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Décisions

CA Aix-en-Provence, 8e ch. com., 20 février 2001, n° 97-15866

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Douhaire (ès qual.), Bioénergies (SA)

Défendeur :

Pezzino (ès qual.), Phem (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Schmitt

Conseillers :

Mme Blin, M. Duloutre

Avoués :

SCP Boissonnet-Rousseau, SCP Blanc-Amsellem-Nimran

Avocat :

Me Roll.

T. com. Marseille, du 12 janv. 1996

12 janvier 1996

Procédure et prétentions des parties:

Par un jugement en date du 12 janvier 1996, le Tribunal de commerce de Marseille a condamné:

- la société Bioénergies à payer à la société Phem la somme de 385 768,91 F avec intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 1993 représentant le montant de factures impayées

- la société Phem à payer à la société Bioénergies la somme de 500 000 F au titre de dommages et intérêts en raison du non respect de ses obligations contractuelles dans le cadre d'un contrat de concession exclusive liant les parties.

La société Bioénergies et Me Douhaire, en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de cette société, ont interjeté appel de cette décision par une déclaration en date du 26 juin 1997.

Me Pezzino intervient volontairement en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Bioénergies en précisant que la société Phem n'a pas respecté le contrat de concession et a commis une faute et qu'elle ne peut opposer l'exception d'inexécution. Il ajoute qu'il justifie du montant du préjudice subi par la société Bioénergies et qu'il sollicite éventuellement la nomination d'un expert.

Sur la créance de la société Phem, il fait remarquer qu'elle est éteinte faute de déclaration dans le cadre de la procédure collective et qu'il ne peut y avoir de ce fait compensation.

Il demande à la cour de confirmer le jugement sur la responsabilité de la société Phem, de débouter celle-ci de l'ensemble de ses demandes et de la condamner à payer la somme de 10 MF outre 30 000 F sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société Phem, appelante incidente, fait valoir qu'elle a rempli ses obligations dans le cadre du contrat de concession exclusive de vente de la gamme Neutralle du 1er juillet 1990, qu'il n'est pas démontré l'existence d'une faute et que le défaut de paiement par la société Bioénergies des marchandises commandées est une faute qui justifie la rupture du contrat à compter du 21 octobre 1993.

Elle ajoute que la fixation forfaitaire des dommages et intérêts par les premiers juges démontre que le quantum du préjudice n'a pas été dûment déterminé, ce qui justifie la réformation du jugement sur ce point et la condamnation de Me Pezzino ès-qualité à lui payer la somme de 10 000 F en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Subsidiairement, elle fait remarquer que, dans le cadre de l'exécution du jugement, elle a versé à l'appelante la somme de 58 491,73 F et demande à la cour de dire libératoire ce paiement.

Motifs de la décision:

Attendu que par une convention du 1er juillet 1990, la société Phem a concédé à la société Bioénergies la concession exclusive des produits Neutralle.

Attendu que l'article 8 de la convention stipulait que la société Phem, le concédant, se réservait la faculté d'offrir ou de vendre directement ces produits sans que le concessionnaire, la société Bioénergies, ne puisse prétendre à une rémunération quelconque à certaines personnes ou sociétés dont la raison sociale était précisée dans une liste jointe;

Attendu qu'il résulte d'une assignation en référé du 20 octobre 1994, émanant de la société Phem elle-même, qu'elle avait concédé la vente des produits Neutralle à trois sociétés Cristal, Jade et Diam par un accord de distribution exclusive ayant commencé à courir à compter du 1er février 1991 au 31 janvier 1992, durée renouvelable par période de une année;

Attendu que ce document établit que la société Phem n'a pas respecté ses engagements concédant à la société Bioénergies l'exclusivité de la vente des produits Neutralle alors que le nom de ces sociétés ne figurait pas sur la liste prévue par l'article 8 de la convention du 1er juillet 1990;

Attendu que le fait que ces sociétés soient des filiales de la société Phem n'a pas pour effet de permettre à celle ci de déroger au contrat de concession et de commercialiser les produits dont elle avait assuré l'exclusivité à la société Bioénergies;

Attendu qu'en outre la présence des dirigeants de la société Bioénergies à un séminaire destiné à présenter à ces filiales les produits ne démontre pas que ceux-ci avaient accepté que les produits Neutralle soient aussi commercialisés par ces sociétés et avaient renoncé à leur exclusivité;

Attendu qu'enfin, la société Phem ne peut invoquer l'exception d'inexécution au motif que la société Bioénergies n'avait pas réglé le montant des marchandises livrées alors que la première facture impayée est en date du 24 novembre 1992 et qu'elle avait elle-même violé ses engagements en concédant la vente des produits Neutralle à ses filiales par un contrat de distribution du 1er janvier 1991;

Attendu que la société Bioénergies soutient que les premiers juges n'ont pas fait une exacte appréciation de son préjudice qui est manifestement supérieur en produisant le chiffre d'affaires des sociétés Cristal, Diam et Jade pour les années 1991 à 1994 outre une estimation des sommes investies par ses soins en prospection et en vente;

Mais attendu que les premiers juges ont fait une exacte estimation du préjudice subi par l'appelante, qui équivaut forfaitairement au montant des produits livrés par la société Phem pour une année, dès lors qu'il n'est pas établi que les sociétés Cristal, Jade et Diam avaient pour unique activité la vente des produits Neutralle, que la société Bioénergies ne précise pas le montant de son chiffre d'affaires pour cette période et ne justifie pas d'un préjudice supérieur et que la nomination d'un expert, compte tenu de l'ancienneté de l'instance et du fait que l'appelante a fait l'objet d'une liquidation judiciaire apparaît inutile;

Attendu que le jugement, qui a dit que la société Phem n'avait pas respecté ses obligations contractuelles et a estimé le montant de son préjudice à la somme de 500 000 F, doit être confirmé;

Attendu que la décision entreprise avait condamné la société Bioénergies à payer à la société Phem la somme de 385 768,91 F avec intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 1993 représentant le montant de factures impayées;

Attendu qu'en l'absence de toute justification par la société Phem de ce qu'elle a précédé régulièrement à une déclaration de sa créance à la procédure collective de la société Bioénergies, la créance doit être déclarée éteinte et la société Phem déboutée de cette demande;

Attendu qu'il convient de donner acte à la société Phem de ce que, dans le cadre de l'exécution provisoire du jugement, elle a versé à l'appelante la somme de 58 491,73 F, paiement qui ne peut être libératoire en l'état de la présente décision;

Attendu qu'il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de l'appelante le montant des frais irrépétibles qu'elle a exposés à l'occasion de la présente instance;

Attendu que la société Phem succombe dans ses prétentions, ce qui justifie sa condamnation aux dépens d'appel conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile;

Par ces motif: LA COUR, statuant publiquement, par un arrêt contradictoire, Confirme le jugement entrepris en ce qui concerne la condamnation de la société Phem à payer à la société Bioénergies la somme de 500 000 F au titre de dommages et intérêt; Le réformant sur le surplus et y ajoutant, Dit que la créance de la société Phem est éteinte et la déboute de ses prétentions à ce titre; Donne acte à la société Phem de ce qu'elle a versé à l'appelante la somme de 58 491,73 F dans le cadre de l'exécution provisoire du jugement; Déboute la société Bioénergies de sa demande en paiement d'une indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Condamne la société Phem aux dépens d'appel et autorise la SCP Boissonnet-Rousseau, avoués associés, à en recouvrer le montant aux formes et conditions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.