CA Chambéry, ch. corr., 9 janvier 1997, n° 96-00488
CHAMBÉRY
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Beraudo
Conseillers :
M. Uran, Mme Cuny
Avocat :
Me Martin
Rappel de la procédure :
Le jugement :
Le tribunal, par jugement du 10 mars 1995 contradictoire, a déclaré B Eric René Frédéric coupable de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur, du 7 décembre 1993 au 2 janvier 1994, à Epagny (74), infraction prévue et réprimée par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 al. 1 du Code de la consommation et, en application de ces articles, l'a condamné, sur l'action publique, à 20 000 F d'amende, et sur l'action civile : 1 500 F de dommages-intérêts, 150 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale et a ordonné la publication dans le bulletin d'information Le Consommateur Haut-Savoyard en fixant à 700 F le coût maximum de cette insertion, et a donné acte à la Sté X de son intervention volontaire en qualité de civilement responsable de Eric B.
Les appels :
Appel a été interjeté par :
Monsieur B Eric, le 17 mars 1995
Société X, le 17 mars 1995
M. le Procureur de la République, le 17 mars 1995
Décision :
Attendu que tout jugement doit énoncer les faits dont le prévenu est jugé coupable et constater l'existence de tous les éléments constitutifs de l'infraction qu'il doit aussi répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ;
Qu'en l'espèce, après avoir rappelé que Eric B était prévenu d'avoir à Epagny, du 7 décembre 1993 au 2 janvier 1994, effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur la disponibilité réelle d'un produit d'un bien ou d'un service, le Tribunal correctionnel d'Annecy a indiqué qu'il résultait des éléments du dossier et des débats que les faits étaient établis ; que ce faisant, il n'a pas satisfait à l'obligation de constater tous les éléments constitutifs de l'infraction ; qu'il n'a de surcroît pas répondu aux chefs de conclusions de Eric B ; qu'il y a lieu à annulation du jugement entrepris et à évocation ce conformément aux articles 485 et 520 du Code de procédure pénale ;
Attendu qu'il ressort des pièces du dossier que la société X a effectué une publicité par voie d'affichage sur panneaux et de prospectus pour une opération commerciale du 7 décembre 1993 au 2 janvier 1994 ; que sur les panneaux d'affichage, figurait en photo une chaîne Klervox MCD 6600 au prix de 790 F ; que cette chaîne se retrouvait en page 4 du catalogue où il était indiqué : "Attention, Père-Noël, les prix X vont faire du bruit!"; qu'il était indiqué de la même façon à la page 12 consacré aux banquettes, convertibles et fauteuils :"Relax Père-Noël, tout est disponible", un slogan étant ainsi spécifique à chaque catégorie d'articles proposés ; qu'il était précisé en dernière page :"Si certains magasins ne peuvent présenter en exposition tous les articles de ce catalogue national, faute de place ou indisponibilité accidentelle, ils peuvent tous enregistrer vos commandes aux prix indiqués et mettre les produits choisis à votre disposition dans les meilleurs délais. Renseignez-vous auprès de votre magasin X";
Que dès le 12 décembre 1993, le magasin X d'Epagny a été en rupture de stock de la chaîne Klervox MCD 6600 ; que Madame Azoulay, qui a porté son choix sur cette chaîne, a dû en passer commande que le 17 décembre 1993, un agent de contrôle de la Direction départementale de la Concurrence et de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DDCCRF) a constaté :
- qu il n'y avait plus dans le magasin de chaîne Klervox MCD 6600 immédiatement disponible,
- qu'à l'extérieur du magasin, un panneau publicitaire la présentait en photo,
- qu'à l'intérieur, des catalogues relatifs à l'opération commerciale se trouvaient sur un présentoir, à la disposition de la clientèle, sans erratum signalant la non disponibilité de cette chaîne ;
Que Eric B, directeur du magasin d'Epagny ayant une délégation de la direction de X, absent au moment du contrôle, a expliqué par courrier du 22 décembre 1993 que tandis que la centrale d'achats avait prévu pour son magasin 27 pièces de cet article, il en avait commandé 40 afin d'éviter d'éventuelles ruptures, que son siège lui avait en outre fait parvenir une proposition sur trois chaînes susceptibles de venir en substitution ou en complément de l'offre sur la chaîne Klervox MCD 6600, qu'il avait immédiatement commandé 25 pièces d'une chaîne ALBA MS 290 CD aux caractéristiques semblables à la Klervox MCD 6600 pour livraison immédiate, qu'après la rupture de stock de la chaîne Klervox MCD 6600, le magasin a proposé aux clients acquéreurs, soit de la commander en les informant du délai de livraison de 4 semaines, soit la chaîne de substitution ; qu'il précise dans ses écritures que sur 5 clients qui ont été confrontés à l'indisponibilité de la chaîne Klervox, trois ont passé commande et deux ont refusé compte tenu du délai et se sont vus proposer un produit de substitution ;
Attendu que les documents publicitaires ne garantissaient nullement à la clientèle une disponibilité immédiate de la chaîne Klervox MCD 6600 ; que le slogan "Relax Père Noël, tout est disponible" figurait sur une page consacrée à une autre catégorie d'articles et qu'il était expressément précisé à la fin du catalogue qu'en cas d'indisponibilité dans le magasin, il pourrait en être passé commande ; qu'il y en a eu 40 en stock qui ont été vendues et qu'après épuisement du stock, il a été possible de la commander aux conditions de la publicité ; que dans ces conditions et dès lors qu'il a été possible pendant toute la durée de l'opération commerciale d'abord d'obtenir sur le champ puis de commander cette chaîne aux conditions de la publicité, il n'y a pas d'élément permettant de conclure au caractère mensonger de celle-ci ; qu'en tout état de cause, les faits dont la DGCCRF a fait grief à Eric B à savoir :
- ne pas avoir pris ses dispositions pour être en mesure de servir un nombre de clients proportionné à l'impact recherché,
- avoir indiqué un prix très attractif par la pratique d'une marge très inférieure à celle qu'il pratique habituellement,
- n'avoir pas disposé d'un stock suffisant de ce produit,
- avoir livré un produit de substitution de marque différente, de caractéristiques moindres au même prix mais avec une marge plus importante, ne sauraient, même à les supposer établis (ce qui n'est pas le cas en l'espèce) rendre mensongère la publicité telle qu'elle a été réalisée ;
Que dans la mesure où il est constant, qu'après l'épuisement du stock disponible et pendant la durée de l'opération commerciale, le catalogue a été maintenu sur un présentoir à la disposition de la clientèle, sans erratum signalant la non disponibilité de la chaîne dont s'agit, et que les panneaux publicitaires la figurant sont restés en place, il y a eu par contre de ce fait publicité de prix ou de réduction de prix sur des articles non disponibles à la vente pendant la période à laquelle se rapporte cette publicité , ce en contravention à l'article 5 de l'arrêté du 2 septembre 1977 ; que les faits qualifiés de délit de publicité mensongère doivent être disqualifiés en contravention à l'article précité ; que le Tribunal correctionnel d'Annecy a à tort déclaré Eric B coupable du délit de publicité mensongère prévu par l'article L. 121-1 du Code de la consommation ;
Que s'agissant de faits contraventionnels antérieurs au 18 mai 1995, il convient de constater l'amnistie conformément à l'article 1er de la loi n° 95-884 du 3 août 1995 ; que cependant l'amnistie ne préjudicie pas aux droits des tiers ;
Que la recevabilité de la constitution de partie civile du SCUA n'est ni contestable ni contestée que les faits commis par Eric B ont causé un préjudice aux consommateurs et usagers d'Annecy et de la Haute-Savoie représentés par ce syndicat qui avait à juste titre été évalué à 1 500 F, que Eric B doit être condamné à payer audit syndicat cette somme outre intérêts au taux légal à compter du jugement et celle de 150 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ; que la société X est intervenue volontairement devant le tribunal et, appelante, comparaît devant la cour en qualité de civilement responsable de Eric B ; qu'il doit lui en être donné acte ; que le principe de l'insertion dans le bulletin d'information Le Consommateur Haut-Savoyard constitue un mode de réparation complémentaire du préjudice parfaitement justifié dans le cas qui nous occupe que son coût maximum doit être maintenu à 700 F ;
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, après en avoir délibéré conformément à la loi et contradictoirement à l'égard de Eric B et de la société X et par défaut à l'égard du Syndicat de Consommateurs et Usagers d'Annecy et de la Haute-Savoie (SCUA), Déclare les appels de Eric B, de la société X et de Monsieur le Procureur de la République recevables en la forme, Annule le jugement entrepris, et évoquant, Dit que les faits reprochés à Eric B qualifiés de délit de publicité mensongère constituent en réalité une ou des contraventions prévues et réprimées par les articles 5 de l'arrêté n° 77-105-P du 2 septembre 1977 et 33 du décret du 29 décembre 1986, les disqualifie en ce sens et constate l'amnistie de cette contravention, Déclare recevable la constitution de partie civile du SCUA, Déclare Eric B responsable de son préjudice, Le condamne à payer au SCUA - la somme de mille cinq cents francs (1 500 F) à titre de dommages-intérêts, - celle de cent cinquante francs (150 F) en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, Ordonne l'insertion par extraits du présent arrêt dans le bulletin d'information Le Consommateur Haut-Savoyard et fixe à 700 F le coût maximum de cette insertion, Donne acte à la société X de son intervention volontaire devant le tribunal puis de sa comparution devant la cour en qualité de civilement responsable de Eric B.