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Décisions

CA Paris, 25e ch. A, 20 septembre 2002, n° 2001-03498

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Association consommation logement cadre de vie

Défendeur :

Club Méditerranée (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

e: Mme Riffault-Silk

Conseillers :

Mme Bernard, M. Picque

Avoués :

Me Bodin-Casalis, SCP Monin

Avocats :

Mes Franck, Vogel.

CA Paris n° 2001-03498

20 septembre 2002

Invoquant le caractère abusif ou illicite de 7 clauses figurant dans les articles 3, 1-2-2, 9, 11, 4, 7 et 8 des conditions générales contractuelles types proposées par la SA Club Méditerranée à sa clientèle, l'Association de consommateurs agréée " consommation logement cadre de vie ", ci-après "CLCV ", a assigné, le 12 mai 1999 devant le Tribunal de grande instance de Paris la SA Club Méditerranée pour que soit ordonnée, en application de l'article L. 421-6 du Code de la consommation, la suppression desdites clauses, sous astreinte de 1 000 F par clause encore présente dans le délai d'un mois à compter de la signification. L'association CLCV a, en outre, demandé la publication du jugement dans le catalogue du Club Méditerranée, sous astreinte de 1 000 F par jour de retard, passé un délai de 3 mois après la signification du jugement, l'exécution provisoire et la condamnation de la SA Club Méditerranée à lui payer 50 000 F de dommages-intérêts en réparation de son préjudice propre et 15 000 F de frais irrépétibles. La SA Club Méditerranée conteste tout caractère abusif des clauses litigieuses et déclare que l'Association CLCV ne prouve pas en quoi chaque clause créerait un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au sens de l'article L. 132-1 du Code de la consommation. La défenderesse demande cependant qu'il lui soit donné acte que ses brochures préciseront que seront tenues à la disposition des clients, les informations actualisées des formalités à accomplir, telles qu'elles lui auront été communiquées par les autorités compétentes. Elle réclame par ailleurs 10 000 F de frais irrépétibles.

Par jugement rendu le 7 novembre 2000, le Tribunal de grande instance de Paris a ordonné la suppression des clauses abusives contenues dans les conditions générales du Club Méditerranée, aux articles 1-2-2 alinéa 2, 3 alinéa 4, 7 alinéa 2, 9 alinéa 2 et 4 et 11 alinéa 2 (4e phrase), sous astreinte de 1 000 F par clause présente, passé un délai de 2 mois après la signification du présent jugement, cette suppression pouvant se faire dans un tiré à part des conditions générales, mentionnant en en-tête, en caractères d'une taille 2 fois supérieure à ceux utilisés pour ces conditions, l'extrait suivant de cette décision:

" Publication judiciaire:

Par décision en date du 7 novembre 2000, le Tribunal de grande instance de Paris a déclaré abusives les clauses suivantes (suivi de l'intitulé complet des clauses susvisées) et en a ordonné la suppression à la demande de la CLCV ".

Le tribunal a aussi condamné la SA Club Méditerranée à payer à l'Association CLCV 12 000 F de frais irrépétibles et a rejeté le surplus des demandes.

La Confédération consommation logement cadre de vie, ci-après CLCV, est appelante de cette décision. Dans ses dernières conclusions signifiées le 5 juin 2002 et auxquelles il est renvoyé, l'appelante affirme, en premier lieu, que la SA Club Méditerranée a acquiescé au jugement entrepris dans la mesure où elle indique avoir exécuté cette décision qui n'était pas assortie de l'exécution provisoire. En second lieu, la CLCV demande l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de suppression des clauses 4-1, 8 et 11 figurant dans les conditions générales de vente du Club Méditerranée et de sa demande de réparation du préjudice a l'intérêt collectif des consommateurs. Le CLCV maintient que ces clauses sont abusives. Elle soutient que dans l'article 8, le membre de phrase, "passé ce délai, aucune réclamation ne sera prise en compte", est de nature à faire croire aux consommateurs que le délai de 30 jours, précisé plus avant dans l'article 8, est un délai de forclusion, dont le dépassement entraîne la perte de ses droits, créant ainsi un déséquilibre entre les droits et obligations des parties. La CLCV allègue, également, que l'article il, prévoyant une clause d'exonération de responsabilité, relative au vols de valeurs et bijoux, survenus dans les villages du Club Méditerranée, s'ils n'étaient pas déposés au coffre principal du village, est illicite, la portée de l'article 1953 du Code civil étant méconnue et abusif en ce qu'il limite les droits légaux du consommateur vis-à-vis du professionnel. Enfin la CLCV argue que l'article 4 des conditions générales: " Annulation - modification. Dans tous les cas d'annulation, nous conservons les droits d'inscription ", est abusif dans la mesure où elle empêche le consommateur de se prévaloir d'un cas de force majeure pour obtenir le remboursement intégral des sommes versées. La CLCV sollicite, en conséquence, la suppression des clauses 4-1, 8 et 11 des conditions générales de vente du Club Méditerranée, sous astreinte de 1 000 F par clause encore présente dans un délai d'un mois, à compter de la signification de l'arrêt à intervenir. Par ailleurs, la CLCV réclame la condamnation de la SA Club Méditerranée à lui payer, en réparation du préjudice causé à l'intérêt collectif des consommateurs qu'elle personnifie, 7 622 euros à titre de dommages-intérêts ainsi que 2 287 euros pour l'indemniser de ses frais irrépétibles en cause d'appel.

Dans ses dernières écritures signifiées le 11 juin 2002 et auxquelles il est renvoyé, la SA Club Méditerranée s'élève d'abord contre un prétendu acquiescement au jugement entrepris. Elle déclare, simplement, demander de constater qu'il n'y a plus lieu d'ordonner la suppression des clauses, visées par le jugement et contenues aux articles 1-2-2 alinéa 2, 3 et 4, 7 alinéa 2 et 4 et 11 alinéa 2 (4e phrase), dans les termes visés par le tribunal dès lors que celles-ci ne figurent plus dans le catalogue du Club Méditerranée. L' intimée conclut, ensuite, à la validité des clauses encore contestées par la CLCV, que ce soit l'article 8, qu'elle dit conforme à la réglementation nationale et communautaire applicable, et non exclusif du droit des consommateurs de saisir les juridictions, ou que ce soit l'article 11, lequel ne crée aucun déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties et n'est pas, en soi, contraire aux dispositions de l'article 1953 du Code civil, ou encore l'article 4, lequel ne concerne que les cas d'annulation du voyage "du fait du client" et est justifié par les services que le Club Méditerranée offre à ses clients. La SA Club Méditerranée demande, ainsi, le rejet des prétentions de la CLCV relatives à ces clauses et la confirmation du jugement entrepris de ce chef. Subsidiairement, au cas où il serait fait droit à la demande de suppression présentée par la CLCV, la SA Club Méditerranée sollicite le débouté de la demande d'astreinte formulée à nouveau par l'appelante. Elle invoque l'absence d'urgence et d'éléments justifiant le refus futur du Club Méditerranée d'exécuter les termes de l'arrêt à intervenir ainsi que les impératifs de publication du catalogue du Club Méditerranée, qui empêchent que dans le délai d'un mois visé par CLCV, une édition remaniée de celui-ci soit éditée et mise à la disposition des clients dans les agences, tous les anciens exemplaires des brochures étant préalablement retirés. Enfin la SA Club Méditerranée réclame la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a débouté la CLCV de sa demande de dommages-intérêts, en l'absence d'éléments quant à l'existence et à l'étendue d'un préjudice distinct de celui réparé par l'allocation de frais irrépétibles. L'intimée est, au demeurant, appelante incidente de ce dernier chef. Elle requiert l'infirmation de la décision entreprise en ce qu'elle a alloué 12 000 F à la CLCV sur le fondement de l'article 700 du NCPC et la condamnation de la CLCV à lui payer 3 500 euros de frais irrépétibles en cause d'appel.

Sur quoi

Considérant que le tribunal a, dans le jugement entrepris, ordonné la suppression de 5 clauses abusives des conditions générales de vente de la SA Club Méditerranée, soit les articles 1-2-2 alinéa 2, 3 alinéa 4, 7 alinéa 2, 9 alinéa 2 et 4 et 11 alinéa 2 4e phrase;

Considérant qu'il est vérifié que la SA Club Méditerranée a exécuté cette condamnation depuis la parution du Trident Automne-Hiver 2001/2002, édité le 24 octobre 2001, ce catalogue contenant les conditions générales de vente du Club Méditerranée, et ce, en reformulant l'article 9 alinéa 2 et en supprimant les autres clauses abusives désignées par le tribunal;

Considérant que le moyen tiré de l'acquiescement au jugement, à la suite de cette exécution, est inopérant, la SA Club Méditerranée n'ayant formé aucun appel incident du chef de la condamnation exécutée; qu'il convient simplement de constater que les mesures que le tribunal avait prises pour garantir l'exécution de sa décision, astreinte ou tiré à part, sont devenues sans objet;

Considérant qu'en cause d'appel, la CLCV continue à dénoncer le caractère abusif des articles 8, 4-1 et 11 alinéa 2 des conditions générales de vente de la SA Club Méditerranée, bien que le jugement entrepris ait validé ces articles;

Considérant quant à l'article 8 intitulé "Réclamations" que c'est par des motifs pertinents que la cour adopte, que le tribunal a retenu que le texte critiqué de l'article 8 ainsi libellé:" les réclamations de nature commerciale ou relatives à la qualité des prestations devront être adressées par lettre recommandée avec avis de réception au plus tard 30 jours après la date de la fin du séjour aux: Relations adhérents-Club Méditerranée 11 rue de Cambrai 75019 Paris. Passé ce délai, aucune réclamation ne sera prise en compte", était conforme à la fois à la directive du 13 juin 1990 relative à l'organisation des voyages à forfait et au Décret du 15 juin 1994 pris pour son application;

Que la SA Club Méditerranée a bien l'obligation, pour protéger le consommateur, de préciser dans ses conditions générales de vente, le délai dans lequel ce dernier doit saisir le voyagiste d'une réclamation pour inexécution ou mauvaise exécution du contrat;

Que le délai stipulé de 30 jours est un délai raisonnable qui répond aux prescriptions de la directive, laquelle précise, "le plus tôt possible", ainsi que du Décret qui indique "dans les meilleurs délais";

Que c'est tout aussi justement que le tribunal a estimé que la clause incriminée ne présentait aucune ambiguïté qui aurait pu lui conférer un caractère abusif, aucune confusion n'étant possible entre " une réclamation ", terme employé de surcroît par la directive susvisée, et l'exercice d'un recours judiciaire, toujours ouvert au consommateur après ce délai de 30 jours, "compte tenu des précisions que la clause apporte quant au destinataire des réclamations et quant à son mode de saisine";

Que le consommateur pouvant mesurer la portée de la clause, il suit qu il n'y a aucun déséquilibre significatif entre les obligations du professionnel et celles du client; que la demande de suppression de l'article 8 alinéa 1 et 2 sera rejetée;

Considérant, quant à l'article 11 intitulé " valeurs et bagages", que son alinéa 2 déclare que l'assurance du Club Méditerranée ne remboursera pas le vol des valeurs et bijoux non déposés au coffre principal du village; que cette clause ne crée aucun déséquilibre entre les droits et obligations des parties, dès lors que la SA Club Méditerranée s'engage à recevoir les valeurs et les bijoux dans un coffre;

Que cependant cette clause conforme au droit commun reste sans effet si le client ne l'a pas acceptée ou si l'hôtelier a commis une faute; que les conditions générales de vente de la SA Club Méditerranée font partie intégrante du contrat de vente d'un voyage ou séjour à forfait, de sorte que le client aura nécessairement pris connaissance et accepté la clause litigieuse avant de signer le contrat; qu'en revanche, il conviendra que soit ajouté " sauf faute prouvée du Club Méditerranée ", après "... notre assurance ne vous rembourserait pas" dans la 3e phrase de l'alinéa 2 de l'article 11; qu'à défaut, la clause est abusive;

Considérant quant à l'article 4-1 intitulé " Annulations et modifications du fait de l'adhérent " et précisant que dans tous les cas d'annulation, la SA Club Méditerranée conserve les droits d'inscription, force est de relever que cette clause qui n'est pas abusive dans tous les autres cas, crée un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties, dès lors que l'annulation par l'adhérent est causée par un cas fortuit ou une force majeure;que dans ce cas, la clause procure un avantage excessif à la SA Club Méditerranée en imposant au client les frais du dossier, peu important que ces frais soient modiques et valables pour une année; que le client n'a pas à supporter seul les conséquences de la cessation du contrat lorsque celle-ci découle d'un événement constitutif d'un cas fortuit ou d'une force majeure;

Qu'en conséquence, sans qu'il y ait lieu d'annuler l'article 4-1, il sera enjoint à la SA Club Méditerranée pour faire cesser l'abus, d'ajouter après "dans tous les cas d'annulation ": "sauf cas fortuit ou force majeure...";

Considérant qu'il n'est pas opportun d'ordonner les ajouts aux articles 11 et 4-1 des conditions générales de vente de la SA Club Méditerranée sous astreinte; que d'une part, l'intimée a spontanément déjà exécuté la condamnation prononcée par le jugement entrepris; que d'autre part, les impératifs de publication de son catalogue sont réels et justifiés; que ces modifications devront néanmoins figurer au plus tard dans le Trident Automne-Hiver 2003/2004;

Considérant que la CLCV, association agréée de défense des consommateurs, est recevable, indépendamment de toute action individuelle d'un consommateur, à demander la réparation de tout préjudice direct ou indirect causé à l'intérêt collectif des consommateurs;

Que si l'atteinte à cet intérêt collectif a été partiellement réparée, elle l'a été plus tardivement que le tribunal ne l'avait stipulé; que cette atteinte a, par ailleurs, existé avant la réparation, de multiples contrats comportant les clauses abusives ayant été conclus; qu'elle perdure enfin tant que les modifications qui seront ordonnées par le présent arrêt ne seront pas effectuées; qu'au surplus, c'est avec raison que la CLCV affirme que les frais financiers qu'elle supporte pour assurer la défense des consommateurs et relancer leur action auprès des juridictions ne se confondent pas avec les débours indemnisés par l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; qu'il convient ainsi d'infirmer le jugement entrepris de ce chef et de condamner la SA Club Méditerranée à payer à la CLCV à titre de dommages-intérêts la somme non excessive, eu égard à la notoriété de la SA Club Méditerranée, de 7 622 euros;

Considérant qu'il est équitable d'allouer également à la CLCV 1 525 euros supplémentaires en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile en cause d'appel.

Par ces motifs, Statuant contradictoirement, Constate que les garanties d'exécution de la suppression des clauses abusives, contenues dans les conditions générales de vente de la SA Club Méditerranée aux articles 1-2-2 alinéa 2, 3 alinéa 4, 7 alinéa 2, 9 alinéa 2 et 4 et 11 alinéa 2 (quatrième phrase), ordonnées par le jugement entrepris sont devenues sans objet, Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation des articles 8, 4, 1 et 11 alinéa 2 des conditions générales de vente de la SA Club Méditerranée et alloué à l'Association consommation logement cadre de vie "CLCV" 12 000 F pour ses frais irrépétibles, Y ajoutant, Ordonne à la SA Club Méditerranée de modifier au plus tard, dans le catalogue Trident Automne-Hiver 2003/2004, l'article 11 alinéa 2 des conditions générales de vente en ajoutant "sauf faute prouvée du Club Méditerranée" après "... notre assurance ne vous rembourserait pas" ainsi que l'article 4-1 des mêmes conditions, en ajoutant après "... dans tous les cas d'annulation" " sauf cas fortuit ou force majeure", Dit qu'à défaut de ces modification, l'article 11 alinéa 2 et l'article 4-1 des conditions générales de vente sont des clauses abusives susceptibles d'annulation, Réformant, Condamne la SA Club Méditerranée à payer à l'Association consommation, logement cadre de vie "CLCV" la somme de 7 622 euros à titre de dommages-intérêts, Condamne la SA Club Méditerranée à payer à la CLCV 1 525 euros supplémentaires en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile en cause d'appel, Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires, Condamne la SA Club Méditerranée aux entiers dépens, Admet Maître Bodin-Casalis, avoué, au bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.