent accord" (autrement dit, l'accord EEE).
2. ACCORDS ET PRATIQUES CONCERTÉES
(157) L'article 81, paragraphe 1, du traité et l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE interdisent les accords, les décisions d'associations et les pratiques concertées.
(158) On peut considérer qu'il y a accord lorsque les parties s'entendent sur un plan commun qui limite ou est susceptible de limiter leur comportement commercial respectif en déterminant les lignes de leur action ou abstention réciproque sur le marché. L'accord ne doit pas nécessairement être établi de façon formelle ou par écrit, et aucune sanction contractuelle ou mesure de contrainte n'est requise. L'accord peut être exprès ou ressortir implicitement du comportement des parties.
(159) Dans son arrêt rendu dans les affaires jointes T-305-94 etc., Limburgse Vinyl Maatschappij NV e.a. contre Commission (PVC II) (113), le Tribunal de première instance a précisé (au point 715) que "selon une jurisprudence constante, pour qu'il y ait accord, au sens de l'article [81, paragraphe 1] du traité, il suffit que les entreprises en cause aient exprimé leur volonté commune de se comporter sur le marché d'une manière déterminée".
(160) Aux fins de l'article 81, paragraphe 1, du traité, un "accord" peut aussi ne pas présenter le degré de sécurité requis pour l'exécution d'un contrat commercial en droit civil. De surcroît, dans le cas d'une entente complexe de longue durée, la notion d'"accord" convient non seulement pour désigner un plan global ou les conditions expresses convenues, mais aussi la mise en œuvre de ce qui a été convenu, reposant sur les mêmes mécanismes et poursuivant le même objectif commun.
(161) Comme la Cour (confirmant l'arrêt du Tribunal de première instance) l'a précisé dans l'affaire C-49-92 P, Commission contre Anic Partecipazioni SpA (114), au point 81, il découle des termes mêmes de l'article 81, paragraphe 1, du traité que cet accord peut consister non seulement en un acte isolé, mais également en une série d'actes ou bien encore en un comportement continu.
(162) Une entente complexe peut donc être à juste titre considérée comme une seule infraction se poursuivant pendant toute la durée de son existence. L'accord peut, dans certaines circonstances, être modifié, ou ses mécanismes peuvent être adaptés ou renforcés pour tenir compte de faits nouveaux. La validité de la présente appréciation n'est en rien affectée par la possibilité qu'un ou plusieurs éléments d'une série d'actes ou d'un comportement continu puissent, individuellement et intrinsèquement, constituer une infraction à l'article 81, paragraphe 1, du traité.
(163) Même si l'entente est une entreprise menée en commun, chaque participant peut y jouer un rôle qui lui est propre. Un ou plusieurs d'entre eux peuvent exercer le rôle dominant de "meneur" ou de "chef de file". Il peut y avoir des conflits et des rivalités internes. Certains membres peuvent même aller jusqu'à tricher. Cependant, aucun de ces éléments n'empêche cet arrangement de constituer un accord/une pratique concertée aux fins de l'article 81, paragraphe 1, du traité, lorsque les parties s'entendent en vue d'un objectif unique, commun et permanent.
(164) Le simple fait que chaque participant à l'entente ait pu jouer un rôle qui lui est propre n'exclut pas sa responsabilité pour l'infraction dans son ensemble, y compris les actes commis par les autres participants mais qui partagent le même objectif illicite et le même effet anticoncurrentiel. Une entreprise participant à une telle infraction par des comportements qui contribuent à la réalisation de cet objectif commun est également responsable, pour toute la période de sa participation à ce système commun, des comportements mis en œuvre par d'autres entreprises dans le cadre de la même infraction. Tel est, en effet, le cas lorsqu'il est établi que l'entreprise en question connaissait les comportements infractionnels des autres participants, ou qu'elle pouvait raisonnablement les prévoir et qu'elle était prête à en accepter le risque (arrêt de la Cour dans l'affaire Commission contre Anic, point 83).
(165) Si l'article 81 (115) du traité distingue la notion de "pratiques concertées" de celle d'"accords entre entreprises" ou de "décisions d'associations d'entreprises", c'est dans le dessein d'appréhender sous les interdictions de cet article une forme de coordination entre entreprises qui, sans avoir été poussée jusqu'à la réalisation d'une convention proprement dite, substitue sciemment une coopération pratique entre elles aux risques de la concurrence même lorsque les parties ne se sont pas entendues explicitement sur un plan commun définissant leur action sur le marché, mais avaient adopté ou s'étaient ralliées sciemment à des mécanismes collusoires qui facilitaient la coordination de leurs politiques commerciales, le comportement peut malgré tout tomber sous le coup de l'article 81, paragraphe 1, du traité en tant que "pratique concertée" (116).
(166) Il n'est pas toutefois pas nécessaire, en particulier dans le cas d'une infraction complexe de longue durée, que la Commission la qualifie exclusivement de l'une ou de l'autre forme de comportement illicite (117). Les notions d'accord et de pratique concertée ne sont pas figées et peuvent se chevaucher. De fait, une telle distinction pourrait même s'avérer impossible et irréaliste, étant donné qu'une infraction peut présenter simultanément les caractéristiques de chacune des formes de comportement interdit, alors que si elles sont examinées de manière isolée, certaines de ses manifestations pourraient parfaitement correspondre à un comportement plutôt qu'à un autre. Du point de vue de l'analyse, il serait toutefois artificiel de subdiviser ce qui constitue de toute évidence une entreprise commune continue ayant un seul et même objectif global qui se matérialise par plusieurs formes d'infractions distinctes. Une entente peut donc être en même temps un accord et une pratique concertée. L'article 81 ne prévoit pas de qualification spécifique pour ce type d'infraction complexe (118).
3. INFRACTION UNIQUE ET CONTINUE
(167) En l'espèce, les producteurs de nucléotides ont participé, pendant une longue période, à un système commun qui a défini les lignes de leur action sur le marché et fixé des limites à leur comportement commercial individuel. À ce titre, les arrangements présentent les caractéristiques d'un accord au sens de l'article 81, paragraphe 1, du traité, bien que certains éléments factuels du comportement illicite puissent, selon les circonstances, être raisonnablement qualifiés de pratique concertée.
(168) De la fin de 1988 à la fin de juin 1998 au moins, de nombreux éléments de preuve attestent l'existence, sur le marché EEE des nucléotides, de cette collusion unique et continue entre Takeda (119), Ajinomoto (120), Daesang (121) et Cheil (122) qui, ensemble, représentaient la quasi-totalité du marché. En effet, les parties ont exprimé mutuellement leur volonté commune de se comporter sur le marché d'une manière déterminée et se sont entendues sur un plan commun destiné à limiter leur propre comportement commercial. On peut donc considérer que la décision de participer à ce plan en vue de restreindre la concurrence remonte au moins à 1988. Cette collusion poursuivait un seul objectif anticoncurrentiel: empêcher la concurrence sur les prix en se mettant d'accord sur des prix cibles et des hausses de prix.
(169) Étant donné le dessein et l'objectif communs que les producteurs ont constamment poursuivis d'éliminer la concurrence sur le marché des nucléotides, la Commission considère que le comportement en question a constitué une seule et même infraction continue à l'article 81, paragraphe 1, du traité, pour laquelle chaque participant doit assumer sa responsabilité pour la durée de son adhésion au système commun. Ces arrangements sont exposés en détail dans la partie de la présente décision consacrée aux faits. Cette présentation est étayée par de nombreux éléments de preuves explicites dont il est fait systématiquement mention dans tout le texte.
4. RESTRICTION DE CONCURRENCE
(170) En l'espèce, l'ensemble des accords a eu pour objet et pour effet de restreindre la concurrence dans la Communauté et l'EEE.
(171) L'article 81, paragraphe 1, du traité et l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE qualifient expressément d'accords restrictifs de concurrence ceux qui consistent à: "fixer de façon directe ou indirecte les prix d'achat ou de vente ou d'autres conditions de transaction; b) limiter ou contrôler la production, les débouchés ou le développement technique, ou c) répartir les marchés ou les sources d'approvisionnement". Cette liste n'est pas exhaustive.
(172) Dans l'ensemble des accords et des arrangements examinés en l'espèce, les éléments suivants peuvent être considérés comme utiles pour prouver l'existence d'une infraction à l'article 81, paragraphe 1, du traité et à l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE:
- répartition des clients,
- répartition des marchés,
- accord sur des prix cibles et des prix minimaux,
- accord sur des augmentations de prix concertées,
- échanges d'informations sur les chiffres de vente en vue de contrôler la mise en application des prix cibles,
- participation à des réunions régulières et autres contacts destinés à convenir des restrictions ci-dessus, à les mettre en œuvre et/ou, le cas échéant, à les modifier.
(173) Ce type d'arrangements a pour objet de restreindre le jeu de la concurrence au sens de l'article 81, paragraphe 1, du traité et de l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE. Le prix étant le principal instrument de concurrence, en recourant à divers arrangements et mécanismes collusoires, les producteurs avaient tous pour objectif ultime de gonfler les prix à leur avantage et de les porter à un niveau supérieur à celui qui résulterait du jeu de la libre concurrence.
(174) Afin de déterminer si l'article 81, paragraphe 1, du traité et l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE sont d'application, il n'est pas nécessaire d'examiner les effets réels d'un accord sur la concurrence, dès lors qu'il est établi que cet accord avait pour objet de restreindre la concurrence (123).
(175) Quoi qu'il en soit, l'entente a également eu un effet restrictif sur la concurrence. De fait, les accords de l'entente ont concerné les principaux producteurs mondiaux de nucléotides et étaient conçus, dirigés et encouragés dans les sphères les plus élevées des entreprises concernées (124). Les prix cibles, les hausses de prix et la répartition de la clientèle, qui constituaient les principaux objectifs de l'entente, étaient convenus, annoncés aux acheteurs et mis en application dans l'ensemble de l'EEE.
(176) Dans leurs réponses à la communication des griefs, Cheil et Ajinomoto font valoir que les restrictions de concurrence imputables à l'entente étaient très limitées. Ajinomoto ajoute par ailleurs que la conclusion de la Commission se fonde sur des preuves non concluantes, qui ne suffisent pas pour attester l'incidence des accords sur le marché. L'effet restrictif des accords en question est démontré plus en détail aux considérants 224 à 238 ci-dessous.
5. EFFETS SUR LE COMMERCE ENTRE ÉTATS MEMBRES ET ENTRE PARTIES CONTRACTANTES À L'ACCORD EEE
(177) L'accord continu entre producteurs a eu un effet sensible sur le commerce entre les États membres et entre les parties contractantes à l'accord EEE.
(178) L'article 81, paragraphe 1, du traité vise les accords susceptibles de compromettre l'achèvement du marché unique entre les États membres, soit en cloisonnant les marchés nationaux, soit en affectant la structure de la concurrence à l'intérieur du marché commun. De la même manière, l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE interdit les accords qui compromettent la réalisation d'un espace économique européen homogène.
(179) D'après la jurisprudence de la Cour, "un accord, pour être susceptible d'affecter le commerce entre États membres, doit, sur la base d'un ensemble d'éléments objectifs de droit ou de fait, permettre d'envisager avec un degré de probabilité suffisant qu'il puisse exercer une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur les courants d'échanges entre États membres" (125). En tout état de cause, l'article 81, paragraphe 1, du traité "n'exige pas que les accords visés à cette disposition aient affecté sensiblement les échanges intracommunautaires, il demande qu'il soit établi que ces accords sont de nature à avoir un tel effet" (126).
(180) Ainsi que l'atteste la section "Commerce entre États membres ", le marché des nucléotides se caractérise par l'importance du volume d'échanges entre les États membres. Bien qu'aucun des producteurs de nucléotides n'ait eu de capacité de production dans l'EEE pendant la période en question, les nucléotides ont été commercialisés dans la quasi-totalité des États du territoire de l'EEE, soit par l'intermédiaire de filiales de vente à 100 % soit par le canal de distributeurs établis dans quelques États membres seulement. Les échanges ont également été considérables entre les pays de la Communauté et ceux de l'AELE membres de l'EEE. La Norvège importe 100 % de sa consommation, essentiellement de la Communauté; avant leur adhésion, l'Autriche, la Finlande et la Suède importaient la totalité de leurs besoins de nucléotides.
(181) L'application de l'article 81, paragraphe 1, du traité et de l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE à une entente ne se limite cependant pas à la partie des ventes des membres de l'entente qui implique effectivement un transfert physique de marchandises d'un pays à l'autre. Il n'est pas non plus nécessaire, pour que ces dispositions soient applicables, de démontrer que les contacts pris individuellement, par chaque participant, par opposition au cartel dans son ensemble, ont affecté le commerce entre États membres (127).
(182) En l'espèce, l'entente couvrait la quasi-totalité des échanges dans le monde, y compris dans la Communauté et l'Espace économique européen. L'existence de mécanismes de fixation des prix et de répartition des clients doit avoir eu pour effet, ou était susceptible d'avoir pour effet, de détourner systématiquement les courants commerciaux de l'orientation qu'ils auraient autrement connue(128).
6. RÈGLES DE CONCURRENCE APPLICABLES À L'AUTRICHE, À LA FINLANDE, À L'ISLANDE, AU LIECHTENSTEIN, À LA NORVÈGE ET À LA SUÈDE
(183) L'accord EEE est entré en vigueur le 1er janvier 1994. Pour la période de fonctionnement de l'entente antérieure à cette date, la seule disposition pertinente aux fins de la présente procédure est l'article 81 du traité; dans la mesure où ils couvraient l'Autriche, la Finlande, l'Islande, le Liechtenstein, la Norvège et la Suède (qui étaient alors membres de l'AELE), les accords constitutifs de l'entente ne relevaient pas de cette disposition.
(184) Au cours de la période du 1er janvier au 31 décembre 1994, les dispositions de l'accord EEE étaient applicables à l'Autriche, à la Finlande, à l'Islande, au Liechtenstein, à la Norvège et à la Suède; l'entente constituait par conséquent une infraction à l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE, ainsi qu'à l'article 81, paragraphe 1, du traité, et la Commission est compétente pour appliquer ces deux dispositions. La restriction de concurrence dans ces six États de l'AELE pendant cette période d'un an tombe sous le coup de l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE.
(185) Après l'adhésion, le 1er janvier 1995, de l'Autriche, de la Finlande et de la Suède à la Communauté, l'article 81, paragraphe 1, du traité est devenu applicable à l'entente dans la mesure où elle affectait la concurrence sur ces marchés. Le fonctionnement de l'entente en Norvège, en Islande et au Liechtenstein a continué à enfreindre l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE.
(186) Concrètement, il résulte de ce qui précède que, dans la mesure où l'entente fonctionnait en Autriche, en Finlande, en Islande, au Liechtenstein, en Norvège et en Suède, elle constitue une infraction aux règles de concurrence communautaires et/ou de l'EEE à compter du 1er janvier 1994.
C. DESTINATAIRES
1. PRINCIPES APPLICABLES
(187) Afin de déterminer l'identité des destinataires de la présente décision, il est nécessaire de définir à quelles entités juridiques il conviendrait d'imputer la responsabilité de l'infraction.
(188) L'objet des règles de concurrence applicables dans la Communauté et l'EEE est l'"entreprise", notion qui ne se confond pas avec celle de personne morale en droit des sociétés ou en droit fiscal national. Le terme "entreprise" n'est pas défini dans le traité, mais peut, toutefois, renvoyer à toute entité exerçant une activité commerciale.
(189) Lorsque l'existence, pendant une période donnée, d'une infraction à l'article 81, paragraphe 1, du traité et/ou à l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE est établie, il convient de déterminer la personne physique ou morale qui était responsable de l'exploitation de l'entreprise au moment où l'infraction a été commise, afin qu'elle réponde de celle-ci.
(190) Une modification de la forme juridique ou de l'identité sociale ne dégage toutefois pas une entreprise de sa responsabilité à encourir des sanctions pour comportement anticoncurrentiel. Lorsque la personne morale qui a commis l'infraction a cessé d'exister juridiquement, son successeur devient passible, à sa place, de l'amende.
2. DESTINATAIRES DE LA DÉCISION
(191) Dans la présente procédure, la question de l'identité du destinataire de la décision ne se pose pas et celle-ci sera directement adressée aux entités juridiques ayant participé à l'infraction.
(192) En ce qui concerne Miwon Corporation (129), qui a changé de statut juridique en novembre 1997, la présente appréciation est conforme à la pratique habituelle de la Commission et à la jurisprudence actuelle (130). La fusion intégrale de Miwon Corporation Limited avec Sewon Co. Ltd, qui a donné naissance à une nouvelle société, Daesang Corporation (131), implique un transfert de la responsabilité à la nouvelle entité. Il existe de toute évidence une continuité entre Miwon et la nouvelle entité dans laquelle elle a été englobée. Miwon a cessé d'exister juridiquement et sa personnalité morale, ainsi que ses actifs et son personnel, ont été transmis à Daesang Corporation.
D. DURÉE DE L'INFRACTION
(193) Bien que certains éléments de preuve présentés à la Commission (voir ci-dessus le considérant 77) donnent à penser que les premiers contacts entre les producteurs japonais remontent à 1986, la Commission limitera, aux fins de la présente procédure, son appréciation au regard des règles de concurrence et l'infliction d'amendes à la période postérieure au 8 novembre 1988, date à laquelle a eu lieu la première réunion connue entre les producteurs japonais où un accord est intervenu, après discussion, sur les prix à proposer à leurs trois grands clients lors des prochaines négociations (voir ci-dessus le considérant 79). En ce qui concerne Takeda et Ajinomoto, la date prise en compte pour le début de l'infraction sera par conséquent le 8 novembre 1988.
(194) S'agissant de Daesang, celle-ci reconnaît avoir conclu un contrat d'achat compensatoire avec Ajinomoto le 19 décembre 1988, dans le cadre duquel il avait été convenu verbalement que la condition de ce contrat était que Miwon devait s'abstenir d'accroître ses ventes au [...]* et ne pas faire échec à la coopération des producteurs [...]* en matière de prix au niveau mondial (132). La Commission considérera par conséquent que Daesang a commencé à participer à l'infraction le 19 décembre 1988.
(195) D'après un rapport relatif à un voyage d'affaires (133), une première réunion de producteurs de nucléotides (à laquelle Cheil a participé) a eu lieu entre le 7 et le 23 mars 1989. Ledit rapport indique que les participants seraient convenus de se réunir de nouveau à Kyungju, en Corée, le 7 juin 1989 (selon Daesang, il s'agit de la réunion où les prix cibles auraient été fixés pour 1989).
(196) En ce qui concerne lesdites "réunions P", un troisième rapport relatif à un voyage d'affaires daté des 3-10 octobre 1989 (134), explique que l'objet de la réunion était d'"examiner la manière d'empêcher la baisse des prix sur le marché mondial" et d'avoir "une réunion préliminaire avec Takeda pour aborder la question de la fourniture de nucléotides à Takeda en 1990".
(197) Le compte rendu d'une réunion organisée le 5 octobre 1989 entre Ajinomoto, Takeda, Daesang et Cheil confirme également que cette dernière a participé à l'infraction avant 1991; cette rencontre avait donné lieu à un échange de vues sur les prix cibles à obtenir en 1990 et à un examen de la mise en œuvre de ces mêmes prix en 1989 (135).
(198) Cheil confirme la tenue de cette réunion, bien qu'elle ait dans un premier temps affirmé avoir trouvé peu d'éléments concernant son contenu (136).
(199) Dans sa réponse à la communication des griefs, Cheil assure toutefois que certaines réunions entre concurrents se sont déroulées à compter de juillet 1988 et reconnaît sa participation à l'infraction à partir de mars 1989, tout en ajoutant qu'avant 1992 l'accent était mis principalement sur les marchés autres que l'EEE et qu'entre 1989 et la fin de 1991 Cheil n'exerçait de toute façon que des activités peu importantes sur le marché européen (137).
(200) La Commission considère, à partir des éléments de preuve susmentionnés, que Cheil a participé à l'infraction à partir de mars 1989.
(201) Il convient bien sûr de noter que dans la mesure où l'entente a concerné l'Autriche, la Finlande, la Norvège et la Suède, celle-ci ne constitue pas une infraction à l'accord EEE avant le 1er janvier 1994, date à laquelle ledit accord est entré en vigueur.
(202) Dans sa réponse à la communication des griefs, Ajinomoto affirme avoir mis fin à sa participation à l'entente après août 1996. Elle déclare, à l'appui de sa déclaration, que non seulement elle a cessé d'assister aux réunions de producteurs après cette date, mais qu'elle a aussi renoncé aux achats compensatoires auprès de Daesang. Ajinomoto soutient que les éléments de preuve contenus dans le fichier de la Commission lui-même donnent à penser que son retrait des accords sur les nucléotides a été total, véritable et permanent: rien ne prouve qu'Ajinomoto ait pris part à des réunions de producteurs après août 1996 et les contacts avec Takeda se limitaient à des tentatives infructueuses de cette dernière d'associer à nouveau Ajinomoto à ces arrangements.
(203) Takeda fait valoir, pour sa part, que la Commission devrait considérer que l'infraction a pris fin à la date de la dernière réunion connue lors de laquelle un accord est intervenu sur la fixation des prix cibles.
(204) Daesang et Cheil ne contestent pas la durée de l'infraction telle qu'elle est établie dans la présente décision.
(205) En ce qui concerne Ajinomoto, la Commission convient que les preuves de sa participation à l'accord sur les prix cibles pour 1997 sont insuffisantes. Néanmoins, la Commission ne saurait accepter l'affirmation d'Ajinomoto selon laquelle elle aurait cessé de prendre part à l'infraction après la réunion d'août 1996.
(206) En réalité, les éléments de preuve présentés à l'époque par Takeda concernant ses réunions bilatérales avec Ajinomoto, attestent clairement que les deux entreprises ont abordé à ces occasions la question du marché des nucléotides et des prix qui y sont pratiqués. Dans les notes relatives à la réunion de juillet 1997, par exemple, Takeda mentionne qu'Ajinomoto lui a déclaré qu'ils se déplaceraient en Europe en août et en septembre et proposeraient à leurs distributeurs une hausse de prix de 10 %, qui susciterait sans doute chez ces derniers de vives protestations. Dans la note suivante concernant la réunion de septembre, Takeda indique par exemple que "[l]a politique de base d'Ajinomoto est en hausse de 15 % (de 10 % au minimum). En août, lors d'une réunion avec des succursales européennes, ils se sont heurtés comme prévu à une forte résistance, mais ont décidé de commencer à 53 DEM pour obtenir au moins 51 DEM (10 % d'augmentation) " (138). Ces deux notes considérées conjointement montrent de toute évidence qu'Ajinomoto n'a pas seulement mentionné la hausse de prix qu'elle souhaitait en Europe, mais qu'elle a également diffusé des informations en retour sur le déroulement des discussions et la manière de procéder à partir de ces éléments. Ce comportement va manifestement au-delà de simples tentatives infructueuses faites par Takeda pour associer de nouveau Ajinomoto à ces accords (139).
(207) La Commission est donc d'avis que, en poursuivant ses rencontres avec Takeda, qui donnaient lieu à des échanges sur les prix des nucléotides, Ajinomoto a continué à participer à l'infraction après la réunion d'août 1996.
(208) Même si Ajinomoto a cessé ses achats compensatoires après août 1996 et n'a assisté à aucune réunion multilatérale après cette date, cette entreprise a maintenu sa participation au dispositif illicite, et y a contribué activement en échangeant des informations sur les prix. Bien qu'un changement soit éventuellement intervenu dans la forme (les contacts bilatéraux avec Takeda ont remplacé les contacts multilatéraux), la conclusion s'impose qu'Ajinomoto a pris part à l'infraction jusqu'à, au moins, la dernière réunion connue lors de laquelle elle s'est entretenue des prix des nucléotides, à savoir sa rencontre avec Takeda en septembre 1997.
(209) En ce qui concerne les autres parties, étant donné qu'elles se sont associées à l'accord sur les prix cibles pour 1997, la Commission estime que l'infraction a duré jusqu'à la fin de 1997, sauf lorsqu'il a été constaté que des contacts illégaux s'étaient poursuivis après la fin de 1997. Dans le cas de Takeda et de Cheil, la dernière réunion connue au cours de laquelle les prix des nucléotides ont été examinés est datée du 2 juin 1998 (140). En conséquence, la Commission en conclut que ces deux entreprises ont participé à l'infraction jusqu'au 2 juin 1998.
(210) La Commission considère donc que l'infraction a duré jusqu'en septembre 1997 en ce qui concerne Ajinomoto, jusqu'à fin 1997 dans le cas de Daesang et jusqu'au 2 juin 1998 pour Cheil et Takeda.
E. MESURES CORRECTIVES
1. ARTICLE 3 DU RÈGLEMENT N° 17
(211) Si la Commission constate une infraction aux dispositions de l'article 81, paragraphe 1, du traité ou de l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE, elle peut exiger des entreprises concernées qu'elles y mettent fin conformément à l'article 3 du règlement n° 17.
(212) En l'espèce, la Commission a mentionné dans sa communication des griefs que les participants se sont donné beaucoup de mal pour dissimuler leurs agissements illicites et qu'ils ont également fourni des informations contradictoires sur la période pendant laquelle l'infraction a eu lieu. Dans leur réponse à la communication des griefs, toutes les entreprises font valoir qu'elles ont mis fin à leur participation avant que la Commission ne commence son enquête. Ajinomoto affirme qu'elle a cessé sa participation en août 1996.
(213) Malgré ces affirmations, et afin de couper court à toute ambiguïté, il est nécessaire d'exiger des entreprises qui poursuivent leurs activités sur le marché des nucléotides qu'elles mettent fin à l'infraction (si elles ne l'ont pas déjà fait) et qu'elles s'abstiennent désormais de tout accord, de toute pratique concertée ou de toute décision d'association qui pourrait avoir un objet ou un effet similaire.
(214) L'interdiction s'applique à toutes les réunions secrètes ainsi qu'à tous les contacts multilatéraux ou bilatéraux entre concurrents destinés à limiter la concurrence entre eux ou à leur permettre de coordonner leur comportement sur le marché, notamment en matière de prix.
2. ARTICLE 15, PARAGRAPHE 2, DU RÈGLEMENT N° 17
a) CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES
(215) Conformément à l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, la Commission peut, par voie de décision, infliger aux entreprises des amendes d'un montant de mille à un million d'euros, ou d'un montant supérieur mais n'excédant pas 10 % du chiffre d'affaires réalisé au cours de l'exercice social précédent par chacune des entreprises ayant participé à l'infraction, lorsque, de propos délibéré ou par négligence, elles commettent une infraction aux dispositions de l'article 81, paragraphe 1, du traité et/ou à l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE.
(216) Pour déterminer le montant de l'amende, la Commission doit prendre en considération toutes les circonstances de l'espèce et, en particulier, la gravité et la durée de l'infraction, qui sont les deux critères explicitement visés à l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17.
(217) Le rôle joué par chaque entreprise partie à l'infraction est apprécié cas par cas. La Commission tiendra notamment compte, dans le montant de l'amende infligée, des éventuelles circonstances aggravantes ou atténuantes, et appliquera, le cas échéant, la communication sur la clémence.
(218) Pour apprécier la gravité de l'infraction, la Commission prend en considération sa nature, son impact concret sur le marché, lorsqu'elle est mesurable, et l'étendue du marché concerné. Le rôle joué par chaque entreprise partie à l'infraction est apprécié cas par cas.
b) LE MONTANT DE L'AMENDE
(219) L'entente constitue une infraction délibérée à l'article 81, paragraphe 1, du traité et à l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE: tout en étant parfaitement conscients du caractère restrictif de leurs actes et, en outre, de leur illégalité, les principaux producteurs de nucléotides ont oeuvré de concert à l'instauration d'un système secret et continu visant à restreindre le jeu de la concurrence.
1. Le montant de base
(220) Le montant de base de l'amende est fixé en fonction de la gravité et de la durée de l'infraction.
Gravité
(221) Pour apprécier la gravité de l'infraction, la Commission prend en considération sa nature propre, son impact concret sur le marché, lorsqu'elle est mesurable, et l'étendue du marché géographique concerné.
Nature de l'infraction
(222) Il ressort des faits décrits ci-dessus que la présente infraction a principalement consisté en des pratiques de répartition des marchés et de fixation des prix qui, par leur nature même, constituent les violations les plus graves de l'article 81, paragraphe 1, du traité et de l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE.
(223) Les accords de l'entente ont concerné les principaux opérateurs mondiaux et étaient conçus, dirigés et encouragés dans les sphères les plus élevées de chaque entreprise participante (141). Par sa nature, la mise en application d'un accord du type décrit plus haut a entraîné une importante distorsion de concurrence, au seul bénéfice des producteurs membres et au détriment de leurs clients et, en dernière analyse, du grand public.
(224) La Commission estime donc que cette infraction constitue par nature une très grave infraction à l'article 81, paragraphe 1, du traité et à l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE.
(225) Ajinomoto affirme qu'en l'espèce un certain nombre d'éléments font apparaître que, non seulement l'infraction a eu une incidence limitée sur le marché, mais que celle-ci n'est pas aussi grave que la Commission le laisse entendre. Parmi ces éléments figurent le fait que le secteur européen des nucléotides est de taille limitée, le fait que l'infraction n'a pas été appliquée intégralement, le fait que les nucléotides ne représentent qu'une part très faible du coût des produits finals et que, partant, tout dommage occasionné aux consommateurs était circonscrit et le fait que la capacité à opposer les fournisseurs les uns aux autres a limité tout inconvénient pour les consommateurs directs.
(226) Ces arguments ne sont pas recevables. Il va de soi que les cartels portant sur les prix et la répartition des marchés menacent par leur nature même le bon fonctionnement du marché unique. Il serait faux de conclure que, en raison de la petite taille du marché, l'infraction n'est pas très grave. Ce qui compte est le fait qu'un système collusoire concernant le prix du produit, la composante essentielle de la concurrence, s'est substitué au schéma concurrentiel normal qui aurait régi le fonctionnement du marché unique des nucléotides. Comme le montrent les considérants ci-dessous, les arrangements ont été véritablement appliqués et ont eu un impact concret sur le marché des nucléotides dans l'EEE (142). À ce titre, l'infraction à l'article 81, paragraphe 1, du traité et à l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE est considérée comme très grave. La Commission examine l'argument de la taille limitée du marché aux considérants 241 et 242.
L'impact concret de l'infraction sur le marché des nucléotides au sein de l'EEE
(227) L'infraction a été commise par des entreprises qui, pendant la période considérée, se taillaient la part du lion sur les marchés mondial et européen des nucléotides. De plus, les arrangements avaient explicitement pour objet de faire monter les prix à un niveau supérieur à celui qui aurait été sinon atteint, et de limiter les quantités vendues. Ces accords ayant été mis en application, ils ont eu un effet tangible sur le marché.
(228) Il n'est pas nécessaire de chiffrer en détail l'ampleur de l'écart entre les prix ainsi obtenus et ceux qui auraient pu être pratiqués en l'absence de ces accords. En effet, il n'est pas toujours possible de le mesurer d'une manière fiable, étant donné qu'un certain nombre de facteurs extérieurs ont pu affecter simultanément l'évolution du prix du produit, de sorte qu'il est extrêmement difficile de tirer des conclusions sur l'importance relative de tous les liens de causalité possibles.
(229) Quoi qu'il en soit, les accords constitutifs de l'entente ont cependant été mis en application. Pendant toute la durée de l'entente, les parties ont échangé des informations sur leurs prix et le volume de leurs ventes et, à partir de ces chiffres, sont convenues de prix cibles (voir, par exemple, les considérants 80, 89, 91, 92 à 94, 97 et 98, 104, 108 à 111, 115 et 116, 118 à 131, 133, 135 et 138 à 141). Comme le démontre la partie factuelle de la présente décision, les prix cibles et les augmentations de prix ont été décidés, annoncés aux clients et mis en œuvre dans la totalité de l'EEE (voir, par exemple, les considérants 86, 104, 118 à 120, 122, 124, 126, 128, 134, 139 à 141 et 144). Les parties ont surveillé attentivement l'application de leurs accords en organisant entre elles des réunions multilatérales et bilatérales régulières. Lors de ces rencontres, les parties s'échangeaient des informations sur leurs chiffres de vente, s'entretenaient des prix du marché (ce qui leur permettait ainsi de vérifier si les objectifs décidés en termes de prix étaient atteints) et, si nécessaire, s'entendaient sur une adaptation des prix cibles (voir, par exemple, les considérants 92, 109, 111, 124, 128 à 130).
(230) Au vu de ce qui précède et des efforts consentis par chaque participant concernant l'organisation complexe du cartel, il ne fait aucun doute que l'accord anticoncurrentiel a été mis en œuvre pendant toute la période de l'infraction. Cette application en continu sur une période de neuf ans a dû avoir une incidence sur le marché.
(231) Ajinomoto affirme que les éléments sur lesquels la Commission se fonde pour prouver que l'infraction a eu un effet important sur le marché sont peu probants. D'après Ajinomoto, ladite infraction n'a eu qu'une incidence limitée. De fait, l'entreprise soutient que, non seulement il s'est avéré très difficile de conclure ces accords sur des prix cibles, mais que, même lorsque les entreprises y sont parvenues, ceux-ci n'étaient jamais respectés intégralement: les écarts par rapport aux arrangements étaient fréquents et restaient impunis, et aucun système de contrôle efficace n'était en place. Cette entreprise estime donc que l'infraction n'a pas été pleinement mise en œuvre.
(232) En outre, Ajinomoto estime que les coûts des nucléotides représentent en moyenne moins de 0,1 % du prix du produit final et que la capacité à opposer les fournisseurs les uns aux autres a limité le dommage occasionné aux consommateurs directs. Enfin, l'entreprise fait valoir qu'une analyse des conditions économiques pendant la période sous examen confirme que l'évolution des prix était compatible avec un comportement concurrentiel. À l'appui de ses affirmations, Ajinomoto a présenté un rapport préparé par RBB Economics, qui indique que rien ne permet de conclure que les prix ont été exceptionnellement stables pendant la période 1988-1997 ou que la baisse de prix à la fin de 1998 et au début de 1999 a correspondu à la fin de l'infraction. Les auteurs de ce rapport doutent de l'efficacité des accords de répartition de la clientèle entre les producteurs de nucléotides et, deuxièmement, ils estiment que la baisse des prix constatée fin 1998/début 1999 résulte non pas de la cessation des activités du cartel, mais de changements importants intervenus dans des facteurs liés au marché extérieur, qui ont modifié fondamentalement les conditions de prix en Europe: une hausse significative de la capacité occasionnée par l'ouverture d'une usine de Cheil, en Indonésie, conjuguée à une stagnation de la demande à partir de 1997, ont entraîné un excédent de capacité considérable. La dévaluation des devises coréenne et indonésienne a généré une pression supplémentaire sur les prix en Europe. Dans des observations complémentaires à sa réponse à la communication des griefs, Ajinomoto précise que les estimations moyennes des chiffres sur la capacité fournies par les entreprises à la Commission (et rendues accessibles) confirment que l'évolution des prix sur l'ensemble de la période en cause était compatible avec des conditions concurrentielles et que l'infraction a eu une incidence limitée sur le marché.
(233) Dans sa réponse à la communication des griefs, Cheil tire les mêmes conclusions, soulignant que c'est sa décision d'accroître sa capacité qui a fait baisser sensiblement les prix fin 1998/début 1990. Cette entreprise affirme également que la taille réduite du marché diminue l'incidence économique réelle du comportement illicite, ce qui justifie la fixation du montant de l'amende à un niveau moins élevé. En outre, Cheil, soutenue par Daesang (143), soutient que, lorsqu'elle se prononce sur la gravité de l'infraction, la Commission devrait prendre en compte le fait que son incidence sur les consommateurs était négligeable et que les Coréens se sont ralliés à un dispositif qui existait déjà.
(234) Takeda, également, déclare que même l'incidence potentielle maximale sur les consommateurs finals est très limitée, pour plusieurs raisons: la petite taille du marché européen, le fait que ce sont les gros fabricants de produits alimentaires qui achètent les nucléotides et non les consommateurs finals, et la faible part que représentent les coûts des nucléotides dans le produit final. Takeda se défend aussi en indiquant que la Commission n'a pas cherché à chiffrer précisément la mesure dans laquelle l'infraction a entraîné une hausse de prix supérieure à celle qui aurait été sinon constatée.
(235) Aucun des arguments mis en avant par les parties pour réduire l'importance de la conclusion de la Commission selon laquelle l'entente a eu une incidence réelle sur le marché n'est probant. Les explications relatives à la stabilité des prix entre 1988 et 1997 et la chute des prix à la fin de 1998/début de 1999 pourraient avoir une certaine validité (en particulier en ce qui concerne l'augmentation de capacité occasionnée par l'ouverture de la nouvelle usine de Cheil en Indonésie vers la fin du fonctionnement de l'entente), mais elles ne démontrent pas d'une façon convaincante que la mise en œuvre de l'entente n'a pu jouer un rôle dans la fixation et la fluctuation des prix sur le marché des nucléotides. En effet, étant donné que les parties avaient remplacé l'incertitude d'une situation de libre concurrence par un comportement collusoire continu, les prix ont été nécessairement fixés à un niveau différent de celui qui aurait prévalu sur un marché concurrentiel.
(236) Le fait que vers la fin de l'entente, ainsi que l'ont mis en évidence Ajinomoto et Cheil, la capacité de production ait sensiblement augmenté à un moment où la demande était orientée à la baisse, ce qui s'est soldé par une chute des prix (et une réduction des taux d'utilisation de la capacité des producteurs), illustre sans aucun doute les difficultés rencontrées par les parties vers la fin de l'entente pour influencer les prix dans une situation de marché difficile, et peut-être même les raisons de l'effondrement de l'entente elle-même. Toutefois, ceci ne prouve ni que la pratique illicite n'a eu aucun effet sur le marché pendant les neuf années d'existence du cartel ni que les prix n'ont pas été maintenus à un niveau supérieur au niveau concurrentiel.
(237) Au contraire, à en juger par les efforts conjugués des membres de l'entente (voir les considérants 75-149), on peut raisonnablement en conclure que ceux-ci ont réussi, pendant toute la durée de l'entente, à maintenir les prix à un niveau supérieur à celui qu'ils auraient atteint en l'absence des accords illicites.
(238) Même si les participants à cette entente n'ont pas obtenu la totalité des résultats escomptés, ceci ne prouve pas que l'entente n'a pas affecté le marché. De plus, il est inconcevable, étant donné, entre autres, les risques en jeu, que les parties aient à maintes reprises convenu de se rencontrer dans différents endroits du monde pendant la durée de l'infraction, s'ils avaient estimé que l'entente avait peu ou pas d'incidence sur le marché des nucléotides. À cet égard, citons par exemple les félicitations particulières adressées par Ajinomoto à tous les membres de l'entente lors d'une de ses réunions pour avoir appliqué avec succès les prix cibles pour 1995 [voir ci-dessus le considérant 126 ou l'annexe Z jointe aux observations complémentaires de Daesang (144)].
(239) Dans leur réponse à la communication des griefs, Ajinomoto, Cheil et Daesang ont également affirmé que les propres données de la Commission faisaient apparaître qu'elles avaient souvent ignoré les arrangements et agi de manière autonome sur le marché. Cet argument n'est toutefois pas recevable. Non seulement, la Commission dispose de nombreuses preuves attestant qu'Ajinomoto, Daesang et Cheil ont réellement continué à prendre part à l'infraction pendant toute sa durée (ce que les parties ne contestent d'ailleurs pas, sauf Ajinomoto, en ce qui concerne sa participation après août 1996), mais le fait que les parties aient éventuellement eu des "stratégies cachées" qui les ont amenées à faire abstraction, dans une certaine mesure, des engagements pris envers les autres participants à l'entente ne signifie pas qu'elles n'ont pas appliqué l'accord relatif à l'entente. Ainsi que le Tribunal de première instance l'a constaté dans l'arrêt Cascades contre Commission, "une entreprise qui poursuit, malgré la concertation avec ses concurrents, une politique plus ou moins indépendante sur le marché peut simplement tenter d'utiliser l'entente à son profit" (145).
Taille du marché géographique en cause
(240) L'entente couvrait l'ensemble du marché commun et, après sa création, l'ensemble de l'EEE. Chaque partie du marché commun et de l'EEE était sous l'influence de la collusion. Aux fins d'en déterminer la gravité, la Commission considère par conséquent que l'entente a affecté la totalité de la Communauté et, après sa création, de l'EEE.
Conclusion de la Commission sur la gravité de l'infraction
(241) Vu la nature du comportement examiné, son impact concret sur le marché des nucléotides et le fait qu'il couvrait l'ensemble du marché commun et, après sa création, l'ensemble de l'EEE, la Commission est d'avis que les entreprises concernées par la présente décision ont commis une infraction très grave à l'article 81, paragraphe 1, du traité et à l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE.
(242) Il convient de distinguer clairement la question de la taille du marché de produits de celle de l'impact concret de l'infraction sur ce même marché de produits. Il n'est pas dans la pratique de la Commission de considérer la taille du marché de produits comme un critère pertinent pour apprécier la gravité de l'infraction.
(243) Néanmoins, sans préjudice du caractère très grave d'une infraction, la Commission prendra en compte, en l'espèce, la taille limitée du marché de produits.
Classification des participants à l'entente
(244) Au sein de la catégorie des très graves infractions, l'échelle des amendes qui est prévue permet d'appliquer aux entreprises un traitement différencié afin de tenir compte de la capacité économique effective de chacune de créer un dommage important à la concurrence et de fixer le montant de l'amende à un niveau qui lui assure un caractère suffisamment dissuasif. Un tel exercice s'impose tout particulièrement lorsque, comme en l'espèce, la part de marché des entreprises auteurs de l'infraction varie considérablement.
(245) Du fait des circonstances de l'espèce, qui voit la participation de plusieurs entreprises, il est nécessaire, pour déterminer le montant de base des amendes, de prendre en considération le poids spécifique de chacune d'entre elles et, partant, l'incidence réelle de son comportement illicite sur la concurrence.
(246) À cette fin, il est possible de répartir les entreprises concernées en différentes catégories selon l'importance relative de chacune sur le marché en question, sous réserve, le cas échéant, d'un ajustement pour tenir compte d'autres éléments, en particulier de la nécessité d'assurer un effet dissuasif.
(247) Pour comparer l'importance relative des entreprises sur le marché concerné, la Commission considère qu'il convient, en l'espèce, de se fonder sur leurs parts respectives du marché mondial du produit. Ces chiffres donnent en effet l'indication la plus fiable de la capacité des entreprises participantes de créer un dommage important pour les autres opérateurs sur le marché commun et/ou l'EEE. De surcroît, la part du marché mondial d'un membre donné de l'entente permet aussi de se faire une idée de sa contribution à l'efficacité de l'entente dans son ensemble ou, à l'inverse, de l'instabilité qu'aurait connue l'entente s'il n'y avait pas participé. Cette comparaison repose sur les données relatives au marché mondial du produit pour la dernière année civile complète de l'infraction (1997).
(248) Ajinomoto était en tout temps le plus gros producteur de nucléotides sur le marché géographique en cause. En 1997, sa part du marché mondial était estimée entre 40 et 50 %.
(249) Takeda, Cheil et Daesang étaient des acteurs moins importants sur le marché mondial des nucléotides. En 1997, ils détenaient respectivement une part de marché estimée entre 10 et 20 %, un chiffre plus de 2 fois inférieur à celui d'Ajinomoto, le plus gros producteur.
(250) Ajinomoto constituera donc une première catégorie, Takeda, Cheil et Daesang une seconde catégorie.
(251) Sur la base de ce qui précède, les montants de base des amendes déterminés en fonction de la gravité de l'infraction devraient être les suivants:
- Ajinomoto: 6 millions d'euros,
- Takeda, Daesang et Cheil: 2,4 millions d'euros.
Dissuasion suffisante
(252) Afin de garantir que l'amende a un effet dissuasif suffisant et tient compte du fait que de grandes entreprises ont des connaissances juridiques et économiques, ainsi que des infrastructures, qui leur permettent, plus facilement, de se rendre compte que leur comportement constitue une infraction et d'être conscientes des conséquences qui en découlent en application de la législation communautaire, la Commission déterminera s'il est nécessaire de procéder à un ajustement supplémentaire du montant de base pour l'une ou l'autre entreprise.
(253) Avec des chiffres d'affaires mondiaux de 8,7 milliards d'euros et de 9,2 milliards d'euros respectivement en 2001, Ajinomoto et Takeda sont des acteurs beaucoup plus importants que Daesang [chiffre d'affaires mondial de 1,4 milliard d'euros (2001)] et Cheil (chiffre d'affaires mondial de 1,9 milliard en 2001). De ce fait, la Commission considère que la base retenue à juste titre, au départ, pour fixer le montant des amendes en fonction du poids relatif au sein du marché concerné, doit être revue à la hausse afin de prendre en compte la taille et les ressources globales d'Ajinomoto et de Takeda respectivement.
(254) Sur la base de ce qui précède, la Commission estime que la nécessité d'assurer un effet dissuasif impose une augmentation de 100 % du montant initial des amendes fixé au considérant 251, à 12 millions d'euros pour Ajinomoto, et de 100 %, à 4,8 millions d'euros, pour Takeda.
Durée de l'infraction
(255) La Commission considère que Daesang a enfreint l'article 81, paragraphe 1, du traité du 19 décembre 1988 à la fin de 1997 et l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE du 1er janvier 1994 à la fin de 1997.
(256) La Commission estime que Cheil a enfreint l'article 81, paragraphe 1, du traité de mars 1989 au 2 juin 1998, et l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE du 1er janvier 1994 au 2 juin 1998.
(257) Takeda estime que la Commission devrait considérer que l'infraction a pris fin à la date de la dernière réunion connue de l'entente. Comme cela a été démontré ci-dessus à la section "Durée de l'infraction", les éléments de preuve du dossier montrent que le dernier contact illicite avéré entre Takeda et un membre de l'entente a eu lieu, en fait, le 2 juin 1998. Par conséquent, la Commission estime que Takeda a enfreint l'article 81, paragraphe 1, du traité du 8 novembre 1988 au 2 juin 1998 et l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE du 1er janvier 1994 au 2 juin 1998.
(258) Enfin, Ajinomoto conteste la durée de l'infraction et ne reconnaît y avoir pris part que jusqu'à août 1996. Cette question de la durée de sa participation à l'entente est examinée aux considérants 202 à 210. La Commission considère qu'Ajinomoto a enfreint l'article 81, paragraphe 1, du traité du 8 novembre 1988 à septembre 1997 au moins et l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE du 1er janvier 1994 à septembre 1997 au moins.
(259) La Commission en conclut donc que Takeda, Ajinomoto, Daesang et Cheil ont pris part à l'infraction pendant respectivement neuf ans et six mois (Takeda), huit ans et neuf mois (Ajinomoto), neuf ans (Daesang) et neuf ans et deux mois (Cheil), ce qui constitue une longue durée (supérieure à cinq ans). Les montants initiaux des amendes fixés en fonction de la gravité (voir les considérants 251 à 254) sont donc majorés de 10 % par an et de 5 % par six mois, c'est-à-dire de 95 % en ce qui concerne Takeda, de 90 % en ce qui concerne Cheil et Daesang et de 85 % en ce qui concerne Ajinomoto.
(260) Dans sa réponse à la communication des griefs, Cheil fait néanmoins valoir que bien que les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l'article 65, paragraphe 5, du traité CECA (146) prévoient qu'une infraction de "longue durée" puisse justifier une augmentation de 10 % par an, ceci ne veut pas dire que cette hausse devrait s'appliquer à chaque infraction. Cheil estime en particulier que sa participation peu active à l'infraction entre mars 1989 et le début de 1992 (et la faible incidence qui en a résulté sur le marché) devrait amener la Commission à envisager pour cette période une augmentation inférieure à la norme de 10 % par an applicable du fait de la durée. De la même manière, Cheil considère qu'une telle approche se justifierait également pour les événements postérieurs à 1996, en raison de leur intensité sensiblement moins importante et de la décision prise par Cheil, en 1996, d'accroître sa capacité (effective vers la fin des années 90).
(261) Cet argument n'est pas recevable. La participation de Cheil à l'infraction pendant toute la durée de l'infraction a été démontrée dans la partie de la présente décision consacrée aux faits. Il est également établi que l'infraction a eu une incidence sur le marché de l'EEE. Le simple fait qu'un membre d'une entente puisse jouer un rôle adapté à ses propres conditions n'exclut pas sa responsabilité pour l'infraction dans son ensemble. Une entreprise participant à une telle infraction par des comportements qui contribuent à la réalisation de cet objectif commun est également responsable, pour toute la période de sa participation à ce système commun, des comportements mis en œuvre par d'autres entreprises dans le cadre de ce même objectif (147). La Commission estime par conséquent que Cheil a participé de la même manière à l'infraction pendant toute la durée de l'infraction.
Conclusion sur les montants de base
(262) Les montants de base des amendes doivent donc être fixés comme suit:
- Takeda: 9 360 000 euros,
- Ajinomoto: 22 200 000 euros,
- Daesang: 4 560 000 euros,
- Cheil: 4 560 000 euros.
2. Circonstances aggravantes
(263) La Commission n'a constaté aucune circonstance aggravante à prendre en compte dans la présente décision.
3. Circonstances atténuantes
Rôle exclusivement passif dans les infractions
(264) Cheil et Daesang indiquent dans leur réponse (148) qu'elles ont toujours joué un rôle passif ou de "suiveuses" dans l'infraction. Elles auraient été entraînées dans une entente préexistante dirigée par Takeda et, dans une mesure secondaire, par Ajinomoto, qui souhaitaient protéger leurs propres marchés et limiter la concurrence par des achats compensatoires. Ajinomoto déclare à cet égard qu'elle a joué un rôle de subordonnée par rapport à Takeda, qui devrait être considéré comme le véritable meneur de l'entente. En outre, les producteurs coréens affirment qu'ils sont beaucoup plus petits que leurs homologues japonais, ce qui atteste également l'incidence limitée de leur comportement sur le marché.
(265) Pour calculer le montant de base de l'amende, il a été tenu compte de la capacité économique réelle des entreprises à influencer le marché de l'EEE, évaluée à partir de leur poids économique (voir les considérants 244 à 251).
(266) Même si, sur la base de ces déclarations, certains éléments pourraient donner à penser que les entreprises japonaises ont amorcé l'entente et ont pris l'initiative d'organiser certaines réunions, la Commission n'a aucune raison d'en conclure que l'un quelconque des producteurs coréens a joué un rôle purement passif ou de "suiveur" dans l'infraction. Les deux entreprises ont assisté à la grande majorité des réunions connues de l'entente et ont pris part directement et activement à l'infraction. En effet, pendant toute la durée de leur participation, Cheil et Daesang étaient présentes aux réunions et ont échangé des informations sur les ventes. Elles ne peuvent donc pas prétendre avoir joué un "rôle" exclusivement "passif" (149).
(267) Par exemple, le compte rendu de Daesang sur la réunion de décembre 1995 consacrée à l'examen de la coopération en 1995 (150) atteste sans ambiguïté que la totalité des parties avaient collaboré à la mise en œuvre des hausses de prix de 1995 et qu'elles s'étaient toutes entendues pour poursuivre leur coopération en 1996. Ainsi que l'attestent les faits, Cheil et Daesang ont également tour à tour présenté des propositions en matière de prix cibles et se sont réunies pour préparer leur position commune en vue des réunions des producteurs.
(268) La totalité des éléments de preuve, tels qu'ils sont exposés dans la partie factuelle de la présente décision, fait ressortir l'image d'une entente illicite à laquelle toutes les parties ont participé activement et directement par des échanges sur leurs chiffres de vente, des examens et des discussions autour des prix cibles. Ces accords intéressaient la totalité des participants. Il est apparu que l'ensemble des membres de l'entente ont participé à la plupart des réunions et les ont organisées à tour de rôle. À ce titre, aucune entreprise ne peut être considérée comme un meneur au sens des lignes directrices.
Absence de mise en pratique des accords infractionnels
(269) Comme exposé au considérant 229, la Commission estime que les accords anticoncurrentiels ont été mis en application. Cette circonstance atténuante n'est par conséquent applicable à aucun des destinataires de la présente décision. La Commission fait observer qu'en principe, un accord limitant la concurrence est appliqué lorsque les membres de l'entente déterminent leur comportement sur le marché en fonction de la volonté commune qu'ils ont exprimée. Dans le cas d'accords répétés, conclus pour une longue durée, on peut supposer que chacun des participants les a mis en œuvre, car ceux-ci n'auraient sinon pas convenu de se rencontrer à maintes reprises pendant une période aussi longue dans différents endroits du monde pour fixer leurs prix et se répartir les clients. Aucun des arguments mis en avant par les parties ne peut valablement réfuter les preuves fournies par la Commission.
(270) Comme déjà indiqué au considérant 239, une entreprise qui poursuit, malgré la concertation avec ses concurrents, une politique plus ou moins indépendante sur le marché peut simplement tenter d'utiliser l'entente à son profit (151). Le fait, comme l'affirment les parties, qu'elles se soient régulièrement abstenues de respecter les accords conclus, ne peut donc être considéré comme constituant une preuve suffisante de l'absence de mise en œuvre des accords.
Autres circonstances atténuantes
(271) Dans sa réponse à la communication des griefs, Ajinomoto affirme que la Commission devrait envisager de lui accorder des circonstances atténuantes pour avoir cessé unilatéralement et volontairement de participer à l'infraction, en particulier avant toute intervention de la Commission, et avoir contribué, par ce retrait unilatéral, à faire la lumière sur l'infraction.
(272) Ajinomoto mentionne, à l'appui de ces affirmations, les notes internes de Takeda du 28 mai 1997 et du 9 juin 1997 (152) et la déclaration de Takeda (153) où il est fait allusion aux inquiétudes suscitées chez les membres de l'entente par la décision d'Ajinomoto de ne plus participer aux réunions multilatérales après août 1996 et aux conséquences de cette décision sur les réunions en question.
(273) Cet argument n'est pas recevable. Il a été démontré à la section "Durée de l'infraction" que la décision d'Ajinomoto de ne plus assister aux réunions multilatérales après août 1996 ne saurait être considérée comme la preuve qu'elle a mis fin unilatéralement à sa participation à l'infraction à compter de cette date. Au contraire, la Commission estime qu'elle a continué à prendre part à l'infraction en maintenant des contacts bilatéraux avec Takeda, qui donnaient lieu à des échanges de vues sur le marché et les prix des nucléotides. Dans ces conditions, la Commission est d'avis que la non-participation d'Ajinomoto aux réunions multilatérales n'a pu jouer qu'un rôle secondaire dans l'"élucidation" de l'entente, si tant est qu'elle en ait joué un.
(274) Cheil estime que la Commission devrait tenir compte du fait qu'une amende lui a déjà été infligée pour cette même infraction aux États-Unis, soutenant que les entreprises ne devraient pas être soumises à une "double sanction" et que l'exécutif européen devrait fixer le montant de l'amende en fonction des seules conséquences de l'infraction sur un marché communautaire de taille relativement restreinte.
(275) Cet argument n'est pas recevable. Les amendes infligées sur d'autres territoires, y compris aux États-Unis, ne sont pas prises en compte pour calculer le montant des amendes à infliger pour une infraction aux règles communautaires de la concurrence. L'exercice, par les États-Unis (ou tout autre pays tiers) de sa compétence à l'encontre d'un comportement collusoire ne saurait en aucune façon limiter ou exclure la compétence de la Commission au titre du droit communautaire de la concurrence. En vertu du principe de territorialité, l'article 81 du traité se limite aux restrictions de concurrence à l'intérieur du marché commun et l'article 53 de l'accord EEE se limite aux restrictions de concurrence sur le marché de l'EEE. De la même façon, les autorités antitrust américaines ne sont compétentes que pour autant que le comportement en cause ait un effet direct et intentionnel aux États-Unis.
(276) Takeda affirme que la Commission devrait tenir compte du fait qu'elle a déjà acquitté une amende importante dans l'affaire des vitamines (154). Ajinomoto met en avant un argument comparable en ce qui concerne l'amende qu'elle a payée dans l'affaire Lysine (155). La Commission réfute cet argument, car l'affaire des vitamines et celle de Lysine ne concernaient pas l'infraction commise par Takeda et Ajinomoto sur le marché des nucléotides et ne peut donc à ce titre être prise en considération aux fins de la présente décision.
(277) Cheil et Daesang font en outre valoir qu'elles n'ont pas toujours respecté les arrangements et qu'elles ont même adopté un comportement incompatible avec ces derniers, qui consistait, par exemple, à augmenter leur capacité de production ou à pratiquer des prix inférieurs aux prix cibles.
(278) La Commission souligne une fois de plus que le fait qu'une entreprise, dont la participation à une concertation avec ses concurrents en matière de prix est établie, ne se soit pas en tout temps comportée sur le marché d'une manière conforme à celle convenue avec ses concurrents ne constitue pas nécessairement un élément devant être pris en compte, en tant que circonstance atténuante, lors de la détermination du montant de l'amende à infliger. Comme indiqué précédemment, une entreprise qui poursuit, malgré la concertation avec ses concurrents, une politique plus ou moins indépendante sur le marché peut simplement tenter d'utiliser l'entente à son profit (156).
(279) Ajinomoto, Cheil et Takeda signalent également qu'elles ont pris des mesures pour empêcher toute infraction aux règles antitrust. Dans ce contexte, elles ont adopté ou renforcé des programmes de mise en conformité. La Commission se félicite du fait que ces entreprises aient mis en œuvre une politique de mise en conformité avec la législation antitrust. Elle estime cependant que cette initiative est arrivée trop tard et ne saurait, en tant qu'outil de prévention, la dispenser de son obligation de sanctionner une infraction aux règles de concurrence commise dans le passé par ces entreprises. Au vu de ce qui précède, l'adoption d'un programme de mise en conformité ne devrait pas constituer une circonstance atténuante justifiant une réduction du montant de l'amende.
(280) Aucune circonstance atténuante n'est donc applicable aux entreprises auteurs de cette infraction qui affecte le marché des nucléotides.
4. Application de la communication sur la clémence
(281) Les destinataires de la présente décision ont coopéré avec la Commission, à différents stades de l'enquête, dans le but de bénéficier du traitement favorable prévu dans la communication sur la clémence. Afin de répondre aux attentes légitimes des entreprises concernées concernant la non-imposition des amendes ou la réduction de leur montant au titre de leur coopération, la Commission examine dans la section suivante si les parties en question remplissent les conditions exposées dans la communication sur la clémence.
Non-imposition d'amende ou réduction très importante de son montant ("Titre B")
(282) Takeda a demandé de bénéficier de la clémence maximale. Elle affirme à cet égard qu'elle devrait bénéficier des modifications apportées à la politique de clémence par la communication de la Commission sur l'immunité d'amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (157), publiée en 2002 (la communication de 2002 sur la clémence), et fait valoir qu'elle n'a pas pris de mesures pour contraindre d'autres entreprises à participer à l'infraction. Takeda en conclut donc qu'elle remplit les conditions pour pouvoir bénéficier de la clémence maximale en application des nouvelles règles. L'entreprise soutient que le droit communautaire admet le principe selon lequel, dans certains cas, un effet rétroactif peut être accordé aux changements intervenus dans le traitement des sanctions ayant un effet dissuasif, et que ce principe peut plus généralement s'appliquer en matière de décisions administratives, comme c'est le cas dans un certain nombre d'États membres.
(283) La communication de 2002 sur la clémence stipule clairement qu'elle n'est pas applicable aux affaires pour lesquelles les entreprises se sont déjà prévalues auprès de la Commission du traitement favorable exposé dans la précédente communication. En conséquence, la totalité des demandes de clémence doivent être traitées en fonction des dispositions de la communication de 1996 sur la clémence, qui reste applicable aux fins de la présente décision.
(284) La Commission reconnaît que Takeda a été la première à fournir des éléments déterminants pour prouver l'existence de l'entente et a maintenu une coopération permanente et totale tout au long de l'enquête. Takeda a été la première à informer la Commission de l'existence de l'entente, le 9 septembre 1999, et à transmettre, le 14 septembre 1999, un dossier contenant des éléments de preuve de l'époque. À ce moment-là, aucune information en provenance d'autres sources n'était parvenue à la Commission concernant l'entente.
(285) En appréciant la coopération de Takeda, la Commission note que les preuves documentaires qu'elle a produites dans un premier temps ne concernaient pas les activités de l'entente antérieures à 1992. Toutefois, dans sa déclaration, Takeda a indiqué que l'entente remontait en réalité à 1989. Rien n'indique que Takeda possède toute autre information ou documents existants concernant l'entente. On doit donc en conclure que la coopération de Takeda avec la Commission a été totale.
(286) Bien que certains éléments du dossier donnent à penser qu'elle a peut-être joué, à certaines occasions, un rôle de coordination de l'entente, Takeda n'a obligé aucune autre entreprise à participer à l'entente, n'a ni agi comme un meneur au sein de l'entente ni joué un rôle déterminant dans l'activité illégale au sens de la communication sur la clémence. Il a également été établi que Takeda avait mis fin à sa participation à l'infraction avant de prendre contact avec la Commission.
(287) Eu égard à sa coopération totale lors de l'enquête, Takeda remplit les conditions prévues au titre B de la communication sur la clémence et devrait bénéficier d'une réduction de 100 % du montant de l'amende qui lui aurait été sinon infligée si elle n'avait pas coopéré avec la Commission.
Réduction importante du montant de l'amende ("Titre C")
(288) Daesang, Cheil et Ajinomoto demandent à bénéficier d'une réduction du montant de l'amende conformément au titre C de la communication sur la clémence. Au moment où Daesang, Cheil et Ajinomoto ont commencé à coopérer avec la Commission, Takeda avait déjà fourni des informations suffisantes pour prouver l'existence de l'entente. La conclusion s'impose donc que Daesang, Cheil et Ajinomoto n'ont pas été les premières à fournir à la Commission des éléments déterminants pour prouver l'existence du cartel des nucléotides, comme requis au titre B, point b), de la communication sur la clémence. En conséquence, aucune de ces entreprises ne remplit les conditions prévues au titre C.
Réduction significative du montant de l'amende ("Titre D")
(289) Daesang estime qu'elle n'a pas seulement proposé de coopérer dans le cadre de l'enquête de la Commission avant que cette dernière ne formule sa première demande de renseignements, mais a maintenu également avec l'exécutif européen une coopération permanente et totale tout au long de l'enquête. L'entreprise fait aussi valoir qu'elle a permis à la Commission de prouver l'existence de l'infraction pour toute la période pendant laquelle elle a été commise, c'est-à-dire à partir d'octobre 1988, et qu'elle est donc la première à avoir fourni des éléments déterminants pour prouver l'existence de l'infraction dans son intégralité, telle qu'elle est exposée dans la communication des griefs.
(290) Bien qu'elle n'ait pris contact avec la Commission qu'après que Takeda se soit déjà manifestée, Daesang a cependant pris elle-même l'initiative d'approcher la Commission avant de recevoir toute demande de renseignements. En outre, Daesang a pleinement coopéré avec la Commission tout au long de l'enquête. Daesang a fourni également des renseignements qui ont contribué matériellement à confirmer les faits relatifs à l'existence des accords constitutifs de l'entente avant 1992.
(291) Les renseignements que Daesang a communiqués à la Commission avant que celle-ci ne lui adresse une demande de renseignements étaient détaillés et la Commission s'en est abondamment servie pour poursuivre son enquête. Daesang a ainsi transmis notamment, mais pas exclusivement, de précieuses informations sur le fonctionnement de l'entente avant 1992. Après avoir reçu la communication des griefs, Daesang n'a pas contesté la matérialité des faits sur lesquels la Commission fonde ses conclusions. Daesang remplit donc les conditions prévues au titre D, paragraphe 2, premier et second alinéas, de la communication sur la clémence et devrait de ce fait bénéficier d'une réduction de 50 % du montant de l'amende.
(292) Cheil a fourni de nombreux comptes rendus des réunions et des contacts qui ont eu lieu à l'époque, contribuant ainsi matériellement à confirmer l'existence de l'entente. La Commission a largement utilisé les renseignements communiqués par cette entreprise. Par ailleurs, Cheil ne conteste pas la matérialité des faits constitutifs de l'infraction tels qu'ils sont présentés dans la communication des griefs. On doit donc en conclure que Cheil remplit les conditions prévues au titre D, paragraphe 2, premier et second alinéas, de la communication sur la clémence, comme l'affirme Cheil. En conséquence, eu égard à la coopération totale fournie par Cheil à la Commission au cours de l'enquête, celle-ci devrait bénéficier d'une réduction de 40 % du montant de l'amende qui lui aurait été sinon infligée si elle n'avait pas coopéré avec la Commission.
(293) Ajinomoto a coopéré totalement avec la Commission pendant toute la durée de l'enquête, l'aidant à confirmer concrètement l'existence de l'infraction commise et lui fournissant des documents de l'époque, que celle-ci a abondamment utilisés, ainsi que des clarifications relatives au fonctionnement des accords. En conséquence, Ajinomoto remplit les conditions prévues au titre D, paragraphe 2, premier alinéa, de la communication sur la clémence.
(294) Toutefois, Ajinomoto conteste la matérialité des faits décrits dans la communication des griefs en ce qui concerne la durée de l'entente. Ajinomoto ne remplit donc pas les conditions pour bénéficier d'une réduction du montant de l'amende en vertu du titre D, paragraphe 2, deuxième alinéa, de la communication sur la clémence. Sur la base de ce qui précède, la conclusion s'impose qu'Ajinomoto remplit les conditions prévues au titre D, paragraphe 2, premier alinéa, de la communication sur la clémence et devrait de ce fait bénéficier d'une réduction de 30 % du montant de l'amende.
Conclusion sur l'application de la communication sur la clémence
(295) En conclusion, eu égard à la nature de leur coopération et à la lumière des conditions prévues par la communication sur la clémence, les destinataires de la présente décision devraient bénéficier des réductions suivantes du montant des amendes qui leur sont infligées:
- Takeda: une réduction de 100 %,
- Ajinomoto: une réduction de 30 %,
- Daesang: une réduction de 50 %,
- Cheil: une réduction de 40 %.
5. Montants finals des amendes infligées dans le cadre de la présente procédure
(296) En conclusion, les amendes à infliger en application de l'article 15, paragraphe 2, point a), du règlement n° 17 s'établissent comme suit:
- Takeda: 0 euro,
- Ajinomoto: 15 540 000 euros,
- Daesang: 2 280 000 euros,
- Cheil: 2 736 000 euros,
A. ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:
Article premier:
Ajinomoto Company Incorporated, Takeda Chemical Industries Limited, Daesang Corporation et Cheil Jedang Corporation ont enfreint l'article 81, paragraphe 1, du traité et l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE en participant, de la manière et dans la mesure décrites dans les considérants, à un ensemble d'accords et de pratiques concertées dans le secteur des nucléotides. L'infraction a été commise pendant les périodes suivantes:
a) Ajinomoto Company Incorporated: du 8 novembre 1988 à septembre 1997;
b) Takeda Chemical Industries Limited: du 8 novembre 1988 à juin 1998;
c) Daesang Corporation: du 19 décembre 1988 à fin 1997;
d) Cheil Jedang Corporation: de mars 1989 à juin 1998.
Article 2:
Si elles ne l'ont pas déjà fait, les entreprises mentionnées à l'article 1er mettent immédiatement fin à l'infraction qui y est mentionnée. Elles s'abstiennent, dans le cadre de leurs activités relatives aux nucléotides, de tout accord ou de toute pratique concertée susceptible d'avoir un objet ou un effet identique ou similaire à celui de l'infraction en question.
Article 3:
Les amendes suivantes sont infligées aux entreprises énumérées à l'article 1er pour leur participation à l'infraction mentionnée dans ledit article:
- Ajinomoto Company Incorporated, une amende d'un montant de 15 540 000 euros,
- Daesang Corporation, une amende d'un montant de 2 280 000 euros,
- Cheil Jedang Corporation, une amende d'un montant de 2 736 000 euros.
Les amendes infligées sont versées dans un délai de trois mois à compter de la date de notification de la présente décision sur le compte bancaire de la Commission européenne suivant: Numéro de compte: 642-0029000-95 code IBAN: BE76 6420 0290 0095 code SWIFT: BBVABEBB Banco Bilbao Vizcaya Argentaria (BBVA) SA Avenue des Arts 43 B-1040 Bruxelles.
À l'expiration du délai précité, des intérêts seront automatiquement dus au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à ses principales opérations de refinancement au premier jour ouvrable qui suit le mois au cours duquel la présente décision est arrêtée, majoré de 3,5 points de pourcentage, à savoir 6,75 %.
Article 4:
Takeda Chemical Industries Limited
12-10, Nihonbashi 2-chome
Chuo-ku
Tokyo 103-8668
Japon
Ajinomoto Company Incorporated
15-1, Kyobashi itchome
Chuo-ku
Tokyo 104-8315
Japon
Cheil Jedang Corporation
6F, Cheiljedang Bldg
Namdaemoon-Ro
Chung-Ku,100-095 Séoul
Corée
Daesang Corporation
Daesang Building
96-48 Shinsul-Dong
Dongdaemoon-Ku, Séoul
Corée
sont destinataires de la présente décision.
Notes:
(1) JO 13 du 21.2.1962, p. 204-62.
(2) JO L 1 du 4.1.2003, p. 1.
(3) JO L 354 du 30.12.1998, p. 18.
(4) JO C 64 du 12.3.2004.
(5) Voir la section "Durée de l'infraction" pour connaître la durée exacte de l'infraction pour chaque entreprise.
(6) Le taux de change suivant a été utilisé: 1 euro = 108,682 yens japonais (JPY) (base de données de référence d'Eurostat - taux de change de 2001).
(7) 1 euro = 1 154,83 wons sud-coréens (KRW) (base de données de référence d'Eurostat-Taux de change de 2001).
(8) 1 euro = 1,13404 dollars des États-Unis (USD) (base de données de référence d'Eurostat- Taux de change de 2001).
(9) En 1992, Kyowa a cessé d'exporter des nucléotides vers l'Europe.
(10) Yamasa Corporation a cessé de fournir des exhausteurs de goût à ses clients européens en 1994.
(11) 1.1.1989-31.12.1989: 0 % (SPG) Règlement (CEE) n° 4257-88 du Conseil du 19 décembre 1988 portant application de préférences tarifaires généralisées pour l'année 1989 à certains produits industriels originaires de pays en voie de développement (JO L 375 du 31.12.1988, p. 1); 1.1.1990-31.12.1990: 0 % (SPG) Règlement (CEE) n° 3896-89 du Conseil du 18 décembre 1989 portant application de préférences tarifaires généralisées pour l'année 1990 à certains produits industriels originaires de pays en voie de développement (JO L 383 du 30.12.1989, p. 1); 1.1.1991-31.12.1994: 0 % (SPG) Règlement (CEE) n° 3831-90 du Conseil du 20 décembre 1990 portant application de préférences tarifaires généralisées pour l'année 1991 à certains produits industriels originaires de pays en voie de développement (JO L 370 du 31.12.1990, p. 1); 1.1.1995-30.4.1998: 0% (SPG) Règlement (CE) n° 3281-94 du Conseil du 19 décembre 1994 portant application d'un schéma pluriannuel de préférences tarifaires généralisées pour la période 1995-1998 à certains produits industriels originaires de pays en développement (JO L 348 du 31.12.1994, p. 1).
(12) JO C 207 du 18.7.1996, p. 4.
(13) Voir les pages 1931 à 1947 et 1961 à 1974 du dossier de la Commission; voir également les pages 316 à 319 du dossier. Voir également la page 1995 du dossier; voir également les pages 2174 et 2175 du dossier de la Commission.
(14) Voir également les pages 2170 et 2171 du dossier de la Commission.
(15) Ajinomoto emploie le terme de "marché général" pour désigner ces autres clients (autres qu'[...]*, [...]* et [...]*).
(16) Voir les pages 2170 et 2171 du dossier de la Commission.
(17) Voir la déclaration de Takeda, p. 2170 du dossier de la Commission.
(18) Voir les pages 303 et 1962 du dossier de la Commission.
(19) Voir les pages 2158 à 2161 du dossier de la Commission.
(20) Voir la déclaration de Takeda, pages 2170 et 2171 du dossier de la Commission. Voir également la déclaration de Daesang à la page 1933 du dossier de la Commission; voir également la déclaration complémentaire de Daesang à la page 1963 du dossier de la Commission; voir également la déclaration de Kyowa aux pages 870 et 871 du dossier de la Commission; voir également la déclaration de Cheil à la page 304 du dossier de la Commission; voir également la note d'Ajinomoto, paragraphe 3, page 2 (page 2445 du dossier de la Commission).
(21) Voir la déclaration de Takeda, p. 2170 du dossier de la Commission.
(22) Voir les observations complémentaires de Daesang p. 4 (p. 1963 du dossier de la Commission).
(23) Voir p. 2, paragraphe 2 de la déclaration de Cheil, p. 301 du dossier de la Commission; p. 5, le paragraphe 1 de la déclaration de Kyowa, p. 870 du dossier de la Commission); déclaration complémentaire de Daesang p. 1963 et 1964.
(24) Voir la déclaration de Cheil p. 5 (p. 304 du dossier de la Commission).
(25) Voir la déclaration de Cheil, p. 4 (p. 303 du dossier de la Commission).
(26) Voir la déclaration de Cheil p. 5 (p. 304 du dossier de la Commission); voir également p. 1963 et 1964 du dossier de la Commission.
(27) Voir la déclaration de Takeda, p. 2170 et 2171 du dossier de la Commission.
(28) Voir la déclaration de Takeda, p. 2171 du dossier de la Commission.
(29) Voir la déclaration de Takeda, p. 2170 du dossier de la Commission.
(30) Voir p. 1181 et 1182 du dossier de la Commission.
(31) Le terme "réunions P" désigne les réunions entre producteurs ou les réunions visant à fixer les prix.
(32) Voir p. 2170 du dossier de la Commission.
(33) Voir p. 869 du dossier de la Commission.
(34) Voir p. 869 du dossier de la Commission.
(35) Voir p. 2030 du dossier de la Commission.
(36) Voir p. 2256 à 2299 du dossier de la Commission.
(37) Voir p. 2264 à 2269 du dossier de la Commission.
(38) Observations complémentaires, voir le point 1, p. 2.
(39) Voir p. 1962 du dossier de la Commission; voir également p. 986 à 989 du dossier.
(40) Voir p. 990 à 992 et p. 1962 du dossier de la Commission.
(41) Déclaration complémentaire de Daesang p. 3; voir également les annexes K et L. à cette déclaration.
(42) Voir p. 1961 et 1962 du dossier de la Commission.
(43) Voir p. 4 de la déclaration de Kyowa, p. 869 du dossier de la Commission.
(44) Voir p. 2, paragraphe 2, de la déclaration de Cheil, p. 301 du dossier de la Commission.
(45) Voir p. 2557 et 2558 du dossier de la Commission.
(46) Cela est démenti par les éléments de fait contenus dans le dossier de la Commission. Dans une note interne d'Ajinomoto (voir l'annexe 11 à la note d'Ajinomoto du 30 juin 2000 ou p. 2496 à 2499 du dossier de la Commission, il est indiqué que "en tant que producteur de premier plan, nous [Ajinomoto] devons, avec Takeda, prendre l'initiative en matière de hausses de prix. Nous devrons donc très vraisemblablement faire face à un vent contraire. Il est toutefois inévitable que nous devions prendre des risques"; voir également les annexes 7 et 8 de la note d'Ajinomoto p. 2483 à 2488 du dossier de la Commission).
(47) Voir l'annexe 5 de la déclaration 2001 de Cheil p. 2616 à 2619 du dossier de la Commission.
(48) Miwon Trading and Shipping Company, filiale de Miwon.
(49) Voir p. 1963 à 1965 du dossier de la Commission.
(50) Voir p. 1965 du dossier de la Commission.
(51) Voir p. 2259 et 2270 à 2272 du dossier de la Commission (p. 3 et pièce à conviction 2 de la déclaration complémentaire d'Ajinomoto du 17 décembre 2001).
(52) Voir respectivement p. 2174, 1009 à 1015, 1016 à 1024 et 1025 à 1032 du dossier de la Commission.
(53) Voir p. 1965 du dossier de la Commission.
(54) Voir les observations complémentaires d'Ajinomoto du 17 décembre 2001 à p. 4 (p. 2260 du dossier de la Commission).
(55) Voir p. 1009 du dossier de la Commission.
(56) Voir p. 1033 à 1036 du dossier de la Commission.
(57) Voir p. 2260 du dossier de la Commission.
(58) Voir les observations complémentaires d'Ajinomoto du 17 décembre 2001 p. 4 (p. 2260 du dossier de la Commission).
(59) Voir p. 1037 et 1038 du dossier de la Commission.
(60) Voir p. 1039 et 1040 du dossier de la Commission.
(61) Voir p. 1041 à 1044 du dossier de la Commission.
(62) Voir p. 1045 à 1050 du dossier de la Commission.
(63) Voir p. 1051 à 1054 du dossier de la Commission.
(64) Voir p. 871 du dossier de la Commission.
(65) Voir la pièce à conviction n° 7 annexée à la note complémentaire d'Ajinomoto du 17 décembre 2001 ou p. 2285 à 2287 du dossier de la Commission; voir également la pièce à conviction n° 8 ou p. 2288 à 2290. La première proposition de prix (28,50 USD) concerne le produit I & G (mélange d'IMP et de GMP), tandis que la deuxième (17,20-18 USD) concerne l'IMP.
(66) Voir p. 1970 et 1971 du dossier de la Commission.
(67) Voir p. 1061 à 1066 du dossier de la Commission.
(68) Voir p. 1067 et 1068 du dossier de la Commission.
(69) Voir p. 1069, 1070 et 1071 du dossier de la Commission; voir également p. 392 et 393 du dossier.
(70) Daesang explique que ces chiffres concernent l'I + G. Un taux de conversion pour les prix respectivement de l'IMP et du GMP figure au bas de ce même tableau.
(71) Voir la déclaration de Cheil p. 4, n° 2.
(72) Voir p. 1072 et 1073 du dossier de la Commission.
(73) Voir p. 1072 et 1073 du dossier de la Commission.
(74) Voir la déclaration de Cheil p. 5, n° 5.
(75) Voir p. 395 et 396 du dossier de la Commission.
(76) Voir p. 1935 du dossier de la Commission.
(77) Voir p. 306 du dossier de la Commission.
(78) Daesang avance que les producteurs japonais auraient organisé une "préréunion" le 24 août 1994 pour préparer la réunion du 25 août 1994 avec les deux producteurs coréens (voir p. 5 de sa déclaration, p. 1935 du dossier de la Commission).
(79) Voir p. 392 et 393 du dossier de la Commission.
(80) Voir p. 397 à 404 du dossier de la Commission.
(81) Voir la déclaration de Cheil p. 6 et l'annexe 5.
(82) Voir p. 307 du dossier de la Commission.
(83) Voir p. 1937 et 405 à 410 du dossier de la Commission.
(84) Voir p. 1075 du dossier de la Commission.
(85) Voir p. 405 à 423 et 1937 à 1939 du dossier de la Commission.
(86) Voir p. 1076 du dossier de la Commission.
(87) Voir p. 10 de sa déclaration ou p. 1940 du dossier de la Commission; voir également l'annexe 12 de sa déclaration p. 426 et 427 du dossier de la Commission.
(88) Dans sa réponse à la communication des griefs, Takeda a fait observer à juste titre que bien que le compte rendu se réfère au 17 mars 1996 plutôt qu'au 7 mars, il concerne en fait la réunion du 7 mars. (Il mentionne également les conclusions de cette réunion, bien qu'il ait été rédigé le 12 mars 1996).
(89) Voir p. 1941 du dossier de la Commission.
(90) Voir l'annexe 5 de la déclaration de Cheil p. 2610 à 2612 du dossier de la Commission.
(91) Voir p. 12 et 13 de la déclaration de Daesang p. 1942 et 1943 du dossier de la Commission.
(92) Voir la déclaration de Daesang p. 1943 du dossier de la Commission.
(93) Voir la déclaration de Daesang p. 1944 du dossier de la Commission.
(94) Cheil, Daesang et Ajinomoto.
(95) Voir p. 1945 du dossier de la Commission.
(96) Voir p. 1944 du dossier de la Commission.
(97) Voir p. 2171 et 2172 du dossier de la Commission.
(98) Voir p. 2146 du dossier de la Commission.
(99) Voir p. 2146 du dossier de la Commission.
(100) Voir p. 1946 du dossier de la Commission.
(101) Voir p. 2217 à 2220 du dossier de la Commission.
(102) Voir la déclaration de Daesang p. 1947 du dossier de la Commission.
(103) Voir p. 2223 du dossier de la Commission.
(104) Dans sa réponse à la communication des griefs de la Commission,
Ajinomoto conteste la description donnée par Takeda de ces
événements, comme exposé en détail sous "Durée".
(105) Voir p. 1947 et 1974 du dossier de la Commission.
(106) Voir p. 2176 du dossier de la Commission; Ajinomoto conteste cette description des événements, comme expliqué en ce qui concerne la durée de la participation d'Ajinomoto à l'infraction.
(107) Voir p. 2224 du dossier de la Commission.
(108) Selon la traduction fournie par Ajinomoto dans sa déclaration du 29 novembre 2002: "Il semble que le siège social de chaque société ait étudié la possibilité de décider du prix à proposer par A, C, MW à [ ]* et par T aux groupes [ ]* et [ ]* lors de la négociation des contrats de l'année prochaine prévue pour octobre et novembre ". En partant du principe que le produit de C et de MW continue à bénéficier du SPG en Europe l'année prochaine.
(109) Voir la déclaration de Daesang p. 1947 et 1948 du dossier de la Commission.
(110) Voir p. 309 du dossier de la Commission.
(111) En application de l'article 56, paragraphe 1, point b), de l'accord EEE, et sans préjudice de la compétence de la Commission lorsque le commerce entre États membres est affecté, l'Autorité de surveillance AELE est également compétente dans les cas où le chiffre d'affaires des entreprises concernées sur le territoire des États de l'AELE est égal ou supérieur à 33 % de leur chiffre d'affaires sur le territoire de l'EEE.
(112) Voir le chapitre 5 "Effets sur le commerce entre les États membres et entre les parties contractantes à l'accord EEE".
(113) Rec. 1999, p. II-931.
(114) Rec. 1999 p. I-4125
(115) La jurisprudence de la Cour et du Tribunal de première instance analysée à ce propos en lien avec l'interprétation des termes "accords" et "pratiques concertées" figurant dans l'article 81 du traité énonce des principes bien connus avant la signature de l'accord EEE. Elle s'applique donc également à ces termes dans la mesure où ceux-ci sont utilisés dans l'article 53 de l'accord EEE. Les références à l'article 81 du traité s'appliquent donc également à l'article 53 de l'accord EEE.
(116) Voir l'arrêt du Tribunal de première instance dans l'affaire T-7-89, Hercules contre Commission, Rec. 1991, p. II-1711, point 256. Voir aussi l'affaire 48-69, Imperial Chemical Industries contre Commission, Rec. 1972, p. 619, point 64, et les affaires jointes 40-73-48-73, etc., Suiker Unie e.a. contre Commission, Rec. 1975, p. 1663.
(117) Voir également l'arrêt PVC II, où il est précisé que "[D]ans le cadre d'une infraction complexe, qui a impliqué plusieurs producteurs pendant plusieurs années poursuivant un objectif de régulation en commun du marché, on ne saurait exiger de la Commission qu'elle qualifie précisément l'infraction, pour chaque entreprise et à chaque instant donné, d'accord ou de pratique concertée, dès lors que, en toute hypothèse, l'une et l'autre de ces formes d'infraction sont visées à l'article [81] du traité".
(118) Arrêt du Tribunal de première instance dans l'affaire T-7-89, Hercules contre Commission, Rec. 1991, p. II-1711, point 264.
(119) En ce qui concerne Takeda, du 8 novembre 1988 au 2 juin 1998.
(120) En ce qui concerne Ajinomoto, du 8 novembre 1988 à septembre 1997.
(121) En ce qui concerne Daesang, du 19 décembre 1988 au 31 décembre 1997.
(122) Dans le cas de Cheil, à partir de (fin) mars 1989 jusqu'au 2 juin 1998.
(123) Voir l'arrêt du Tribunal de première instance dans les affaires jointes T-25-95 etc., Cimenteries CBR e.a. contre Commission, Rec. 2000, p. II-491, point 3927. Voir également l'arrêt du Tribunal de première instance du 15 septembre 1998, dans les affaires T-374-94, T- 375-94, T-384-94 et T-388-94, European Night Services e.a. contre Commission, Rec. 1998, p. II-3141, point 136, où le Tribunal a confirmé cette hypothèse dans le cadre, précisément, d'accords de fixation de prix.
(124) Voir ci-dessus, sous "Participants".
(125) Arrêt dans les affaires jointes C-215-96 et C-216-96, Bagnasco contre Banca popolare di Novale e.a., Rec. 1999, p. I-135, points 47 et 48.
(126) Arrêt dans l'affaire C-306-96, Javico contre Yves Saint Laurent, Rec. 1998, p. I-1983, points 16 et 17; voir également les affaires jointes T-374-94, European Night Services e.a. contre Commission, Rec. 1998, p. II-3141, point 136.
(127) Voir l'arrêt rendu dans l'affaire T-13-89, ICI contre Commission, Rec. 1992, p. II-1021, point 304.
(128) Arrêt rendu dans les affaires jointes 209-78 à 215-78 et 218-78, Van Landewyck e.a. contre Commission, Rec. 1980, p. 3125, point 170.
(129) Miwon Corporation Limited a participé à l'infraction par l'intermédiaire de ses filiales Miwon Japan Inc. et Mitra (Miwon Trading & Shipping Company), ainsi que directement (voir, par exemple, les annexes T et U des observations complémentaires de Daesang).
(130) Affaire C-49-92 P, Commission contre Anic Partecipazioni SpA, point 145.
(131) Voir ci-dessus sous "Les producteurs".
(132) Voir p. 1962 et p. 986 à 989 du dossier de la Commission.
(133) Voir l'annexe 5 de la déclaration 2001 de Cheil p. 2617 du dossier de la Commission.
(134) Voir l'annexe 5 de la déclaration 2001 de Cheil p. 2618 du dossier de la Commission.
(135) Voir les annexes I, J, K, L et M jointes aux observations complémentaires de Daesang; voir également les observations complémentaires de Daesang à la p. 6 et la déclaration de Takeda p. 7.
(136) Voir l'annexe 5 de la déclaration 2001 de Cheil p. 2618 du dossier de la Commission.
(137) Voir p. 5 et 6, dernier paragraphe, de la déclaration 2001 de Cheil, ainsi que p. 9 et 10 de sa réponse à la communication des griefs de la Commission.
(138) Selon la traduction fournie par Ajinomoto dans sa lettre du 29 novembre 2002: "La politique de base du siège social de A en ce qui concerne le prix en DEM est en hausse de15% (au minimum 10 %). Comme prévu, la proposition s'est heurtée à une vive protestation, lors de la réunion avec les succursales européennes en août, mais pour l'instant, on commencera à 53 DEM, en espérant atteindre 51 DEM au minimum (10 % d'augmentation)".
(139) Dans sa lettre du 29 novembre 2002, Ajinomoto confirme qu'elle conteste les faits tels qu'ils sont présentés dans les notes de Takeda et met en doute la valeur probante des deux notes de Takeda pour attester la participation continue de Takeda à l'infraction.
(140) Voir p. 309 du dossier de la Commission.
(141) Voir les considérants 57 et suivants.
(142) Les autres éléments mentionnés par Ajinomoto sont également traités à la section "Impact concret de l'infraction sur le marché des nucléotides au sein de l'EEE".
(143) Voir la réponse de Daesang du 20 septembre 2002, ainsi que son résumé adressé par lettre du 27 novembre 2002.
(144) Voir p. 1076 du dossier de la Commission.
(145) Affaire T-308-94, Cascades contre Commission, Rec. 1998, p. II-925, point 230.
(146) JOC 9 du 14.1.1998, p. 3.
(147) Arrêt de la Cour dans l'affaire Commission contre Anic, point 83.
(148) Voir également la déclaration récapitulative de Daesang du 27 novembre 2002.
(149) Voir, par exemple, le considérant 365 de la décision 2001-418-CE de la Commission dans l'affaire COMP-36.545-F3 Amino Acids (JO L 152 du 7.6.2001, p. 24).
(150) Voir l'annexe Z jointe aux observations complémentaires de Daesang, p. 1076 du dossier de la Commission.
(151) Affaire T-308-94, Cascades SA contre Commission, point 230.
(152) P. 2147 et 2151 respectivement du dossier de la Commission.
(153) Déclaration de Takeda, p. 2173 du dossier de la Commission.
(154) Affaire 37.512, non encore publiée.
(155) Affaire 36.545 (JO L 152 du 7.6.2001, p. 24 à 72).
(156) Affaire T-308-94, Cascades SA contre Commission, point 230.
(157) JOC 45 du 19.2.2002, p. 3.
(*) Des parties de ce texte ont été omises afin de garantir qu'aucune information confidentielle ne soit communiquée. Ces parties sont indiquées par des points de suspension entre crochets, suivis d'un astérisque.