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Décisions

CCE, 30 octobre 2001, n° M.2420

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

Mitsui/CVRD/Caemi

CCE n° M.2420

30 octobre 2001

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

Vu le traité instituant la Communauté européenne, vu l'accord sur l'Espace économique européen, et notamment son article 57, paragraphe 2, point a), vu le règlement (CEE) n° 4064-89 du Conseil du 21 décembre 1989 relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises (1), modifié en dernier lieu par le règlement (CE) n° 1310-97 (2), et notamment son article 8, paragraphe 2, vu la décision de la Commission du 26 mai 2001 d'engager la procédure dans la présente affaire, vu l'avis du comité consultatif en matière de concentrations entre entreprises (3), vu le rapport final du conseiller-auditeur dans la présente affaire (4), considérant ce qui suit :

(1) Le 31 mai 2001, Mitsui et Compania Vale do Rio Doce ("CVRD") ont notifié à la Commission, conformément à l'article 4 du règlement (CEE) n° 4064-89, une opération de concentration par laquelle Mitsui et CVRD acquerront le contrôle en commun de Caemi Mineração e Metalurgia SA ("Caemi") au moyen d'une acquisition d'actions.

(2) Après avoir examiné la notification, la Commission en a conclu, le 3 juillet 2001, que l'opération notifiée relevait du champ d'application du règlement (CEE) n° 4064-89 et qu'elle soulevait des doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le Marché commun et l'accord EEE. Le 29 août 2001, la Commission a publié une communication des griefs, suivie, le 24 septembre 2001, d'une audition des parties.

I. LES PARTIES

(3) Mitsui est une société japonaise active à l'échelle mondiale dans le négoce de diverses matières premières et autres produits, y compris le minerai de fer. Elle détient également des participations minoritaires ou majoritaires dans un certain nombre de sociétés minières australiennes et indiennes, y compris une participation minoritaire non négligeable dans Robe River, la deuxième mine de fer du monde. Mitsui organise aussi des financements pour les activités commerciales de sociétés tierces et soutient leurs projets sous d'autres formes.

(4) CVRD, dont le siège est au Brésil, est une société minière aux activités diversifiées, qui occupe la première place mondiale dans la production de minerai de fer. Elle contrôle déjà, seule ou conjointement, la majeure partie de la production brésilienne de minerai de fer, à l'exception, principalement, de Mineração Brasileiras Reunidas SA ("MBR"), une filiale de Caemi. CVRD a acheté récemment Ferteco Mineração SA ("Ferteco"), le troisième plus gros producteur brésilien de minerai de fer. Elle est également présente dans le transport commercial (opérations ferroviaires et portuaires, armement). Outre le minerai de fer, CVRD fabrique aussi un certain nombre d'autres produits, notamment des engrais, du kaolin, de la bauxite métallurgique, de la pâte et du papier.

(5) Caemi est une société publique de droit brésilien qui possède des participations dans des entreprises présentes dans la production et la vente de minerai de fer au Brésil et au Canada, de kaolin et de bauxite calcinée réfractaire au Brésil, ainsi que dans des sociétés de logistique connexes (opérations ferroviaires et portuaires au Brésil). En ce qui concerne le minerai de fer, elle détient une participation majoritaire de 84,6 % dans MBR (Brésil), et 50 % du capital de la société minière Québec Cartier ("QCM") (Canada), à égalité avec Dofasco, le plus important producteur d'acier intégré du Canada, qui détient l'autre moitié. MBR occupe respectivement les deuxième (derrière CVRD) et quatrième places pour la production de minerai de fer au Brésil et dans le monde (derrière CVRD, Río Tinto et BHP).

II. L'OPÉRATION

(6) Mitsui possède actuellement 40 % des actions avec droit de vote de Caemi. Les "Frering" [deux frères appartenant à la famille Frering et [...]* (*)] détiennent les 60 % restants. Aux fins de l'acquisition, Mitsui a créé une filiale à 100 %, la "Mitsui Holding Company" (MHC), qui sera, au bout du compte, contrôlée conjointement par Mitsui et CVRD (voir ci-dessous).

(7) Mitsui et CVRD prendront le contrôle en commun de Caemi en deux temps : [La première étape de l'opération de concentration comporte l'exercice par Mitsui de son droit de préemption préexistant sur la participation de Frering]*. La seconde étape concerne l'achat par CVRD à Mitsui de 50 % des actions votantes de Caemi]* : i) [...]* ii) [...]*

(8) En conséquence, à un instant juridique, les actions votantes de Caemi passeront sous le contrôle conjoint de CVRD et de Mitsui. D'après les parties, le contrat d'achat conclu entre MHC et Frering et le contrat d'alliance stratégique sont subordonnés l'un à l'autre, de sorte que la première étape de la concentration ne peut avoir lieu sans que la deuxième étape ne se soit également réalisée. De ce fait, cette série d'accords, tels qu'ils ont été notifiés, débouchera au bout du compte nécessairement sur l'acquisition du contrôle en commun de Caemi par les parties notifiantes. Cette opération échelonnée constitue donc une seule opération de concentration au sens de l'article 3, paragraphe 1, point b), du règlement (CEE) n° 4064-89.

III. DIMENSION COMMUNAUTAIRE

(9) Le chiffre d'affaires total réalisé sur le plan mondial par les entreprises concernées représente un montant supérieur à 5 milliards d'euros (Mitsui : 78 milliards d'euros pour son exercice financier expirant le 31 mars 2000; CVRD : 5,5 milliards d'euros pour son exercice financier expirant le 31 décembre 2000; Caemi : 560 millions d'euros pour son exercice financier expirant le 31 décembre 2000). Chacune d'elles réalise dans la Communauté un chiffre d'affaires supérieur à 250 millions d'euros (Mitsui : [...]*; CVRD : [...]*, Caemi : [...]*), mais aucune ne réalise plus des deux tiers de son chiffre d'affaires total dans la Communauté à l'intérieur d'un seul et même État membre. L'opération notifiée est donc de dimension communautaire.

(10) Aucune des entreprises concernées par l'opération n'est présente dans la production ou la distribution de minerai de fer relevant du traité CECA, mais elles exercent ces activités dans des pays tiers. En conséquence, ces aspects de la présente opération de concentration ne tombent pas sous le coup de l'article 66, paragraphe 1, du traité CECA.

IV. DESCRIPTION GÉNÉRALE DU SECTEUR DU MINERAI DE FER

(11) Les seuls marchés affectés seront ceux du secteur du minerai de fer. Le minerai de fer est une matière première, vendue quasi exclusivement à l'industrie sidérurgique qui l'achète aux sociétés minières sous trois formes principales : les fines, le minerai en morceaux et les pellets. La section V explique en détail les raisons pour lesquelles la Commission considère que ces trois formes de minerai constituent des marchés de produits en cause distincts.

A. L'offre de minerai de fer

L'extraction du minerai de fer

(12) Le fer est le métal le plus courant, après l'aluminium, et représente environ 4,6 % de l'écorce terrestre. Malgré la grande variété de formes minéralogiques du fer à l'état naturel, seul un petit nombre d'entre elles sont importantes d'un point de vue commercial, les oxydes ferreux principalement, la magnétite, l'hématite, la limonite et l'ilménite. La production de fer, première étape de la fabrication de l'acier, commence par une opération dite de réduction qui consiste à enlever l'oxygène. Les autres formes extraites comprennent également des carbonates tels que la sidérite, les sulfures et les silicates.

(13) La composition chimique des gisements de minerai de fer varie considérablement selon les régions du monde. Les plus grosses ressources en minerai de fer se trouvent dans ce qui est désigné sous le nom de formations de fer, appelées également taconites et itabirites. Ces formations peuvent mesurer plusieurs centaines de mètres d'épaisseur sur plusieurs milliers de kilomètres de large. Les plus intéressantes d'un point de vue commercial sont situées au Brésil, dans l'Ouest de l'Australie, dans la région du Lac Supérieur au Canada, à Krivoi Rog en Ukraine et à Kursk en Russie.

(14) Les réserves mondiales de minerai de fer sont actuellement estimées à environ 140 000 mégatonnes (5). Les plus importantes, mesurées en termes de teneur en fer, se trouvent respectivement en Ukraine, en Chine, en Australie, en Russie, aux États-Unis d'Amérique, au Brésil et au Kazakhstan. La teneur en fer du minerai est extrêmement variable selon les pays : le minerai chinois, par exemple, est très pauvre en fer (32 % environ), contrairement au minerai brésilien (quelque 63 %).

(15) Globalement, le minerai de fer est exploité à plus de 95 % à ciel ouvert, en raison des économies d'échelle et de la valeur unitaire relativement faible du fer par rapport à d'autres métaux. La seule société minière qui extrait d'importantes quantités de fer d'une mine souterraine est la société suédoise LKAB. Dans une mine à ciel ouvert, la première opération consiste à "découvrir" les couches de minerai. Des travaux de dynamitage sont souvent nécessaires pour réduire la taille du minerai afin que les pelles mécaniques et/ou les chargeurs puissent remplir facilement les camions, les wagons ou les convoyeurs à bande, qui transportent le minerai vers un concasseur en vue d'un premier concassage et calibrage.

(16) La quasi-totalité du minerai de fer est ensuite "enrichi " (6), ce qui englobe le concassage, le broyage, le triage, le criblage et le calibrage du minerai. Ces procédés enlèvent des impuretés telles que la silice ou l'alumine du minerai, et le réduisent pour lui donner la forme et la taille souhaitées par la société minière. Le degré d'enrichissement dépend de la nature du gisement de minerai de fer, des taux d'impuretés contenues dans le minerai et des exigences techniques du client. Le minerai en morceaux et les fines sont généralement obtenus après concassage et broyage du minerai brut. Un nouvel enrichissement peut également produire un concentré de minerai de fer, qui est généralement pelletisé (transformé en boulettes de minerai de fer) dans un atelier de pelletisation situé près de la mine.

(17) Le processus d'extraction débouche inévitablement sur la production de minerai en morceaux et de fines. Toutefois, la proportion dans laquelle chaque mine produit les deux types de minerai dépend de la nature de ses gisements de minerai de fer (dureté, etc.). De nombreuses mines produisent relativement peu de minerai en morceaux, car son matériau ferreux se brise en petites particules lors de l'extraction et de la manipulation (ceci est généralement le cas pour le minerai brésilien par exemple). En conséquence, le minerai en morceaux importé dans l'Union européenne provient en grande partie d'Australie, d'Afrique du Sud et d'Inde. Les mines brésiliennes et vénézuéliennes produisent certes du minerai en morceaux, mais en proportion beaucoup moins importante par rapport à leur production totale. Les mines contenant du minerai à faible teneur en fer (de l'ordre de 30 à 35 %), telles que celles des États-Unis, du Canada et de la Chine, vendent peu ou pas de minerai en morceaux, car celui-ci doit être finement concassé pour produire des concentrés dont la teneur en fer est suffisante pour être commercialement rentables.

(18) De même, il apparaît que tous les minerais ne sont pas adaptés à une production de pellets qui soit profitable économiquement. Les pellets sont produits traditionnellement en Amérique et en Europe, la plupart des ateliers destinés au marché de l'exportation étant construits en Suède, au Canada, au Venezuela et au Brésil. La raison en est notamment que les pellets d'alimentation sont produits par broyage et concentration de fines naturelles et que tous les minerais ne conviennent pas pour la concentration. Les parties ont notamment signalé que, malgré des tentatives de pelletisation lancées dans le passé dans l'ouest de l'Australie, celles-ci n'ont pas abouti.

(19) La qualité du minerai est une autre conséquence importante de la composition géologique de la mine. Celle-ci se mesure essentiellement en termes de teneur en fer (qui doit être maximisée) et de niveau d'impuretés (qui doit être réduit au minimum). Une attention particulière est accordée à la perte au feu ("PAF", eau de cristallisation surtout) et à la présence de silice, de phosphore et d'alumine, qui ont des effets négatifs sur le fonctionnement du haut fourneau.

(20) D'après les données communiquées par les parties, la qualité du minerai produit varie sensiblement selon les régions. D'une manière générale, on peut dire que : i) le minerai brésilien est un produit de grande qualité; ii) le minerai australien était jusqu'à présent aussi considéré comme un produit de qualité, mais que ces mines s'épuisent progressivement et sont remplacées par de nouvelles (Yandi, Robe River, etc.) aux teneurs en silice et en perte au feu plus élevées, [...]*; iii) le minerai sud-africain a une teneur élevée en alcalis, ce qui limite son utilisation dans les hauts fourneaux; iv) le minerai suédois est une alimentation de bonne qualité à teneur élevée en fer pour l'agglomération, et produit un pellet très pur avec un excellent rendement, et, enfin, que v) comme indiqué ci-dessus, le minerai de fer présent au Canada, aux États-Unis et en Chine a une faible teneur en fer (de l'ordre de 30 à 35 %, contre plus de 60 % au Brésil ou en Australie).

(21) Comme indiqué ci-dessus, les ateliers de pellets de minerai de fer sont généralement situés près des sites miniers ou des ports d'exportation, car les pellets ne se désintègrent pas pendant le transport. La meilleure qualité de pellets est obtenue à partir du minerai brésilien, canadien et suédois. La plupart des mines se trouvant hors de l'Australie peuvent, en théorie tout au moins, procéder aux investissements nécessaires pour se lancer dans la production de pellets. Généralement, la construction d'une installation de pelletisation coûte environ entre 50 et 60 dollars des États-Unis (USD) par tonne de capacité annuelle, pour autant que la production des fines soit d'une qualité satisfaisante.

Les différentes formes du minerai de fer

(22) Dans l'ensemble, 99 % environ du minerai de fer sert à produire de l'acier, essentiellement dans des installations qui fabriquent du fer dans les hauts fourneaux. Un haut fourneau transforme le minerai de fer en fonte brute, qui est ensuite introduite dans un four à oxygène et convertie en acier. Le sidérurgiste définit (et modifie de temps à autre) les catégories de minerai de fer qu'il utilise et leur pourcentage en fonction de considérations technologiques et métallurgiques ainsi que des conditions du marché (offre de minerai de fer et prix, et demande de produits sidérurgiques).

(23) Une fois extrait, le minerai de fer se présente sous deux formes, les morceaux [de 6 à 30 millimètres (mm) de diamètre] et les fines (moins de 6 mm de diamètre). Pour des raisons techniques, seul le minerai en morceaux peut être directement chargé dans le haut fourneau (les fines sont trop petites et ont tendance à bloquer le processus de réduction dans le haut fourneau). Autrefois, le minerai en morceaux était la seule catégorie de minerai de fer à être commercialisée et on considérait les fines extraites comme des déchets.

(24) Afin de pouvoir exploiter les fines, deux processus d'agglomération ont été mis au point ultérieurement, le frittage et la pelletisation. Le frittage agglomère les fines (ou agglomérés d'alimentation, d'un diamètre de 1 à 6 mm), tandis que la pelletisation agglomère les super fines (ou pellets d'alimentation, d'un diamètre inférieur à 1 mm) pour former des pellets. Les aciéries disposent généralement de leurs propres installations de frittage, car les agglomérés ont tendance à se désintégrer au cours du transport. À l'inverse, tel n'est pas le cas pour les pellets, et les ateliers de pelletisation peuvent donc être installés sur le site ou à proximité des mines. Certaines aciéries européennes ont ainsi remplacé une partie de leurs importations de minerais par des achats de pellets, au lieu de procéder aux investissements nécessaires pour améliorer le fonctionnement de leurs installations de frittage d'un point de vue écologique (le frittage a un coût élevé en matière de protection de l'environnement). Cette évolution a été différente au Japon, où les aciéries ont choisi d'investir dans la modernisation de leurs usines de frittage.

(25) Grâce au développement du frittage et de la pelletisation, les opérateurs de haut fourneau ont pu choisir entre l'utilisation de fines (destinées à être agglomérées par l'opérateur de haut fourneau), de minerai en morceaux et de pellets. Pour des raisons complexes liées au réglage du fonctionnement du haut fourneau en vue de maximiser le rendement global et de minimiser les coûts, la plupart des hauts fourneaux mélangent les trois types de minerai.

(26) Du fait de ces considérations, le pourcentage de fines agglomérées dans un haut fourneau diffère généralement d'une aciérie à l'autre. Toutefois, à quelques exceptions près, les aciéries situées à l'intérieur d'une région donnée connaissent en général les mêmes conditions au niveau de l'offre et achètent par conséquent chaque type de minerai dans une proportion comparable. Les parties estiment par conséquent que les fines représentent environ 60 % du lit de fusion (c'est-à-dire de l'alimentation) dans les hauts fourneaux classiques en Europe et en Asie, tandis qu'elles n'en constituent que 10 % dans un haut fourneau américain. Les préférences des exploitants de hauts fourneaux divergent également en ce qui concerne la proportion du minerai en morceaux dans leur alimentation. En Europe, le minerai en morceaux représente généralement environ 20 % au total du lit de fusion, tandis ce chiffre avoisine 10 % aux États-Unis. En Asie, l'utilisation de ce type de minerai se situe autour de 25 % (en raison surtout de la proximité des mines australiennes qui extraient un pourcentage plus élevé de minerai en morceaux). De même, l'emploi relatif des pellets est extrêmement variable selon les régions. En Europe, ceux-ci représentent habituellement quelque 20 % de l'alimentation, tandis que cette proportion est de 80 % environ aux États-Unis et est comprise dans une fourchette de 5 % à 10 % seulement en Asie.

(27) Enfin, le minerai de fer peut également être produit pour être converti en fer de réduction directe dans un four à réduction directe. Le four à réduction directe utilise deux formes principales de minerai de fer de réduction directe, le minerai en morceaux et les pellets. Le minerai doit avoir une qualité particulièrement élevée (teneur importante en fer et faible niveau d'impuretés, telles que silice, phosphore et sulfure). Le fer de réduction directe peut alors être chargé dans un four électrique à arc pour être converti en acier.

La production mondiale de minerai de fer

(28) En 2000, la production mondiale de minerai de fer s'est élevée à quelque 931 mégatonnes (mt), en progression par rapport à 1999 (868 mt) et 1998 (878 mt). La production de minerai de fer suit de près celle de l'acier et est donc cyclique par nature. La demande d'acier dépend à son tour en grande partie des cycles économiques et, notamment, des cycles conjoncturels dans les secteurs de l'automobile et de la construction. La production de minerai de fer s'accroît en moyenne de 2,6 % par an depuis 1950, un pic de 967 mt ayant été atteint en 1988.

EMPLACEMENT TABLEAU

(29) Les principaux pays producteurs de minerai de fer dans le monde sont (chiffres pour 2000) : le Brésil (236 mt), l'Australie (176 mt), la Chine (96 mt), la Russie (87 mt), l'Inde (75 mt), les États-Unis (63 mt), l'Ukraine (55 mt), le Canada (36 mt) et l'Afrique du Sud (34 mt). Cependant, la proportion de minerai de fer que chacun de ces pays exporte varie très sensiblement (tonnage exporté pour 2000) : Brésil (160 mt), Australie (165 mt), Chine (pas d'exportations), Russie (15 mt), Inde (35 mt), États-Unis (6 mt), Ukraine (19 mt), Canada (27 mt) et Afrique du Sud (21 mt).

Les échanges de minerai de fer acheminé par mer

(30) Avant la Seconde Guerre mondiale, les aciéries étaient généralement situées à proximité des mines de fer, en raison des coûts de transport élevés du minerai. Toutefois, l'exploitation des réserves importantes et de grande qualité au Brésil, ainsi qu'en Australie, a modifié la structure de l'industrie minière où prédominaient des producteurs relativement petits situés près des principales installations sidérurgiques, et qui a vu apparaître un nombre croissant de mines de grande envergure installées loin des consommateurs. Cette évolution s'explique pour beaucoup par les économies d'échelle liées à ce type de mines de très grande taille. Le développement de ces mines a amené une progression très rapide du transport par voie maritime du minerai de fer (actuellement, la moitié environ de la production mondiale est acheminée par des minéraliers de fort tonnage), ce qui, tour à tour, a nécessité des investissements dans des installations portuaires pour accueillir des navires toujours plus gros qui proposent des prix de transport unitaires réduits.

(31) Néanmoins, une grande partie de la production mondiale de minerai de fer n'est pas acheminée par mer aux clients. Les exemples les plus notables sont les États-Unis, l'Europe de l'Est et la Chine, où la production intérieure de minerai de fer reste importante, et où celle-ci est encore en majeure partie consommée dans le pays. En outre, une proportion importante de cette production est captive. Aux États-Unis, par exemple, les entreprises sidérurgiques possèdent environ 60 % de la capacité de la production intérieure, de sorte que l'essentiel de la production ne parvient pas sur le marché libre. À l'inverse, la production de minerai de fer en Europe occidentale (à l'exception principale de la Suède) a quasiment disparu.

(32) Ces dernières années, la demande de minerai de fer transporté par mer a sensiblement augmenté, sous l'effet surtout de la diminution susmentionnée de la production de minerai de fer en Europe occidentale, ainsi que de la croissance du secteur sidérurgique en Asie. De fait, l'Europe de l'Ouest et l'Asie de l'Est (Japon, Corée du Sud et Taïwan) sont devenues largement dépendantes des importations de minerai de fer acheminé par mer. Malgré la présence d'une production nationale, la consommation de minerai de fer importé augmente également à un rythme rapide en Chine, afin de répondre à la progression de la demande.

EMPLACEMENT TABLEAU

(33) Les exportations de minerai de fer sont dominées par des chargements provenant d'Amérique du Sud (du Brésil surtout) et d'Océanie (principalement d'Australie), et cette domination s'accroît : en 1989, 60 % des exportations de minerai de fer dans le monde provenaient d'Océanie ou d'Afrique du Sud; en 1999, cette proportion cumulée était passée à 70 %. Cette tendance devrait se poursuivre. Les taux de fret fluctuent considérablement d'année en année et selon la voie de navigation empruntée. Ces tarifs sont particulièrement sensibles aux variations des prix du pétrole et à la disponibilité de bateaux adaptés.

(34) Une politique de diversification délibérément voulue par les entreprises sidérurgiques japonaises (afin d'éviter une dépendance excessive par rapport aux deux fournisseurs australiens) explique en partie pourquoi les exportations brésiliennes de minerai de fer sont réparties de manière plus étendue que celles d'Australie. Les autres raisons pour lesquelles le minerai brésilien est plus largement distribué sont liées au fait que les producteurs brésiliens offrent une gamme de produits plus étoffée (les producteurs australiens ne proposent presque pas de pellets, par exemple), que certains sidérurgistes japonais possèdent des participations dans les ateliers de pelletisation brésiliens, et que les Japonais pratiquent à l'égard de leurs clients une politique de partage de fret (exposée plus en détail ci-dessous).

Les obstacles à l'entrée sur le marché du minerai de fer

(35) Un certain nombre d'éléments compliquent l'entrée sur le marché du minerai fer et rendent les coûts de cette entrée élevés. En effet, on n'a enregistré ces dernières années aucune arrivée significative sur ce marché. En outre, toute nouvelle entrée devrait se traduire par l'acquisition d'un opérateur existant.

(36) La localisation de nouveaux gisements de minerai de fer exploitables commercialement, qui offrent une qualité et des économies d'échelle suffisantes pour affronter la concurrence sur le marché mondial, occasionne des coûts élevés en matière d'exploration et d'études de faisabilité. Il faut en général engager de longues négociations, pendant plusieurs années, avec les autorités publiques afin d'obtenir des droits miniers pour de nouveaux sites et les autorisations nécessaires pour développer et exploiter ces sites, ainsi que des installations ferroviaires et portuaires adjacentes. Dans certains pays, tels que le Liberia et la Guinée, l'instabilité politique a empêché la mise en valeur de gisements de minerai de qualité. En outre, la majeure partie des réserves mondiales connues de grande qualité est déjà aux mains des trois plus gros producteurs de fer, CVRD, Río Tinto et BHP.

(37) Il arrive parfois qu'une nouvelle mine puisse tirer profit de l'infrastructure ferroviaire et portuaire existante de mines voisines. Toutefois, l'aménagement des mines, des liaisons ferroviaires et portuaires a un coût très élevé, compris entre plusieurs centaines de millions et des milliards d'euros. Les nouvelles mines doivent par conséquent bénéficier d'économies d'échelle très importantes pour pouvoir soutenir la concurrence dans les échanges au niveau mondial.

(38) C'est la raison pour laquelle les nouvelles capacités ont essentiellement pris la forme d'une extension de mines existantes ou de l'ouverture de nouveaux puits à proximité de mines déjà exploitées. La dernière fois qu'une importante mine de fer entièrement nouvelle a été mise en valeur, il s'agissait de la mine de Carajas, de CVRD, au nord du Brésil, ouverte au milieu des années quatre-vingt avec une capacité initiale de 35 mt pour un coût de 3,5 milliards d'USD; cette capacité a ensuite été portée à 50 mt, moyennant un coût supplémentaire de 500 millions d'USD.

(39) La construction et l'exploitation d'ateliers de pelletisation se heurtent à moins de difficultés. Le coût de la construction d'un atelier de ce type se situe actuellement entre 50 et 60 USD environ par tonne de capacité annuelle. La capacité d'une installation de pelletisation peut varier entre 1,5 mt et 7 mt ou davantage, et son coût total peut atteindre de 100 millions à 420 millions d'USD.

(40) Les parties affirment, dans leur réponse, que, bien qu'importantes, les barrières à l'entrée de nouveaux venus ne sont pas insurmontables. Elles déclarent notamment que certains équipements et savoir-faire utilisés dans le secteur du minerai de fer sont communs à d'autres branches minières et qu'il n'y a pas d'obstacles techniques. La Commission est d'avis que ces considérations n'affectent pas l'analyse ci-dessus, étant donné que les principales barrières à l'entrée ne se situent pas dans le domaine de l'équipement ou du savoir-faire miniers.

Le taux d'utilisation des capacités est élevé

(41) Selon certains opérateurs clés du marché, le taux d'utilisation des capacités dans le secteur du minerai de fer transporté par mer est actuellement proche de 100 %, une situation qui s'est le plus souvent maintenue ces dix dernières années. En outre, ni les sociétés minières ni les sidérurgistes ne stockent en général des quantités importantes de minerai de fer, pour des raisons de coût élevé. Les producteurs et les consommateurs ne tiennent habituellement des stocks que pour permettre des fluctuations à court terme de la production et de la consommation.

(42) L'augmentation prévue de la demande d'acier dans le monde a amené les principaux producteurs de minerai de fer à investir dans de nouvelles capacités de production, même si celles-ci remplaceront en grande partie des mines épuisées (8). Outre l'extension des mines existantes, CVRD, BHP et Río Tinto envisagent d'en ouvrir un certain nombre de nouvelles au Brésil et en Australie. D'autres augmentations de capacité sont en projet en Inde et au Canada.

(43) Toutefois, à l'exception du Brésil et de l'Australie, toute hausse importante de capacité devrait, pour deux raisons, prendre la forme d'extensions de sites existants plutôt que de création de nouveaux sites. Premièrement, le coût du développement de nouvelles mines de minerai de fer fait que, dans la plupart des cas, il est beaucoup plus rentable d'agrandir les sites existants. Deuxièmement, l'extraction à ciel ouvert suscite une opposition croissante dans de nombreuses régions du monde, notamment dans les pays développés.

(44) Dans ce contexte, les tensions actuelles sur l'offre devraient persister pendant un certain nombre d'années. Les données communiquées par les parties laissent en particulier supposer que le taux d'utilisation de la capacité, qui atteignait 93 % en 2000, devrait encore se situer entre 88 % et 92 % en 2005.

(45) Dans leur réponse, les parties déclarent qu'il existe des capacités excédentaires. Premièrement, elles signalent que le record historique enregistré par la demande en 2000 était imprévu et que la situation sera très différente ces prochaines années.

(46) Deuxièmement, les parties estiment que les chiffres (communiqués par les parties) utilisés par la Commission en ce qui concerne la capacité sous-estime le véritable niveau de capacité dans l'industrie. Elles s'appuient notamment sur une étude qu'elles ont commandée à un consultant économique. Celui-ci considère dans son analyse que la notion de "potentiel" ("capability") est mieux adaptée que celle de capacité ("capacity") pour mesurer la capacité maximale d'une entreprise à fournir du minerai de fer sur le marché à l'exportation. Il pense plus précisément que le dégoulottage a pu améliorer la capacité nominale, de sorte que le "potentiel", qui est calculé à partir des niveaux de production maximaux observés, pourrait par conséquent fournir une meilleure indication de la capacité en matière d'offre. Par exemple, pour calculer le potentiel du système du nord de CVRD, le consultant économique a pris pour base le taux d'expédition record de 4,9 mt atteint en mars 2001 et a extrapolé ce chiffre sur une base annuelle (pour obtenir ainsi un potentiel annuel de 58,5 mt).

(47) La Commission ne peut accepter les arguments avancés par les parties au sujet de la capacité (9). Elle estime que les calculs du consultant économique sur le potentiel surestiment nettement la capacité réelle du secteur. Elle estime en particulier que déduire la capacité annuelle par extrapolation du chiffre de production mensuelle le plus élevé n'est pas une méthode valable. Cette manière de procéder suppose qu'un fournisseur de minerai de fer peut chaque mois reproduire les conditions idéales dont il a bénéficié pendant le "meilleur" mois, un scénario qui semble peu vraisemblable étant donné la complexité de la chaîne logistique (production, stockage, transport par chemin de fer et chargement du bateau) et les goulets d'étranglement présents à chacun de ces niveaux. En bref, la méthode du consultant économique pose en principe qu'un niveau de production optimal existe systématiquement, qu'une capacité de transport adéquate du minerai par chemin de fer est toujours disponible et que le bon bateau se trouve dans le port. Cette méthode ne tient pas compte des facteurs saisonniers (notamment en ce qui concerne la demande et les conditions climatiques), qui sont réels dans cette industrie. La Commission estime par conséquent que les chiffres de capacité initialement communiqués par les parties, qui concordent avec ceux fournis par les tiers, sont ceux qu'il convient d'utiliser pour apprécier la présente opération.

(48) De plus, la Commission observe que, même en s'appuyant sur les calculs du consultant économique relatifs au potentiel, les taux d'utilisation de la capacité devraient demeurer proches de 90 % pour l'ensemble de la période 2000/2005, ce qui est un pourcentage déjà élevé eu égard aux perturbations fréquentes occasionnées par les conditions climatiques par exemple (qui retardent les bateaux et les trains, affectent le processus d'extraction, etc.). Étant donné que le taux réel d'utilisation de la capacité (fondé sur la capacité effective) sera supérieur à ces estimations, la Commission soutient que la situation est, et restera, tendue au niveau de l'offre dans ce secteur.

(49) En outre, les conclusions de l'enquête de la Commission ne confirment pas les arguments des parties sur la baisse de la demande en 2001 et 2002. Les résultats de CVRD aux premier et second trimestres de 2001 attestent en particulier une hausse des ventes de fines et de pellets par rapport à 2000. Lors d'une présentation de ces résultats en mai 2001, CVRD a annoncé que les perspectives de croissance à long terme s'établissaient à 1 % par an pour tous les produits de minerai de fer, et à 4 % pour les pellets et que, par ailleurs, la demande devrait rester ferme à court terme, le seul risque étant celui d'un ralentissement de la croissance actuelle du marché (plutôt qu'une contraction de la demande). Le résultat semestriel de Río Tinto présente les mêmes caractéristiques, la demande de minerai de fer "demeurant assez forte".

(50) Même une diminution de la demande d'acier et, partant, une demande de minerai de fer inférieure aux prévisions actuelles, n'affecteront pas de manière sensible cette conclusion, car elle amènera également les fournisseurs de minerai à différer leurs projets d'expansion de capacité. Comme l'ont expliqué les parties dans leur réponse, il ne serait pas rentable d'ajouter de la capacité en anticipant la demande, car ceci diminuerait le taux d'utilisation des capacités de ce secteur. Aucune banque ne financerait des projets dans ces conditions.

(51) Plus généralement, il convient de noter que les arguments exposés par les parties dans leur réponse (capacité excédentaire importante, présence d'un potentiel facilement extensible, homogénéité des produits et faiblesse des coûts marginaux) aboutissent tous à la conclusion que les marchés du minerai de fer sont proches d'une situation de concurrence parfaite. Dans un tel contexte, les producteurs de minerai de fer devraient enregistrer des marges bénéficiaires très réduites dans le meilleur des cas. Le résultat de l'enquête fait toutefois apparaître une réalité très différente. En particulier, une présentation faite par CVRD et Merrill Lynch en mai 2001 montre que tous les gros fournisseurs de minerai de fer affichent des marges bénéficiaires considérables, comprises entre 27 % pour BHP et 46 % pour CVRD (10), ainsi que des taux de rentabilité de l'investissement très élevés (atteignant 30 % dans le cas de CVRD). De même, un exposé de BHP présente le secteur du minerai de fer comme une sorte d'aberration parmi les marchés des matières premières, car, de toutes ces matières premières considérées, le minerai de fer offre la rentabilité de l'investissement la plus élevée pour (paradoxalement) le risque et la volatilité les plus faibles. Ces caractéristiques démontrent l'existence de rigidités importantes dans le secteur du minerai de fer, qui permettent aux producteurs de premier plan de profiter de bénéfices très confortables.

Les principaux fournisseurs de minerai de fer transporté par mer

(52) Les principaux fournisseurs de minerai de fer acheminé par mer en Europe occidentale et dans le monde entier sont les suivants.

CVRD

(53) Comme indiqué précédemment, CVRD a son siège au Brésil et est le premier producteur mondial de minerai de fer. Elle contrôle déjà, seule ou conjointement, la majeure partie de la production brésilienne de minerai de fer, à l'exception, principalement, de Mineração Brasilieras Reunidas SA (MBR), une filiale de Caemi. CVRD exerce ses activités d'extraction de minerai de fer surtout dans deux régions géographiques du Brésil : les mines dites du "système du Nord", localisées dans la région de Carajas, dans l'État de Para (dotées d'une capacité de quelque 50 mt) et les mines dites du "système du Sud", situées dans l'État de Minas Gerais (capacité de 60 mt environ). Les deux systèmes sont reliés par des lignes de chemin de fer spéciales aux ports en eau profonde, dont certaines installations sont détenues par CVRD. En outre, CVRD a récemment acquis des participations majoritaires dans SA Mineração da Trindade ("Samitri"), située également dans le "système du Sud" (réserves de grande qualité, et capacité de production annuelle estimée à 17 mt), ainsi que dans les sociétés minières Socoimex (capacité de production annuelle estimée à 7 mt). Chacune de ces mines se trouve au Brésil et produit des fines et du minerai en morceaux.

(54) CVRD possède des participations qui varient entre 50 et 100 % dans neuf installations de pelletisation au Brésil et contrôlera totalement une dixième, actuellement en construction dans ce pays; elle est aussi propriétaire de 50 % d'une onzième usine de pelletisation à Bahreïn (Gulf Industrial Investment Company). Au Brésil, Nippon Steel détient une participation de 49 % dans deux de ces unités de pelletisation, Riva (Italie) et Aceralia (Espagne) possèdent 49 % d'une d'entre elles et Posco (Corée) a 50 % du capital d'une de ces usines. Deux ateliers de pelletisation au Brésil sont détenus à hauteur de 50 % par l'intermédiaire de Samarco (un exportateur de pellets, ancienne filiale de Samitri), BHP étant propriétaire de l'autre moitié du capital. Les pellets produits par chacune de ces entreprises communes sont vendus soit directement au client de cette entreprise commune soit à CVRD dans le cadre de contrats de vente à long terme. Le bénéfice de chaque entreprise commune est distribué sous forme de dividendes à CVRD et au client de l'entreprise commune.

(55) En 2001, CVRD a acheté Ferteco Mineração SA (Ferteco), alors troisième producteur brésilien de minerai de fer, dont le siège social se trouve dans l'État de Río de Janeiro. Cette société dispose d'une capacité de production annuelle avoisinant 15 mt de minerai de fer et de réserves exploitables de quelque 263 mt de minerais. Ferteco dirige deux mines de fer à ciel ouvert dans le "système du Sud" et un atelier de pelletisation d'une capacité annuelle de 4 mt par an dans l'État de Minas Gerais. Elle détient aussi une participation de 10,5 % dans MRS Logistica SA, un réseau ferroviaire de transport de marchandises qui dessert le "système du Sud" et le relie au port en eau profonde de Sepetiba, à Río de Janeiro (CVRD possède l'autre ligne ferroviaire de transport de marchandises connectant le "système du Sud" et le port en eau profonde de Tubarão, où sont situés un grand nombre de ses ateliers de pelletisation). Ferteco exploite en outre un terminal maritime dans le port de Sepetiba par l'intermédiaire de Companhia Portuária Baía de Sepetiba SA ("CPBS"), sa filiale à 100 %.

Río Tinto

(56) Río Tinto, dont le siège est en Australie, occupe la deuxième place mondiale dans la production de minerai de fer, dont elle a vendu quelque 116 mt en 2000 (y compris les ventes de North Limited - voir ci-dessous). Sur ce volume, 113 mt ont été commercialisées sur le marché par mer.

(57) Río Tinto possède 100 % des mines de Marandoo, Mount Tom Price/Paraburdo Yandicoogina et 60 % de la mine de Channar, dans l'Ouest de l'Australie (les mines de "Hammersley"), dont la capacité totale répertoriée atteint quelque [...]* mt par an, et qui devrait être portée à quelque [...]* mt d'ici à 2002 et à [...]* mt environ d'ici à 2010. Selon des sources officielles, les mines de Hammersley ont produit 65,7 mt (le total de leurs ventes s'élevant à 67,1 mt) en 2000, dont la quasi-totalité a été exportée. En 2000, ses clients ont été notamment le Japon ([...]* mt), la Chine ([...]* mt), la Corée ([...]* mt), Taïwan et le reste de l'Asie ([...]* mt) ainsi que l'Europe (11).

(58) À l'automne 2000, Río Tinto a fait l'acquisition de North Limited, qui détenait une participation indirecte de 53 % dans la mine Robe River Iron Associates. Río Tinto contrôle directement 65 % de Robe River et commercialise en qualité d'agent de vente 100 % de sa production, qui s'est élevée à quelque [...]* mt en 2000 et dont l'intégralité a été exportée. La capacité annuelle de Robe River devrait s'accroître de [...]* mt supplémentaires d'ici à 2009, avec un accroissement initial de [...]* mt en 2003, grâce à la mise en valeur du gisement de West Angelas, situé dans l'Ouest de l'Australie (12).

(59) Río Tinto possède également quelque 56 % des parts de la Iron Ore Company of Canada ("IOC"). La mine à ciel ouvert d'IOC à Newfoundland peut actuellement produire [...]* mt de fines (minerai de fer concentré), dont [...]* mt sont vendues sous la forme de pellets fabriqués à proximité du site minier. Le minerai est exporté à partir d'un port du Québec. Río Tinto a annoncé qu'elle rénovait en ce moment son atelier de pelletisation des Sept Îles, au Québec. Celui-ci devrait rouvrir en 2002, avec une capacité de [...]* mt, devant être portée à [...]* mt par an en 2004. Les ventes annuelles de l'IOC en 2000 ont atteint [...]* mt, dont une partie a été achetée par les sidérurgistes canadiens et [...]* mt ont été exporté. Río Tinto est aussi propriétaire d'une mine au Brésil (Corumba), dont la capacité annuelle s'élève actuellement à [...]* mt environ (13).

BHP

(60) BHP a son siège en Australie et occupe la troisième place au niveau mondial dans la production de minerai de fer (8 % environ). Les parties estiment que les ventes de minerai contrôlées par cette société minière (y compris 50 % de la production de Samarco - voir ci-après) ont représenté quelque [...]* mt en 2000.

(61) BHP détient des participations de 85 % dans les entreprises communes Mount Newman, Yandi et Goldsworthy (ouest de l'Australie), et de 100 % dans les mines de Middleback Range dans le sud de l'Australie et de Jimblebar dans l'ouest de l'Australie. La capacité totale répertoriée de ces mines s'établit à quelque [...]* mt et devrait passer à quelque [...]* mt d'ici à 2003. BHP possède aussi les mines de Taharoa et de Waikato en Nouvelle-Zélande, dont la capacité avoisine [...]* mt. Les projets actuellement en cours d'élaboration auront pour effet, d'après les parties, d'accroître la capacité contrôlée par BHP de [...]* mt supplémentaires pour 2003 et encore de [...]* mt au cours des années suivantes (14).

(62) En 2000, BHP a fait l'acquisition d'une nouvelle participation dans la mine et les ateliers de pelletisation de Samarco au Brésil, ce qui porte la part totale de ses actions à 50 %. CVRD détient l'autre moitié des actions de Samarco. La mine de Samarco a actuellement une capacité nominale de [...]* mt par an, qui inclut une capacité de pelletisation de [...]* mt. Les ventes ont atteint un total de [...]* mt en 2000 (y compris [...]* mt de pellets) (15).

CAEMI

(63) Comme indiqué ci-dessus, Caemi est un holding brésilien qui possède des participations dans des sociétés minières au Brésil et au Canada, ainsi que dans des sociétés de logistique connexes. Caemi contrôle la société minière brésilienne Mineração Brasilieras Reunidas SA (MBR), dont il a 85 % des actions avec droit de vote. MBR est le deuxième plus important producteur de minerai de fer au Brésil (derrière CVRD), avec une capacité d'exportation par mer de quelque [...]* mt par an, et exploite à l'heure actuelle trois mines à ciel ouvert qui produisent des fines et du minerai en morceaux. Caemi contrôle également conjointement la compagnie minière Québec Cartier (QCM) (Canada), dont il possède 50 % des actions avec droits de vote (les 50 % restants étant aux mains de la société sidérurgique canadienne Dofasco.); QCM fabrique des fines et des pellets, et a une capacité d'exportation par mer de [...]* mt environ par an. Au niveau mondial, Caemi est le quatrième producteur de minerai de fer (derrière CVRD, Río Tinto et BHP) (16).

(64) En ce qui concerne la logistique (opérations ferroviaires et portuaires au Brésil), Caemi possède, entre autres, une participation de 32 % dans MRS Logistica SA, le plus important réseau ferroviaire de transport de marchandises du Brésil, qui dessert le "système du Sud" des mines de fer et le relie au port en eau profonde de Sepetiba.

SNIM

(65) La Société nationale industrielle et minière ("SNIM") est le seul producteur de minerai de fer en Mauritanie et sa capacité totale annuelle atteint quelque [...]* mt. Elle exporte l'intégralité de sa production, quasi exclusivement en Europe occidentale (plus de 90 % en 1998), surtout en France, en Italie et en Belgique (17).

LKAB

(66) La société minière suédoise Luossavaara Kirunavaara AB ("LKAB") produit et vend des fines et des pellets. Sa capacité globale s'élève actuellement à quelque [...]* mt ([...]* mt de pellets et [...]* mt de fines). Elle a vendu au total [...]* mt en 2000 ([...]* millions de tonnes de pellets), dont [...]* millions de tonnes environ ont été exportés. Cette année-là, LKAB est donc intervenue à hauteur de [< 5]* % et de [< 5]* % dans la production et les importations mondiales respectivement. Toutefois, en raison du coût avantageux de l'acheminement vers l'Europe, LKAB représente un pourcentage beaucoup plus élevé de la consommation de minerai de fer dans l'Union européenne (18). ISCOR

(67) Iscor est le principal producteur sud-africain de minerai de fer, avec une capacité annuelle de quelque [...]* mt. Ses propres aciéries consomment en interne près de la moitié de sa production. Le reste ([...]* mt environ) est exporté, essentiellement vers l'Asie (19). Bien qu'Iscor ait l'intention d'accroître sa capacité d'exportation dans un avenir proche, ses projets risquent d'être entravés par les difficultés que pose l'extension des installations ferroviaires et portuaires en Afrique du Sud.

Mitsui

(68) Comme indiqué précédemment, Mitsui et une entreprise japonaise qui détient des participations minoritaires et majoritaires dans un certain nombre de sociétés minières australiennes et indiennes. Mitsui contrôle 51 % de la société minière indienne SESA Goa Ltd, qui a produit quelque [...]* mt de minerai de fer en 2000, dont [...]* mt environ ont été exportés en Europe. Parmi les participations minoritaires de Mitsui, on recense des intérêts minoritaires dans la deuxième mine de fer la plus importante du monde, Robe River, en Australie, dont les autres partenaires englobent Río Tinto et deux entreprises sidérurgiques japonaises. Mitsui détient d'autres participations dans les mines de Yandi, Goldworthy et Mount Newman (7 % dans chacune d'elles), parallèlement à BHP, l'actionnaire majoritaire (85 %). Enfin, comme exposé plus en détails ci-dessus, Mitsui détient aussi actuellement 40 % des actions avec droit de vote dans Caemi. SESA Goa étant l'unique société contrôlée par Mitsui, seules la production et les ventes (négligeables) de cette entreprise sont prises en compte pour l'appréciation sous l'angle de la concurrence développée cidessous, y compris pour le calcul des parts de marché.

B. La demande de minerai de fer (20)

Les tendances observées concernant la demande de minerai de fer

(69) Comme indiqué précédemment, les consommateurs de minerai de fer sont les sidérurgistes qui l'utilisent en tant que matière première pour fabriquer ensuite des produits sidérurgiques. Ceux-ci se répartissent en deux catégories : d'une part, les aciéries fonctionnant avec un convertisseur à oxygène, qui produisent de la fonte brute à partir d'agglomérés (fines), de minerai en morceaux et de pellets et, dans une moindre mesure, de ferraille et, d'autre part, le segment de la réduction directe, qui utilise des pellets et du minerai en morceaux pour fabriquer du fer de réduction directe, qui sera transformé en acier dans un four électrique à arc.

(70) En raison du coût relativement élevé de l'énergie dans l'Union européenne, la quasi-totalité du minerai de fer qui y est vendue est destinée à produire de l'acier par le procédé du haut fourneau (le fer de réduction directe représente moins de 10 % de la consommation mondiale totale de minerai de fer); la seule installation de production d'Europe occidentale qui utilise du fer de réduction directe (21) est une usine d'une capacité de 0,45 mt exploitée par Ispat en Allemagne (22). Pour cette même raison, on considère comme peu probable la construction dans l'Union européenne de nouveaux fours électriques à arc utilisant du fer de réduction directe (23).

(71) Au cours de la dernière décennie, la production et la consommation mondiales d'acier brut ont suivi de près les orientations économiques des États-Unis, de l'Asie et de l'Europe. De 770 mt en 1990, la production d'acier dans le monde est tombée à un plancher de 720 mt sous l'effet de la récession américaine et européenne de 1991-1992 et de l'aggravation de la crise économique dans les pays de la Communauté des États indépendants (CEI), avant de remonter progressivement pour atteindre un maximum de 799 mt en 1997. Dans le prolongement de la crise asiatique de la fin de 1997, la production est de nouveau tombée à 772 mt en 1998, et s'est ensuite reprise à la fin de 1999 et en 2000. L'institut international du fer et de l'acier estime que la production totale d'acier a dépassé 840 millions de tonnes en 2000.

(72) D'un point de vue régional, la production d'acier brut en Europe occidentale et aux États-Unis n'a progressé ces dix dernières années que modérément en Europe occidentale et aux États-Unis. Dans les pays de la CEI, la production d'acier brut a quasiment diminué de moitié entre 1990 et 1998, tombant de 207 mt à moins de 103 mt, mais a ensuite progressé en 1999 et 2000 du fait des politiques d'exportation très agressives menées pour compenser la chute de la consommation interne. En Chine et en Corée, la production d'acier brut (et les importations de minerai de fer) a enregistré une augmentation significative pendant toute la décennie. La concurrence exercée par les importations d'acier proportionnellement peu coûteuses a considérablement pesé sur les sidérurgistes américains et, dans une moindre mesure, européens. De même, cette concurrence affecte indirectement les échanges maritimes des producteurs de minerai brésiliens, australiens, suédois et autres, qui satisfont l'essentiel des besoins en minerai des sidérurgistes Ouest-européens et seulement une petite partie de ceux des aciéristes Est-européens.

(73) Au cours de la même période, les modifications enregistrées au niveau de la demande d'acier se sont répercutées sur le marché du minerai de fer. En dépit de la crise asiatique, la demande de minerai de fer a progressé d'environ 1,5 % par an depuis la récession de 1991/1992. La production mondiale de minerai de fer est malgré tout passée du niveau record de 921 mt en 1997 à moins de 900 mt en 1999 et les échanges de minerai de fer transporté par mer sont tombés de 417 mt en 1998 à 411 mt en 1999. L'augmentation de la production sidérurgique en 2000 s'est traduite par une hausse de la production mondiale de minerai de fer, qui a dépassé 931 millions de tonnes, et des échanges maritimes, en progression de 411 mt en 1999 à 455 mt en 2000. Les prix du minerai de fer ont brutalement reculé en 1999 du fait de la crise asiatique, puis ont monté en 2000 et 2001, sans toutefois atteindre les niveaux record de 1998.

(74) La production mondiale d'acier est orientée à la hausse depuis 1992. Au vu de la comparaison des chiffres de la production de 1999 avec ceux de 2000, où un niveau record de 847 mt d'acier brut a été atteint, le secteur sidérurgique s'est manifestement redressé plus rapidement que prévu après la crise asiatique. Pour l'avenir, CVRD prévoit la poursuite de cette tendance positive dans le secteur sidérurgique, la production d'acier brut devant atteindre 890 mt d'ici à 2005, soit une hausse moyenne annuelle de quelque 1 %. L'analyse de la croissance de ce secteur en termes régionaux fait apparaître que, en valeur absolue, la plus forte augmentation devrait se produire en Asie (+ 26 mt), suivie de l'Amérique latine (+ 7 mt). Selon les prévisions, la demande européenne restera constante.

(75) La production de minerai de fer au niveau mondial suivra vraisemblablement l'évolution générale de la production d'acier, mais à un rythme plus mesuré, étant donné que la production d'acier qui utilise la ferraille au lieu du minerai de fer devrait progresser plus rapidement que celle de l'acier fabriqué dans les hauts fourneaux. On prévoit en revanche que les échanges internationaux de minerai de fer augmenteront plus vite que la production, car ce sont les pays qui importent du minerai de fer qui absorberont une grande partie de l'accroissement de la fabrication d'acier.

La consommation de minerai de fer dans l'Union européenne

(76) Comme mentionné ci-dessus, dans l'Union européenne, les sidérurgistes sont aujourd'hui presque totalement tributaires du minerai de fer transporté par mer. Ces derniers importent tous de grosses quantités de minerai de fer de diverses sources en dehors de l'Union européenne, principalement du Brésil (de loin le premier exportateur de minerai de fer en Europe), d'Australie, du Canada et de Mauritanie. Le tableau ci-dessous prend en compte une petite partie de la consommation qui n'est pas importée (essentiellement les quelque 5 mt produits en Suède qui sont consommés au niveau interne).

EMPLACEMENT TABLEAU

La modification du mélange de minerai de fer est limitée

(77) Le minerai de fer ne saurait être considéré comme une matière première classique. En effet, comme l'ont déclaré les parties au cours de la procédure, les produits présentent des propriétés métallurgiques intrinsèques très différenciées, selon leurs régions d'origine, et les clients ont un comportement conservateur en matière d'achat. Ainsi qu'il a été indiqué ci-dessus, le lit de fusion spécifique utilisé par chaque client détermine le type de minerai de fer que celui-ci demande. La composition de ce lit de fusion définit les proportions respectives de fines de minerai en morceaux et de pellets nécessaires, ainsi que la qualité (et, partant, l'origine géographique) de chaque type de minerai. Du fait que les clients mélangent habituellement plusieurs variétés de fines pour obtenir les différentes caractéristiques de la matière première (teneur en fer, teneur en PAF, niveau d'impuretés, etc.), le lit de fusion caractérise aussi la proportion de chaque qualité (et donc l'origine) des fines.

(78) Les données communiquées par les parties et les résultats de l'enquête de la Commission montrent que les clients se montrent très réticents à l'idée de modifier la composition de leur lit de fusion et ils le font rarement. Les parties signalent notamment que, en Europe, les hauts fourneaux fonctionnent de manière très productive en utilisant des taux élevés d'injection de charbon pulvérisé et de faibles quantités de coke. Il n'est possible de réunir et de maintenir ces conditions que si toutes les caractéristiques de la matière première restent aussi constantes que possible. Cette nécessaire stabilité des conditions de fonctionnement limite l'acheteur de matières premières dans sa capacité de changer à court terme de matières constituant le flux d'entrée, et explique également pourquoi les contrats d'achat de minerai de fer sont habituellement conclus pour plusieurs années.

(79) Ce phénomène fonctionne à deux niveaux. Premièrement, il limite la capacité des clients à passer d'une forme de minerai à une autre (fines, morceaux et pellets). Deuxièmement, il a aussi des répercussions au sein de chaque type de minerai (morceaux, pellets et fines), du fait qu'il restreint la possibilité pour les clients d'arbitrer entre des produits d'origine et de qualité différentes. Les conclusions de l'enquête de la Commission confirment l'existence de ce phénomène. Il apparaît notamment que les aciéries à haut fourneau ne modifient pas de manière significative les proportions de fines, de minerai en morceaux et de pellets (pas plus de 3 à 5 % en moyenne). En outre, si certains clients sont de toute évidence passés d'une qualité de fines à une autre (des fines australiennes aux fines brésiliennes par exemple), il apparaît que la concurrence s'exerce surtout entre des minerais de qualité identique et donc, souvent, de même origine.

(80) Les parties soulignent que, en ce qui concerne les fines, la marge de manœuvre dont dispose l'acheteur s'accroît si toutes les fines sont mélangées sur place dans l'aciérie, juste avant de produire de l'aggloméré. Dans ce cas, on peut procéder à l'échange, à la suppression ou à l'ajout d'un élément du mélange, pour autant que la composition chimique et le comportement métallurgique de l'aggloméré restent stables. Toutefois, elles admettent également que certains clients ont tendance à diminuer le nombre d'éléments du mélange afin d'économiser des frais de transport, de manutention et de stockage. Cette tendance a pour conséquence un affaiblissement supplémentaire de la capacité de l'acheteur à changer de fournisseurs à court terme.

(81) En ce qui concerne la production d'acier dans un four électrique à arc, le fer de réduction directe peut être utilisé comme matière première, au même titre que la fonte brute et la ferraille; ce type de fer est produit par réduction directe du minerai dans un four à réduction directe. Il prend deux formes principales, les pellets et le minerai en morceaux de réduction directe. Selon le type de four à réduction directe utilisé, des contraintes techniques limitent la substituabilité entre le minerai en morceaux de réduction directe et les pellets de réduction directe, en ce que les pellets peuvent se substituer au minerai en morceaux, mais que le minerai en morceaux ne peut se substituer entièrement aux pellets (car le minerai en morceaux ne peut généralement pas dépasser entre 20 et 40 % au total du lit de fusion).

C. Concentration et entreprises communes

Phénomène de concentration dans les secteurs du minerai de fer et de l'acier

(82) Ces dernières années, le marché du minerai de fer s'est rapidement transformé au niveau de la structure de son capital, concentré à présent dans les mains d'un nombre relativement peu élevé d'entreprises. En 2000 et 2001, ce mouvement s'est encore intensifié, notamment après l'achat par Río Tinto de la société minière australienne North Ltd (2000) et la série d'acquisitions récentes d'autres sociétés minières brésiliennes par CVRD (24). Les problèmes de coûts de production constituent un des éléments moteurs de la vague actuelle de regroupement. Trois sociétés, CVRD, Río Tinto et BHP, contrôlent actuellement l'essentiel du minerai de fer commercialisé au niveau international. L'analyste industriel Roskill Information Services Ltd fait observer qu'en raison de ce regroupement, il est généralement plus difficile pour les consommateurs de minerai de fer de négocier des ristournes de prix (25).

(83) Dans le secteur sidérurgique, la propriété du capital est considérablement moins concentrée que dans le secteur du minerai de fer. Néanmoins, les producteurs d'acier européens ont amorcé récemment un regroupement accéléré du secteur. Parmi ces opérations, on peut citer la fusion, en 1997, entre Thyssen et Krupp, qui a donné naissance à Thyssen Krupp Stahl (16,1 mt d'acier produit en 1999); la fusion, en 1999, entre British Steel et Hoogovens, Pays-Bas, qui a débouché sur la création de Corus (21,3 mt), l'acquisition, en 1997, de 35 % d'Aceralia par Arbed et l'achat de 53 % de Cokerill Sambre par Usinor en 1998 et, enfin, Arbed/Aceralia et Usinor (les troisième et quatrième plus gros producteurs d'acier du monde) ont annoncé cette année une opération de concentration qui débouchera sur la création de la première entreprise sidérurgique mondiale, dotée d'une capacité de production de 46 mt.

(84) Les parties notifiantes estiment que, en 1999, Usinor, Arbed, Aceralia, Cockerill Sambre et leurs filiales européennes ont consommé ensemble de 35 à 40 mt de minerai de fer, ce qui correspond approximativement à 9 % des importations mondiales par mer. Corus (y compris Hoogovens) a absorbé entre 25 et 27 mt de minerai de fer, c'est-à-dire environ 6 % des importations mondiales transportées par mer; Thyssen Krupp et Riva (Italie) ont chacune utilisé plus de 13 mt de minerai de fer, soit pour chacune à peu près 3 % des importations mondiales acheminées par mer.

(85) Les parties déclarent dans leur réponse que le phénomène de concentration dans le secteur sidérurgique est plus important que ne le laisse entendre la Commission. Elles estiment notamment que si on considère les aciéries japonaises comme un bloc d'acheteurs, alors, suite à la fusion Usinor/Arbed/Aceralia, les six clients les plus importants achèteraient 67 % du minerai de fer transporté par mer. La Commission ne partage pas cette analyse. [...]*

Entreprises communes de production (horizontales et verticales)

(86) Il existe un certain nombre d'entreprises communes minières ("horizontales"), en particulier entre CVRD et BHP, qui détiennent chacune une participation de 50 % dans Samarco, un producteur brésilien de pellets. Mitsui possède une participation minoritaire non négligeable (33 % du capital) dans la grande mine australienne Robe River, qui compte également Río Tinto parmi ses actionnaires. Mitsui détient d'autres participations dans les mines de Yandi, Goldworthy et Mount Newman (7 % dans chacune d'elles), parallèlement à BHP, l'actionnaire majoritaire.

(87) De même, plusieurs entreprises communes de production ("verticales") sont constituées entre les producteurs de minerai de fer et les sidérurgistes, telles que Robe River, Mount Newman, Goldsworthy et Yandi.

(88) De plus, certaines entreprises sidérurgiques possèdent des mines de fer "captives" ou prennent des participations minoritaires dans des mines de fer, qui s'accompagnent de contrats de vente portant sur la totalité ou une partie de la production. Récemment, toutefois, cette tendance s'est quelque peu renversée, comme en témoigne, par exemple, la cession de Ferteco par Thyssen Krupp. Dans leur réponse, les parties indiquent que ce phénomène donne à penser qu'elles ne craignent pas d'être "exploitées" par les producteurs de minerai de fer. La Commission estime que cet argument est extrêmement fantaisiste. Les raisons pour lesquelles les aciéries vendent leurs participations dans le secteur du fer peuvent être nombreuses, telles que la nécessité de lever des capitaux pour investir dans leurs activités de base, et/ou le fait que les producteurs de minerai de fer en question ne représentent plus une proportion importante de leurs approvisionnements. De plus, les aciéries en cause peuvent compenser tout risque que l'acheteur de la participation minière devant être cédée n'"exploite" la situation, soit en obtenant un prix d'achat plus élevé qui reflète les anticipations en matière de prix, soit en concluant des arrangements contractuels à long terme avec l'acquéreur.

(89) Les sidérurgistes ont également de plus en plus investi dans les ateliers de pelletisation, tant en qualité d'actionnaires majoritaires que minoritaires. Nippon Steel, Posco Pohang Iron & Steel Co Ltd, Riva (Italie) et Aceralia (Espagne) détiennent par exemple d'importantes participations minoritaires dans quatre ateliers de pelletisation de CVRD.

D. Prix du minerai de fer : contrats et négociations des prix

(90) La durée des contrats d'approvisionnement passés entre les producteurs et les consommateurs de minerai de fer s'est raccourcie au cours des trente dernières années. Le plus souvent, ces contrats sont maintenant conclus pour une période comprise entre trois et cinq ans, contre dix ans dans les années soixante-dix.

Prix de référence

(91) Bien que les contrats puissent être conclus pour plusieurs années, les prix font l'objet d'une révision annuelle après les résultats des négociations qui ont lieu en Europe occidentale et en Asie de l'Est (plus précisément au Japon) au début de chaque année. Ces négociations sur les prix visent à fixer un prix de référence pour le minerai en morceaux, les fines et les pellets dans chacune des deux zones de clientèle.

(92) Les négociations se déroulent sous forme d'une série de réunions entre les gros producteurs de minerai de fer et les grandes entreprises sidérurgiques, qui débutent normalement à la fin de l'année précédente et se poursuivent pendant plusieurs mois. Les éléments qui servent de base aux pourparlers sont la perception de la situation de l'offre et de la demande de minerai de fer, la situation financière des producteurs de minerai et des aciéries, ainsi que les besoins à long terme de ces deux secteurs.

(93) À un certain moment de la période de négociation des prix, une de ces aciéries parviendra à un accord avec un des producteurs de minerai de fer sur une augmentation ou une diminution en pourcentage du prix des fines franco-à-bord ("FAB") de ce producteur donné par rapport à l'année précédente. Cette modification en pourcentage est ensuite rendue publique auprès des autres fournisseurs et acheteurs de minerai de fer, définissant ainsi le nouveau prix de référence des fines. Comme le montre le tableau suivant, la modification convenue du prix est ensuite normalement utilisée tant en Asie de l'Est qu'en Europe occidentale.

EMPLACEMENT TABLEAU

(94) Comme indiqué ci-dessus, l'accord sur le nouveau prix de référence est en général obtenu tout d'abord pour les fines, pour des raisons liées essentiellement aux prix moins élevés et aux volumes concernés plus importants. Une fois les adaptations de prix annuels convenues pour les fines, les négociations commencent pour le minerai en morceaux et les pellets. D'après les parties, le prix de référence du minerai en morceaux est traditionnellement fixé d'un commun accord entre les aciéries japonaises et les fournisseurs australiens, tandis que celui des pellets est toujours négocié en Europe occidentale. Ce phénomène traduit les écarts entre ces régions au niveau du taux d'utilisation des pellets et du minerai en morceaux. Ces dernières années, les premiers contrats ont le plus souvent été conclus entre les sociétés minières australiennes et les sidérurgistes japonais, et ceux-ci ont généralement servi de référence pour les prix en Europe (27).

(95) Il faut également observer que le processus de négociation est plutôt transparent. La presse se fait largement l'écho des anticipations des fournisseurs et des acheteurs relatives à l'état de l'offre et de la demande et, partant, des mouvements de prix "loyaux"; les revues professionnelles (28) rendent compte régulièrement des progrès enregistrés par les pourparlers, en révélant qui a rencontré qui et en spéculant sur la teneur des discussions.

Prix définitifs

(96) Une fois les prix de référence déterminés, les négociations individuelles entre producteurs et clients commencent, en vue de la fixation des prix définitifs. [...]*

V. DÉFINITION DU MARCHÉ DE PRODUITS

(97) Comme indiqué ci-dessus, le minerai de fer est une matière première vendue quasi exclusivement à l'industrie sidérurgique intégrée. Les sociétés minières le proposent aux aciéries fonctionnant au convertisseur à oxygène sous trois formes principales : fines, morceaux de minerai et pellets.

(98) Les sidérurgistes introduisent dans leurs hauts fourneaux un lit de fusion donné composé de fines, de minerai en morceaux et de pellets, pour produire de la fonte brute, qui pourra ensuite être convertie en acier. D'après les parties, en Europe occidentale, le lit de fusion comporte approximativement 60 % de fines, 20 % de minerai en morceaux et 20 % de pellets, mais les proportions varient d'une aciérie à l'autre. Comme précisé ci-dessus, alors que le minerai en morceau peut être utilisé directement comme matière première dans le haut fourneau, les fines sont trop petites pour être introduites directement dans le haut fourneau et doivent tout d'abord être transformées en agglomérés; cette opération se déroule dans des installations de frittage qui sont presque toujours exploitées par les aciéries. Les pellets sont obtenus par transformation supplémentaire de "super fines" plus petites dans des ateliers de pelletisation, exploités généralement par les mines; ils peuvent être ensuite directement utilisés comme matière première.

(99) Les parties notifiantes affirment qu'il existe un seul marché de produits en cause qui englobe la totalité des fournitures de minerai de fer, sans distinction entre les trois différents types de minerai (fines, pellets ou minerai en morceaux). Elles font valoir que le degré de substituabilité entre les diverses formes de minerai de fer est élevé, car les utilisateurs de minerai peuvent, dans une mesure significative, choisir entre les trois formes de minerai et passer de l'une à l'autre. Les prix évoluent généralement de concert, bien que, en termes absolus, leurs niveaux varient sensiblement en raison de leur traitement différent.

(100) Les avis (quasi unanimes) exprimés par les acheteurs de minerai de fer au cours de l'enquête menée sur le marché par la Commission permettent de conclure que chacune de ces trois catégories de minerai de fer constitue un marché de produits distinct et qu'il n'existe qu'une substituabilité limitée entre ces trois produits.

A. Substitution du côté de la demande

Obstacles techniques au passage d'un type de minerai de fer à un autre

(101) Du point de vue de la demande, les trois différentes catégories de minerai ne sont pas réellement substituables entre elles. Ainsi qu'il a été signalé ci-dessus, les hauts fourneaux ne peuvent fonctionner à des niveaux de productivité élevés que si toutes les caractéristiques de la matière première restent aussi constantes que possible. Cette nécessaire stabilité des conditions de fonctionnement limite l'acheteur de matières premières dans sa capacité de changer à court terme de matières constituant le flux d'entrée, et explique également pourquoi les contrats d'approvisionnement en minerai de fer sont conclus pour plusieurs années.

(102) D'après les parties, les principales modifications sont généralement dictées par des contraintes opérationnelles (le regarnissage d'un haut fourneau ou la fermeture d'une installation de frittage) ou se produisent lorsque le fournisseur de minerai de fer propose un nouveau produit en remplacement d'un produit existant qui n'est plus disponible. Lorsque des changements de ce type sont envisagés, une longue période d'essais est prévue. Celle-ci commence par des essais de laboratoire et des essais pilotes, qui sont suivis d'une expérimentation en vraie grandeur qui durera au moins plusieurs semaines. Ces contraintes pratiques limitent forcément les possibilités de procéder à court terme à d'importants changements dans les fournitures de minerai de fer.

(103) La grande majorité des sidérurgistes ont notamment signalé qu'ils étaient très réticents à modifier dans une mesure importante la composition du lit de fusion introduit dans le haut fourneau. Plusieurs clients ont aussi indiqué que tout changement significatif des pourcentages de fines, de minerai en morceaux et de pellets pourrait prendre plusieurs années et coûter dans certains cas plusieurs millions d'euros en termes d'investissement.

Obstacles économiques au passage d'un type de minerai de fer à un autre

(104) Les résultats de l'enquête de la Commission attestent aussi l'existence d'obstacles économiques non négligeables à l'alternance entre fines, minerai en morceaux et pellets. Les prix des trois types de produits varient sensiblement : celui des fines s'établit généralement autour de 0,37 USD/fe-dmt CAF, celui du minerai en morceaux autour de 0,45 USD fe-dmt et celui des pellets autour de 0,65 USD/fe-dmt (29). Ceci aboutit à un écart prix de 22 % entre les fines et le minerai en morceaux, et de 76 % entre les fines et les pellets. La solution la moins coûteuse demeure les fines, même lorsque les aciéries exploitent leurs propres ateliers de pelletisation (ce qui n'est généralement pas le cas).

Les fines n'exercent pas d'effets contraignants sur les autres catégories de minerai de fer

(105) Premièrement, la grande majorité des clients ont déclaré qu'une aciérie disposait d'une marge de manœuvre limitée pour modifier son utilisation des fines aux dépens ou au bénéfice d'autres formes de minerai de fer, car les aciéries maximisent généralement l'emploi de leurs fines. Étant donné que les fines sont de loin la forme de minerai de fer la moins coûteuse et que les installations de frittage, exploitées par les aciéries, ont des coûts fixes élevés et des coûts marginaux faibles, les aciéries font habituellement fonctionner leurs ateliers de frittage à pleine capacité. L'existence d'obstacles réels à l'extension de la capacité de frittage fait que ni le minerai en morceaux ni les pellets n'exercent d'effets contraignants importants sur les prix et la demande de fines.

(106) De même, les prix des fines n'exercent pas de contraintes significatives sur les prix du minerai en morceaux et des pellets. Contrairement à l'opinion des parties, la grande majorité des clients ont déclaré que les aciéries ne pourraient augmenter leur capacité de frittage à court ou moyen termes, tant en raison de l'importance des investissements nécessaires que des contraintes liées à la protection de l'environnement.

(107) Plus précisément, la solution consistant à accroître la capacité des installations d'agglomération n'est pas viable. Depuis vingt ans au moins, aucun nouvel atelier d'agglomération n'a été construit en Europe, ce qui laisse supposer que la proportion maximale d'agglomérés dans le lit de fusion a probablement déjà été atteinte et que le démarrage d'une installation entièrement nouvelle (qui ne pourrait sans doute pas fonctionner à pleine capacité) ne serait pas rentable. Il est théoriquement possible d'augmenter la capacité d'ateliers déjà existants dans une mesure limitée, mais cette production supplémentaire serait insuffisante pour influencer les prix des autres catégories de minerai de fer. En outre, compte tenu des coûts extrêmement élevés occasionnés par la fermeture obligatoire du haut fourneau et la désorganisation consécutive de la production sidérurgique, les coûts d'une extension de la capacité pourraient s'avérer trop lourds pour être justifiés. En Europe, les aciéries seraient également confrontées à des difficultés réglementaires, en raison des émissions de gaz toxiques générées par la production d'agglomérés. Une extension de la capacité consistant à introduire une alimentation davantage transformée et plus productive dans l'atelier d'agglomération occasionnerait, de même, des coûts supplémentaires qui auraient pour effet de diluer l'avantage économique que présentent les fines. En tout état de cause, le pourcentage supplémentaire (5 % environ) obtenu ne serait pas non plus suffisant pour exercer des contraintes sur les prix.

(108) Il convient de même de noter que, contrairement aux fines, certaines qualités de minerai en morceaux et de pellets sont également utilisées pour produire du fer de réduction directe. D'après les exposés présentés par JP Morgan et CVRD en novembre 2000 (30), la demande de pellets devrait provenir dans une mesure importante de la croissance attendue de la production de fer de réduction directe. Ceci aura pour effet de dissocier davantage les conditions concurrentielles prévalant pour les pellets de celles applicables aux fines (utilisées uniquement dans les hauts fourneaux).

Le minerai en morceaux et les pellets ne se font pas concurrence

(109) Les résultats de l'enquête de la Commission montrent aussi que les possibilités d'interchanger le minerai en morceaux et les pellets sont également restreintes. La grande majorité des clients déclarent que les aciéries achètent du minerai en morceaux et des pellets pour couvrir le reste de leurs besoins, en cherchant à maximiser l'emploi du minerai en morceaux, dont le coût est inférieur de quelque 40 % à celui des pellets. Elles sont toutefois limitées dans leur capacité à utiliser le minerai en morceaux, car en tant que produit "naturel" de qualité variable, celui-ci ne peut représenter un pourcentage élevé de l'ensemble du lit de fusion, car la condition essentielle d'une production d'acier de qualité est la stabilité du flux d'entrée. De plus, une partie du minerai en morceaux se désagrège en fines dans le haut fourneau, ce qui bloque la circulation nécessaire de l'air, présentant ainsi des risques supplémentaires pour la productivité du haut fourneau.

(110) De même, la marge de manœuvre disponible pour augmenter la proportion des pellets par rapport au minerai en morceaux est faible. En raison du prix élevé des pellets, qui constituent la solution la plus coûteuse, mais également la plus rentable, l'augmentation de leur utilisation serait surtout motivée par l'accroissement de la production du haut fourneau à des moments de forte demande (lorsqu'un renchérissement des coûts de production de l'acier peut être répercuté sur les clients). En principe, les pellets sont donc généralement considérés comme un produit d'appoint, sauf évidemment dans les régions (telles que l'Amérique du Nord) où, en raison de la géologie des mines de fer du pays, ils constituent le seul produit disponible.

Conclusion

(111) Au vu de ce qui précède, la Commission en conclut que, du point de vue de la demande, les fines, le minerai en morceaux et les pellets forment chacun un marché de produits distinct. La grande majorité des clients ont fait savoir que, même en cas d'augmentation de 5 à 10 % du prix d'une des formes de minerai par rapport aux autres, ils ne modifieraient pas leurs proportions de fines, de minerai en morceaux et de pellets(31). Les raisons en sont les suivantes : i) les clients sont réticents à modifier leur lit de fusion, ii) les clients ne sont pas en mesure d'augmenter sensiblement leur demande de fines, car leurs ateliers d'agglomération fonctionnent déjà à un niveau proche de leur pleine capacité et celle-ci ne peut être augmentée à court ou moyen terme, iii) les clients sont dans l'incapacité d'accroître sensiblement la proportion de minerai en morceaux, parce qu'ils tentent déjà de l'utiliser au maximum et que l'offre de ce type de minerai est insuffisante et, enfin, iv) les pellets étant beaucoup plus coûteux que les autres formes de minerai de fer, les clients l'utilisent comme produit d'appoint et n'intensifieront pas leur demande de pellets s'ils peuvent produire les quantités d'acier voulues au moyen des fines et du minerai en morceaux uniquement.

(112) Ceci ne veut pas dire que les clients ne modifient jamais leur lit de fusion. Il semble, en particulier, que les clients diminuent ou augmentent parfois les quantités de pellets qu'ils utilisent. Toutefois, les conclusions de l'enquête de la Commission montrent que ces changements sont limités, car le pourcentage des différents produits utilisés dans un lit de fusion donné ne peut varier que dans une mesure limitée (entre 3 et 5 % généralement), tout au moins à court et moyen termes. De plus, il apparaît que ces changements sont rarement la conséquence de la concurrence entre les divers fournisseurs de fer, mais découlent plutôt de facteurs exogènes comme l'évolution de la demande d'acier. Ainsi, dans des périodes de forte demande, la capacité de frittage d'une aciérie peut être insuffisante pour faire face aux besoins de la production. Dans ces conditions, cette usine peut être contrainte d'acheter des pellets plus coûteux afin de satisfaire la demande.

(113) Comme l'indiquent les parties, le savoir-faire d'un acheteur de minerai de fer ne se mesure donc pas en fonction de sa capacité à changer de fournisseurs pour ses commandes sur la base de critères de prix. Au contraire, l'acheteur avisé est celui qui tire le maximum de ses fournisseurs existants, en termes de respect des délais d'approvisionnement, de qualité et de constance du produit, ainsi que de prix.

B. Substitution du côté de l'offre

(114) Du point de vue de l'offre, les fines, les pellets et le minerai en morceaux ne sont généralement pas interchangeables.Les mines de fer produisent à la fois du minerai en morceaux et des fines (dont une partie est vendue aux aciéries comme agglomérés et l'autre est transformée par la mine en pellets). Toutefois, la proportion dans laquelle chaque mine produit des fines et du minerai en morceaux dépend de la géologie de ses gisements de minerai de fer. Les mines situées en Australie, en Inde et en Afrique du Sud, par exemple, produisent proportionnellement plus de minerai en morceaux que celles se trouvant au Brésil et au Venezuela. Les mines qui extraient du minerai pauvre en fer, telles que celles des États-Unis, du Canada et de Chine, produisent de faibles quantités de minerai en morceaux ou du minerai non commercialisable.

(115) Les fines ne peuvent être converties en morceaux. S'il est théoriquement possible de transformer le minerai en morceaux en fines, ceci n'est pas rationnel d'un point de vue économique, puisque le prix du minerai en morceaux est plus élevé. En ce qui concerne la possibilité de convertir du minerai en morceaux en matière première destinée aux ateliers de pelletisation (pellets d'alimentation), il est possible, en théorie, de concasser le minerai en morceaux pour obtenir cette alimentation. L'examen du marché par la Commission a cependant fait apparaître que ceci ne serait pas économiquement rentable.

(116) Pour ce qui est de la conversion éventuelle des fines en pellets, cette possibilité se trouve limitée par le fait que ce processus nécessite la construction d'un atelier de pelletisation, un investissement important qui ne saurait se justifier que pour les mines produisant un pourcentage significatif de fines adaptées pour servir de pellets d'alimentation. En raison de la nature de l'essentiel du minerai australien, par exemple, il n'est actuellement pas rentable, d'un point de vue économique, de l'utiliser pour en faire des pellets.

C. Écarts de prix

(117) Les prix des trois types de produits varient sensiblement : celui des fines s'établit généralement autour de 0,37 USD/fe-dmt CAF, celui du minerai en morceaux autour de 0,45 USD/fe-dmt et celui des pellets autour de 0,65 USD/fe-dmt (32). Ceci aboutit à un écart prix de 22 % entre les fines et le minerai en morceaux, et de 76 % entre les fines et les pellets.

(118) Les parties font valoir que ces disparités ne prouvent pas l'existence de marchés de produits distincts, mais traduisent plutôt les différences de prix pour l'utilisation de chaque forme de minerai de fer. Cette affirmation ne trouve cependant pas de confirmation dans l'évolution des prix et des quantités. Premièrement, les prix de référence pour les fines, le minerai en morceaux et les pellets connaissent des fluctuations légèrement différentes, comme l'indique le tableau suivant. Cette situation laisse supposer que les conditions de l'offre et de la demande sont propres à chaque forme de minerai et que, partant, les fines, le minerai en morceaux et les pellets constituent des marchés de produits distincts.

EMPLACEMENT TABLEAU

(119) Le fait que le niveau de corrélation entre l'évolution de ces différents prix soit élevé ne modifie pas cette conclusion. Premièrement, il est assez normal de constater une corrélation entre ces prix, étant donné que les divers produits sont souvent fabriqués dans les mêmes zones minières avec le même matériel. Une proportion importante des coûts leur est donc commune. Deuxièmement, [...]* et, troisièmement, il convient de noter que la répartition des quantités vendues ne correspond pas à ce qui pourrait être attendu si les trois formes de minerai de fer étaient entièrement substituables entre elles. Par exemple, en 1999, les fines, les pellets et le minerai en morceaux ont suivi chacun sensiblement la même évolution de prix (avec une légère accentuation de la baisse pour les pellets). Toutefois, cette année-là, les quantités transportées par mer n'ont pas suivi une courbe parallèle : la demande de fines a été inférieure de 6 % à celle de 1998, cependant que celle du minerai en morceaux augmentait de 11 % et que celle des pellets reculait de 2 %. Si les trois formes de minerai de fer faisaient partie du même marché de produits, il est vraisemblable que la demande de chaque type de minerai, fines, morceaux et pellets, aurait suivi la même orientation (avec, éventuellement, une demande légèrement plus forte pour les pellets que pour les deux autres formes de minerai de fer), ce qui n'a manifestement pas été le cas.

(120) Deuxièmement, la grande majorité des clients qui ont répondu aux questionnaires au cours de l'examen du marché par la Commission ont indiqué qu'une augmentation de 5 à 10 % du prix d'un type de minerai ne se traduirait pas par le remplacement d'un type de minerai par un autre.

D. La réponse des parties

(121) Dans leur réponse, les parties ne contestent pas les conclusions de la Commission, mais refusent la définition du marché de produits exposée ci-dessus, au motif que les clients pourraient, dans une mesure importante, passer d'une forme de minerai à une autre. Les parties s'appuient notamment sur l'étude réalisée par leur consultant économique, qui pense que les aciéries sont en mesure de remplacer un type de minerai par un autre.

(122) Tout d'abord, le consultant économique estime que le minerai de fer est un produit homogène et que les aciéries peuvent obtenir des taux de productivité équivalents en utilisant des lits de fusion d'une composition assez différente. Le fait que différentes aciéries recourent à des lits de fusion sensiblement différents en est selon lui la preuve.

(123) La Commission ne partage pas ce point de vue. Les conclusions de son enquête montrent à l'évidence que le minerai de fer n'est pas une matière première comme une autre. Comme cela a été signalé ci-dessus, les propriétés physiques et chimiques du minerai de fer produit dans des régions minières différentes peuvent varier sensiblement de l'une à l'autre, tant en termes de teneur en fer que de niveaux d'impuretés. Bien que les produits d'origine différente appartiennent au même marché de produits, il existe des limites à la substituabilité entre produits extraits dans des régions différentes, et l'enquête de la Commission, en particulier, a montré que les fournisseurs australiens et brésiliens ne parvenaient pas facilement à se prendre mutuellement des parts de marché, en raison notamment des différences dans les caractéristiques de leurs produits.

(124) En outre, la Commission conteste l'avis du consultant économique des parties selon lequel les différences au niveau du lit de fusion entre les diverses aciéries prouvent la capacité de ces dernières à passer d'un type de produit à un autre. Comme indiqué ci-dessus, les spécificités du lit de fusion et du procédé sont optimisées pour chaque aciérie en fonction des caractéristiques propres et des exigences de productivité de cette aciérie en particulier, de sorte que les différences constatées par le consultant économique au niveau du procédé peuvent simplement refléter les variations (parfois importantes) au niveau de la configuration de différents hauts fourneaux. Bien que chaque aciérie puisse en théorie fonctionner avec un lit de fusion autre que celui qu'elle utilise généralement, ceci ne prouve pas (et l'enquête de la Commission écarte cette possibilité) que des aciéries peuvent concrètement modifier sensiblement leur lit de fusion. Premièrement, étant donné les risques encourus, l'importance des investissements et la période nécessaire pour mener les essais obligatoires, les directeurs de hauts fourneaux ne considèrent pas des changements spectaculaires comme une solution possible. Comme l'ont indiqué les parties, les clients ont un comportement conservateur en matière d'achat, et certaines entreprises sidérurgiques ont par ailleurs des difficultés à comprendre totalement la technique du haut fourneau. Deuxièmement, bien que les risques puissent être diminués si le changement prévu portait uniquement sur des changements entre fines et pellets, des obstacles économiques importants subsistent néanmoins (tels que le prix des pellets nettement plus élevé, la présence de l'atelier d'agglomération, etc...). Le fait que, même parmi les usines exploitées par un producteur sidérurgique donné, des hauts fourneaux différents utilisent fréquemment des lits de fusion différents le confirme par ailleurs totalement.

(125) Deuxièmement, le consultant économique des parties a également constaté, au niveau de certaines aciéries, d'"importantes variations, d'une année à l'autre, dans la proportion de fines, de minerai en morceaux et de pellets utilisée dans le mélange" ainsi que des "fluctuations, d'une année à l'autre, dans l'origine des approvisionnements au sein des diverses catégories de minerai de fer". De l'avis de ce consultant, ces données, conjuguées au fait que les clients ont tendance à raccourcir la durée de leurs contrats d'approvisionnement, confirment la capacité des clients de passer d'un type de minerai de fer à l'autre.

(126) La Commission ne conteste pas que, dans certaines conditions, même des hauts fourneaux pris isolément puissent modifier légèrement leur lit de fusion. Comme exposé en détail ci-dessus, les directeurs de hauts fourneaux exploitent leurs usines d'agglomération à pleine capacité, puis maximisent l'utilisation du minerai en morceaux (soumise à des contraintes techniques), et recourent ensuite aux pellets pour couvrir le reste de leurs besoins. Il est évident que des impératifs de productivité différents entraîneront des lits de fusion différents. Par exemple, dans les périodes de forte demande, les aciéries doivent accroître la proportion de pellets (malgré son prix plus élevé), car elles sont dans l'incapacité d'augmenter le volume d'agglomérés en valeur absolue (en raison des contraintes de capacité), et de porter la part des morceaux au-delà de ce que les contraintes techniques autorisent. Comme l'a précisé une aciérie, "la demande de pellets dépend directement du niveau de capacité des hauts fourneaux. L'atelier d'agglomération fonctionne à sa capacité maximale. En cas de baisse de la production de minerai de fer, la diminution de la demande touchera tout d'abord les pellets (prix plus élevé)". Les clients peuvent aussi éventuellement modifier leur lit de fusion en cas de lancement d'une nouvelle qualité de minerai de fer et/ou lorsqu'une mine existante s'épuise. Dans ces cas-là, les clients examinent progressivement dans quelle proportion ils peuvent introduire la nouvelle qualité, en la substituant aux autres à l'intérieur de la même catégorie de minerai. Bien que la substitution se limite essentiellement à une seule forme de minerai, il peut y avoir des effets sur le lit de fusion, en affectant par exemple la productivité de l'atelier d'agglomération.

(127) Toutefois, la Commission soutient que ces changements n'affectent pas sa conclusion selon laquelle les clients ne modifieraient effectivement pas leur lit de fusion si seuls les prix relatifs des diverses formes de minerai de fer variaient. Comme le montre l'enquête, ces derniers changements, qui impliqueraient une modification des éléments du lit de fusion et des conditions du processus, parallèlement au maintien d'impératifs de productivité comparables, se heurtent à des obstacles de taille, liés tant à des risques techniques qu'à des motifs économiques (utilisation maximale de l'atelier d'agglomération, les fines étant beaucoup moins coûteuses que le minerai en morceaux, lui-même beaucoup moins onéreux que les pellets). Il apparaît, dans ce contexte, que des mouvements de prix relatifs de l'ordre de 5 à 10 % ne sont pas suffisants pour l'économie de l'entreprise et amener les directeurs de hauts fourneaux à prendre des risques importants.

(128) Les parties contestent aussi que l'enquête de la Commission prouve l'existence d'obstacles non négligeables au passage d'une forme de minerai de fer à une autre. Les parties ont notamment communiqué des citations de clients qui démontrent, à leur avis, que ceux-ci sont capables de remplacer un type de minerai par un autre.

(129) La Commission ne se rallie toutefois pas à l'interprétation que font les parties de ces citations. Elle estime tout d'abord que certaines sont peu convaincantes (ainsi les déclarations de plusieurs clients sur les changements de qualités au sein d'une même catégorie de minerai de fer, ou celle d'un client qui procède à des changements sous réserve de faisabilité opérationnelle) et que nombreuses sont celles qui corroborent en réalité les conclusions tirées par la Commission. Par exemple, les parties citent la réponse d'un client, qui déclare : "Nous ne toucherons pas à la proportion de fines, de pellets et de minerai en morceaux dans notre mélange; il est toutefois possible que nous modifions ces proportions lorsqu'il faudra réparer la machine à agglomérer. Même dans ce cas, nous réduirons légèrement la part d'agglomérés et augmenterons en conséquence celle des pellets; cependant, cette réparation peut se produire une fois en plusieurs années". Pareillement, les parties citent une autre aciérie, qui indique que "la proportion du minerai en morceaux se limite à 20 % pour des raisons opérationnelles. La proportion de fines et de pellets est donc supérieure à 80 %. Étant donné qu'elles sont considérées comme plus économiques que les pellets, les fines sont utilisées au maximum. Le pellet est un minerai d'appoint." D'une manière plus générale, il apparaît à l'évidence que la seule possibilité technique réelle de substitution concerne les pellets et les fines. Des obstacles économiques et opérationnels de taille s'y opposent toutefois (tels que des écarts de prix très importants et l'utilisation des ateliers d'agglomération à pleine capacité).

(130) En outre, il convient d'observer que la plupart des citations reprises par les parties concernent des déclarations relatives à des restrictions techniques théoriques au changement. Ces déclarations ne prennent pas nécessairement en compte les limites de capacité au niveau de l'agglomération, les contraintes opérationnelles (les opérations d'un haut fourneau doivent être stables, ce qui empêche des changements fréquents), les considérations logistiques, les dispositions contractuelles ou les obstacles économiques au changement, qui sont abordés dans d'autres parties de leur réponse. Par exemple, les parties citent un client européen, qui a déclaré qu'il pourrait théoriquement modifier 5 à 10 % de son mélange. Toutefois, dans la suite de sa réponse, ce client a indiqué qu'il exploitait son atelier d'agglomération à sa capacité maximale et que, dans l'éventualité d'une évolution des prix relatifs entre les fines, le minerai en morceaux et les pellets, il ne modifierait pas la composition de son lit de fusion.

(131) Dans ce contexte, la Commission soutient par conséquent que, si on adopte une approche plus large englobant l'ensemble des éléments pertinents, l'enquête montre à l'évidence que chaque forme de minerai de fer constitue un marché de produits en cause. Il convient notamment de rappeler que les clients ont confirmé, à la quasi-unanimité, qu'une fois tous ces éléments regroupés, ils ne modifieraient pas la proportion de fines, de minerai en morceaux et de pellets si le prix d'une des formes de minerai augmentait de 5 à 10 % par rapport aux autres.

(132) La Commission fait également observer que les parties admettent implicitement que chaque forme de minerai de fer constitue un marché distinct, puisqu'elles reconnaissent dans leur réponse que la différence de prix positive des pellets (et, dans une certaine mesure, celle des morceaux) pour une année donnée peut s'accroître quelque peu par rapport à l'année précédente, lorsque le niveau de la demande de pellets (ou de morceaux) est sensiblement plus élevé au cours de cette année donnée, et entraîne donc une hausse du prix de cette forme de minerai. Si l'ensemble des formes de minerai de fer appartenaient au même marché, une augmentation du prix de l'une d'entre elles devrait entraîner un recul de la demande de cette forme de minerai (et une augmentation de la demande pour les autres catégories). En outre, la déclaration des parties donne à penser que le changement de type de minerai n'est pas une solution rentable. Si un éventuel fournisseur d'une catégorie de minerai (de fines, par exemple) en position dominante tente d'en augmenter le prix de 5 à 10 %, et en supposant que les clients puissent passer à une autre catégorie (aux pellets par exemple) dans une mesure suffisante pour rendre cette tentative de hausse de prix non rentable, ceci entraînerait une augmentation sensible de la demande pour cette autre forme de minerai. Selon la déclaration des parties, ce renforcement de la demande aurait pour conséquence un relèvement des prix de cette dernière (des pellets dans ce cas précis). Ceci semble d'autant plus probable que la capacité excédentaire du minerai de fer transporté par mer est limitée. Les clients auraient donc peu intérêt à changer, car cette décision les exposerait à des difficultés économiques, techniques et logistiques importantes et déboucherait malgré tout sur une hausse de prix.

E. Minerais de fer de réduction directe

(133) Le minerai de fer est également vendu sous des formes adaptées à la conversion en fer de réduction directe, qui peut alors être chargé dans un four électrique à arc pour être transformé en acier. Le minerai de fer de réduction directe se présente sous trois formes principales, le minerai en morceaux de fer de réduction directe, les pellets de fer de réduction directe et les fines de fer de réduction directe (y compris les pellets d'alimentation de fer de réduction directe). Toutefois, en l'absence de demande de fines/pellets d'alimentation de fer de réduction directe en Europe occidentale, ces produits ne feront pas l'objet d'une analyse supplémentaire et le présent document se concentrera plutôt sur le minerai en morceaux et les pellets de fer de réduction directe.

(134) En ce qui concerne la substituabilité entre le minerai en morceaux et les pellets de réduction directe, d'une part, et le minerai en morceaux et les pellets pour convertisseur à oxygène, d'autre part, il existe un processus de substitution à sens unique : les premiers peuvent remplacer les seconds, mais pas l'inverse, essentiellement parce que le minerai de réduction directe a une teneur importante en fer et un faible niveau d'impuretés. Cependant, eu égard au prix plus élevé du minerai de fer de réduction directe, cette possibilité de remplacer le minerai pour convertisseur à oxygène par du minerai de réduction directe est théorique.

(135) Les parties pensent également que les morceaux de réduction directe ne constituent pas un marché de produits distinct, car ils peuvent être entièrement remplacés par des pellets (dans un souci de clarté, il convient de faire observer que les parties reconnaissent que, par contre, les morceaux de réduction directe ne peuvent remplacer les pellets de réduction directe). D'après les parties, il était généralement impératif dans le passé d'utiliser du minerai en morceaux de réduction directe, car les pellets ont tendance à coller à hautes températures (alors que l'objectif des opérateurs de fours à réduction directe est d'augmenter la productivité) et les morceaux empêchent cette adhérence. Cependant, les nouvelles techniques de revêtement de pellets préviendraient ce collage et les morceaux ne constitueraient donc plus un flux d'entrée indispensable. Du même coup, les parties estiment par conséquent que si le minerai de fer de réduction directe doit être distingué du minerai de haut fourneau, il convient de prendre en compte deux marchés : d'une part, un marché des pellets de réduction directe et, de l'autre, un marché regroupant les morceaux et les pellets de réduction directe.

(136) La Commission convient que, d'un point de vue technique, les pellets de réduction directe peuvent remplacer intégralement les morceaux. En outre, les conclusions de l'enquête donnent à penser que les obstacles économiques au changement dans le secteur de la réduction directe pourraient être moins importants que dans celui des hauts fourneaux. En particulier, le seul acheteur de morceaux et de pellets de réduction directe en Europe occidentale a fait savoir que si les prix des morceaux devaient augmenter entre 5 et 10 %, alors que ceux des pellets restaient constants, cette hausse entraînerait probablement un remplacement important de morceaux par des pellets. Dans l'ensemble, il apparaît donc qu'il existe une substituabilité à sens unique entre les morceaux et les pellets de réduction directe, en ce que les morceaux ne peuvent remplacer les pellets au-delà d'une certaine proportion du lit de fusion (pour des raisons techniques) mais que les pellets de réduction directe peuvent se substituer totalement aux morceaux de réduction directe. Il conviendrait donc d'apprécier l'effet concurrentiel de l'opération dans le secteur du minerai de fer de réduction directe à partir de deux marchés de produits, à savoir les pellets de réduction directe et le minerai de fer de réduction directe (regroupant les morceaux et les pellets).

(137) Dans leur réponse, les parties laissent entendre que les minerais de réduction directe ne forment pas un marché en cause au motif que le fer de réduction directe (obtenu par réduction directe du minerai de réduction directe) peut être remplacé par la ferraille ou la fonte brute. Cette affirmation ne résiste pas à l'examen. Les parties ne nient pas que seul le minerai de réduction directe convient pour produire du fer de réduction directe. Elles font valoir comme argument que le fer de réduction directe, le produit proposé par les acheteurs de minerai de réduction directe (et non par les producteurs de fer réduction directe) peut être remplacé par d'autres produits. Autrement dit, les parties soutiennent que les minerais de réduction directe ne constituent pas un marché de produits distincts car, sur le marché en aval, le fer de réduction directe (résultant du traitement du minerai de fer de réduction directe et alimentant les fours à arc électrique) peut être remplacé par d'autres produits. La Commission est d'avis que l'existence de solutions de remplacement concurrentielles sur un marché en aval n'empêche pas la présence d'un pouvoir de marché sur un marché en amont. Le fait que les producteurs de fer de réduction directe puissent livrer concurrence aux fournisseurs de ferraille ou de fonte brute n'empêche pas nécessairement un éventuel fournisseur de minerai de fer de réduction directe en situation de monopole d'imposer des prix de monopole pour le minerai de fer vendu aux producteurs de fer de réduction directe (qui, à leur tour, vendront du fer de réduction directe aux aciéries fonctionnant avec un four électrique à arc). L'existence d'alternatives au fer de réduction directe aura pour seule conséquence que les producteurs de ce type de fer devront supporter aussi bien des coûts d'approvisionnement importants (en raison des prix élevés du minerai de fer) que des prix de vente très bas (qui s'expliquent par la présence de substituts à sa production de fer de réduction directe).

(138) De toute façon, les conclusions de l'enquête ne confirment pas l'existence d'une substituabilité entre la ferraille, le fer de réduction directe et la fonte brute. En particulier, comme l'admettent les parties, la ferraille n'est pas un matériau de grande qualité. De ce fait, les produits à faible valeur ajoutée, tels que les barres d'armature, peuvent être fabriqués en utilisant 100 % de ferraille, mais les produits longs à forte valeur ajoutée, ou les produits plats laminés à chaud par la filière électrique, exigent une proportion importante de matières premières beaucoup plus propres, comme la fonte brute ou le fer de réduction directe. Il convient également de remarquer que bien que la ferraille soit généralement moins coûteuse que le fer de réduction directe (de sorte que les aciéries à four électrique tentent d'utiliser une proportion maximale de ferraille), ceci n'est pas toujours vrai, surtout dans les périodes de pics concernant la demande de ferraille. Si, en théorie, le fer de réduction directe est en concurrence avec la fonte solide, certains éléments donnent à penser que cette substituabilité est également limitée, car la fonte brute contient 4 % de carbone ou davantage, et a de ce fait besoin d'oxygène supplémentaire pour le traitement. En conséquence, elle ne peut être utilisée qu'au début du processus de fusion et les charges suivantes doivent être composées soit de ferraille soit de fer de réduction directe.

(139) Toutefois, il n'est pas nécessaire de trancher la question de savoir si le minerai de fer convenant à la production de fer de réduction directe appartient à des marchés de produits distincts, étant donné que l'appréciation de l'opération du point de vue de la concurrence reste inchangée dans toutes les hypothèses envisagées.

F. Conclusion

(140) Au vu de ce qui précède, la Commission conclut que les fines, le minerai en morceaux et les pellets constituent trois marchés de produits distincts. De plus, il y a de bonnes raisons de penser que le minerai de fer convenant à la production de fer de réduction directe relève de marchés de produits distincts et que l'incidence concurrentielle de l'opération sur un éventuel marché des pellets destinés à la réduction directe et sur un éventuel marché regroupant les pellets et les morceaux destinés à la réduction directe doit par conséquent faire l'objet d'une appréciation.

VI. MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES EN CAUSE

(141) Les parties affirment que les marchés géographiques du minerai de fer en cause en l'espèce sont constitués par la production mondiale totale. D'une part, elles soulignent que la plupart des plus grandes aciéries dans le monde se fournissent en minerai de fer à la fois auprès de mines de leur pays et de mines étrangères. D'autre part, elles considèrent que la nature mondiale des marchés du minerai de fer découle de la dimension mondiale des marchés de l'acier en aval. Étant donné le caractère mondial des marchés de l'acier, les producteurs de minerai de fer doivent, d'après les parties, vendre leurs produits à un prix permettant à leurs clients (les aciéries) de fabriquer de l'acier à un prix compétitif. Le fait pour l'exploitant d'une mine de tenter d'obtenir un prix plus élevé pour son minerai auprès d'une aciérie voisine aurait pour effet de faire grimper le prix des produits de cette aciérie à un niveau supérieur à celui du marché, et donc de l'exclure du marché. Cette exclusion porterait à son tour un grave préjudice aux intérêts de l'exploitant de la mine (en raison de la perte totale d'un client proche).

(142) La Commission ne partage pas cette analyse. Elle considère, sur la base des résultats de son enquête approfondie, qu'il convient de distinguer, d'une part, les clients situés dans des pays ayant une production indigène de minerai de fer (clients qui peuvent, dans certains cas, choisir entre approvisionnement indigène et par mer) et, d'autre part, les clients qui ne disposent pratiquement d'aucune production de minerai de fer indigène (comme les producteurs d'acier d'Europe occidentale et du Japon). L'analyse qui suit est applicable à tous les types de minerai de fer.

A. Transport du minerai de fer

(143) Le minerai de fer est livré aux clients par chemin de fer (dans le cas des régions ayant une production indigène importante, comme la Chine, la Russie ou les États-Unis) et/ou par bateaux spécialisés. La livraison de minerai livré par bateau est désignée par l'expression "ventes par mer".

(144) Pour pouvoir être transporté économiquement, le minerai de fer exige généralement des équipements adaptés de grande capacité. En ce qui concerne le transport terrestre, il apparaît que le système ferroviaire traditionnel n'est pas adapté aux exigences particulières du transport de minerai de fer. Il est transporté en grandes quantités par des convois d'une longueur de 2 à 3 km, et les voies doivent être spécialement conçues pour le passage de ces trains extrêmement longs et lourds. C'est pourquoi le minerai de fer est généralement transporté sur des réseaux ferroviaires spéciaux. De même, le transport par voie maritime ne peut être effectué de manière rentable par des navires porte-conteneurs (similaires aux grands pétroliers) et requiert des bateaux spécialisés d'une capacité pouvant atteindre 200 000 tonnes (soit la même que les grands pétroliers). Il s'ensuit également que l'expédition de minerai de fer ne peut être réalisée que dans certains ports en eau profonde disposant d'une infrastructure spéciale et équipés pour l'accueil de navires minéraliers.

(145) Ces considérations montrent que tous les producteurs de minerai de fer ne sont pas en mesure de répondre à la demande de tous les clients dans le monde. Dans la pratique, la capacité d'un fournisseur donné de minerai de fer de livrer ses produits à un client donné dépendra de l'existence (ou de l'absence) d'une infrastructure de transport adéquate entre eux. Les possibilités de transport existantes détermineront par conséquent les relations commerciales qui pourront s'établir entre les fournisseurs et les clients.

B. Distinction entre zones de clientèle "locales" et "par mer"

(146) Dans de nombreuses régions du monde, les clients couvrent généralement leurs besoins en minerai de fer auprès de fournisseurs "locaux" auxquels ils sont reliés soit par le chemin de fer, soit par des voies navigables intérieures. C'est le cas, par exemple, aux États-Unis, où les mines nord-américaines couvrent 88 % de la demande (le solde étant acquis essentiellement auprès de fournisseurs brésiliens), ou en Europe orientale, où 80 % des livraisons proviennent de producteurs nationaux. Par conséquent, les conditions de concurrence dans ces zones sont essentiellement déterminées par les caractéristiques du marché local (comme la compétitivité relative des fournisseurs nationaux et la structure de la demande dans ces zones). De plus, la demande s'y est souvent adaptée aux types et aux qualités de produits proposés par les mines "locales", et elle peut donc porter sur un assortiment de produits spécifique. Ainsi, les acheteurs brésiliens ou australiens utilisent presque exclusivement la qualité de minerai de fer produite sur place. De même, les aciéries nord-américaines n'utilisent-elles pratiquement que des pellets, parce que ce produit correspond aux caractéristiques locales des gisements de fer de cette région. Les habitudes d'achat sont nettement différentes en Europe occidentale ou en Asie de l'Est, où la demande porte majoritairement sur des fines agglomérées ou des morceaux.

(147) Il existe en revanche une situation spécifique en Europe occidentale, en Asie de l'Est (Japon, Taiwan et Corée du Sud) et, dans une moindre mesure, en Chine (où l'offre locale est largement insuffisante ou non compétitive). Les clients de ces zones sont par conséquent obligés d'acheter leurs produits à des fournisseurs éloignés ayant un accès à l'infrastructure de transport requise. Dans la pratique, le transport s'effectue essentiellement par bateau, car le transport par voie terrestre ne constitue pas, pour ces clients, une solution de remplacement compétitive. Le Japon et Taiwan ne peuvent être rejoints que par bateau, et il n'existe pas d'infrastructure terrestre permettant de relier les clients d'Europe occidentale aux zones de production continentales (comme la Chine, l'ancienne URSS ou l'Inde). En outre, les réserves de minerai de fer chinoises et russes se caractérisent par leur faible teneur en fer (environ 30 %, contre 60 % dans les mines brésiliennes et australiennes), ce qui accroît encore les coûts de transport (parce qu'une plus grande quantité de gangue et de contenu non ferreux doivent être transportés pour chaque unité de fer).

(148) L'offre locale étant soit inexistante, soit marginale, les clients d'Europe occidentale ou d'Asie de l'Est dépendent presque entièrement des approvisionnements par mer en provenance du Brésil, d'Australie, du Canada, d'Inde et d'Afrique. Il s'ensuit que les clients n'ont d'autre choix que d'acheter les types et les qualités de produits disponibles auprès de ces fournisseurs, et qu'ils s'approvisionnent en minerai de fer auprès d'une autre gamme de fournisseurs que les acheteurs d'autres régions. Il est évident, dans ce contexte, que si un éventuel fournisseur par mer détenant un monopole relevait ses prix de 5 à 10 % dans ces régions, les clients ne pourraient éviter la hausse en se fournissant à d'autres sources. Le fait que malgré l'augmentation de 11,8 % du prix de référence du minerai en morceaux en Europe occidentale en 2000, aucun nouveau fournisseur n'ait commencé à vendre des morceaux dans cette région au cours de cette période confirme clairement cette constatation. Le fait que les prix dans les zones de clientèle "par mer" n'évoluent pas de la même manière que dans d'autres régions constitue également une indication à cet égard. Ainsi, les données communiquées par les parties montrent qu'entre 1997 et 1998, les prix ont augmenté de 6 % aux États-Unis, alors qu'ils diminuaient de 1 % en Europe occidentale.

(149) Sur la base des considérations qui précèdent, la Commission estime que les conditions de concurrence existant dans les zones de clientèle "par mer" (régions dépendant en tout ou en partie d'approvisionnements par mer) leurs sont particulières, et que lesdites zones, pour l'approvisionnement dans les divers types de minerai de fer, constituent par conséquent des marchés géographiques distincts des autres zones de clientèle. Les résultats de l'enquête de la Commission confirment globalement cette constatation.

C. Marché unique du minerai de fer transporté par mer

(150) Il convient de déterminer s'il y a lieu d'effectuer une distinction entre les principales zones de clientèle "par mer", en particulier entre l'Europe occidentale et l'Asie de l'Est. Il existe, en outre, des raisons de penser que l'Europe occidentale s'intègre dans un marché par mer "atlantique" plus vaste, étant donné les similarités entre les conditions de l'offre et de la demande dans cette région élargie (et notamment les coûts de transport). Il n'est cependant pas nécessaire de se prononcer sur l'existence de ce marché géographique, car l'appréciation de l'opération au regard du droit de la concurrence serait pratiquement identique dans une telle hypothèse. En effet, hors d'Europe occidentale, les seuls consommateurs "atlantiques" importants de minerai de fer transporté par mer se situent aux États-Unis dans la région du Golfe du Mexique et dans l'est du Canada, mais les quantités consommées sont relativement faibles.

(151) Il n'est pas nécessaire de définir plus précisément l'étendue des marchés du minerai de fer destiné à la réduction directe, car : i) il n'y a qu'un seul acheteur en Europe occidentale; ii) cet acheteur fait partie d'un groupe qui possède des usines de production de fer de réduction directe sur plusieurs continents; iii) l'opération déboucherait sur la création d'une position dominante quelle que soit la définition du marché géographique. Par conséquent, le minerai de fer destiné à la réduction directe ne sera pas examiné de manière plus approfondie dans la présente section.

(152) Dans sa communication des griefs, la Commission avait considéré provisoirement qu'il pouvait exister un marché du minerai de fer couvrant l'Europe occidentale, parce que : i) la demande des clients d'Europe occidentale est différente de celle des clients d'autres zones (en particulier, les proportions de fines, de morceaux et de pellets sont différentes de celles demandées en Asie de l'Est); ii) les coûts de transport ont une incidence sur la compétitivité et sur l'intérêt pour les fournisseurs, du point de vue de la concurrence, de vendre en Europe occidentale, ce qui rend les conditions de vente en Europe occidentale différentes de ce qu'elles sont dans d'autres zones de clientèle "par mer"; iii) [...]*.

(153) Dans leur réponse, les parties ont renoncé à leur position initiale selon laquelle il fallait considérer que le marché géographique en cause est constitué par la production totale de minerai de fer, et elles admettent à présent qu'il s'étend au moins au marché mondial des ventes de minerai de fer transporté par mer. Cependant, elles contestent l'existence d'un marché de l'Europe occidentale/ atlantique, essentiellement sur la base de l'étude économique réalisée par leur consultant.

(154) Premièrement, les parties (et leur consultant) estiment que la Commission n'a pas correctement appliqué les principes de base pour la définition du marché géographique tels qu'ils sont énoncés dans la communication de la Commission. Selon le consultant des parties, la définition du marché géographique est fondée sur l'identification de régions de production que les clients considèrent comme sources d'approvisionnement effectives. Cette méthode est celle décrite au point 13 de la communication (33), qui précise que "cet exercice de définition du marché consiste, fondamentalement, à identifier les autres sources réelles d'approvisionnement auxquelles les clients des entreprises en cause peuvent recourir, tant sous l'angle des produits ou des services que ces autres fournisseurs proposent que du point de vue de leur localisation géographique".

(155) Deuxièmement, les parties fournissent des indications selon lesquelles les producteurs de minerai de fer brésiliens, canadiens, australiens, sud-africains, mauritaniens et autres sont des concurrents effectifs en ce qui concerne les ventes aux aciéries d'Europe occidentale. Elles invoquent notamment le fait que tous ces producteurs fournissent des volumes importants à des aciéries d'Europe occidentale, qu'ils sont en mesure de vendre de manière rentable dans cette zone et qu'il existe une certaine alternance entre les fournisseurs.

(156) Troisièmement, les parties affirment également que la base sur laquelle la Commission se fonde dans sa communication des griefs pour définir un marché étroit n'a que peu d'importance, voire aucune, pour l'évaluation des contraintes concurrentielles existant entre les producteurs de minerai de fers brésiliens et non brésiliens en ce qui concerne les ventes à des aciéries données. Elles estiment notamment que les différences indiquées dans la communication des griefs (comme la base sur laquelle les prix sont convenus, les différences existant dans la demande, etc.) s'imposent à tous les producteurs de minerai de fer de la même manière, indépendamment de leur localisation.

(157) En résumé, les parties considèrent que tous les producteurs de minerai de fer transporté par mer (ainsi que certains producteurs locaux d'Europe occidentale) sont effectivement à même de concourir pour les ventes en Europe occidentale. Ce qui démontre, selon elles, que l'Europe occidentale est une partie d'un marché mondial.

(158) La méthode appliquée par la Commission a consisté à vérifier si les prix et les conditions contractuelles des ventes en Europe occidentale étaient déterminées par la demande et l'offre spécifiques à cette région, ou s'ils étaient fixés sur la base des conditions de concurrence à un niveau plus étendu (34).

(159) Après avoir examiné de manière approfondie la réponse des parties, la Commission constate que malgré les conditions de demande et d'offre quelque peu différentes qui règnent en Europe occidentale, ces différences ne sont pas suffisantes pour justifier l'existence de marchés géographiques étroits. Ainsi que le font observer les parties, la plupart des fournisseurs de minerai de fer transporté par mer vendent leurs produits dans la plupart des zones de clientèle concernées, et la plupart des acheteurs de ce type de minerai de fer s'approvisionnent auprès des plus grands producteurs (essentiellement des entreprises australiennes, brésiliennes et canadiennes). Par conséquent, des marchés géographiques étroits ne sauraient exister que si les fournisseurs de minerai de fer avaient la capacité de distinguer entre plusieurs zones de clientèle et s'ils avaient intérêt à le faire. Il ressort des résultats de l'enquête approfondie de la Commission que malgré les conditions d'offre et de demande légèrement différentes en Europe occidentale, il n'existe pas d'indices d'une telle distinction de nature à établir l'existence de marchés géographiques étroits au sein des zones de clientèle dépendant d'un approvisionnement par mer.

(160) Le fait que, d'une part, les niveaux de prix et les conditions contractuelles soient effectivement fondées sur les conditions du marché global du minerai de fer transporté par mer et ne soient pas déterminés d'une manière significative par des facteurs locaux, et que, d'autre part, ils soient le résultat de cette situation, constitue à cet égard un élément déterminant. Premièrement, comme indiqué ci-dessus, les prix de référence sont établis sur la base des négociations qui ont lieu dans les deux principales zones de clientèle (Europe occidentale et Asie de l'Est). Ces négociations prennent en considération la situation de concurrence au niveau mondial et les prix de référence reflètent par conséquent l'équilibre global entre l'offre et la demande dans le secteur de minerai de fer transporté par mer.

(161) [...]*

(162) En outre, l'une des principales sources de concurrence dans le secteur du minerai de fer (la recherche de débouchés suffisants pour mener à bien des projets d'extension des capacités) milite fortement contre la définition de marchés géographiques plus étroits. L'enquête de la Commission montre que l'un des principaux défis auxquels sont confrontés les fournisseurs de minerai de fer consiste à acquérir une clientèle suffisante pour soutenir les investissements considérables que requièrent les programmes d'extension des capacités. Cela est d'autant plus vrai que les nouveaux projets ne concernent pas nécessairement la même qualité de minerai que celle déjà offerte (35), de sorte que les producteurs doivent convaincre leurs clients de surmonter leurs réticences et de modifier leur mélange. Dans ce contexte, les fournisseurs sont fortement incités à se battre pour acquérir le plus possible de clients. Étant donné le coût élevé en capital des programmes d'extension des capacités, il ne serait pas rentable d'accepter, dans une zone de clientèle importante, de perdre des volumes en échange d'une augmentation de prix modérée.

(163) En résumé, la Commission considère donc que, bien qu'il existe des indices selon lesquels les conditions de l'offre et de la demande diffèrent quelque peu en Europe occidentale et en l'Asie de l'Est, ces indices ne dénotent pas des différences suffisantes pour permettre de caractériser le marché d'Europe occidentale comme distinct aux fins de la définition de l'étendue géographique des marchés en cause. Par conséquent, il n'y a pas lieu de subdiviser les diverses zones de clientèle du minerai de fer transporté par mer.

D. Conclusion

(164) La Commission considère, en conséquence, que les marchés géographiques en cause aux fins de l'espèce sont les divers marchés de vente des différents types de minerai de fer dans toutes les zones de clientèle du minerai de fer transporté par mer. La Commission se fondera, pour calculer les parts de marché, sur la totalité des ventes de minerai de fer transporté par mer, qui, malgré le fait qu'elles incluent des ventes par mer (limitées) à des zones de clientèle locales, fournissent une approximation acceptable pour les ventes à toutes les zones de clientèle "par mer".

VII. APPRÉCIATION AU REGARD DES RÈGLES DE CONCURRENCE

(165) Conformément à l'article 2, paragraphe 3, du règlement (CEE) n° 4064-89, une opération de concentration qui crée ou renforce une position dominante ayant comme conséquence qu'une concurrence effective serait entravée de manière significative dans le Marché commun ou une partie substantielle de celui-ci doit être déclarée incompatible avec le Marché commun.

(166) La Cour de justice (36) a défini la notion de position dominante comme une situation de puissance économique détenue par une entreprise qui lui donne le pouvoir de faire obstacle au maintien d'une concurrence effective sur le marché en cause en lui fournissant la possibilité de comportements indépendants dans une mesure appréciable vis-à-vis de ses concurrents, de ses clients et, finalement, des consommateurs.

(167) L'existence d'une position dominante peut résulter de plusieurs facteurs qui, pris isolément, ne seraient pas nécessairement déterminants; parmi ces facteurs, l'existence de parts de marché d'une grande ampleur est hautement significative. En outre, le rapport entre les parts de marché détenues par les entreprises parties à la concentration et par leurs concurrents, en particulier ceux qui les suivent immédiatement, constitue un indice valable de l'existence d'une position dominante (37).

(168) Les facteurs pris en considération pour parvenir à la conclusion préliminaire selon laquelle l'opération notifiée crée ou renforce une position dominante sur les marchés de la vente de pellets et de fines de minerai de fer dans l'EEE sont exposés ci-après. La Commission n'ayant pas de griefs à faire valoir contre l'incidence de l'opération sur le marché du minerai en morceaux, ce produit ne sera plus examiné dans le présent document.

Parts de marché

(169) Sur la base des ventes totales de minerai de fer transporté par mer en 2000, les parts de marché des parties et de leurs principaux concurrents peuvent être établies comme suit :

EMPLACEMENT TABLEAU

Part de la capacité mondiale d'extraction de minerai de fer transporté par mer

(170) Le tableau ci-après indique la part de chacun des principaux fournisseurs dans la capacité totale d'extraction de minerai de fer transporté par mer.

EMPLACEMENT TABLEAU

A. Position dominante dans les pellets

(171) L'opération créera des chevauchements dans le segment des pellets, car CVRD (directement et par l'intermédiaire des participations de contrôle qu'elle détient dans d'autres entreprises comme Ferteco, Samarco et GIIC) et Caemi(par l'intermédiaire de sa participation de contrôle conjoint au sein de QCM, un producteur canadien de pellets) sont présentes sur ce marché et vendent du minerai transporté par mer à des clients du monde entier.

Parts de marché

EMPLACEMENT TABLEAU

(172) Dans leur réponse, les parties ont contesté le calcul des parts de marché utilisé par la Commission dans la communication des griefs. Un examen de l'exposé des parties révèle que la différence entre les calculs des parties et ceux de la Commission est due au fait que les parties ont omis de déduire du total du marché les ventes internes effectuées par les entreprises communes brésiliennes (contrôlées conjointement par CVRD) à leurs sociétés mères. Ces ventes internes n'ayant été soumises ni aux conditions du marché, ni à aucune forme de concurrence, la Commission considère qu'elles doivent être exclues du volume du marché. En outre, il ne serait pas logique d'exclure ces ventes du volume des ventes de CVRD et d'en tenir compte dans le volume total du marché. Les chiffres qui résultent de cette méthode de calcul figurent dans le tableau ci-dessus.

(173) Il ressort de la répartition du marché décrite ci-dessus que l'opération soulève des préoccupations en matière de concurrence en ce qui concerne l'offre de pellets de minerai de fer transportés par mer. La part de marché de [40-50]* % détenue par CVRD s'additionnerait à la part de [5-10]* % de Caemi (obtenue en prenant en considération les ventes de pellets de sa filiale canadienne Québec Cartier Mining), et donnerait une part de marché cumulée de [45-60]* %.En outre, CVRD/Mitsui/ Caemi contrôlerait la totalité de la production brésilienne de pellets, et, partant, de pellets exportés du Brésil vers toutes les destinations "par mer". Les concurrents les plus proches de la nouvelle entité détiendraient des parts considérablement plus faibles du marché des pellets : Río Tinto (44), [10-20]* % et LKAB, 13 %.

(174) Cette position dominante apparente s'observe également en ce qui concerne la capacité, puisque l'entité issue de l'opération contrôlerait en outre [50-60]* % de la capacité de production mondiale actuelle(2000) de pellets transportés par mer et [50-60]* % de la même capacité prévue en 2005. La part de la nouvelle entité dans la capacité de production est nettement supérieure à celle de ses concurrents les plus proches et le restera dans un avenir prévisible : la capacité de production mondiale actuelle de pellets de Río Tinto est estimée à environ [10-20]* % et devrait atteindre environ [10-20]* % en 2005; celle de LKAB est estimée à environ 18 % actuellement et devrait tomber à environ 17 % en 2005. La capacité actuelle et future de BHP ([10-20]* % aujourd'hui et [10-20]* % en 2005) dépend dans une large mesure de sa participation de 50 % dans Samarco, son entreprise commune avec CVRD.

(175) Sur cette seule base, il semble au moins que l'opération crée une position dominante sur le marché de la vente de pellets de minerai de fer dans toutes les zones de clientèle "par mer", voire renforce une position dominante existante de CVRD sur ce marché.

Incidence concurrentielle limitée exercée par les fournisseurs existants de minerai de fer transporté par mer

(176) Les résultats de l'enquête de la Commission démontrent clairement que les fournisseurs existants ne seront pas en mesure d'influer suffisamment sur le comportement concurrentiel de la nouvelle entité.

Avantages concurrentiels de la nouvelle entité

(177) Tout d'abord, la nouvelle entité jouira de plusieurs avantages concurrentiels qui lui permettront de dominer ses concurrents. Elle disposera notamment des plus grandes réserves et des plus faibles coûts de production du secteur.

(178) Selon le rapport AME (45), la structure de coûts des principaux producteurs de pellets peut être résumée de la façon présentée dans le tableau ci-après. Les coûts indiqués dans le tableau ne prennent pas en considération l'amortissement des actifs et donnent par conséquent une bonne approximation des coûts marginaux.

EMPLACEMENT TABLEAU

(179) Comme il ressort du tableau, CVRD dispose déjà de la base de coûts la moins élevée du secteur, tant en fab qu'en caf. Comme elle possède également les plus grandes réserves au Brésil, elle est en mesure de compromettre de manière significative la viabilité des autres fournisseurs de pellets si ceux-ci devaient menacer ses intérêts. L'acquisition de QCM ne fera qu'accroître la gamme de mesures de représailles dont elle dispose, en lui permettant d'acquérir une part importante de la capacité de production de pellets de qualité canadienne, c'est-à-dire plus ou moins la même qualité de pellets que celle fournie par IOC, le principal concurrent de CVRD (avec LKAB). Cela pourrait permettre à CVRD de mettre en œuvre des mesures de concurrence sélective à l'encontre de IOC. La nouvelle entité pourrait également exploiter à son profit le fait que IOC/Río Tinto et LKAB ne fournissent pas de pellets à des clients situés hors de la région atlantique.

(180) Dans leur réponse, les parties (et leur consultant) affirment que ce raisonnement comporte deux défauts : d'une part, il est fondé sur l'hypothèse selon laquelle CVRD peut soumettre ses concurrents en accroissant sa capacité, hypothèse qui, d'un point de vue économique, n'est pas défendable (car la nouvelle capacité ainsi créée aurait pour effet de faire baisser les prix pendant une longue période, et non uniquement pendant la brève période nécessaire à toute opération de "soumission"); d'autre part, des mesures de représailles destinées à compromettre la viabilité d'autres fournisseurs suppose que ces entreprises peuvent être évincées du marché, ce qui n'est pas le cas étant donné le caractère essentiellement "à frais fixes" de la production de minerai de fer.

(181) La Commission ne partage pas cette analyse. Rien n'indique que des "mesures de représailles" (ou disciplinaires) soient efficaces uniquement dans les situations où des concurrents peuvent être évincés du marché. Ainsi, si certains concurrents exercent une concurrence significative par les prix vis-à-vis de la nouvelle entité, CVRD peut répliquer en exerçant une pression à la baisse sur les prix de référence annuels de manière à occasionner des pertes à ses concurrents alors qu'elle-même maintient sa rentabilité (grâce à sa structure à faible coût). Il s'ensuit que CVRD n'a pas besoin d'accroître ses capacités ou d'éliminer des concurrents pour faire régner la discipline parmi eux. En toute hypothèse, il convient de relever que selon les estimations des parties, la demande totale de pellets transportés par mer devrait s'accroître considérablement (47) dans un avenir proche. Dans ce contexte, une extension de la capacité de CVRD ne serait pas irrationnelle sur le plan économique, car l'accroissement de la demande réduirait rapidement la capacité excédentaire qui en résulterait (et, partant, la baisse de prix induite par celle-ci).

(182) Avant l'opération, le leadership concurrentiel de CVRD se reflétait déjà dans le fait que c'était habituellement elle qui fixait le prix de référence pour les pellets. Selon des informations communiquées par les parties (48), CVRD et Samarco ont fixé le prix de référence à quatre reprises au cours des sept dernières années (IOC l'ayant fixé dans les trois autres cas).

Taux élevé d'utilisation des capacités

(183) Si CVRD tentait de relever les prix des pellets, soit en fixant des prix de référence plus élevés, soit en accordant des ristournes moins importantes, les acheteurs ne pourraient s'y opposer qu'en obtenant des quantités plus importantes auprès d'autres producteurs. Les résultats de l'enquête de la Commission indiquent cependant que, dans une large mesure, cette possibilité n'existe pas, essentiellement parce qu'aucun nouvel atelier de pelletisation n'a été ouvert en 1999 ou 2000, et que le taux moyen d'utilisation des capacités de production de pellets s'est élevé, au niveau mondial, à 92 % en 2000 (par rapport à 85 % en 1985) (49). Deux grandes entreprises sidérurgiques européennes contactées par la Commission dans le cadre de son étude de marché ont d'ailleurs signalé avoir parfois éprouvé des difficultés à s'approvisionner en pellets, au moins pour répondre à un besoin à court terme ou à une urgence.

(184) Dans leur réponse, les parties ont indiqué que l'année 2000 avait été marquée, de façon inattendue, par une demande exceptionnellement élevée et que, en 2001 et 2002, la demande devrait être nettement plus faible. Elles en déduisent que la demande de pellets ne devrait pas être limitée par l'offre ces prochaines années. Les résultats de l'enquête ne corroborent pas ces affirmations. Une communication effectuée en novembre 2000 par CVRD et JP Morgan montrait notamment que la demande de pellets transportés par mer devrait connaître une croissance continue entre 2000 et 2005 en raison de facteurs structurels tels que : i) la part croissante des fours à arc dans la capacité mondiale de production d'acier; ii) l'accroissement de la production de fer de réduction directe; iii) la fermeture d'ateliers d'agglomération et la construction de hauts fourneaux sans capacité d'agglomération, et iv) le recours croissant à l'injection de charbon pulvérisé. De même, les résultats de CVRD aux premier et second trimestres de 2001 attestent une hausse des ventes de pellets par rapport à 2000. Enfin, une communication de Merrill Lynch et CVRD de mai 2001 explique que "de nouvelles tendances dans la production de fer et d'acier gonflent la demande de pellets ".

(185) Il est également probable que cette situation d'offre tendue se perpétue, voire se détériore encore dans un avenir prévisible. Bien qu'une augmentation de la capacité soit prévue à brève échéance, elle ne fera que répondre à la hausse prévue de la demande. Des informations communiquées par les parties indiquent, par exemple, que, en raison d'une hausse attendue de la demande de pellets, la demande totale de minerai transporté par mer pourrait, d'ici 2005, être supérieure à la capacité totale.

(186) Dans ce contexte, il paraît hautement improbable que les clients puissent passer d'un fournisseur à un autre si CVRD tentait de relever les prix ou de réduire le montant des ristournes. On peut en outre se demander si les fournisseurs concurrents sont incités à se confronter à CVRD, étant donné qu'ils produisent déjà pratiquement à pleine capacité et qu'ils s'exposeraient à des mesures de représailles de la part de CVRD.

(187) De plus, les résultats de l'enquête de la Commission montrent que si CVRD peut accroître sa capacité et accéder à des réserves de grande qualité à coût réduit, ce n'est peut-être pas le cas de ses concurrents actuels. CVRD bénéficie de coûts d'exploitation et d'extension de ses capacités moins élevés que ceux de tous ses concurrents pour la fourniture de pellets en Europe occidentale, ce que lui confère un avantage concurrentiel certain par rapport à eux. À la suite de l'opération, CVRD/Mitsui/ Caemi contrôlerait en outre la plus grande partie des réserves de meilleure qualité adaptées à la production de pellets d'alimentation dans la zone atlantique (soit toutes les réserves brésiliennes et une grande partie des réserves canadiennes pouvant convenir). CVRD à l'intention d'étendre sa capacité de production de pellets en construisant un atelier de pelletisation à proximité du port en eaux profondes de São Luís au Brésil (qui sert actuellement pour les mines de Carajas dans le "système Nord" de CVRD). L'atelier devrait être mis en service dans le courant de l'année 2002 et accroîtrait la capacité de production de pellets de la nouvelle entité d'environ 6 mt par an. Ferteco (qui fait aujourd'hui partie de CVRD) a en outre l'intention de construire un deuxième atelier de pelletisation. Sa capacité de production de pellets en serait doublée et s'élèverait à 8,5 mt par an. Cette nouvelle usine doit être terminée en 2004 (50).

(188) Ces projets d'extension des capacités permettront à la nouvelle entité de faire face à la croissance attendue de la demande de pellets dans les zones de clientèle "par mer", à des coûts plus faibles que ne pourra le faire aucun des concurrents de l'entreprise. CVRD bénéficiera en particulier d'économies d'échelle et d'envergure, de synergies et d'une réduction des coûts d'extraction que ses concurrents sur le marché de la fourniture de pellets aux zones de clientèle "par mer" ne pourront pas atteindre.

(189) À titre de comparaison, les seuls fournisseurs indépendants de pellets transportés par mer de quelque importance sont IOC (Río Tinto) et LKAB, dont les mines se situent, respectivement, au Canada et en Suède, et qui n'approvisionnent que des clients de la zone atlantique. Le niveau actuel d'utilisation des capacités de ces deux entreprises en matière de pelletisation limiterait leur capacité de faire face à un accroissement de la demande de pellets. D'une part, le taux d'utilisation des capacités des deux entreprises a été proche de 90 % en 2000. En tenant compte d'éventuelles interruptions (dues, par exemple, à des tempêtes ou à des goulets d'étranglement dans le circuit de l'offre), cela signifie que, dans les faits, elles opèrent à pleine capacité. D'autre part, même s'ils cherchaient à accroître leur capacité, par exemple dans l'hypothèse d'une augmentation de prix instaurée par la nouvelle entité, l'étude du marché réalisée par la Commission a montré qu'une telle réaction demanderait au moins trois ans (deux ans pour la construction et un an pour une étude de faisabilité). De plus, une décision d'investir dans de nouvelles capacités ne pourrait sans doute être prise qu'une fois ces concurrents convaincus du caractère durable d'une telle augmentation de prix (soit un délai supplémentaire).

(190) Selon l'un des principaux fournisseurs de minerai de fer avec lesquels la Commission a pris contact dans le cadre de son étude du marché, LKAB "aurait beaucoup de mal à justifier" une extension de ses capacités étant donné les coûts élevés auxquels elle doit faire face. Le fait qu'elle soit située en Suède la place notamment dans une situation de désavantage en ce qui concerne les coûts de la main-d'œuvre et ceux liés aux obligations en matière de protection l'environnement. L'entreprise a indiqué elle-même qu'elle serait disposée à investir dans de nouvelles capacités à moyen et à long terme si elle "constatait un accroissement de la demande à long terme avec un taux acceptable de rentabilité des capitaux investis". LKAB a cependant confirmé qu'elle ne disposait pas actuellement de la capacité de réserve nécessaire pour contrecarrer une éventuelle augmentation de prix lancée par CVRD/Mitsui/Caemi.

(191) L'étude du marché réalisée par la Commission a également révélé que, même si IOC (Río Tinto) doit disposer, d'ici 2004, d'une capacité supplémentaire de 4,5 mt (1,3 million de tonnes d'ici 2002) (résultant de la rénovation de l'un de ses ateliers de pelletisation), cela lui permettra au mieux de répondre à l'accroissement de la demande de ses clients actuels. Il serait par conséquent extrêmement improbable que l'extension de ses capacités soit suffisante pour s'opposer à une augmentation de prix éventuellement mise en œuvre par la nouvelle entité.

(192) Dans leur réponse, les parties indiquent que ce n'est pas CVRD, mais QCM, LKAB et IOC qui possèdent le plus de capacités excédentaires. Par conséquent, estimentelles, et malgré le fait que certains producteurs de pellets (comme LKAB) ne disposent pas de la capacité de réserve suffisante pour remplacer entièrement CVRD, chacun de ces concurrents est effectivement en mesure de lui ravir des volumes importants et, partant, d'influer sur le comportement concurrentiel de la nouvelle entité. La Commission ne partage pas cette analyse. Premièrement, sur les trois sources indépendantes citées par les parties (QCM, LKAB et IOC), deux seulement subsisteront après l'opération, puisque QCM est contrôlée conjointement par Caemi. Deuxièmement, comme indiqué précédemment, tout capacité excédentaire que détiennent actuellement IOC et LKAB va diminuer à brève échéance avec l'accroissement de la demande. Troisièmement, l'argument présenté par les parties ne prend pas en considération les avantages concurrentiels dont bénéficie la nouvelle entité, ni sa capacité d'imposer sa volonté au marché. Le fait que CVRD ait un meilleur taux d'utilisation des capacités que ses concurrents prouve qu'elle possède déjà des avantages concurrentiels. Comme sa position sera encore renforcée par l'acquisition envisagée de QCM, la situation des concurrents existants (et leur capacité de faire pièce au comportement de CVRD) est susceptible de se dégrader encore davantage.

(193) Sur la base des considérations qui précèdent, la Commission estime que les fournisseurs actuels de pellets transportés par mer ne seront pas en mesure d'exercer une influence concurrentielle suffisante sur le comportement de marché de l'entité issue de l'opération.

Importance des obstacles à l'entrée sur le marché

(194) En outre, les résultats de l'enquête de la Commission établissent qu'une nouvelle implantation sur le marché des pellets transportés par mer, si elle a lieu, ne sera probablement pas suffisante et n'interviendra pas en temps utile pour dissuader la nouvelle entité d'exercer son pouvoir de marché. Comme un producteur indépendant de minerai de fer (qui ne produit pas de pellets pour le moment) l'a indiqué à la Commission, il n'envisage d'investir dans une capacité de production de pellets qu'à long terme (51); dans l'intervalle, cette entreprise estime que la nouvelle entité aurait tout loisir d'augmenter les prix et qu'aucun fournisseur actuel n'est en mesure de s'y opposer. Pour les mêmes raisons, l'entrée sur le marché (de la fourniture de pellets dans les zones de clientèle "par mer") d'autres producteurs de minerai de fer paraît hautement improbable.

(195) Comme indiqué précédemment, les obstacles à l'entrée sur les marchés du minerai de fer transporté par mer sont exceptionnellement importants. Les coûts de la construction de nouvelles mines et des infrastructures de transport nécessaires rendent plus ou moins impossible toute nouvelle entrée autre que par la voie d'une acquisition. Bien que l'extension des capacités de production actuelles de minerai de fer, notamment, dans le présent contexte, par la construction d'ateliers de pelletisation, soit davantage envisageable, les coûts liés à la construction de ces usines n'en restent pas moins considérables et représentent plusieurs centaines de millions d'USD par installation. Pour les opérateurs autres que CVRD qui envisagent la construction d'un atelier de pelletisation adapté à l'approvisionnement des zones de clientèle "par mer", ces coûts seraient encore plus élevés, et on peut par conséquent en déduire que les concurrents potentiels de cette nature seraient extrêmement réticents à se lancer dans l'investissement, du moins à court ou moyen terme.

(196) De plus, les caractéristiques du minerai de fer australien rendent pratiquement toute la production inadaptée pour la pelletisation. Il ressort de l'étude du marché réalisée par la Commission qu'une augmentation de 10 % des prix des pellets par rapport au prix des fines ne serait pas suffisante pour justifier des investissements dans une capacité de pelletisation en Australie. Les coûts d'un tel investissement seraient élevés en raison de l'éloignement géographique des mines australiennes et parce que le concassage du minerai australien, vu sa dureté, requiert généralement une grande quantité d'énergie. Par conséquent, il n'existe de concurrence ni actuelle ni potentielle probable de la part des mines australiennes pour l'approvisionnement en pellets des zones de clientèle "par mer". Cette constatation exclut notamment BHP en tant que concurrent potentiel de la nouvelle entité, du moins dans un avenir prévisible (52). BHP ne dispose pas d'une capacité de production de pellets en Australie, et ne peut donc se substituer aux minerais brésiliens, du moins pas à court et moyen termes, car les acheteurs devraient procéder à une adaptation importante de leurs hauts fourneaux pour pouvoir utiliser un lit de fusion différent.

(197) Pour les raisons indiquées précédemment dans le cadre de la définition du marché géographique en cause, l'entrée sur le marché (de la vente de pellets dans les zones de clientèle "par mer") de producteurs de pellets des États-Unis, de Russie, d'Ukraine ou de Chine est également extrêmement improbable, et ne se produira certainement ni à court, ni à moyen terme.

Puissance d'achat compensatrice limitée et forte préoccupation des clients

(198) Comme indiqué précédemment, le secteur sidérurgique est nettement moins concentré que celui du minerai de fer. Pour la seule Europe, on compte sept consommateurs de minerai de fer. [...]*. Un examen comparatif des résultats des producteurs d'acier (pertes ou faibles marges) et des producteurs de minerai de fer transporté par mer (bénéfices élevés et augmentation des prix lors des deux derniers cycles de négociation) montre clairement que, avant même la réduction du nombre de producteurs de minerai de fer de premier plan, les sidérurgistes ont été incapables d'exercer une influence déterminante.

(199) Les réponses que la Commission a reçues de clients dans le cadre de son étude du marché confirment le caractère limité de la puissance d'achat des aciéries situées dans des zones de clientèle "par mer" en ce qui concerne les pellets. Pratiquement toutes les entreprises sidérurgiques contactées par la Commission ont indiqué qu'elles ne seraient pas en mesure de résister à une éventuelle hausse du prix des pellets introduite par la nouvelle entité, du moins à court ou à moyen terme. La plupart des entreprises ayant répondu à l'enquête ont confirmé que le marché des pellets était tendu et présentait peu de capacité de réserve du côté de l'offre, voire aucune, ce qui rend impossible tout exercice d'une puissance d'achat("impraticable sans autres possibilités d'achat", comme l'a formulé un client). Les clients ont également confirmé que toute capacité nouvelle serait lente à devenir opérationnelle.

(200) Dans leur réponse, les parties contestent la conclusion de la Commission concernant le caractère limité de la puissance d'achat des producteurs d'acier. Le consultant retenu par les parties a notamment identifié deux menaces qui, selon lui, confèrent aux clients une puissance d'achat significative vis-à-vis des fournisseurs de pellets. Il s'agit de la capacité des aciéries, d'une part, à passer d'un fournisseur à l'autre et, d'autre part, à soutenir le développement de nouvelles capacités de production chez les producteurs de pellets concurrents.

(201) La Commission ne considère pas que ces éléments confèrent une quelconque puissance d'achat effective aux acheteurs. Il est évident que les clients peuvent changer de fournisseur, comme dans n'importe quel autre secteur. Cependant, la puissance d'achat qu'ils peuvent tirer de ce comportement dépend de l'importance de chaque client vis-à-vis de la nouvelle entité. Ce n'est que si les clients représentent une partie substantielle des ventes de la nouvelle entité, et si celle-ci ne peut aisément trouver d'autres débouchés, que la menace d'un changement de fournisseur peut être considérée comme déterminante. Les résultats de l'enquête montrent que ce n'est pas le cas, à la fois parce que l'industrie sidérurgique est beaucoup moins concentrée que le secteur du minerai de fer et parce que l'existence de faibles capacités excédentaires signifie que les producteurs de pellets pourraient trouver assez aisément de nouveaux débouchés pour leur production.

(202) Il est également exact que les clients peuvent décider de soutenir le développement d'une capacité de production de pellets chez des fournisseurs concurrents. Cependant, ainsi que la Commission l'a indiqué précédemment, il apparaît que, dans une large mesure, ce ne sera pas le cas, car, premièrement, il faudrait un grand nombre de clients pour financer une capacité supplémentaire suffisante pour influer sur le comportement concurrentiel de la nouvelle entité; deuxièmement, CVRD prévoit déjà d'accroître sa capacité, ce qui atténue l'intérêt pour les clients de financer la construction de nouveaux ateliers de pelletisation; troisièmement, comme le montre la création des entreprises communes brésiliennes entre CVRD et des acheteurs de minerai transporté par mer, les acheteurs qui souhaitent créer de nouvelles capacités choisiront de préférence les régions où les coûts de production sont les plus faibles (à savoir, le Brésil), de manière à rentabiliser au maximum leur investissement; et quatrièmement, l'extension de la capacité de production de pellets pourrait se révéler moins aisée que ne le prétendent les parties, en raison, en particulier, de la nécessité de trouver des volumes suffisants de minerai adapté.

(203) Enfin, la Commission rappelle que des acheteurs ont exprimé de graves préoccupations concernant les effets de l'opération. Les marges bénéficiaires élevées que connaissent les producteurs (53) de minerai de fer indiquent sans ambiguïté également, par comparaison avec les faibles marges réalisées par leurs clients, en faveur de qui penche la balance. Ainsi qu'un acheteur l'a indiqué au cours de l'audition, ce que constatent les clients, c'est que les prix de l'acier ont tendance à diminuer, que les coûts de production du minerai de fer ont considérablement été réduits ces dernières années, mais que les prix du minerai ne baissent pas.

Conséquences de l'opération

Élimination de QCM en tant que fournisseur indépendant

(204) En acquérant Caemi, CVRD supprime Québec Cartier Mining en tant que force concurrentielle dans l'approvisionnement de l'EEE en pellets. QCM détient une part de [10-20]* % du marché en cause, et son élimination réduit de quatre à trois le nombre de concurrents actuels.Cela s'ajoute à l'élimination récente (2001) par CVRD de Ferteco, [...]*, en tant que force concurrentielle. L'acquisition de Ferteco par CVRD avait réduit de cinq à quatre le nombre de fournisseurs indépendants de pellets transportés par mer.

(205) [...]*

Capacité de mettre en œuvre des mesures de concurrence sélective à l'encontre de IOC

(206) CVRD ne dispose pas, actuellement, d'une production de pellets de qualité canadienne. À la suite de l'opération notifiée, CVRD contrôlera QCM (conjointement avec IOC/Río Tinto, le principal fournisseur de cette qualité de pellets). La nouvelle entité pourra donc mettre en œuvre des mesures de concurrence sélective à l'encontre de IOC, en vue de réduire les incitations de celle-ci à étendre sa capacité de production de pellets. Ces mesures pourraient prendre la forme de [...]*, ou de subventionnements croisés entre les activités de production de pellets de CVRD et de QCM. La compétitivité de IOC dans la vente de pellets dans l'EEE s'en trouverait gravement affectée. L'étude du marché réalisée par la Commission a montré qu'il existait une certaine alternance des clients entre IOC et QCM en ce qui concerne l'approvisionnement en pellets, selon la compétitivité des offres reçues de l'un ou de l'autre fournisseur.

CVRD est susceptible d'imposer ses prix

(207) CVRD est déjà en position de tête pour la fixation des prix des pellets vendus dans les zones de clientèle "par mer". Ces dernières années, les prix de référence ont été fixés sur la base de prix convenus avec CVRD. Cette position de tête est susceptible d'être renforcée à la suite de l'acquisition de QCM (qui fait suite à la récente acquisition de Ferteco) par CVRD, étant donné la part plus grande des ventes de pellets dans les zones de clientèle "par mer" que détiendra la nouvelle entité, la réduction de cinq à trois, en quelques mois seulement, du nombre de fournisseurs indépendants de pellets, et des avantages concurrentiels, ainsi que des nouvelles sources de pouvoir de marché dont disposera la nouvelle entité. L'enquête de la Commission a confirmé la probabilité d'une telle évolution. Les fournisseurs aussi bien que les clients ont indiqué que d'autres fournisseurs de pellets des zones de clientèle "par mer" seraient susceptibles de s'aligner sur toute augmentation de prix éventuellement introduite par CVRD/Mitsui/Caemi.Ces fournisseurs, étant donné le niveau plus élevé de leurs coûts et l'impossibilité d'étendre leur capacité de production à court terme, seraient davantage incités à porter leurs prix au "nouveau niveau du marché" qu'à engager une concurrence sur les prix à un niveau inférieur à ceux proposés par CVRD/Mitsui/Caemi.

Augmentation des prix [...]*

(208) En raison du pouvoir de marché accru que lui confère sa nouvelle position, la nouvelle entité sera probablement en mesure de relever les prix réels. [...]*

Conclusion

(209) La Commission est par conséquent parvenue à la conclusion selon laquelle, pour les raisons exposées ci-dessus, l'opération donnerait lieu au moins à la création d'une position dominante, voire au renforcement d'une position dominante existante, en ce qui concerne l'approvisionnement en pellets de minerai de fer de toutes les zones de clientèle "par mer".

B. Position dominante sur d'éventuels marchés du minerai de fer destiné à la réduction directe

(210) Comme indiqué précédemment, il existe des indices convaincants selon lesquels le minerai de fer destiné à la réduction directe pourrait appartenir à des marchés de produit distincts, et l'incidence de l'opération sur ce produit doit être mesurée sur deux marchés, à savoir, d'une part, un marché des pellets destinés à la réduction directe et, d'autre part, un marché qui rassemble les pellets et les morceaux destinés à la réduction directe (en raison de l'existence d'une substituabilité à sens unique entre les morceaux et les pellets).

Position dominante sur le marché des pellets destinés à la réduction directe

(211) Les parts de marché pour les pellets destinés à la réduction directe figurent dans le tableau suivant. En raison de la rareté des informations publiées concernant ces ventes, le calcul des parts de marché a été réalisé sur la base du total des ventes marchandes dans le monde. Ces chiffres portent sur la production d'entreprises qui n'ont pas accès au marché du minerai transporté par mer, et il est possible, par conséquent, qu'ils sous-estiment la position réelle de la nouvelle entité sur le marché. Selon les informations fournies par un tiers, la part de marché cumulée des parties serait supérieure à 62 % sur la base de la capacité transportée par mer en 2001.

EMPLACEMENT TABLEAU

(212) La Commission est parvenue à la conclusion que, pour la plupart des raisons déjà exposées ci-dessus concernant les pellets, l'opération donnerait lieu au moins à la création d'une position dominante, voire au renforcement d'une position dominante existante, en ce qui concerne l'approvisionnement de toutes les zones de clientèle "par mer" en pellets destinés à la réduction directe. Les parts de marché sont en outre comparables à celle du total des ventes de pellets(voire plus élevées).

(213) Dans leur réponse, les parties ont indiqué qu'il n'existait pas, actuellement, de demande de fer de réduction directe dans l'EEE, la seule usine de réduction directe de la région (détenue par Ispat et située à Hambourg) étant fermée. Il est certes exact que l'usine d'Ispat a été fermée pendant plusieurs mois en 2001 [en raison des prix exceptionnellement élevés du gaz, qui ont affecté sa rentabilité (54)], mais elle a été exploitée sans autre interruption ces trente dernières années, et elle devrait reprendre rapidement ces activités.

(214) Enfin, les parties affirment, dans leur réponse, que les pellets destinés à la réduction directe de doivent pas être produits au départ des fines des meilleures qualités, si bien que tous les ateliers de pelletisation pourraient aisément s'implanter sur le marché de la réduction directe. Même s'il en était ainsi, l'appréciation de l'opération au regard des règles de concurrence ne s'en trouverait pas modifiée, car, ainsi que la Commission l'a indiqué précédemment, la nouvelle entité occuperait une position dominante sur le marché global des pellets transportés par mer.

Position dominante dans les pellets et les morceaux destinés à la réduction directe

(215) La Commission a montré, dans la section précédente, que l'opération créerait ou renforcerait une position dominante de la nouvelle entité dans le segment des pellets destinés à la réduction directe. On peut en déduire d'emblée des conclusions similaires concernant le marché global des morceaux et des pellets destinés à la réduction directe, les pellets représentant 78 % des ventes marchandes de minerai de fer destiné à ce procédé de fabrication. Il existe cependant aussi des indices convaincants selon lesquels la situation sur le marché des morceaux destinés à la réduction directe est très similaire à celle qui prévaut sur le marché des pellets.

(216) Dans le secteur de la réduction directe, on distingue traditionnellement les ventes "captives" (c'est-à-dire les ventes internes d'entreprises intégrées verticalement) et les ventes "marchandes" aux autres producteurs de fer de réduction directe. Cette distinction est également applicable pour le calcul des parts de marché : seules les ventes "marchandes" reflètent adéquatement le pouvoir de marché effectif des fournisseurs présents sur ce marché, car les ventes "captives" correspondent à des quantités qui ne sont pas réellement mises sur le marché, qui ne sont pas disponibles pour les producteurs de fer de réduction directe non intégrés et pour lesquelles ne s'exerce pas une véritable concurrence.

EMPLACEMENT TABLEAU

(217) Ainsi qu'il ressort du tableau ci-dessus, il n'existe actuellement que quatre fournisseurs sur le marché mondial des ventes marchandes : CVRD, MBR, NMDC et ISCOR. En fusionnant CVRD et MBR, l'opération envisagée réduit ce nombre à trois. De plus, ces trois fournisseurs ne sont pas dans la même situation : tandis que CVRD et MBR exportent une proportion importante de leurs morceaux de réduction directe, il apparaît que NMDC n'effectue pas de ventes hors d'Inde et que ISCOR vend déjà 100 % de sa capacité de production. L'incapacité de NMDC à vendre sur le marché à l'exportation ressort également du fait que malgré la capacité importante dont elle dispose (supérieure à 6 millions de tonnes), elle n'a pu vendre que 2 millions de tonnes en 2000.

(218) L'enquête de la Commission montre que la demande de fer de réduction directe (et, partant, de minerai de fer destiné à cet usage) devrait augmenter de manière spectaculaire dans un avenir rapproché (de 43,2 mt en 2000 à 60 mt en 2005), ce qui correspond à la croissance annuelle moyenne de 8 % enregistrée entre 1995 et 2000. Dans un tel contexte, le jeu de la concurrence sera en grande partie déterminé par la capacité des producteurs de morceaux de minerai de répondre à cette demande supplémentaire.

(219) Tandis que la nouvelle entité dispose déjà d'importantes capacités excédentaires qui lui permettent de faire face à cet accroissement de la demande, il apparaît clairement que NMDC n'est pas en mesure de vendre dans des conditions compétitives hors d'Inde. De plus, la capacité de ISCOR est déjà limitée, et l'extension prévue de ses capacités (de 10 %) ne lui permettra pas de répondre à l'augmentation attendue de 38 % de la demande de minerai de fer destiné à la réduction directe. De plus, l'étude du marché réalisée par la Commission a montré que le chiffre cité par Midrex ci-dessus concernant la capacité de ISCOR était sans doute quelque peu surestimé. Il s'ensuit que ces fournisseurs ne pourront pas influer suffisamment sur le comportement concurrentiel de la nouvelle entité.

(220) Les parties affirment que l'ensemble du secteur dispose de capacités excédentaires importantes et que d'autres fournisseurs pourraient par conséquent s'établir sur le marché des ventes marchandes si la nouvelle entité devait relever les prix ou diminuer les ristournes. Ce n'est cependant pas le résultat auquel a abouti l'enquête de la Commission. Il apparaît, d'une part, que MCR n'a pas accès à une infrastructure lui permettant d'expédier du minerai par mer : cette entreprise n'est reliée à aucun port, et ses produits sont essentiellement transportés à bord de péniches sur le Paraguay et le Parana, en vue d'être vendus dans les pays du Mercosur voisins (principalement l'Argentine). D'autre part, bien que CVG ait accès à une infrastructure de transport par mer, elle ne dispose que d'une capacité limitée (2,5 mt) de minerai destiné à la réduction directe, et la demande locale est importante : la totalité de la production vénézuélienne de fonte brute est obtenue par réduction directe (pour une capacité totale de 8,8 mt). Dans un tel contexte, et eu égard au fait que CVG détient des participations dans la plupart des entreprises vénézuéliennes productrices de fer de réduction directe, il semble hautement improbable que cette entreprise puisse destiner au marché du minerai de fer transportés par mer un volume supplémentaire suffisant pour influer sur le comportement concurrentiel de la nouvelle entité. En outre, rien n'indique qu'un quelconque nouveau producteur de minerai en morceaux puisse s'établir sur le marché, étant donné la nature très particulière des morceaux utilisables pour la réduction directe.

(221) Il s'ensuit que, dans la pratique, les conditions de concurrence sur le marché des ventes marchandes de minerai en morceaux destiné à la réduction directe dépendent essentiellement de la rivalité entre les fournisseurs qui disposent, d'une part, d'une capacité excédentaire suffisante et, d'autre part, d'un accès à une infrastructure de transport par mer, à savoir MBR et Ferteco. Cette constatation est encore confirmée par le plus gros acheteur de minerai de fer destiné à la réduction directe (et unique consommateur en Europe occidentale), qui a indiqué qu'il dépendait essentiellement des livraisons de ces deux entreprises. En unissant ces deux entreprises, l'opération envisagée mettra fin à cette rivalité, et aboutira par conséquent à la création d'une position dominante sur ce marché. L'argument des parties selon lequel actuellement, MBR ne vend pas, en Europe occidentale, de morceaux de minerai destinés à la réduction directe doit être rejeté, car cette entreprise serait aisément en mesure de le faire (comme le montrent clairement les livraisons qu'elle a déjà effectuées) et parce qu'elle est la seule solution de remplacement crédible pour les clients de CVRD en Europe occidentale.

(222) En considération de ce qui précède, la Commission est par conséquent parvenue à la conclusion selon laquelle l'opération donnerait lieu au moins à la création d'une position dominante, voire au renforcement d'une position dominante existante, en ce qui concerne un éventuel marché de la vente de morceaux de minerai et de pellets destinés à la réduction directe dans toutes les zones de clientèle "par mer".

C. Absence de position dominante dans les fines

(223) Tant CVRD (directement et par l'intermédiaire de ses participations de contrôle dans Ferteco, Samitri, Samarco, etc.) que Caemi (par l'intermédiaire de ses participations de contrôle dans MBR et QCM) sont présentes dans ce secteur et vendent des produits à des clients "par mer". Dans la décision qu'elle a adoptée le 3 juillet 2001, au titre de l'article 6, paragraphe 1, point c), du règlement (CEE) n° 4064-89, la Commission a émis des doutes sérieux quant à la compatibilité de l'opération avec le Marché commun en raison du risque de création ou de renforcement d'une position dominante collective sur ce marché. Pour les raisons décrites ci-après, ces doutes ont pu être écartés dans le cadre de l'examen approfondi de l'affaire.

Parts de marché

EMPLACEMENT TABLEAU

Absence de position dominante individuelle

(224) Il n'y a pas d'indice, malgré les parts de marché relativement importantes que possédera la nouvelle entité, de ce que l'opération est susceptible de créer ou de renforcer une position dominante individuelle de la nouvelle entité sur le marché des fines vendues dans les zones de clientèle "par mer". La pression concurrentielle d'autres grands fournisseurs, en particulier Río Tinto ([20-30]* % des ventes) et BHP ([10-20]* % des ventes) continuera de s'exercer sur la nouvelle entité. La compétitivité de ces deux fournisseurs peut également se déduire de leurs structures de coût, qui ne sont pas essentiellement différentes de celle de CVRD (et qui sont inférieures à celles de MBR). Le taux élevé d'utilisation des capacités de BHP ([...]* %) et de Río Tinto ([...]* %), qui sont supérieurs à ceux de CVRD ([...]* %) et de Caemi ([...]* %), ainsi que l'existence d'une alternance importante des clients entre des produits d'origine différente, ainsi que les parties l'ont souligné dans leur réponse, confirment encore cette constatation.

Absence de position dominante collective

(225) Dans sa décision du 3 juillet 2001, la Commission a émis des doutes sérieux quant à la compatibilité de l'opération avec le Marché commun en raison du risque de création d'une position dominante collective des trois principaux fournisseurs de minerai de fer transporté par mer, à savoir CVRD, BHP et Río Tinto.

(226) Dans sa décision, la Commission a notamment relevé les quatre éléments suivants : i) les parts de marché cumulées élevées et croissantes de ces trois opérateurs ([...]* % du total de la demande de minerai de fer transporté par mer à l'issue de l'opération envisagée); ii) la légèreté et la comparabilité de leurs structures de coût, en particulier par rapport à celles d'autres fournisseurs de minerai de fer transporté par mer; iii) la grande transparence du marché en ce qui concerne les prix de référence et les volumes, et iv) la stabilité de la demande.

(227) Dans ce contexte, la Commission a craint que les trois principaux fournisseurs de minerai de fer puissent avoir des intérêts convergents et que cette situation aboutisse à un comportement anticoncurrentiel concerté. Dans la pratique, la Commission a examiné trois mécanismes différents qui pourraient déboucher sur une position dominante collective : i) un comportement concerté dans les négociations sur les prix de référence (CVRD, Río Tinto et BHP sont généralement les entreprises qui fixent le prix en Europe occidentale et au Japon); ii) la possibilité que ces entreprises se concentrent sur leur marché "naturel" (la région où elles bénéficient d'avantages en matière de coûts de transport, à savoir l'Asie de l'Est pour les fournisseurs australiens et l'Europe occidentale pour la nouvelle entité), et iii) une limitation de l'extension des capacités.

(228) L'enquête a permis de mettre au jour plusieurs raisons structurelles qui rendent difficilement défendable l'hypothèse d'une position dominante collective. Premièrement, les clients et les concurrents des parties ont régulièrement indiqué qu'il existait une concurrence importante entre les deux fournisseurs australiens, qui vendent les mêmes types de produits et qui sont en concurrence effective l'un avec l'autre pour l'accroissement des volumes et pour de nouveaux projets d'extension des capacités.

(229) Deuxièmement, comme indiqué précédemment, les fines sont un produit différencié. Les minerais brésiliens possèdent notamment des caractéristiques qui les distinguent essentiellement des minerais australiens. Cette différence est à l'origine d'incitations concurrentielles asymétriques pour les fournisseurs brésiliens et australiens. Elle réduit également le risque que représente un écart par rapport à un résultat concerté, en rendant les mesures de représailles moins efficaces.

(230) Troisièmement, lesdites incitations concurrentielles asymétriques sont encore intensifiées par l'existence de différences importantes dans les structures de coût des fournisseurs brésiliens et australiens. Il ressort notamment du tableau ci-après que les fournisseurs brésiliens possèdent un avantage significatif en Europe occidentale, tandis que les fournisseurs australiens sont plus compétitifs en Asie de l'Est. Ces différences indiquent que les fournisseurs brésiliens et australiens mettent en œuvre des stratégies distinctes de maximisation des bénéfices, ce qui, à son tour, rend extrêmement difficile la définition d'objectifs de prix ou de capacité similaires entre les trois principaux producteurs.

EMPLACEMENT TABLEAU

(231) Dans l'ensemble, l'existence d'une concurrence importante entre les deux producteurs australiens et d'incitations concurrentielles asymétriques entre les entreprises minières australiennes et les producteurs brésiliens contribuent conjointement à prévenir efficacement la création d'une position dominante collective en général, d'autant plus que CVRD, BHP et Río Tinto détiennent des parts de marché très variables, comprises entre 38 % (CVRD) et [10-20]* % (BHP). À cet égard, l'opération envisagée accroîtra encore l'asymétrie (en renforçant le leader actuel du marché) et tend, par conséquent, à entraver davantage un comportement concerté. L'existence d'importantes différences dans les taux d'utilisation des capacités est également un indice qui exclut une position dominante collective, car il étaye la conclusion selon laquelle les entreprises du secteur ont des intérêts divergents.

(232) Il existe, en outre, des raisons particulières pour lesquelles aucun des trois mécanismes examinés ci-dessus ne peut fonctionner efficacement. Ces raisons sont examinées en détail ci-après.

Fixation concertée des prix

(233) Les résultats de l'examen approfondi ont établi l'absence de risque d'un comportement concerté en matière de fixation des prix, pour trois raisons. D'abord, les résultats ont montré qu'il existait une concurrence importante entre les deux fournisseurs australiens, qui produisent la même qualité de minerai de fer et se battent par conséquent pour les mêmes volumes.

(234) Ensuite, il pourrait se révéler difficile de mettre en œuvre un comportement concerté au cours des négociations annuelles des prix de référence, parce que, d'une part, les acheteurs pourraient faire échouer une telle démarche en concluant un accord avec des fournisseurs "marginaux" (comme l'ont fait les acheteurs d'Europe occidentale en 2000 en concluant un accord avec SNIM) et, d'autre part, chaque fournisseur a intérêt à être le premier à fixer le prix, et donc à ne pas être trop exigeant au cours des négociations, car cette attitude de sollicitude vis-à-vis des acheteurs est généralement récompensée par les aciéries sous la forme de commandes plus importantes [...]*.

(235) [...]*

Partage géographique ( "chacun chez soi " )

(236) Il ressort de l'examen approfondi que le risque d'un "partage géographique" du marché entre l'Europe occidentale (approvisionnée essentiellement par les fournisseurs brésiliens) et l'Asie de l'Est (approvisionnée essentiellement par les fournisseurs australiens) devait être écarté. Comme indiqué précédemment, la première raison en est que la croissance de la demande de minerai de fer transporté par mer ne se répartira probablement pas de manière égale entre les diverses zones de clientèle. Il apparaît, en particulier, que la demande en Europe occidentale stagnera au cours des dix prochaines années, alors que les ventes en Asie de l'Est vont croître considérablement au cours de la même période(en raison, essentiellement, de l'explosion des achats de minerai transporté par mer en Chine). Cette asymétrie enlève aux fournisseurs toute velléité de se concentrer sur une région donnée (en particulier l'Europe occidentale), et incite au contraire tous les fournisseurs à se livrer une vive concurrence pour les ventes en Asie de l'Est. Cette évolution est confirmée par la présence de CVRD en Asie de l'Est (où elle réalise déjà un tiers de ses ventes "par mer") et par la vente d'importantes quantités de minerai australien en Europe occidentale.

(237) Il apparaît en outre que l'un des principaux défis auxquels sont confrontés les fournisseurs de minerai de fer consiste à acquérir une clientèle suffisante pour soutenir les investissements considérables que requièrent les programmes d'extension des capacités. Ainsi par exemple, selon les chiffres communiqués par les parties, [...]*. Les nouveaux projets de BHP et de Río Tinto se trouvent dans la même situation. Dans un tel contexte, les projets ne peuvent être financés que si des débouchés suffisants sont garantis. Les fournisseurs de minerai de fer ne peuvent par conséquent se permettre de s'adresser aux clients d'une seule zone de ventes "par mer", et ils doivent se livrer une concurrence acharnée pour vendre au plus grand nombre possible d'aciéries, ce qui rend un "partage géographique" d'autant moins probable.

Limitation des capacités

(238) Enfin, les résultats de l'examen approfondi réalisé par la Commission n'ont pas mis en évidence un grand risque de voir les trois principaux fournisseurs s'engager dans une limitation concertée des capacités. Il est vrai que le marché présente certaines caractéristiques qui pourraient faciliter ce type de comportement : i) Río Tinto, BHP et la nouvelle entité pourraient effectivement s'assurer un contrôle de l'extension des capacités, car elles sont les seules à avoir accès aux réserves importantes nécessaires à cette fin; ii) les capacités excédentaires sont actuellement très réduites, et la demande va augmenter à brève échéance : une extension des capacités est donc nécessaire; iii) il est dans l'intérêt commun des principaux fournisseurs de maintenir une certaine tension de l'offre, de manière à obtenir des prix plus élevés.

(239) L'efficacité d'un tel plan suppose cependant de surmonter plusieurs obstacles d'importance. Même si chaque producteur était à même de déterminer individuellement une manière d'objectif commun, cet objectif ne saurait être atteint, car il serait dans l'intérêt individuel de chaque fournisseur de ne pas le respecter et d'accroître sa capacité de production de minerai transporté par mer (de façon à bénéficier à la fois de grands volumes et de prix élevés). Il s'ensuit que le mécanisme décrit ci-dessus ne peut fonctionner efficacement que si l'intérêt pour les fournisseurs de minerai de fer de ne pas l'appliquer peut être compensé par d'autres facteurs. La menace de représailles constitue la solution la plus probable à cet égard. On peut la résumer comme suit : i) en raison du haut degré de transparence des programmes d'extension des capacités (et de la capacité individuelle de chaque fournisseur), les principaux fournisseurs pourraient aisément et rapidement avoir connaissance de tout accroissement de capacité; ii) les grands fournisseurs pourraient alors nuire au fournisseur "coupable" en relevant eux-mêmes leurs capacités (car cela créerait une situation de surcapacité et, partant, de baisse des prix et des bénéfices). Si les bénéfices réduits, ristourne déduite, réalisés pendant la période de surcapacité étaient suffisants pour compenser les bénéfices plus élevés, ristourne déduite, réalisés par le "franc-tireur" pendant la période où il bénéficie à la fois de volumes plus importants et de prix plus élevés, les fournisseurs de minerai de fer seraient effectivement peut incités à faire cavalier seul.

(240) D'aucuns considèrent qu'un comportement concerté pour limiter les capacités n'est pas possible. La raison principale en serait que la période de "sanction" (de surcapacité) n'est pas crédible, d'une part, parce qu'elle fait du tort à tous les fournisseurs (de sorte qu'elle doit être relativement courte pour que la menace soit crédible) et, d'autre part, parce qu'à long terme toute capacité sera maintenue. Les tenants de cette thèse ont indiqué, plus précisément, que dans ce contexte, toute action de représailles n'aurait aucun effet sur le comportement du franc-tireur, puisque celui-ci serait "forcé" d'utiliser la capacité installée dont il dispose.Des représailles seraient par conséquent à la fois inutiles et nuisibles à tous les fournisseurs. En outre, la surcapacité qui résulterait de toute mesure de représailles serait également présente pour longtemps, ce qui causerait également un préjudice grave à tous les fournisseurs. En d'autres termes, le mécanisme de représailles serait à ce point vain, disproportionné et dommageable pour tous les fournisseurs qu'il ne serait pas crédible. La Commission considère que cela ne se vérifiera pas nécessairement en l'espèce étant donné la croissance prévue du marché. Bien que, à long terme, la capacité serait effectivement maintenue, la croissance attendue de la demande (8 % entre 2000 et 2005) pourrait rapidement absorber la capacité supplémentaire, de sorte que la période de surcapacité serait brève.

(241) Cependant, les résultats de l'enquête montrent que des stratégies concertées de limitation des capacités ne seraient pas susceptibles de fonctionner efficacement sur le marché examiné en l'espèce. L'examen de l'affaire a notamment montré qu'il serait extrêmement difficile aux fournisseurs de définir et de poursuivre individuellement des objectifs communs de limitation des capacités. Il apparaît notamment que la capacité ne peut être programmée avec une grande précision. Les programmes d'extension des capacités passent par de grands projets qui aboutissent à l'exploitation de zones d'extraction entières sur un gisement donné, et ils portent par conséquent sur des quantités approximatives. Dans ce contexte, les fournisseurs auraient dû mal à contribuer individuellement à des stratégies d'extension des capacités.

(242) Il convient également de rappeler que le minerai de fer est un produit différencié. Ce facteur, associé au fait que les fines brésiliennes sont essentiellement différentes de celles extraites en Australie, rend encore plus aléatoire tout résultat concerté entre Río Tinto, CVRD et BHP.

(243) De plus, les acheteurs ont indiqué de manière réitérée que BHP et Río Tinto se livraient une concurrence importante, notamment en ce qui concerne de nouveaux projets d'extension des capacités. Il est par conséquent difficile d'imaginer que ces deux fournisseurs puissent s'engager dans un comportement concerté en la matière.

(244) En outre, le fait demeure que, comme indiqué précédemment, la croissance du marché du minerai de fer transporté par mer ne devrait pas se répartir de manière homogène dans toutes les régions, mais provenir essentiellement d'Asie de l'Est (et principalement de Chine). Tous les fournisseurs sont donc très motivés par l'acquisition de volumes plus importants en Chine, et les positions futures sur le marché du minerai de fer transporté par mer ne peuvent pas aisément être déduites de leur situation sur des marchés parvenus à maturité (comme l'Europe occidentale ou le Japon). Dans une telle situation, les producteurs auraient donc beaucoup de mal à avoir une vision commune de la répartition optimale des capacités, et les fournisseurs seraient probablement incités à ne pas mettre en ouvre des stratégies indépendantes de restriction des capacités qui pourraient limiter leurs ventes en Chine.

(245) Enfin, il a été affirmé à plusieurs reprises que de nouveaux projets n'étaient lancés que lorsqu'un nombre suffisant de clients se sont déclarés disposés à acheter le produit concerné. Il s'ensuit que la possibilité pour les producteurs de mettre en ouvre des stratégies de limitation des capacités dépendrait fortement de l'acceptation des acheteurs du minerai concerné, qui n'est pas acquise. Cela indique également que les acheteurs pourraient gravement compromettre la solidité de toute stratégie concertée.

(246) Pour l'ensemble de ces raisons, une grande majorité des tiers ont affirmé que les trois principaux fournisseurs de minerai de fer ne pourraient raisonnablement s'engager individuellement dans une telle stratégie commune de limitation des capacités. La Commission estime par conséquent que l'opération ne créera ni ne renforcera, sur le marché des fines vendues dans les zones de clientèle "par mer", une position dominante ayant comme conséquence qu'une concurrence effective dans le Marché commun et le bon fonctionnement de l'accord EEE seraient entravés de manière significative.

D. Absence de position dominante sur le marché du minerai en morceaux

(247) L'opération créera des chevauchements sur le marché des morceaux, où CVRD et Caemi (par l'intermédiaire de MBR) sont présentes et vendent dans toutes les zones de clientèle "par mer". Les parts des ventes et les capacités des parties et de leurs concurrents figurent dans le tableau ci-après :

EMPLACEMENT TABLEAU

(248) Aucun élément n'indique que l'opération soit susceptible de créer une position dominante individuelle de la nouvelle entité, celle-ci n'étant, à l'issue de l'opération, que le troisième fournisseur "par mer". L'opération n'en soulève pas moins, pour les morceaux, un grand nombre des questions relatives à une position dominante collective qu'elle soulève dans le segment des fines. Les résultats de l'examen approfondi de la Commission montrent toutefois que ces risques peuvent également être écartés, sur la base des mêmes considérations que celles figurant dans l'analyse approfondie du segment des fines.

(249) La Commission estime par conséquent que l'opération ne créera ni ne renforcera, sur le marché des fines vendues dans toutes les zones de clientèle "par mer", une position dominante ayant comme conséquence qu'une concurrence effective dans le Marché commun et le bon fonctionnement de l'accord EEE seraient entravés de manière significative.

E. Conclusion

(250) Sur la base de l'analyse qui précède, l'opération de concentration envisagée risque d'aboutir, sur le marché de la vente de pellets de minerai de fer dans toutes les zones de clientèle "par mer", sur le marché éventuel de la vente de pellets destinés à la réduction directe dans toutes les zones de clientèle "par mer" et sur le marché éventuel regroupant les ventes de pellets et de morceaux de minerai destinés à la réduction directe dans toutes les zones de clientèle "par mer", à la création ou au renforcement d'une position dominante ayant comme conséquence qu'une concurrence effective dans le Marché commun et le bon fonctionnement de l'accord EEE seraient entravés de manière significative.

VIII. MESURES CORRECTIVES

(251) Le 5 octobre 2001, les parties ont proposé certains engagements en vue de mettre fin aux préoccupations de concurrence relevées par la Commission dans sa communication des griefs. La partie concernée des engagements définitifs figure dans l'annexe à la présente décision.

A. Résumé des engagements

(252) Ces engagements consistent, en résumé :

- à céder la participation de 50 % détenue par Caemi au sein de QCM, un producteur canadien de fines et de pellets;

- à créer une société du nom de "New Caemi" qui regroupera MBR, les activités d'extraction de minerai de fer de Caemi au Brésil et Ferteco, une entreprise d'extraction de minerai de fer que CVRD a récemment acquise auprès de Thyssen Krupp.

B. Appréciation des engagements

(253) Le premier engagement élimine totalement le chevauchement des activités de CVRD et de Caemi dans le segment des pellets de minerai de fer.En outre, les résultats de l'enquête indiquent clairement que QCM est une entreprise autonome qui fonctionne indépendamment des autres activités de Caemi et qui, si elle était cédée à un acquéreur idoine, serait en mesure de se comporter en tant qu'opérateur compétitif et indépendant sur le marché. Il s'ensuit que cet engagement élimine les préoccupations de concurrence relevées par la Commission dans les segments des pellets et des pellets destinés à la réduction directe.

(254) Ces derniers représentant environ 80 % du total d'un éventuel marché du minerai de fer destiné à la réduction directe, il apparaît également que cet engagement est suffisant pour mettre fin aux préoccupations de concurrence concernant ce marché. Bien que QCM ne produise pas de morceaux destinés à la réduction directe, les ventes de [...]* mt réalisées par MBR en 2000 ne représentent qu'une part marginale d'un marché regroupant les morceaux et les pellets destinés à la réduction directe. Étant donné la tendance à utiliser des pellets plutôt que des morceaux pour la réduction directe, et en tenant compte du fait que CVRD estime que ses réserves de morceaux de minerai adaptés à la réduction directe seront épuisés d'ici quatre à cinq ans (57), ces ventes revêtent un caractère encore plus insignifiant. Il convient en outre de relever que le seul acheteur européen de minerai destiné à la réduction directe est l'unique usine recourant à ce procédé; elle est actuellement fermée et ne représentait que 0,3 % de la production d'acier de l'EEE. À la lueur de ces éléments et en l'absence de mesure corrective proportionnée à cet accroissement marginal de la part des ventes de minerai de fer destiné à la réduction directe, la Commission estime que ce chevauchement minime n'affecte pas de manière significative les conditions de concurrence sur le marché en question.

(255) Dans ce contexte, le deuxième engagement n'est pas considéré comme nécessaire aux fins de l'autorisation de l'opération notifiée. Par conséquent, la Commission ne le prend pas en considération aux fins de la présente décision.

IX. CONCLUSION

(256) Sur la base des considérations qui précèdent, et sous réserve du respect de l'engagement relatif à la cession de la participation de 50 % détenue par Caemi au sein de QCM tel qu'il figure dans l'annexe à la présente décision, l'opération envisagée ne crée ni ne renforce une position dominante ayant comme conséquence qu'une concurrence effective serait entravée de manière significative dans l'EEE ou dans une partie substantielle de celui-ci. Par conséquent, l'opération doit être déclarée compatible avec le Marché commun et avec le fonctionnement de l'accord EEE, conformément à l'article 8, paragraphe 2, du règlement (CEE) n° 4064-89,

ONT ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION :

Article premier

L'opération notifiée, par laquelle Mitsui et CVRD acquièrent le contrôle conjoint de Caemi, est déclarée compatible avec le Marché commun et avec le fonctionnement de l'accord EEE, à condition que l'engagement relatif à la cession de la participation de 50 % détenue par Caemi au sein de QCM tel qu'il figure dans l'annexe à la présente décision soit pleinement respecté.

Article 2

MITSUI & Co. Ltd 2-1 Ohtemachi 2-chome Chiyoda-ku Tokyo - 100-0004 (Japon) Companhia Vale do Río Doce (CVRD) Graça Aranha, 26 - 15e étage 2005-900 Río de Janeiro Brésil sont destinataires de la présente décision.

ANNEXE

Le texte original intégral des conditions et obligations visées à l'article 1er peut être consulté sur le site Internet de la Commission à l'adresse suivante : http ://europa.eu.int/comm/competition/index_en.html

(1) JO L 395 du 30.12.1989, p. 1. Rectificatif au JO L 257 du 21.9.1990, p. 13.

(2) JO L 180 du 9.7.1997, p. 1.

(3) JO C 79 du 30.3.2004.

(4) JO C 79 du 30.3.2004.

(*) Des parties de ce texte ont été omises afin de garantir qu'aucune information confidentielle ne soit communiquée. Ces parties sont indiquées par des points de suspension entre crochets, suivis d'un astérisque.

(5) The Economics of Iron Ore, quatrième édition 2000 (Roskill)

(6) Le minerai vendu directement de la mine sans être enrichi est appelé minerai "tout venant" ou brut.

(7) Ces statistiques se fondent sur des chiffres publiés par la compagnie d'armement norvégienne Fearnleys.

(8) Cet accroissement prévu de la demande entraînera probablement la construction, dans un avenir proche de près de 100 mt de nouvelle capacité annuelle. Voir The Economics of Iron Ore, quatrième édition 2000 (Roskill).

(9) Il convient de signaler que les parties n'ont contesté les chiffres de capacité qu'elles avaient fournis que deux semaines après la publication de la communication des griefs.

(10) Marges bénéficiaires avant impôts, intérêts, amortissements.

(11) Tous les chiffres ont été communiqués par les parties.

(12) Tous les chiffres ont été communiqués par les parties.

(13) Tous les chiffres ont été communiqués par les parties.

(14) Tous les chiffres ont été communiqués par les parties.

(15) Tous les chiffres ont été communiqués par les parties.

(16) Tous les chiffres ont été communiqués par les parties.

(17) Tous les chiffres ont été communiqués par les parties.

(18) Tous les chiffres ont été communiqués par les parties.

(19) Tous les chiffres ont été communiqués par les parties.

(20) Les données figurant dans la présente section se fondent sur des renseignements fournis par les parties.

(21) Dans l'Union européenne, de nombreuses installations de fours électriques à arc utilisent comme matière première de la ferraille (au lieu du fer de réduction directe). L'utilisation de fer de réduction directe dans un four électrique à arc entraîne une consommation d'énergie très importante, généralement du gaz.

(22) Cette installation a été temporairement fermée, en raison principalement du prix élevé du gaz, mais elle devrait rouvrir en octobre 2001. Ispat a confiance dans la viabilité à long terme de l'installation, dans la perspective d'une baisse du prix du gaz consécutive à la libéralisation des marchés de l'énergie en Europe.

(23) The Economics of Iron Ore, quatrième édition 2000 (Roskill).

(24) Outre l'opération notifiée, CVRD a sensiblement renforcé sa capacité de production au cours de l'année passée environ : elle a fait l'acquisition des opérateurs brésiliens Ferteco, Socoimex et Samitri, et a pris une participation de 50 % dans Samarco.

(25) The Economics of Iron Ore, quatrième édition 2000.

(26) HSY= Hammersley, filiale de Río Tinto; RR= Robe River, filiale de Río Tinto également.

(27) En 2000, un renversement de tendance s'est produit : le premier accord de prix a été convenu entre le producteur mauritanien SNIM et l'entreprise sidérurgique européenne Usinor.

(28) Rapport Tex et Metal Bulletin principalement.

(29) Prix moyen du minerai acheminé par mer en Europe occidentale, d'après la réponse des parties au questionnaire du 15 juin, question 4; le prix CAF est le plus significatif dans ce contexte (substituabilité du point de vue de la demande), car il traduit la perspective des clients.

(30) Conférence latino-américaine sur les capitaux propres.

(31) Les parties contestent cette conclusion, au motif que la Commission n'a pas suffisamment précisé le caractère "permanent" de la hausse de prix concernée. Or, les prix sont fixés sur une base annuelle. Il va donc sans dire que toute hausse de prix mentionnée par la Commission serait valable pendant un an au moins. Comme l'a précisé NERA, "d'une manière générale, l'appréciation des fusions sous l'angle de la concurrence prend en compte des périodes minimales d'un an et peuvent, dans certains cas, aller jusqu'à deux ans. Étant donné que, dans ce secteur, l'essentiel de la concurrence s'exerce sur une base annuelle, il est particulièrement indiqué d'examiner les possibilités de changement pendant cette durée pour apprécier la concurrence dans le secteur du minerai de fer". Enfin, les parties affirment qu'un changement peut intervenir dans un délai limité. Il est alors difficilement compréhensible que les clients ne réagissent qu'à long terme à une hausse de prix si - comme le soutiennent les parties - ils peuvent passer d'un type de minerai de fer à un autre en quelques mois.

(32) Prix moyen du minerai acheminé par mer en Europe occidentale, d'après la réponse des parties au questionnaire du 15 juin, question 4; le prix CAF est le plus significatif dans ce contexte (substituabilité du point de vue de la demande), car il reflète la perspective des clients.

(33) JO C 372 du 9.12.1997, p. 5.

(34) Cette méthode correspond à la définition du "marché géographique en cause" figurant au point 8 de la communication de la Commission "Le marché géographique en cause comprend le territoire sur lequel les entreprises concernées sont engagées dans l'offre des biens et des services en cause, sur lequel les conditions de concurrence sont suffisamment homogènes et qui peut être distingué de zones géographiques voisines parce que, en particulier, les conditions de concurrence y diffèrent de manière appréciable."

(35) Ainsi, par exemple, la plupart des nouvelles mines ouvertes par des entreprises australiennes produisent du minerai de fer pisolithique, qui présente des caractéristiques différentes des minerais australiens traditionnels.

(36) Affaire 85-76, Hoffmann-La Roche, Rec. 1979, p. 461, points 38 et 39; voir également l'arrêt du Tribunal de première instance dans l'affaire T-102-96, Gencor, Rec. 1999, p. II-753, point 200.

(37) Voir l'arrêt de la Cour dans l'affaire 85-76, Hoffmann-La Roche, Rec. 1979, p. 461, point 39; voir également l'arrêt du Tribunal de première instance dans l'affaire T-102-96, Gencor, Rec. 1999, p. II-753, points 201 et 202.

(38) La part de marché de CVRD englobe la production de toute entreprise sur laquelle elle exerce un contrôle conjoint ou exclusif. En font notamment partie les filiales à 100 % Samitri, Socoimex et Ferteco, ainsi que les entreprises communes GIIC (avec des investisseurs financiers) et Samarco (avec BHP). Le calcul du volume du marché (et des parts de marché) ne prend pas en considération les ventes aux partenaires de CVRD dans ses entreprises communes pour les ateliers de pelletisation suivants : Hispanobras, Itabrasco, Nibrasco et Kobrasco. Des quantités produites par ces ateliers et vendues par CVRD à des tiers sont inclues dans la part de marché de CVRD.

(39) La part de marché de Caemi englobe la production de la compagnie minière brésilienne MDR et de la compagnie minière canadienne QCM, sur laquelle Caemi exerce un contrôle conjoint avec un producteur d'acier canadien. Le calcul du volume du marché (et des parts de marché) ne prend pas en considération les ventes internes au partenaire de l'entreprise commune.

(40) La totalité de la production de Samarco est comprise dans ces chiffres.

(41) La part de marché de CVRD englobe la production totale de toute entreprise sur laquelle elle exerce un contrôle conjoint ou exclusif. En font notamment partie les filiales à 100 % Samitri, Socoimex et Ferteco, ainsi que les entreprises communes GIIC (avec des investisseurs financiers) et Samarco (avec BHP). Le calcul des parts de marché ne prend pas en considération les ventes aux partenaires de CVRD dans ses entreprises communes pour les ateliers de pelletisation suivants : Hispanobras, Itabrasco, Nibrasco et Kobrasco. Des quantités produites par ces ateliers et vendues par CVRD à des tiers sont inclues dans la part de marché de CVRD.

(42) Samarco est une entreprise commune détenue à parité par BHP et CVRD. Elle est contrôlée conjointement par ces deux sociétés.

(43) La part de marché de Caemi englobe la production de la compagnie minière brésilienne MBR et de la compagnie minière canadienne QCM, sur laquelle Caemi exerce un contrôle conjoint avec un producteur d'acier canadien. Le calcul des parts de marché ne prend pas en considération les ventes au partenaire de l'entreprise commune.

(44) Les ventes de pellets réalisées par Río Tinto en Europe sont constituées presque exclusivement par les ventes de sa filiale canadienne IOC.

(45) AME Consulting, Mining costs of the world iron ore industry, 1997 to 2000 (mai 2001).

(46) Samarco compris.

(47) Dans une communication conjointe de novembre 2000, CVRD et JP Morgan ont par exemple indiqué que la demande de pellets transportés par mer devrait passer de 75 mt en 2000 à 95 mt en 2005.

(48) Iron Ore Manual 2000-2001, rapport Tex.

(49) Source : The Iron Ore Market (2000-2002), mai 2001 (Cnuced).

(50) Source : The Iron Ore Market (2000-2002), mai 2001 (Cnuced).

(51) Un autre producteur de minerai de fer (qui ne dispose pas d'une capacité de pelletisation pour l'instant) a déclaré qu'il n'était pas disposé à investir dans une telle capacité si CVRD/Mitsui/Caemi relevait les prix des pellets de 5 à 10 %.

(52) Il en va de même des sites d'exploitation australiens de Río Tinto : ces mines ne constituent pas des concurrents potentiels pour l'approvisionnement en pellets des zones de clientèle "par mer".

(53) La marge bénéficiaire nette de CVRD est proche de 50 % et son taux de rendement du capital engagé est supérieur à 20 %.

(54) Il semble en outre pratiquement certain que les prix du gaz naturel ne se maintiendront pas à ces niveaux exceptionnellement élevés au cours des prochaines années.

(55) Les parts de marché de la nouvelle entité englobent également la production de la mine indienne de Sesa Goa, contrôlée par Mitsui.

(56) Les parts de marché de la nouvelle entité englobent également la production de la mine indienne de Sesa Goa, contrôlée par Mitsui.

(57) La seule source de morceaux destinés à la réduction directe de CVRD est la mine de Feijas (anciennement propriété de Ferteco), qui a produit 1 mt de cette qualité de minerai en 2000 (Source : Rapport Midrex 2000).