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Décisions

CA Douai, 2e ch. sect. 1, 31 janvier 2002, n° 99-07443

DOUAI

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Café de Paris (SA)

Défendeur :

Interbrew France (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Geerssen

Conseillers :

MM. Testut, Chollet

Avoués :

Mes Carlier-Régnier, Le Marc'hadour-Pouille-Groulez

Avocats :

Mes Courtin, Nowak.

T. com. Lille, du 4 nov. 1999

4 novembre 1999

Vu le jugement contradictoire du 4 novembre 1999 du Tribunal de commerce de Lille ayant condamné la société Le café de Paris à payer à la société Interbrew France la somme de 120 000 F à titre d'indemnité de rupture avec intérêts au taux légal à compter du 20 février 1997 et 7 500 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Vu l'appel formé le 29 novembre 1999 par la SA Le café de Paris;

Vu les conclusions déposées le 29 mars 2000 pour la SA Le café de Paris;

Vu les conclusions déposées le 28 juillet 2000 par la SA Interbrew France (société Interbrew);

Vu l'ordonnance de clôture du 4 octobre 2001.

Attendu que la société Le café de Paris a fait appel aux motifs que le contrat de prêt du 12 septembre 1990 comportant pour elle l'obligation d'approvisionnement exclusif en bières produites par la société Interbrew pendant 10 ans avec la contre-garantie de la société Gambrinus, sa filiale et son distributeur exclusif était précédé d'un contrat d'approvisionnement exclusif auprès de la société Gambrinus pour toutes les boissons autres que les bières signé le 31 août 1990 pour une durée de 2 ans, de telle sorte qu'il n'y a en réalité qu'un seul contrat créant une exclusivité sur bières et boissons en infraction avec la législation européenne prohibant les contrats de produits pour une durée supérieure à 5 ans;

Qu'ainsi le contrat du 12 septembre 1990 n'avait plus d'existence légale en juin 1998 lors de la constatation de sa violation; subsidiairement, elle fait valoir le caractère manifestement excessif de la clause pénale, la caution n'ayant garanti que 40 % du prêt et ayant bénéficié d'un nantissement de 300 000 F sur le fonds de commerce et étant cautionné par la société Gambrinus pour moitié, qu'elle a remboursé le prêt par anticipation le 1er septembre 1994; elle sollicite la réduction à un franc du montant des dommages-intérêts et l'allocation de 100 000 F de dommages-intérêts en réparation de son préjudice ainsi que 30 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Attendu que la société Interbrew soutient que c'est sur la base du seul contrat du 12 septembre 1990 qu'elle agit (ainsi d'ailleurs que la société Gambrinus), de la violation de celui-ci telle que constatée le 12 juin 1998 par son huissier, que ce contrat de prêt est distinct du contrat du 31 août signé entre la société Gambrinus et la société Café de Paris, que les deux contrats ont des objets et des causes différentes et concernent des entités distinctes, que ce contrat est conforme à la réglementation communautaire c'est-à-dire au règlement d'exemption n° 1984-83 de la Commission du 22 juin 1983 puisque n'étant pas supérieur à 10 ans il ne rentre dans aucune des exceptions visées à l'article 8 de ce règlement d'exemption; que le fait que le contrat porte sur la totalité des bières fabriquées par elle permet au cafetier d'offrir une large palette à sa clientèle; en conséquence, elle fait appel incident et réclame 300 000 F de dommages-intérêts avec intérêts à compter du 20 février 1997, date de la sommation par un huissier, correspondant à la moitié du montant cautionné du prêt (1,5 MF X 40 %) conformément à l'acte souscrit page 9; que cette clause pénale ne saurait être réduite à 120 000 F comme l'ont fait les premiers juges ni même à 1 F symbolique, la cause de son obligation devant être appréciée au jour de la conclusion du contrat et non lors de son exécution, que le remboursement par anticipation du prêt le 1er septembre 1994 n'a pas fait disparaître le risque qu'elle a pris quatre ans plus tôt; que la somme allouée ne peut être inférieure au préjudice subi (perte de marge nette sur les hectolitres de bière que devait débiter la société Le café de Paris - minimum 500 hl/an soit 5 000 hl promis contre 1 822,8 hl débités par la société Gambrinus soit un déficit de 3 177,2 hl à raison de 401,46 F de marge nette = 1 275 518,70 F) en conséquence elle réclame la somme de 300 000 F telle que chiffrée dans l'acte et acceptée par les parties; elle sollicite en outre 50 000 F de dommages-intérêts pour résistance abusive, la société Café de Paris ayant souscrit des engagements valables en pleine connaissance de cause et se refusant à les exécuter, et 30 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Sur la validité du contrat d'approvisionnement exclusif de bières fabriquées par la société Interbrew et distribuée par sa filiale, distributeur exclusif, la société Gambrinus (appel principal)

Attendu que le 31 août 1990, la société Gambrinus a accordé une subvention de 140 000 F HT correspondant à une avance sur remise en contrepartie de l'approvisionnement exclusif de la société Café de Paris pour 2 ans et toute une série de boissons sauf les bières; que le 4 septembre 1990, dans un acte de prêt accordé par la BNP pour un montant de 1,5 MF à la société Café de Paris, celle-ci a souscrit un engagement d'approvisionnement exclusif en bières Interbrew pour 10 ans distribuées par la société Gambrinus intervenant à l'acte pour contre-garantir la moitié du cautionnement souscrit par la société Interbrew (cautionnement de 600 000 F - contre-garantie 300 000 F) et fournir une subvention pendant 10 ans au nombre d'hectolitres de bières débités dans l'établissement; que cet acte a été enregistré le 12 septembre; que si les deux actes ont un objet et une cause différentes, du point de vue de l'appréciation de la validité de l'engagement d'approvisionnement exclusif de la société Café de Paris, ils constituent une même opération juridique, ainsi que le soutient avec raison la société Café de Paris;

Attendu que si le droit communautaire prohibe les ententes (article 85 § 1 devenu article 81 traité de Rome), le règlement n° 1984-83 de la Commission du 22 juin 1983 a accordé le bénéfice de la dérogation prévue à l'ancien article 85-3 aux accords exclusifs d'achat et dans un titre II a pris des dispositions particulières aux accords de fourniture de bière; que ceux-ci sont valides sauf s'ils entrent dans les exceptions de l'article 8; que l'article 8 vise les contrats de plus de 5 ans portant sur certaines bières et certaines boissons et les contrats de plus de 10 ans portant uniquement sur l'achat exclusif de certaines bières; que la société Café de Paris n'a pas souscrit de tels engagements d'achat exclusif puisque les 31 août - 4 septembre 1990 elle a souscrit un engagement d'achat exclusif de certaines boissons sauf les bières pour 2 ans prorogeable sans toutefois pouvoir excéder 5 ans et un engagement d'achat exclusif de bières de 10 ans; que son appel est donc mal fondé;

Sur la clause pénale (appel incident)

Attendu qu'ainsi que l'ont relevé les premiers juges celle-ci est manifestement excessive, le risque encouru par la société Interbrew étant très réduit puisque limité à 600 000 F (40% du montant du prêt) il était garanti par un nantissement de 300 000 F sur le fonds de café et contre-garanti par un cautionnement de 300 000 F de sa filiale et distributeur exclusif, la société Gambrinus; qu'il n'a été couru que pendant 4 ans, le prêt ayant été remboursé par anticipation le 1er septembre 1994; qu'il n'est pas allégué que pendant les quatre ans d'exécution du contrat par les parties la société Café de Paris ait violé le contrat d'approvisionnement exclusif; que la société Interbrew n'a subi aucun préjudice puisque l'obligation principale de remboursement du prêt qu'elle cautionnait a été exécutée par l'emprunteur et s'est éteinte par anticipation le 1er septembre 1994;qu'en conséquence, il y a lieu de réduire à 1 euro la somme due à ce titre;

Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive et sur la demande en article 700 du nouveau Code de procédure civile

Attendu que la société Interbrew ne rapporte pas la preuve d'une faute commise par la société Café de Paris dans son droit d'interjeter appel; que sa demande sera donc rejetée; que chacune des parties supportera ses frais irrépétibles;

Par ces motifs: Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Déclare recevables l'appel principal et l'appel incident; Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré valable la clause d'approvisionnement exclusif de bières pendant 10 ans souscrite par la société Café de Paris envers la société Interbrew. Le réforme pour le surplus; Condamne la société Café de Paris à payer à la société Interbrew France la somme de 1 euro au titre de la clause pénale; Rejette la demande de dommages-intérêts de la société Interbrew. Dit que chacune des parties supportera ses frais irrépétibles tant en première instance qu'en appel; Dit que chacune des parties supportera ses propres dépens de première instance et d'appel.