CA Angers, ch. corr., 26 mai 1998, n° 98-00047
ANGERS
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Vermorelle
Conseillers :
Mme Panatard, M. Jegouic
Avocat :
Me Bendjador.
LA COUR
Le prévenu et le Ministère public ont interjeté appel du jugement rendu le 29 décembre 1997 par le Tribunal correctionnel du Mans qui, pour tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise, a condamné Jean R à une amende de 15 000 F et ordonné l'insertion par extrait dudit jugement dans deux journaux locaux Ouest France et Le Maine libre, aux frais de celui-ci sans que le coût de chaque insertion ne puisse dépasser la somme de 3 000 F, ainsi que son affichage aux portes de l'établissement pendant une durée de quinze jours.
Régulièrement cité, le prévenu comparait, assisté de son conseil.
Le Ministère public requiert la confirmation du jugement entrepris sauf pour l'insertion dont il demande qu'elle soit ordonnée sans limite de coût.
Jean R est prévenu d'avoir au Mans (72), le 18 novembre 1996, trompé les consommateurs sur les risques inhérents à l'utilisation de jouets en peluche mis en vente dans le magasin dont il est gérant, et sur les contrôles effectués sur ces jouets.
Lors d'un contrôle pratiqué le 18 novembre 1995 par le Service de la Répression des Fraudes dans un magasin X du Mans, dépendant de la société Y, il a été constaté qu'étaient vendus des petits ours en peluche dont les yeux n'étaient fixés que par un fil qui pouvait aisément se rompre.
Les jouets portaient une étiquette avec les mentions "CE". "La conformité du présent produit aux normes obligatoires de sécurité est garantie par l'importateur. Fabriqué en Chine".
Le prévenu a fait valoir qu'il avait pleine confiance dans l'importateur hollandais Z, de qui il tient ces jouets et qui, selon lui, prend toutes les précautions au niveau des normes européennes.
En réalité, cet importateur se contentait de tests pratiqués par un laboratoire chinois, sans qu'il y ait la moindre assurance que les normes européennes aient été respectées, ainsi que l'a justement observé le tribunal, de sorte que l'étiquette apposée sur les jouets ne correspondait pas à la réalité.
Pour mettre en évidence sa bonne foi, Jean R invoque l'article 2 du décret du 12 septembre 1989 aux termes duquel "les jouets qui sont revêtus du marquage CE sont présumés conformes à l'ensemble des dispositions du présent décret et réputés satisfaire aux procédures d'évaluation de la conformité définies aux articles 3 et 5".
Mais cette présomption ne peut être maintenue quand les risques inhérents à l'utilisation du produit sont parfaitement apparents, comme en l'espèce puisqu'il n'était même pas besoin d'un examen de laboratoire pour constater que les yeux des oursons n'étaient fixés que par un fil et pouvaient facilement être arrachés.
Il est précisé à l'annexe II du décret de 1989 (II Risques particuliers d)) que les jouets et leurs composants et leurs parties susceptibles d'être détachables des jouets manifestement destinés aux enfants de moins de 36 mois doivent être de dimension suffisante pour ne pas être avalés ou inhalés.
Jean R a soutenu dans une lettre du 18 décembre 1996 qu'il était mentionné sur l'étiquette: "ne convient pas à un enfant de moins de 36 mois". Cette allégation est fausse et d'ailleurs invraisemblable vu la nature du produit. Elle confirme, en tout cas, que le preneur avait parfaitement conscience du danger pour les plus jeunes enfants. A aucun moment, il n'a contesté avoir eu cette conscience, pas plus qu'il n'a contesté les résultats de l'expertise du laboratoire.
Or, les oursons ne portaient aucune mention mettant en garde contre les risques encourus pour des enfants de moins de trois ans.
De ce fait, et malgré l'apposition du marquage CE et l'éventuelle responsabilité d'autres personnes, il y a bien eu tromperie de la part du prévenu sinon sur les contrôles effectués, du moins sur les risques inhérents à la nature du produit pour toute une catégorie d'utilisateurs.
Le jugement sera confirmé sur la culpabilité.
Il le sera aussi sur la peine, sauf pour la mesure d'affichage que la cour n'estime pas nécessaire.
Par ces motifs, Statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement sur la déclaration de culpabilité de Jean R,
Le confirme sur les peines prononcées à l'exception de l'affichage aux portes de l'établissement.
Ainsi jugé et prononcé par application des articles L. 213-1 du Code de la consommation et 473 du Code de procédure pénale.